Dis­cu­tant avec Jean, un de mes bons amis, de res­sources sur le vali­disme (j’en ai par­lé régu­liè­re­ment – pas assez ! – dans mes pages, comme ici), je me per­mets de ré-exhu­mer quelques docu­ments, dont un cer­tain nombre de sonores.

Je mets en bleu les res­sources qu’on m’a refi­lées ensuite, et que je n’ai pas encore com­pul­sées.

Atten­tion : j’es­saie de tou­jours uti­li­ser « per­sonne en situa­tion de han­di­cap », et non « handicapé·e », pour rap­pe­ler le carac­tère social et poli­tique du han­di­cap. Si le terme handicapé·e appa­rait ci-des­sous, ce n’est pas de ma plume.

Ouvrages et brochures

Je com­mence par quelques ouvrages qui m’ont for­te­ment mar­qués.

Zig Blan­quer, pour qui j’ai un immense res­pect, qui a pro­duit les pre­mières bro­chures fran­co­phones sur le sujet, a com­pi­lé récem­ment Nos exis­tences han­dies, chez Mons­tro­graph (07/01/2022)
Sau­no­ra Tay­lor a fait édi­ter le trou­blant Braves bêtes aux édi­tions du Por­trait en 2019 (j’ai fait avec Tim Gal­len une recen­sion des­sus qui dort dans un tiroir)

De chair et de fer, Vivre et lut­ter dans une socié­té vali­diste, de Char­lotte Pui­seux (La décou­verte, 2022)

Les bro­chures anti-vali­distes de Har­riet de Gouges (je les ai toutes lues, com­man­dées ici https://www.harrietdegouge.fr/post/722180767599427584/des-brochures)
Les élé­ments de cam­pagne des Déva­li­deuses.
Han­di­cap à vendre, de Thi­bault Petit, Les Arènes (2022)

Pour les aidant·es, Anna­belle Lion recom­mande « Manuel à l’intention des parents ayant un enfant pré­sen­tant de l’autisme »

Pred­ferl m’in­dique la bro­chure « I Am Not Bro­ken : Anar­cho-Nihi­list Sur­vi­val & Disa­bi­li­ty Against Indus­trial Socie­ty » (ici).

Syl­vain Das­sous me recom­mande les tra­vaux de Patrick Fou­gey­rol­las avec le RIPPH, et quelques anthro­po­logues fran­çais comme Charles Gar­dou, Hen­ri-Jacques Sti­ker, Ravaud (mais je n’ai pas le détail encore).

Un gen­til inter­naute dont j’ai per­du le nom m’a recom­man­dé la série Spe­cial de Ryan O’Connell (sur Net­flix).

Une autre m’a indi­qué Han­di-gang de Cara Zina (2017), aux édi­tions Liber­ta­lia.

Documentaires & films

Je ne connais pas beau­coup de films qui ne se servent pas de la per­sonne en situa­tion de han­di­cap comme nau­séeuse leçon de vie pour valide, comme Rain Man, For­rest Gump, Hors normes ou Intou­chable.

Me viennent Bir­dy, d’A­lan Par­ker, Vol au-des­sus d’un nid de cou­cous, de Miloš For­man, Ele­phant Man de David Lynch ou Le hui­tième jour de Jaco van Dor­mael, mais je les ai vus il y a trop long­temps et je ne sais pas si ça repré­sente une cri­tique du capa­ci­tisme.

Me vient sur­tout Miracle en Ala­ba­ma (The Miracle Wor­ker) d’Ar­thur Penn (1962) sur l’ex­tra­or­di­naire Helen Kel­ler. Et j’en pro­fite pour vous rap­pe­ler cette superbe BD

 

Quant au docu­men­taire qui m’a le plus scot­ché, il s’a­git sans conteste de Crip Camp : la révo­lu­tion des éclo­pés de Nicole Newn­ham et Jim LeBrecht, dis­po­nible depuis peu sur Net­flix.

On m’a éga­le­ment par­lé de Defiant Lives, de Sarah Bar­ton mais je ne l’ai pas vu.

Mon amie Anna­belle Lion m’a éga­le­ment envoyé la série Un mètre 20, de María Belén Pon­cio et Rosa­rio Per­azo­lo Mas­joan (2021) dif­fu­sée en ce moment sur Arte.

Et elle me parle de Yo, Tam­bién  un film réa­li­sé par Álva­ro Pas­tor et Anto­nio Nahar­ro, avec Pablo Pine­da, grand mili­tant espa­gnol por­teur de tri­so­mie 21.

 

Audios & podcasts

Handicap : la hiérarchie des vies

Ques­tion audio, je com­mence par cette série de France Culture d’il y a deux ans, inti­tu­lé « Han­di­cap : la hié­rar­chie des vies », de Clé­mence Alle­zard et réa­li­sé par Assia Kha­lid, qui livre un cer­tain nombre des réfé­rences cultu­relles et biblio­gra­phiques que j’aimerais bien ne pas voir tom­ber dans l’oubli des pages web.

Il y a des trans­crip­tions dis­po­nibles pour chaque épi­sode, effec­tuées béné­vo­le­ment et col­lec­ti­ve­ment par Char­lie, audi­trice enga­gée pour que les conte­nus radio­pho­niques soient acces­sibles à tou·te·s, Mathilde, une audi­trice sou­cieuse, et Clé­mence Alle­zard, la pro­duc­trice de la série.

#1 Quand la poli­tique empêche

Qu’est-ce qu’une vie empê­chée ? Empê­ché d’exercer les droits civiques les plus basiques, d’étudier, de se dépla­cer, de choi­sir ses lieux de vie, de socia­bi­li­tés. Ces vies struc­tu­rel­le­ment contraintes nous racontent une orga­ni­sa­tion sociale vali­diste.

Comme pour les dis­cri­mi­na­tions sur la base du genre, de la race, de l’orientation sexuelle, les dis­cri­mi­na­tions sur la base du han­di­cap sont for­te­ment natu­ra­li­sées. La domi­na­tion va de soi, puisque les êtres sont natu­rel­le­ment, bio­lo­gi­que­ment infé­rieurs. Or, cette domi­na­tion, aus­si, est socia­le­ment construite. Pro­fes­seur d’espagnol et membre du CLHEE, Ele­na Cha­mor­ro explique :

“Je me dis une per­sonne han­di­ca­pée, mais j’en­tends han­di­ca­per dans le sens pas­sif du terme, c’est-à-dire que je me consi­dère han­di­ca­pée puisque la socié­té m’handicape“.

L’avocate Eli­sa Rojas, éga­le­ment membre du CHLEE en fait la même ana­lyse : “Le fait que je sois une per­sonne han­di­ca­pée a par­ti­ci­pé à ma construc­tion et ça fait par­tie de mon expé­rience et de mon iden­ti­té, mais ce n’est pas le seul élé­ment consti­tu­tif de mon iden­ti­té même si, ça ne me dérange pas de dire que je suis une per­sonne han­di­ca­pée. Il n’empêche que le han­di­cap est une construc­tion sociale née de la volon­té d’un groupe social d’ex­clure un autre groupe social qui n’est pas consi­dé­ré comme étant conforme à la norme défi­nie par ceux qui ont le pou­voir de la défi­nir.”

Un père a accroché des banderoles sur une grue pour sensibiliser aux problèmes administratifs de son fils, atteint d'une maladie mentale. ©AFP - Fred SCHEIBER

Un père a accro­ché des ban­de­roles sur une grue pour sen­si­bi­li­ser aux pro­blèmes admi­nis­tra­tifs de son fils, atteint d’une mala­die men­tale. ©AFP – Fred SCHEIBER

Qu’est-ce qu’être han­di­ca­pé ? Qu’est-ce qui fabrique, socia­le­ment, du han­di­cap ? “Han­di­cap” c’est une réa­li­té médi­cale mais c’est aus­si une réa­li­té admi­nis­tra­tive, des par­cours fas­ti­dieux, extrê­me­ment médi­ca­li­sés, des demandes d’aide exa­mi­nées avec sus­pi­cion.

C’est une réa­li­té sociale, des per­sonnes iso­lées, exclues du champ social comme de celui du dési­rable, des corps, des exis­tences ren­dues vul­né­rables par l’indifférence poli­tique, l’isolement, le manque d’infrastructures, de moyens…

Être han­di­ca­pé, c’est une réa­li­té éco­no­mique, une pré­ca­ri­té et une dépen­dance orga­ni­sées, qu’elle soit une consé­quence de la conju­ga­li­sa­tion des aides ou des condi­tions de tra­vail dans les éta­blis­se­ments spé­cia­li­sés (ESAT), être han­di­ca­pé, c’est ne pas avoir de place dans le sys­tème capi­ta­liste à cause de corps jugés impro­duc­tifs, inca­pables d’être per­for­mants, auto­nomes. C’est une place dans un sys­tème de domi­na­tions.

La notion de “vali­disme” a été intro­duite en 2004 par Zig Blan­quer avec une bro­chure “la culture du valide (occi­den­tal)”. Ce concept, ou cet outil concep­tuel, per­met de révé­ler et d’analyser les rap­ports sociaux de pou­voir par le prisme du han­di­cap. Pen­ser l’oppression subie par les per­sonnes ne cor­res­pon­dant pas à la norme d’un corps “sain”, “bien por­tant”, “valide”, une norme éri­gée par la pen­sée médi­cale. La psy­cho­logue Char­lotte Pui­sieux l’évoque ain­si :

“C’est une expé­rience col­lec­tive de domi­na­tion, c’est-à-dire que c’est le fruit de poli­tiques pen­sées par et pour les valides qui orga­nisent le monde pour elle. Le vali­disme, ça nous empêche d’al­ler à l’é­cole, de tra­vailler, d’a­voir une vie sociale, amou­reuse… il fau­drait prendre votre vie quo­ti­dienne et vous ima­gi­nez d’être empê­ché dans tout.”

Liens

Lien vers la trans­crip­tion de l’é­pi­sode 1 – « Quand la poli­tique empêche »

#2 Des ins­ti­tu­tions enfer­mantes

La France est condam­née en 2021 par l’ONU pour sa poli­tique de pla­ce­ment en ins­ti­tu­tion des per­sonnes han­di­ca­pées, qua­li­fiée de “lieux de pri­va­tion de liber­té”. Ren­contres hors les murs et dans une cli­nique psy­chia­trique qui se pro­pose de les faire tom­ber.

En 2016 et 2017, la rap­por­teuse de l’ONU, Cata­li­na Devan­das-Agui­lar, visite la France en vue de véri­fier que sa poli­tique res­pecte ses enga­ge­ments inter­na­tio­naux en matière de droits des per­sonnes han­di­ca­pées. Dans son rap­port final publié en 2017, elle dénonce la loi de 2005 comme non-conforme à la Conven­tion de l’ONU rela­tive aux droits des per­sonnes han­di­ca­pées et demande à ce qu’elle soit revue dans son inté­gra­li­té. Par­mi les élé­ments poin­tés du doigt, le fait que la France pré­fère pré­co­ni­ser une amé­lio­ra­tion de ces ins­ti­tu­tions plu­tôt que leur fer­me­ture défi­ni­tive. Elle rap­pelle que ces ins­ti­tu­tions, en vue des conven­tions inter­na­tio­nales, sont des lieux de pri­va­tion de liber­té, qu’elles isolent et ségrèguent les per­sonnes, les privent de la pos­si­bi­li­té de déci­der par elles-mêmes dans la vie de tous les jours ; les empêchent de choi­sir les per­sonnes avec qui elles vivent, ou encore, imposent un emploi du temps et des habi­tudes.

©Get­ty – Dan Porges

Les témoi­gnages des per­sonnes han­di­ca­pées sur ces ins­ti­tu­tions sont édi­fiants, ain­si, Eugé­nie se rap­pelle : “Mes der­nières hos­pi­ta­li­sa­tions, tout le monde était mélan­gés et il n’y avait pas d’ac­ti­vi­té, on était tous dans une pièce entas­sés avec un petit jar­din et il ne se pas­sait rien de la jour­née, on ne fai­sait que fumer, rumi­ner et cache­ton­ner sans par­ler”; Zig Blan­quer évoque lui “l’enfer” pour les qua­li­fier ; Eli­sa Rojas parle “d’expérience d’hu­mi­lia­tion, d’a­bus de toute sorte, il n’y avait pas d’autre choix que d’en sor­tir”; et Cy Jung explique, tou­jours être dans la crainte de ces ins­ti­tu­tions :

“Je vis dans la peur de l’in­car­cé­ra­tion. Je suis une femme, je suis han­di­ca­pée depuis que je suis toute petite, j’a­vais ma place qui était réser­vée dans une ins­ti­tu­tion. J’ai 58 ans et 50 ans après, j’ai tou­jours peur, peur de l’État, peur de l’in­car­cé­ra­tion, peur que l’on m’empêche”.

Nous don­nons la parole à des per­sonnes qui ont fait l’expérience de ces ins­ti­tu­tions spé­cia­li­sées : IME, foyer de vie. Et nous nous inter­ro­geons aus­si : Peut-on “soi­gner l’institution” ? C’est en tout cas la pro­po­si­tion de la psy­cho­thé­ra­pie ins­ti­tu­tion­nelle, qui depuis les années 50, sous l’égide des psy­chiatres Jean Oury, Fran­çois Tos­quelles, entre autres, et mal­gré des normes d’hygiène de plus en plus contrai­gnantes aujourd’hui, dénonce l’enfermement dans les struc­tures de soin, la “patho­lo­gie asi­laire”, et tente de soi­gner sans les murs, en repen­sant conti­nuel­le­ment les asy­mé­tries de pou­voir entre soi­gnés et soi­gnants.

Nous nous ren­dons à la cli­nique de Chailles, la Ches­naie, héri­tière de ce mou­ve­ment où les his­toires racon­tées par les pen­sion­naires sont bien dif­fé­rentes : “A la Ches­naie, on ne nous mène pas d’un point à point A, à un point B, ici, on est acteur de ce qui se passe » ; “J’aime bien être prise en charge à la cli­nique. Quand j’ar­rive ici, je me sens en sécu­ri­té.” ; “Ce que j’ai appris ici et ce que je trouve for­mi­dable, c’est que la parole d’un patient, d’un pen­sion­naire vaut la parole d’un soi­gnant. On est vrai­ment sur le même ter­rain d’é­ga­li­té.” ; “Ici, ce n’est pas que la mala­die, mais aus­si la vie à côté. Il y a plein de vie ici”.

Avec :

  • Zig Blan­quer, auteur de Nos exis­tences han­dies,
  • Camille, psy­chia­tri­sée et mili­tante antip­sy,
  • Eli­sa Rojas, avo­cate, membre du CLHEE (Col­lec­tif Lutte et Han­di­caps pour l’E­ga­li­té et l’E­man­ci­pa­tion),
  • Antoine Capet, cofon­da­teur de Brut­pop, ancienne édu­ca­teur spé­cia­li­sé,
  • Mou­loud Mas­si & leurs cama­rades de l’IME Robert Dois­neau,
  • Cy Jung, écri­vaine,
  • Chris­tine, Eugé­nie, Læti­tia & Marie-Hélène, pen­sion­naires de la cli­nique de Chailles la Ches­naie, Jean Gaillot et Gwen­vael Loa­rer, moni­teurs à la Ches­naie.
  • Avec les comé­dien-ne‑s Sarah Wehbe et de Marc Col­mar.

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#3 Lut­ter ensemble contre le vali­disme

En France, la notion de vali­disme est intro­duite en 2004 par Zig Blan­quer. Sa bro­chure “la culture du valide (occi­den­tal)” cir­cule dans une rela­tive confi­den­tia­li­té au cours des années 2000, prin­ci­pa­le­ment dans les milieux queer, anar­chistes, ou ini­tiés. Depuis, les réseaux sociaux ont chan­gé la donne. De nom­breux comptes mili­tants ont fleu­ri, et y cir­culent abon­dam­ment res­sources, témoi­gnages, et luttes anti­va­li­distes, per­met­tant conscien­ti­sa­tion et poli­ti­sa­tion, mais aus­si, de conju­rer l’invisibilité et les “oublis” his­to­rio­gra­phiques.

Des col­lec­tifs anti­va­li­distes ont ain­si vu le jour en France depuis 2016 par­mi les­quels on peut citer le CLHEE (Col­lec­tif Lutte et Han­di­caps pour l’Egalité et l’Emancipation), le Col­lec­tif pour la Liber­té d’Expression des Autistes (CLE Autistes), Les Déva­li­deuses, le col­lec­tif han­di­fé­mi­niste l’association Han­di­so­cial ou encore des col­lec­tifs nés à l’occasion de la mobi­li­sa­tion pour décon­ju­ga­li­ser l’AAH comme Objec­tif Auto­no­mie et Le prix de l’amour.

Des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap par­ti­cipent, le 18 octobre 2003 à Paris, à la pre­mière Défi­pa­rade. ©AFP – JOEL ROBINE

Cécile Morin, pro­fes­seure d’histoire-géo, membre du CLHEE explique : “On est pré­sen­tée comme d’é­ter­nels objets de soins, de pro­tec­tion, cer­tai­ne­ment pas comme des sujets capables de lut­ter contre notre domi­na­tion qui résul­te­rait d’une fata­li­té bio­lo­gique. L’en­jeu, est de lut­ter contre l’in­té­rio­ri­sa­tion que peuvent avoir les per­sonnes han­di­ca­pées d’elles-mêmes. Il faut com­prendre que cette domi­na­tion est his­to­ri­que­ment et socia­le­ment construite, qu’elle est le pro­duit de rap­ports de force et pas d’une condi­tion bio­lo­gique. Il faut abso­lu­ment que l’on arrive à déna­tu­ra­li­ser cette domi­na­tion et c’est ce qu’on fait sous la ban­nière de l’an­ti­va­li­disme, parce que cette notion est por­teuse d’un fort poten­tiel éman­ci­pa­teur”.

Récem­ment, des voix se sont éle­vées contre des vio­lences poli­cières ayant visés des hommes han­di­ca­pés raci­sés. Des hommes au com­por­te­ment étrange (sou­vent autiste ou en crise), jugés alors dan­ge­reux du fait à la fois de leur car­na­tion et de leur agi­ta­tion. Des articles sont parus, ont don­né des noms : “Eliott”, SaÏd M’Hadi, Baba­car Gueye… Nous ten­tons d’historiciser ces morts sus­pectes, “ces vies sacri­fiables” selon le col­lec­tif Cases rebelles qui a fait un tra­vail de recen­se­ment de ces vio­lences.

Michaë­la Dan­jé, cofon­da­trice du col­lec­tif, raconte les his­toires de “cette popu­la­tion qui ne compte pas” comme celle de Serge Par­touche mort à Mar­seille :

La per­sonne qui a pré­ve­nu la police a bien dit qu’il était autiste, ça a été conver­ti en ‘han­di­ca­pé men­tal’ sur la fiche de poste, puis a été tra­duit par ‘indi­vi­du dan­ge­reux’ par l’o­pé­ra­teur s’a­dres­sant aux poli­ciers et Serge Par­touche en est mort. Il y a tout un voca­bu­laire, une fabrique de mots pour jus­ti­fier un ensemble d’é­vé­ne­ments, comme par exemple le terme ‘for­ce­né’ qui per­met de ne pas avoir à jus­ti­fier qu’il y a une per­sonne qui a été abat­tue”.

Avec :

  • Eli­sa­beth Auer­ba­cher, cofon­da­trice du Comi­té de Lutte Han­di­ca­pés en mai 1973,
  • Odile Mau­rin, pré­si­dente de l’association tou­lou­saine Han­di social,
  • Cécile Morin, pro­fes­seure d’histoire-géo, membre du CLHEE,
  • Gil­das Bré­gain, his­to­rien du han­di­cap, Riz­zo Boring, des­si­na­trice, acti­viste,
  • Char­lotte Pui­seux, psy­cho­logue, autrice de De chair et de fer, vivre dans une socié­té vali­diste.
  • Camille, psy­chia­tri­sée et mili­tante antip­sy,
  • Michaë­la Dan­jé et Xonan­ji, cofon­da­trice du col­lec­tif Cases rebelles.
  • Avec les comé­dien-ne‑s Sarah Wehbe et de Marc Col­mar.

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#4  Quelle place pour les han­dis dans les fic­tions ?

Freaks, monstres exhi­bés, ou laids et super-méchants, ou encore héroïques car sim­ple­ment ils existent. Can­ton­nés à un huma­nisme apo­li­tique et lar­moyant. Les repré­sen­ta­tions domi­nantes des per­sonnes han­di­ca­pées par­ti­cipent éga­le­ment de leur exclu­sion. De quels régimes d’images ou de repré­sen­ta­tions des per­sonnes han­di­ca­pées hérite-t-on ? Freaks, monstres exhi­bés, ou affreux, laid, super-méchant, chez Kubrick par exemple…

Le réalisateur Tod Browning pose avec les acteurs de son film "Freaks" (1932). ©Getty - Bettmann

Le réa­li­sa­teur Tod Brow­ning pose avec les acteurs de son film « Freaks » (1932). ©Get­ty – Bett­mann

La mili­tante han­di­ca­pée aus­tra­lienne Stel­la Young, appelle “l’inspiration porn”, la por­no­gra­phie de l’inspiration. Une mise en scène voyeu­riste des­ti­née à ins­pi­rer et ras­su­rer les valides.

Le théo­ri­cien de la danse alle­mand Kai Van Eikels, éga­le­ment han­di­ca­pé, parle lui d’affect bour­geois de la com­pas­sion.

L’anthropologue espa­gnole Mela­nia Mos­co­so insiste sur l’idéologie néo­li­bé­rale qui sous-tend ces récits domi­nants, elle écrit :

“Le super héros infirme, dont les défi­ciences phy­siques sont exhi­bées avec une obs­cé­ni­té didac­tique, est la preuve fal­la­cieuse que les seules limi­ta­tions valides sont celles que l’on ren­contre en son for inté­rieur. Il n’y a plus d’handicapés, d’infirmes et de para­ly­sés, il n’y a plus non plus d’opprimés, ni d’injustice. Il n’y a que des per­dants, des fai­néants et des vaga­bonds.”

No Anger, cher­cheuse et per­for­meuse ana­lyse : “Je pense qu’un des méca­nismes de domi­na­tion consiste à enfer­mer les corps domi­nés dans des nar­ra­tions qui les réduisent au final à un seul aspect fan­tas­mé. Il y a un pas­sage dans une chan­son d’Anne Syl­vestre, ‘Une sor­cière comme les autres’, qui illustre bien cette idée : ‘Je vous prie ne m’in­ven­tez pas, vous l’a­vez tant fait déjà’. C’est le regard du domi­nant qui crée et impose une nar­ra­tion que les corps domi­nés subissent”. Quant à Eli­sa Rojas, avo­cate, membre du CLHEE, elle explique : “Si on a des repré­sen­ta­tions aus­si hors-sols et aus­si décon­nec­tées de la réa­li­té, notam­ment sociale des per­sonnes han­di­ca­pées, c’est parce qu’elles sont pro­duites par des per­sonnes qui ne sont à la fois pas concer­nées et qui n’ont pas de réflexions cri­tiques sur ces repré­sen­ta­tions.” avant d’ajouter : “La fonc­tion sociale des per­sonnes han­di­ca­pées, c’est de ras­su­rer les per­sonnes valides.”

Qui a la main sur la mise en scène, la cho­ré­gra­phie, la nar­ra­tion des corps, des réa­li­tés, des expé­riences, han­di­ca­pées ?

Sans doute le ton change-t-il radi­ca­le­ment, quand les subal­ternes peuvent par­ler. Comme au théâtre de Mor­laix où la troupe Cata­lyse col­la­bore depuis une tren­taine d’an­nées avec des tra­vailleurs han­di­ca­pés men­taux de l’E­sat (Éta­blis­se­ment et ser­vice d’aide par le tra­vail) que nous avons sui­vis lors de répé­ti­tions et qui témoignent de leur pas­sion pour le théâtre.

Une troupe avec à sa tête Made­leine Louarn, ancienne édu­ca­trice spé­cia­li­sée, qui consta­tant que rare­ment les han­di­ca­pés par­laient pour eux, a eu cette volon­té de créer un théâtre afin de leur don­ner la parole : “ Le der­nier spec­tacle, la moi­tié des textes, c’est eux qui les ont écrits. Évi­dem­ment, il y a du sou­tien puisque cer­tains ne savent pas lire et écrire, on trouve alors d’autres biais pour que ça puisse se faire. Mais ça reste leur parole. Ça reste eux. Ça reste la façon dont leur rire, leur vision se construit“.

Par ailleurs, elle explique : “J’ai sou­vent pen­sé que les limites qu’on voyait sur un pla­teau ou que l’on défi­nis­sait du han­di­cap étaient sur­tout les nôtres. Notre inca­pa­ci­té à com­prendre à savoir par où ça passe et nos éner­ve­ments, nos conven­tions, mais toutes tout tra­vail artis­tique a for­cé­ment une néces­si­té de dépla­ce­ment“.

Avec :

  • Chris­telle Podeur, Tris­tan Can­tin, Syl­vain Robic, Emi­lio Le Tareau et Jean-Claude Pou­li­quen inter­prètes de l’Atelier Cata­lyse,
  • Made­leine Louarn, met­teuse en scène,
  • No Anger , cher­cheuse et per­for­meuse,
  • Cy Jung , écri­vaine,
  • Ele­na Cha­mor­ro , pro­fes­seure d’espagnole, et membre du CLHEE (Col­lec­tif Lutte et Han­di­caps pour l’E­ga­li­té et l’E­man­ci­pa­tion),
  • Char­lotte Pui­seux , psy­cho­logue, autrice de De chair et de fer, vivre dans une socié­té vali­diste .
  • Zig Blan­quer , auteur de Nos exis­tences han­dies ,
  • Eli­sa Rojas , avo­cate, membre du CLHEE (Col­lec­tif Lutte et Han­di­caps pour l’E­ga­li­té et l’E­man­ci­pa­tion),
  • Michaë­la Dan­jé, cofon­da­trice du col­lec­tif Cases rebelles ..
  • Avec les comé­dien-ne‑s Sarah Wehbe et de Marc Col­mar.

Liens

Lien vers la trans­crip­tion de l’é­pi­sode 4 – « Quelle place pour les han­dis dans les fic­tions ? »

 

Attention ! Handicapée méchante. Une femme par-delà le handicap

Eli­sa­beth Auer­ba­cher

Je ne peux que vous encou­ra­ger à écou­ter cette émis­sion de 2018 sur Eli­sa­beth Auer­ba­cher, dans Une his­toire par­ti­cu­lière, sur France Culture, en deux par­ties, de Phi­lippe Roi­zès, réa­li­sé par Assia Kha­lid (encore).

#1 Dépas­ser le han­di­cap

Atteinte d’un spi­na bifi­da, para­ly­sée des jambes, Eli­sa­beth Auer­ba­cher n’a pas réel­le­ment connu l’enfermement fami­lial et ins­ti­tu­tion­nel que subissent les han­di­ca­pés dans les années 50 et 60. Elle a eu la chance d’être issue d’une famille suf­fi­sam­ment à l’aise finan­ciè­re­ment et de béné­fi­cier d’une sco­la­ri­té au milieu des enfants valides. Mais c’est bien dans une France où le han­di­cap est caché, hon­teux, sus­cite la cha­ri­té et les regards condes­cen­dants, qu’elle a gran­di.

« L’in­fan­ti­li­sa­tion, c’est quand on vous empêche de faire ce que vous avez à faire ; pour vous gar­der comme un bébé. vous êtes tou­jours le petit, le bon petit han­di­ca­pé. La notion de honte ne vient pas de l’é­cole, ça vient com­plè­te­ment des proches dans la famille ». (Eli­sa­beth Auer­ba­cher)

Un regard qui marque, sus­cite la frus­tra­tion, le désar­roi puis la colère. C’est aus­si cette rage qui lui per­met de s’affirmer et de se construire, à par­tir de son han­di­cap mais éga­le­ment de le dépas­ser. Quelques décen­nies sont pas­sées, les han­di­ca­pés sont un peu plus consi­dé­rés aujourd’hui comme par­tie pre­nante de la socié­té. Est-ce que le han­di­cap, vrai­ment c’est une souf­france ? La souf­france, elle est par les autres qui vous ren­voient à quelque chose. Mais au-delà du manque d’ambition des pou­voirs publics et de la ser­vi­li­té des grandes asso­cia­tions, est prise toute la mesure du che­min qu’il reste à par­cou­rir pour gagner la bataille d’un véri­table droit à la vie.

Avec Eli­sa­beth Auer­ba­cher et Nico­las Hou­guet.

Biblio­gra­phie :

Fil­mo­gra­phie :

 

#2 Le comi­té de lutte des han­di­ca­pés

A l’approche de la vic­toire de la gauche aux élec­tions de 1981, Eli­sa­beth Auer­ba­cher fait le choix de la réforme plu­tôt que celui de la révo­lu­tion.

Les han­di­ca­pés… ils sont gen­tils, on ne les entend pas trop, on n’a pas trop envie de les voir non plus. Pour­tant, comme toute mino­ri­té, comme toute réa­li­té sub­jec­tive, ils ont des espoirs, des reven­di­ca­tions, des com­bats, des droits. Eli­sa­beth Auer­ba­cher leur a consa­cré une grande par­tie de sa vie. Long­temps, en France, les han­di­ca­pés ne sont pas sor­tis de leur envi­ron­ne­ment fami­lial ou étaient confiés à des ins­ti­tu­tions reli­gieuses où ils vivaient en milieu fer­mé, loin de toute vie sociale.

« Dans les années 50–60, on ne voit pas d’han­di­ca­pés dans la rue ! Ça n’existe pas ! »

Au han­di­cap, vécu alors comme une fata­li­té, la seule réponse demeu­rait la cha­ri­té. Et puis, la défer­lante de contes­ta­tion de Mai 68 a favo­ri­sé la prise de parole de caté­go­ries de la popu­la­tion qui ne l’avaient pas ou si peu : les femmes, les homo­sexuels, les psy­chia­tri­sés, les pri­son­niers et… les han­di­ca­pés. Eli­sa­beth Auer­ba­cher, han­di­ca­pée de nais­sance fut la fon­da­trice du pre­mier col­lec­tif de réflexion et d’action sur le han­di­cap. Mino­ri­taire, ce groupe fit pour­tant connaître avec force ses reven­di­ca­tions qui s’avérèrent plus tard des pistes de tra­vail des gou­ver­ne­ments et asso­cia­tions. Bien des choix et étapes de la vie d’Elisabeth Auer­ba­cher furent dic­tés par cet enga­ge­ment pre­mier. Ce por­trait est l’occasion de retra­cer son par­cours et de mesu­rer le che­min par­cou­ru.

C’est à l’université qu’Elisabeth Auer­ba­cher a décou­vert la misère psy­cho­lo­gique des han­di­ca­pés, ras­sem­blés dans un même sec­teur, cou­pés de la convi­via­li­té de la café­té­ria qui leur était inter­dite. La des­truc­tion des trois marches qui l’en sépa­rait lui attire l’intérêt de dif­fé­rentes per­sonnes. Ensemble, ils fondent en 1973 le Comi­té de lutte des han­di­ca­pés. Ce fut l’occasion d’une ana­lyse poli­tique du han­di­cap, d’une réflexion sur la place réser­vée aux han­di­ca­pés dans un sys­tème basé sur la ren­ta­bi­li­té.

« A par­tir du moment où vous déci­dez et que vous ana­ly­sez que c’est la socié­té qui doit s’a­dap­ter ; à par­tir de là, la per­sonne han­di­ca­pée fait par­tie du monde ».

Le col­lec­tif mul­ti­plie les actions visibles et mus­clées pour faire entendre sa voix et ses reven­di­ca­tions, jusqu’aux scis­sions internes et l’explosion du groupe. Pre­nant conscience des simi­li­tudes de trai­te­ment des han­di­ca­pés et des déte­nus des pri­sons fran­çaises, Eli­sa­beth Auer­ba­cher se rap­proche du Comi­té d’action des pri­son­niers, pour­fen­deur du sys­tème car­cé­ral. Puis, elle choi­sit de deve­nir avo­cate péna­liste.

Avec Eli­sa­beth Auer­ba­cher et Gérard Leblanc.

Biblio­gra­phie :

Fil­mo­gra­phie :

  • Gérard Leblanc (avec la col­la­bo­ra­tion du Col­lec­tif Ciné­thique, du Comi­té de lutte des han­di­ca­pés et du Groupe infor­ma­tion asile), Bon pied, bon œil et toute sa tête, Col­lec­tif Ciné­thique 1978 / Papier Gâchette 2014

 

Dans le Cours de l’histoire, en 2021, Xavier Mau­duit a retra­cé une his­toire du han­di­cap.

Handicap, une histoire

L’his­toire du han­di­cap est un champ de recherche en pleine expan­sion. Sources archéo­lo­giques et archi­vis­tiques nous aident à esquis­ser l’his­toire du han­di­cap avec ses vio­lences, ses luttes et sa prise en compte par la socié­té civile et par l’É­tat.

#1 Prendre en charge le han­di­cap, une affaire d’É­tat ?

La défi­ni­tion du mot « han­di­cap » a évo­lué au fil du temps, de course hip­pique à « défi­cience phy­sique ou men­tale ». La loi du 11 février 2005 en donne une défi­ni­tion légale, ins­pi­rée de la clas­si­fi­ca­tion inter­na­tio­nale, mais depuis quand le han­di­cap est-il deve­nu une affaire d’É­tat ?

Avec

« Prendre en charge le han­di­cap, est-ce une affaire d’É­tat ? D’ailleurs, qu’est-ce que le han­di­cap ? Pour en trou­ver la défi­ni­tion, regar­dons dans un  dic­tion­naire, mais pas n’importe lequel : le « Dic­tion­naire des courses », de Charles de Lor­bac, en 1869. Au XIXe siècle, « han­di­cap » est un mot nou­veau : « Hand in cap (main dans le cha­peau.) — Mot d’origine irlan­daise, qui est deve­nu, sur le turf, la dési­gna­tion d’un genre de course fort inté­res­sant. Tous les che­vaux sont admis à y prendre part moyen­nant un poids qui leur est assi­gné par les Com­mis­saires des courses, de façon à éga­li­ser le plus pos­sible les chances entre les dif­fé­rents che­vaux ». Hand in cap, main dans le cha­peau, semble plu­tôt d’origine anglaise, quand la mise était dépo­sée dans une coif­fure. Ain­si, un han­di­cap est, à l’origine, une course de che­vaux qui offre à tous les concur­rents, des chances égales de suc­cès. Puis le mot a chan­gé de sens. Il désigne la « défi­cience phy­sique ou men­tale », indique le dic­tion­naire. Dès lors, qu’en est-il de l’attention por­tée aux chances égales de suc­cès ? » Xavier Mau­duit

Classe de cor­don­ne­rie dans une école pour sourds et muets, Paris, 1944. ©AFP

La loi du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, met en place le droit à la com­pen­sa­tion du han­di­cap et l’o­bli­ga­tion de soli­da­ri­té de l’en­semble de la socié­té à l’é­gard des per­sonnes han­di­ca­pées. Cette loi for­ma­lise la néces­si­té d’assurer le res­pect des droits fon­da­men­taux de tous, qu’il soit ques­tion de sco­la­ri­té, d’emploi, d’ac­ces­si­bi­li­té,  et de plein exer­cice de la citoyen­ne­té. Seize ans plus tard, les condi­tions de vie des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap ont-elles évo­luées ? Com­ment s’est construit le concept de han­di­cap ? Alors que la France a opté depuis la moi­tié du XXe siècle pour une prise en charge ins­ti­tu­tion­nelle des per­sonnes han­di­ca­pées, com­ment bas­cu­ler vers un modèle plus inclu­sif ?

« La loi de 2005 est la grande loi fon­da­trice après de mul­tiples lois, elle n’est pas la pre­mière, il y en a eu beau­coup. Il y a eu la loi de 1975, la loi de 1987 donc, depuis long­temps, la France cherche par la loi à amé­lio­rer La situa­tion des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap. Et c’est là la grande dif­fé­rence avec la loi de 2005 : nous pre­nons en compte l’in­te­rac­tion entre la per­sonne han­di­ca­pée et son envi­ron­ne­ment. La défi­ni­tion du han­di­cap dans la loi de 2005 est la sui­vante : « Consti­tue un han­di­cap, au sens de la pré­sente loi, toute limi­ta­tion d’activité ou res­tric­tion de par­ti­ci­pa­tion à la vie en socié­té subie dans son envi­ron­ne­ment par une per­sonne en rai­son d’une alté­ra­tion sub­stan­tielle, durable ou défi­ni­tive d’une ou plu­sieurs fonc­tions phy­siques, sen­so­rielles, men­tales, cog­ni­tives ou psy­chiques, d’un poly­han­di­cap ou d’un trouble de san­té inva­li­dant. » Nous ne sommes plus du tout dans l’in­té­gra­tion, nous sommes dans la socié­té inclu­sive ». Sophie Clu­zel

Le phé­no­mène d’ins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion en France est com­plexe et sur­tout non linéaire. Il connaît des phases d’ac­cé­lé­ra­tion au XIXe siècle avec la mul­ti­pli­ca­tion des hos­pices et des asiles, après la Pre­mière Guerre mon­diale avec la mul­ti­pli­ca­tion des centres de réédu­ca­tion et la grande phase d’ins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion est sur­tout pen­dant la seconde moi­tié du XXe siècle. On observe à par­tir de 1958 une mul­ti­pli­ca­tion des struc­tures d’hé­ber­ge­ment et des struc­tures médi­co-édu­ca­tives qui sont créés par des asso­cia­tions et sub­ven­tion­nées par l’É­tat. Gil­das Bre­gain

 

#2 Han­di­cap et guerres mon­diales : de la répa­ra­tion à “l’extermination douce” ?

Le han­di­cap en temps de guerre a une his­toire par­ti­cu­lière : muti­lés de la Grande Guerre, vic­times aban­don­nées ou cibles de la folie nazie durant la Seconde Guerre mon­diale, les per­sonnes en situa­tion de han­di­cap ont payé un très lourd tri­but lors des conflits du XXe siècle.

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Han­di­cap et guerres mon­diales : de la répa­ra­tion à “l’extermination douce” ?  Quand il est ques­tion du han­di­cap et de la guerre, nous pen­sons aux muti­lés et aux « gueules cas­sées » de la Pre­mière Guerre mon­diale. Nous pen­sons aus­si aux vic­times de la bar­ba­rie nazie. Qu’en est-il de la France ? Une ins­crip­tion sur le Par­vis des Droits de l’Homme à Paris indique : « Ici, le 10 décembre 2016, la Nation a ren­du hom­mage aux 300 000 vic­times civiles de la Seconde Guerre mon­diale en France. 45 000 d’entre elles, fra­gi­li­sées par la mala­die men­tale ou le han­di­cap et gra­ve­ment négli­gées, sont mortes de dénu­tri­tion dans les éta­blis­se­ments qui les accueillaient. Leur mémoire nous appelle à construire une socié­té tou­jours plus res­pec­tueuse des droits humains, qui veille fra­ter­nel­le­ment sur cha­cun des siens. Fran­çois Hol­lande, Pré­sident de la Répu­blique. » Le 10 décembre est la Jour­née inter­na­tio­nale des droits de l’Homme. Que soient men­tion­nées les per­sonnes fra­gi­li­sées par la mala­die men­tale ou le han­di­cap est le résul­tat d’une longue his­toire. Xavier Mau­duit

Défilé des anciens combattants et mutilés de guerre se dirigeant vers le ministère des fiances pour réclamer une augmentation de leur pension le 29 mai 1947 à Paris. ©Getty

Défi­lé des anciens com­bat­tants et muti­lés de guerre se diri­geant vers le minis­tère des fiances pour récla­mer une aug­men­ta­tion de leur pen­sion le 29 mai 1947 à Paris. ©Get­ty

Le sort des han­di­ca­pés phy­siques et men­taux dans les deux conflits mon­diaux du XXe siècle dif­fère consi­dé­ra­ble­ment d’une guerre à l’autre, d’un han­di­cap à l’autre. La vio­lence des batailles de la Pre­mière Guerre mon­diale sus­cite un inté­rêt et une volon­té de prise en charge renou­ve­lée des muti­lés des guerres mais aus­si des vic­times “d’obusite” ou de stress post-trau­ma­tique. La situa­tion est bien dif­fé­rente dans les années 1940. En ce qui concerne les “alié­nés”, comme on disait alors, près de 50 000 meurent de faim sous le gou­ver­ne­ment de Vichy. Une véri­table héca­tombe.

La contro­verse autour de cette famine fait rage à par­tir des années 1980 : com­ment cette tra­gé­die a‑t-elle pu se pro­duire ? Peut-on vrai­ment dres­ser un paral­lèle entre cette situa­tion et l’opération T4, véri­table géno­cide pro­gram­mé par le régime nazi en Alle­magne ? Dans le contexte de sous-ali­men­ta­tion géné­rale de la popu­la­tion, quelle impor­tance accor­der à la per­cep­tion du han­di­cap men­tal et psy­chique pour expli­quer ces morts ?

« Il y a eu 45 000 vic­times de la faim dans les hôpi­taux psy­chia­triques sous l’oc­cu­pa­tion sachant qu’à époque, c’é­tait le seul mode de prise en charge de la mala­die men­tale. Ces 45 000 vic­times nous n’a­vons pas pu les comp­ter une à une, c’est le résul­tat d’un cal­cul de sur­mor­ta­li­té (…) c’est tout à fait consi­dé­rable même si entre-temps on sait qu’il y’a aus­si 50 000 vic­times dans les hos­pices de vieillards pen­dant la même période 1940–1945. Que s’est-il pas­sé ? Tous ces alié­nés comme on les appe­lait encore jus­qu’en 1952 sont morts de faim, mais aus­si de froid ain­si que de patho­lo­gies affé­rentes à la dénu­tri­tion, par exemple il y a eu un rebond ter­rible de la tuber­cu­lose dans les hôpi­taux psy­chia­triques ». Isa­belle Von Buelt­zing­sloe­wen

« La Pre­mière Guerre mon­diale marque un moment pion­nier qui a une cer­taine pos­té­ri­té dans la prise en charge de l’in­va­li­di­té. On le voit notam­ment dans l’his­toire légis­la­tive : les pro­ces­sus de poli­tiques publiques qui sont mis en place à des­ti­na­tion des muti­lés de guerre ont voca­tion (…) à être éten­dus aux acci­den­tés du tra­vail, aux infirmes civils. Si l’on prend l’exemple de la réédu­ca­tion pro­fes­sion­nelle, en 1918, elle devient un droit pour tous les muti­lés de guerre et, dès 1924, les autres types d’in­va­lides ont le droit de ren­trer dans les écoles de réédu­ca­tion pro­fes­sion­nelle. En 1930, cette pos­si­bi­li­té leur est même offerte gra­tui­te­ment ». Clé­ment Col­lard

  • Extrait du docu­men­taire L’Hé­ca­tombe des fous réa­li­sé par Élise Rouard (2007).
  • Musique – Petite chan­son des muti­lés, texte de Ben­ja­min Per­ret, inter­pré­tée par Chris­tophe Perche.

 

#3 Sou­la­ger et appa­reiller les corps, que dit l’archéologie ?

L’ar­chéo­lo­gie nous livre des traces maté­rielles sur les per­sonnes en situa­tion de han­di­cap. Chi­rur­gie, pro­thèses et autres appa­reillages nous éclairent sur l’in­gé­nio­si­té de nos aïeuls. Ils témoignent sur­tout de leurs capa­ci­tés à prendre soin des plus faibles.

Avec

« Sou­la­ger et appa­reiller les corps, que dit l’archéologie ? Bien sûr, nous ima­gi­nons la décou­verte d’un sque­lette avec une jambe ou une main en moins, avec une pro­thèse. L’archéologue se penche sur ce corps. Qu’en est-il de la conver­sa­tion qui s’instaure entre ces deux êtres ? À coup sûr, il y a de l’intime. Tou­te­fois, quand le han­di­cap ne laisse pas de trace – la sur­di­té ou la mala­die, par exemple – que peut nous dire l’archéologue ? » Xavier Mau­duit

D’après l’Organisation de Mon­diale de la San­té, 15 % de la popu­la­tion mon­diale serait aujourd’hui en situa­tion de han­di­cap, mais seuls 10 % de ces indi­vi­dus béné­fi­cient des outils néces­saires à leur auto­no­mie quo­ti­dienne. Soi­gner un han­di­cap, qu’il soit visible ou pas, n’est pas qu’une affaire médi­cale. La façon dont sont prises en charge et sou­la­gées les infir­mi­tés reflète la manière dont une com­mu­nau­té consi­dère et entoure ses membres les plus vul­né­rables.

À rebours de l’i­dée qui vou­drait que les com­mu­nau­tés pas­sées aient été plus rudes et bru­tales que la nôtre, l’archéologie nous montre que les han­di­ca­pés ont tou­jours fait l’objet d’attentions et de soins par­ti­cu­liers. Ain­si, un enfant mort il y a 100 000 ans n’a pas été enter­ré seul, de peur qu’il soit trop vul­né­rable pour accom­plir son voyage vers l’au-delà, ou encore un Méro­vin­gien, ampu­té des avant-bras, a béné­fi­cié de pro­thèses sur-mesure confec­tion­nées par sa com­mu­nau­té. L’archéo-anthropologie nous révèle l’altruisme et l’ingéniosité des socié­tés qui nous ont pré­cé­dés. En plus de l’ar­chéo­lo­gie, l’histoire cultu­relle est mobi­li­sée pour avoir une idée plus pré­cise de la façon dont ont été pré­sen­tés et per­çus les corps dif­fé­rents. Com­ment la volon­té de pal­lier la perte d’autonomie des plus vul­né­rables s’est-elle mani­fes­tée dans le pas­sé ? Le rejet et la mar­gi­na­li­sa­tion des han­di­ca­pés n’ont-ils tou­jours été que des évé­ne­ments iso­lés ? Notre concep­tion contem­po­raine du han­di­cap est-elle per­ti­nente pour com­prendre la façon dont les Anciens consi­dé­raient les défaillances phy­siques et men­tales ?

« Il y a une évo­lu­tion du regard en en fonc­tion des cir­cons­tances. On ne porte pas le même regard sur la dif­fé­rence en temps trou­blés et en temps de paix ». Caro­line Hus­quin

 

#4 Sur­vivre ne suf­fit pas. Han­di­cap, les luttes pour l’égalité

Droit au tra­vail, au loge­ment, à l’é­du­ca­tion, à des salaires égaux, à une vie maté­rielle décente, à des loge­ments et des accès adap­tés… La liste des luttes des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap est longue, sans doute aus­si longue que celle des dis­cri­mi­na­tions dont elles sont l’ob­jet.

Avec

  • Éli­sa­beth Auer­ba­cher, avo­cate hono­raire, cofon­da­trice du pre­mier col­lec­tif de réflexion et d’action sur le han­di­cap “Comi­té de lutte des han­di­ca­pés” en 1973 dont le  jour­nal fut  Han­di­ca­pés méchants. Elle a été Secré­taire natio­nale au han­di­cap au Par­ti socia­liste de 2003 à 2009. Elle est notam­ment l’au­trice de  Babeth han­di­ca­pée méchante (Stock, 1982) et de “Poli­tique, han­di­cap et dis­cri­mi­na­tions”, Reliance, vol. 23, no. 1, 2007.
  • Cécile Morin, doc­to­rante et mili­tante han­di­ca­pée, est porte-parole du CLHEE (Col­lec­tif lutte et han­di­caps pour l’é­ga­li­té et l’é­man­ci­pa­tion). Elle est notam­ment l’autrice des articles « Le tra­vail comme ter­rain de luttes poli­tiques des per­sonnes han­di­ca­pées : l’exemple des mobi­li­sa­tions en France dans les années 1968 », CLHEE, 2018 et de “Le han­di­cap, un impen­sé de l’enseignement de l’histoire”, Aggior­na­men­to hist-geo, Hypo­thèses, 2019.
  • Et No Anger, doc­teure en science poli­tique, mili­tante fémi­niste et anti-vali­disme. Elle est spé­cia­liste des mou­ve­ments sociaux et des ques­tions liées au genre, au corps, à la sexua­li­té. Elle a récem­ment sou­te­nu une thèse por­tant sur la nudi­té comme ins­tru­ment de contes­ta­tion poli­tique. Elle tient un blog où elle exprime son enga­ge­ment anti­va­li­diste, fémi­niste et queer : À mon geste défen­dant. (Inter­view de No Anger par Xavier Mau­duit)

« Sur­vivre ne suf­fit pas. Han­di­cap, les luttes pour l’égalité… et quelles luttes ! Elles appa­raissent à tra­vers les slo­gans et les cam­pagnes de sen­si­bi­li­sa­tion. Sobre : « Chan­geons notre regard sur le han­di­cap » ou encore « Le han­di­cap, tous concer­nés ». Par­fois, le slo­gan est plus piquant : « Le han­di­cap n’est pas conta­gieux, l’ignorance, oui » et « Si les han­di­ca­pés arrê­taient de se plaindre, tout irait mieux ». Quand un auto­mo­bi­liste malo­tru c’est garé sur une place qui ne lui est pas attri­buée, il est pos­sible de col­ler sur son pare­brise : « Si tu prends ma place, prends mon han­di­cap ». Sinon, une très belle affiche montre le por­trait d’une jeune fille, une éco­lière, avec ce texte : « Six­tine a les plus belles lunettes du monde, un car­table à fleurs, un ham­ster et 3 chro­mo­somes 21… la dif­fé­rence est une chance » ».  Xavier Mau­duit

4 février 2004. Mani­fes­ta­tion orga­ni­sée dans le cadre de la jour­née natio­nale de mobi­li­sa­tion pour la par­ti­ci­pa­tion et la citoyen­ne­té des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap. Pho­to : Meh­di Fedouach. ©AFP

Les actions sociales de Mai 68 déclenchent une prise de conscience dans la com­mu­nau­té han­di­ca­pée : leurs reven­di­ca­tions pour l’é­ga­li­té sont poli­tiques et doivent être menées comme les autres luttes du moment. Des mili­tants se regroupent alors en dif­fé­rentes asso­cia­tions et orga­nisent des actions pour pré­sen­ter leurs reven­di­ca­tions : mani­fes­ta­tions, grèves de la faim, occu­pa­tion de bâti­ments publics, jour­naux contes­ta­taires. Leur but ? Accé­der à l’égalité entre les per­sonnes han­di­ca­pées et les per­sonnes dites valides, en com­men­çant par l’accès aux lieux publics et à la mobi­li­té.

Aujourd’­hui, par les lois de 1975 et 2005, l’ac­ces­si­bi­li­té et l’é­ga­li­té des per­sonnes han­di­ca­pées sont garan­ties, mais sont-elles effec­tives ? Alors que reste-t-il à faire ? Quel est l’hé­ri­tage des pre­mières luttes des années 1970 ?

Faire l’his­toire de ces luttes est une gageure. En rai­son des dif­fi­cul­tés d’ac­cès à l’é­du­ca­tion supé­rieure des per­sonnes han­di­ca­pées, la recherche en his­toire s’intéresse encore très peu au han­di­cap. Que peut appor­ter l’histoire des luttes pas­sées aux ques­tions et aux reven­di­ca­tions actuelles ?

Féminismes et handicaps : les corps indociles

Dans cet épi­sode d’Un pod­cast à soi, de Char­lotte Bie­nai­mé, pro­duit par Arte Radio et réa­li­sé par Samuel Hirsch, les han­di­caps sont abor­dés à tra­vers le prisme des fémi­nismes, explo­rant ce qui lie les luttes contre le sexisme et contre le vali­disme (c’est-à-dire les dis­cri­mi­na­tions qui visent les per­sonnes en situa­tion de han­di­cap) : l’oppression, l’invisibilisation et les vio­lences.

 

 

Eli­sa Rojas

Elisa Rojas

Dans Une jour­née par­ti­cu­lière, sur France Inter, en février 2021, l’a­vo­cate Eli­sa Rojas, avo­cate explique en quoi « le pro­blème du han­di­cap, c’est poli­tique et social. Ça ne relève pas du cari­ta­tif »

 

 

Char­lotte Pui­seux

A bas le validisme, avec Charlotte Puiseux, podcast Le Chantier

À l’heure de l’inclusion et de la bien­veillance, décli­nées ad nau­seam, quelle place réelle est faite aux per­sonnes en situa­tion de han­di­cap en France ? Y aurait-il donc des vies plus valables que d’autres ? Que dit la loi ? Est-elle res­pec­tée ? Les enga­ge­ments poli­tiques ont-ils été tenus ? Com­ment les per­sonnes han­di­ca­pées s’organisent et militent pour une socié­té vrai­ment inclu­sive ?

“A mes débuts mili­tants, pen­ser le han­di­cap au cœur de la socié­té, comme relié à tous les autres enjeux poli­tiques, était une idée peu par­ta­gée. Le consi­dé­rer comme une consé­quence de stra­té­gies éta­tiques qui choi­sissent de main­te­nir les per­sonnes dans un sta­tut ne leur don­nant pas les moyens de s’émanciper éco­no­mi­que­ment, phy­si­que­ment, socia­le­ment res­tait très lar­ge­ment mino­ri­taire. Pour­tant, il m’apparaissait de plus en plus urgent de dif­fu­ser ces idées au sein de la com­mu­nau­té han­di­ca­pée, et de plus en plus évident que c’était ce que je vou­lais faire.”.

Char­lotte Pui­seux, psy­cho­logue cli­ni­cienne et doc­teure en phi­lo­so­phie, spé­cia­liste du mou­ve­ment crip, mili­tante anti­ca­pi­ta­liste, han­di-fémi­niste au sein du col­lec­tif Les Déva­li­deuses, a déci­dé de dif­fu­ser plus lar­ge­ment son expé­rience de vie et de com­bat en publiant De chair et de fer, Vivre et lut­ter dans une socié­té vali­diste, aux édi­tions La Décou­verte.

Ce com­bat est d’autant plus néces­saire que la socié­té “vali­diste” s’acharne à main­te­nir un sys­tème d’oppression qui va de la concep­tion à la mort des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap : ont-elles le droit de vivre, ont-elles le droit d’accéder à l’instruction, à l’école, à un emploi, à une vie sociale, à une vie amou­reuse, … ? Et que dire de l’accès à l’espace public, une grande pro­messe res­tée qua­si lettre morte !

Dans De chair et de fer, Char­lotte Pui­seux fait œuvre double ! D’une part, elle donne à com­prendre son par­cours et tout ce à quoi elle a été confron­tée (et conti­nue de l’être), et d’autre part, décons­truit l’édifice vali­diste, mon­trant qu’il se trouve à l’intersection de plu­sieurs formes d’oppression et/ou de contrôle (patriar­cat, capi­ta­lisme, ins­ti­tu­tions : à l’exemple des MDPH ‑Mai­son Dépar­te­men­tale pour les Per­sonnes Han­di­ca­pées-…).

“Les MDPH res­tent sur­tout per­çues comme des agents de contrôle qui créent des caté­go­ries spé­ci­fiques pous­sant les gens à devoir per­for­mer leur han­di­cap, c’est-à-dire à jouer le rôle atten­du par la socié­té afin de cor­res­pondre aux attentes de celles qui détiennent le pou­voir”.

La socié­té vali­diste est un choix socio-poli­tique, mais aus­si éco­no­mique. Et la ques­tion du tra­vail en est un enjeu majeur :

“Dans notre socié­té, le tra­vail est exal­té en tant que res­source finan­cière, encou­ra­gé en vue de gagner plus pour pou­voir consom­mer davan­tage. Et c’est là que capi­ta­lisme et vali­disme fonc­tionnent de pair : en sur­va­lo­ri­sant la capa­ci­té à tra­vailler selon des codes spé­ci­fiques au capi­ta­lisme (vitesse, ren­de­ment, pro­duc­ti­vi­té, flexi­bi­li­té), le sys­tème exclut d’emblée cer­taines per­sonnes du monde du tra­vail. Ces per­sonnes, ce sont les per­sonnes han­di­ca­pées.”

Le sys­tème per­dure, effi­ca­ce­ment secon­dé par les médias. Leur rôle est essen­tiel pour véhi­cu­ler des images nor­mées, jouant sur les émo­tions, tel le Télé­thon, chef d’oeuvre du désen­ga­ge­ment des pou­voirs publics ou encore les Jeux Para­lym­piques, où le corps ne peut être glo­ri­fié, sanc­ti­fié que par la devise « Citius, Altius, For­tius – Com­mu­ni­ter » – « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble », le der­nier terme des plus “inclu­sifs” prêt à rire !

La lutte pour une vie auto­nome, déga­gée des repré­sen­ta­tions misé­ra­bi­listes et/ou spec­ta­cu­laires, est un enjeu social et poli­tique au béné­fice de l’ensemble du corps social. L’émancipation des per­sonnes han­di­ca­pées et l’avènement d’une socié­té véri­ta­ble­ment inclu­sive s’accompliront donc par la mise à bas du sys­tème vali­diste.

[…]

“La lutte tue

Mais elle rend forte,

Ren­force la flamme

Des âmes qui pleurent

Des cœurs qui s’arment.”

[…]

 

D’autres voix mili­tantes sur Radio Par­leur :

Les militant.es :

 

Je suis pre­neur d’autres sources, n’hé­si­tez pas !

5 réponses

  1. Annabelle dit :

    La série Un mètre vingt https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021939/un-metre-vingt/ dis­po­nible sur arte jus­qu’au 17 août 2024, en pro­ve­nance d’Ar­gen­tine, créée par Rosa­rio Per­azo­lo Mas­joan d’a­près son expé­rience per­son­nelle. La jeune actrice est elle-même en situa­tion de han­di­cap. Vali­disme, sexua­li­té, mili­tan­tisme, luttes LBGT y sont abor­dés.

    Yo tam­bien de, et avec, Pablo Pine­da, grand mili­tant espa­gnol por­teur de tri­so­mie 21 (dif­fi­cile à trou­ver en stream mais DVD dis­po)

    Pour les aidants, un livre que j’ai conseillé à maintes reprises à des amies, « manuel à l’in­ten­tion des parents ayant un enfant pré­sen­tant de l’au­tisme » https://www.autismediffusion.com/livre-manuel-a-l-intention-des-parents-ayant-un-enfant-presentant-de-l-autisme-susa-c2x12648019 Une aide vrai­ment très pré­cieuse !

  2. Alex dit :

    Bon­jour Richard,

    Je pen­sais éga­le­ment aux contri­bu­tions de Marie Raba­tel qui est une per­son­na­li­té isé­roise qui milite béné­vo­le­ment depuis presque 30 ans dans le champ du han­di­cap, plus par­ti­cu­liè­re­ment dans l’au­tisme (sen­si­bi­li­sa­tion des pou­voirs publics via l’AF­FA – asso­cia­tion fran­co­phone de femmes autistes – notam­ment) et la lutte contre les vio­lences sexuelles sur les per­sonnes en situa­tion de vul­né­ra­bi­li­té (en créant des outils pour les per­sonnes, les proches, les pros…). Elle est experte à la HAS, à la Miprof aus­si.

    Fin 2023, France TV a réa­li­sé un docu­men­taire sur elle, son com­bat : « Cas­sée debout » (elle-même vic­time de VS étant ado) https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/documentaire-cassee-debout-le-temoignage-de-marie-rabatel-la-voix-des-personnes-handicapees-victimes-de-violences-sexuelles-2858504.html .

    Elle a tra­vaillé en ins­ti­tu­tion pen­dant de nom­breuses années et aujourd’­hui, elle dédie sa vie à son enga­ge­ment.

    Elle est régu­liè­re­ment audi­tion­née par dif­fé­rentes délé­ga­tions, inter­viewée dans les médias https://femmesautistesfrancophones.com/2017/08/02/laffa-dans-les-medias/… Elle est éga­le­ment membre de la Cii­ViSE depuis sa créa­tion. Il y a de nom­breux webi­naires en accès libre aus­si aux­quels elle par­ti­cipe.

    Je me disais que la boite à outils de pré­ven­tion des vio­lences pour les per­sonnes en situa­tion de han­di­cap (vie intime et affec­tive) pour­rait aus­si vous inté­res­ser (outils gra­tuits et acces­sibles autant que faire ce peu avec les (non) moyens à dis­po­si­tion) : https://femmesautistesfrancophones.com/2021/05/09/vie-sexuelle-handicap-outils-prevention/

    Mon conflit d’in­té­rêt : j’ai été secré­taire de l’AF­FA de 2020 à 2023, Marie est une amie et j’ai bcp d’ad­mi­ra­tion pour elle 🙂

    En tout cas, cette page de res­sources est su-per ! Mer­ci beau­coup d’a­voir pris le temps de l’a­voir publiée, mer­ci aux contri­bu­teu­rices qui ajoutent des pro­po­si­tions. Bonne route ! Alex

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