Casse-noix à ressort.

Je peux défendre ardem­ment que la Sécu­ri­té sociale est la plus grande inven­tion, devant la roue et l’eau tiède, et à peine der­rière le casse-noix à res­sort (on en a même fait un bou­quin, avec l’a­mi Alf – sur la Sécu, pas le casse-noix à res­sort).

Mais la Sécu est un fro­mage com­mun, dis­pu­té par un cer­tain nombre de pré­da­teurs et gri­gno­té par tout un tas de ver­mis­seaux.
Une péti­tion a été mon­tée. Je ne sais pas si c’est de la pen­sée magique de la signer, mais en tout cas, c’est MA pen­sée magique, j’as­sume.
Alors que le gou­ver­ne­ment sou­haite, avec le pro­jet de loi 2021 de finan­ce­ment de la Sécu­ri­té Sociale, effec­tuer un nou­veau tour de vis aus­té­ri­taire, comme le for­fait urgence de 18 euros, et s’appuyer sur la COVID pour des réformes struc­tu­relles contraires à l’ambition de soli­da­ri­té de la Sécu­ri­té Sociale, nous lan­çons un appel pour défendre et recon­qué­rir la Sécu­ri­té Sociale, notre bien com­mun, et ouvrir le chan­tier de son exten­sion pour un nou­veau pro­grès de socié­té. Ce n’est ni aux sala­riés ni aux retrai­tés de payer la crise !
Réunis à Saint-Étienne, à l’occasion du 75ème anni­ver­saire de l’ordonnance du 4 octobre 1945 créant la Sécu­ri­té Sociale, nous appe­lons à créer les condi­tions d’une large mobi­li­sa­tion, d’actions d’éducation popu­laire, de gestes sym­bo­liques, comme nom­mer des rues Ambroise Croi­zat, des débats, et des temps forts com­muns.
Nous devons créer le rap­port de force néces­saire pour que le finan­ce­ment de la Sécu­ri­té Sociale réponde aux besoins de la popu­la­tion au lieu de viser à réa­li­ser de nou­velles éco­no­mies.
La Sécu­ri­té Sociale, conçue par le Conseil Natio­nal de la Résis­tance, a été mise en place sous la res­pon­sa­bi­li­té du ministre com­mu­niste du tra­vail, Ambroise Croi­zat avec un but : pro­té­ger « les tra­vailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature sus­cep­tibles de réduire ou de sup­pri­mer leur capa­ci­té de gain, à cou­vrir les charges de mater­ni­té et les charges de famille qu’ils sup­portent ».
Ses prin­cipes sont d’une moder­ni­té sai­sis­sante : uni­ci­té (ins­ti­tu­tion unique et obli­ga­toire), uni­ver­sa­li­té (cou­vrir tous les citoyens), soli­da­ri­té et démo­cra­tie.
Son finan­ce­ment repose sur les coti­sa­tions sociales, part pré­le­vée sur les richesses pro­duites hors de toute sphère mar­chande. Mutua­li­sées pour répondre aux besoins sociaux, elles donnent corps à un double prin­cipe de soli­da­ri­té : « je cotise selon mes moyens et reçois selon mes besoins » ; pas de lien entre celui qui paie et celui qui reçoit, contrai­re­ment au sys­tème assu­ran­tiel. C’est le prin­cipe de la soli­da­ri­té intra et inter­gé­né­ra­tion­nelle.
Ins­ti­tuer un droit uni­ver­sel à la pro­tec­tion sociale fait socié­té ! Ces sommes, supé­rieures au bud­get de l’État, échappent aux mar­chés finan­ciers.
A cause de cela le patro­nat et de nom­breux gou­ver­ne­ments n’ont eu de cesse de res­treindre le rôle de la Sécu­ri­té sociale et d’en prendre le contrôle. Dès 1967, par ordon­nance est créée la divi­sion en branches dis­tinctes et la sup­pres­sion de l’é­lec­tion des admi­nis­tra­teurs, prin­cipe fon­da­men­tal de démo­cra­tie. L’ins­tau­ra­tion du pari­ta­risme patro­nat-sala­riés ouvre la porte aux régres­sions suc­ces­sives. Le plan Jup­pé de 1995, fai­sant voter par le par­le­ment la LFSS et limi­tant les dépenses publiques de san­té par l’Objectif natio­nal des dépenses d’assurance mala­die (ONDAM) modi­fie pro­fon­dé­ment la ges­tion de la Sécu­ri­té Sociale, en trans­fé­rant à l’E­tat le pou­voir de déci­sion.
La mise en cause de la Sécu­ri­té Sociale conti­nue avec le gou­ver­ne­ment actuel dans un but : la trans­for­mer en un simple filet de sécu­ri­té pour les plus pauvres, frac­tu­rant la socié­té et don­nant le champ libre à l’assurance com­plé­men­taire pri­vée pour celles et ceux qui en ont les moyens, à la capi­ta­li­sa­tion, ali­men­tant les mar­chés finan­ciers.
C’est l’objectif de la réforme des retraites que le gou­ver­ne­ment pré­voit de remettre sur le tapis et de l’imbrication de plus en plus étroite des bud­gets de l’État et de la Sécu­ri­té Sociale
Les tours de passe-passe finan­ciers et de gou­ver­nance pour la mise en place d’une cin­quième branche cou­vrant la perte d’autonomie confirment cette volon­té de por­ter atteintes aux prin­cipes soli­daires de la Sécu­ri­té Sociale.
La déci­sion de lais­ser à la charge de la Sécu­ri­té Sociale 136 mil­liards de dettes de cette année et de celles à venir pour la Sécu (tech­ni­que­ment, par son trans­fert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES-) tra­duit la volon­té de main­te­nir la pres­sion sur le défi­cit pour conti­nuer les poli­tiques aus­té­ri­taires. Est-ce à la Sécu de sup­por­ter cette dette liée à la COVID et aux déci­sions de l’Etat ? Ne devrait-elle pas être au moins l’occasion d’être finan­cée à taux zéro, voir néga­tif comme pour les emprunts d’Etat ?
Face à cette volon­té de détruire les ins­ti­tu­tions de soli­da­ri­té de 1945 (Sécu­ri­té sociale, droits poli­tiques et sociaux, ser­vices publics) nous devons trou­ver les res­sorts d’une nou­velle dyna­mique conver­gente. Nous devons aus­si faire pro­gres­ser notre socié­té à tra­vers le déve­lop­pe­ment de la Sécu­ri­té Sociale. Des pro­po­si­tions existent que nous sou­hai­tons mettre en débat :
• Le « 100 % sécu » pour la mala­die en lien avec le refus des dépas­se­ments d’honoraires et l’exigence d’un pôle public du médi­ca­ment au moment où des labo­ra­toires s’enrichissent sur le dos de la Sécu.
Le néces­saire déve­lop­pe­ment de la pré­ven­tion sup­pose par ailleurs d’autres poli­tiques publiques de l’alimentation, du loge­ment et de l’environnement.
- Les retraites doivent res­ter un reve­nu socia­li­sé issu du tra­vail avec un régime à pres­ta­tions défi­nies basé sur la répar­ti­tion soli­daire et sur un ensemble de garan­ties col­lec­tives de haut niveau.
- Un droit uni­ver­sel à la prise en compte de la perte d’autonomie doit être ins­ti­tué avec une prise en charge à 100 % par la soli­da­ri­té natio­nale dans le cadre de la Sécu­ri­té sociale d’une part et du ser­vice public d’autre part. Nous refu­sons la logique indi­vi­duelle qui conduit au recours aux assu­rances pri­vées.
- Comme pour la mala­die ou les retraites, pour les familles (enfants, loge­ment) ou les acci­dents du tra­vail et mala­dies pro­fes­sion­nelles, l’ambition ori­gi­nelle d’assurer le bien-être de tous de la nais­sance à la mort doit être déve­lop­pée.
- Ce bien com­mun de la popu­la­tion doit être géré démo­cra­ti­que­ment. Pour cela ne faut-il pas que l’élection des admi­nis­tra­teurs de la Sécu­ri­té Sociale rede­vienne la règle ?
Cela doit être asso­cié à une nou­velle démo­cra­tie sani­taire et sociale asso­ciant usa­gers, élus et repré­sen­tants des sala­riés dans toutes les ins­tances déci­sion­nelles et à tous les niveaux : la popu­la­tion doit avoir son mot à dire sur la défi­ni­tion des droits et des besoins et des choix à faire.
- Indis­so­cia­ble­ment, ne faut-il pas que la péren­ni­té de ses res­sources soit garan­tie et donc sor­tie des jeux bud­gé­taires conjonc­tu­rels en les fai­sant repo­ser de façon pré­pon­dé­rante sur les coti­sa­tions ? Les libé­raux veulent faire croire que les coti­sa­tions sociales seraient des « charges », alors que les dépenses pour les tra­vailleurs, pour le finan­ce­ment de la Sécu­ri­té Sociale per­mettent la créa­tion de richesses. Nous appe­lons à rebours à mettre en cause le coût du capi­tal. Ce coût explose avec la dis­tri­bu­tion de géné­reux divi­dendes aux action­naires.
Nous met­tons aus­si en débat de nou­veaux finan­ce­ments de la Sécu­ri­té Sociale. Ne fau­drait-il pas :
- remettre en cause les exo­né­ra­tions et exemp­tions de coti­sa­tions, actuel­le­ment autour de 60 mil­liards d’eu­ros par an qui n’ont pas fait la preuve de leurs effets sur l’emploi et en atten­dant réta­blir la com­pen­sa­tion par l’E­tat des pertes de recettes qu’elles entraînent ?
- appor­ter des recettes nou­velles en sup­pri­mant les pla­fonds de coti­sa­tions, en sou­met­tant à coti­sa­tions des reve­nus comme l’in­té­res­se­ment, les stocks options, les primes de départ des diri­geants d’en­tre­prises, les reve­nus finan­ciers des entre­prises, en péna­li­sant les entre­prises qui dimi­nuent l’emploi, les salaires, ne res­pectent pas l’égalité entre les femmes et les hommes ou l’environnement ?
- aug­men­ter aus­si mas­si­ve­ment les ren­trées de coti­sa­tions sociales par la créa­tion d’emplois, l’augmentation des salaires, l’application réelle de l’égalité sala­riale entre les femmes et les hommes, la lutte contre la souf­france au tra­vail, et contre la fraude sociale, essen­tiel­le­ment patro­nale ?
La Sécu­ri­té Sociale est notre bien com­mun.
Ni régres­sion des droits, ni ouver­ture aux finan­ce­ments pri­vés !
Au XXIème siècle, ce sont des droits nou­veaux qui sont néces­saires pour la sécu­ri­té des femmes et des hommes et pour l’émancipation humaine.

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