Ce n’est pas fréquent que je râle sur le Monde Diplomatique. Je leur ai fait un petit courrier, suite à l’article « Détruire la psychiatrie publique » d’Emmanuel Venet (que je ne connais pas par ailleurs), dans l’édition de juillet 2023. en espérant qu’il paraisse en août.
« Je suis très étonné que la « mise en récit » dans l’article de Monsieur Venet ait échappé à la vigilance du journal. La psychanalyse, par son contenu désuet, fraudé, centré sur des cas uniques et non reproduits, en plus d’être abominablement sexiste, homophobe et conservateur, n’a jamais eu son succès presqu’exclusivement français du fait de ses résultats thérapeutiques, mais du fait d’une mainmise médiatique de nombreuses fois démontrée. Maquiller la critique en inventant un storytelling est une technique ancienne et très efficace : aucune preuve d’efficacité ? « On essaie de nous faire taire ». Refus d’enseigner cette théorie obsolète ? « C’est une tentative de mainmise capitaliste sur le soin des seuls symptomes ». On démontre la vacuité des concepts ? « C’est une psy war ». Une démonstration des mensonges et des lacunes de l’héritage freudien se voit transformée dans vos pages en simple « collection de rancunes personnelles ». Cela rappelle le temps pas si lointain où la moindre critique du père Fondateur nous valait au mieux une étiquette de névrotique, au pire celle d’antisémite. Si je m’en étonne, est-ce parce que je « refoule » ?
Merci pour le courrier Richard, l’article était effectivement catstrophique et le « collection de rancunes personnelles » simplement hallucinant.
Petite note négative à propos du diplo (qui est, de loin, mon journal préféré et dont les membres forcent mon admiration), je ne pense pas que cet article soit passé à cause d’un manque de vigilance mais parce qu’il va dans le sens de l’opinion de plusieurs membres de la rédaction : j’adore par exemple le travail de Lordon mais on retrouve beaucoup de références psychanalytiques dans ses articles et dans ses conférences.
Il me semble que, dans les milieux de gauche en France, il existe cette idée, peut-être pas totalement injustifiée : « psychanalyse égal traitement humain, à l’écoute du patient, long et donc à contre-courant de la frénésie moderne, TCC égal soin centré sur le symptôme, ultra expéditif donc en accord avec la doctrine néolibérale ».
Cordialement,
Aureliano
Je suis absolument d’accord avec vous Auréliano
Merci pour cette réponse salvatrice. Vous avez bien été publié (partiellement).
merci !
Pour avoir lu le livre d’Emmanuel Venet, ce qu’il critique ce n’est pas tant le fait qu’on abandonne tel ou tel concept freudien, mais bien que l’on passe de référentiels théoriques centrés sur l’analyse du discours du patient, (dont la psychanalyse mais pas uniquement) au cas par cas , et dans une visée in fine émancipatrice, à des méthodes qui tirent leur bien fondé d’une efficacité purement statistique et dont on se rend bien compte sur le terrain qu’elle est souvent superficielle …ou comment l’abandon des méthodologies qualitatives au profit exclusif des etudes quantitatives produit une clinique industrielle, ce qui est assez logique au final…
Avis dont on peut dire qu’il est assez partagé sur le terrain (mais peut être pas assez « prouvé » par les statistiques pour etre tenu pour vrai;)
j’entends ça, merci du com José. Mais dire « une efficacité purement statistique », de fait une efficacité est par définition statistique, les facteurs sur une seule personne sont trop nombreux à opérer
Et je suis méfiant sur ce dont « on se rend compte sur le terrain », ce sont des situations où la subjectivité est maximale. A mon avis critiquer la clinique industrielle (archi nécessaire) ne passe pas par la dénonciation des méthodes stats (qui d’ailleurs seront les seules à pouvoir montrer que la clinique indus est néfaste de manière objectivée, voyez ? On risque de jeter le bébé avec l’eau du bain)
Bonjour Richard. Merci pour votre réponse et excusez la mienne , tardive. Vous avez raison, je me suis sûrement mal exprimé. Je ne cherche pas pour ma part à dénoncer la méthode statistique, elle est nécessaire. On comprend aisément qu’une méthode qualitative « seule » n’aie potentiellement valeur que de témoignage isolé, subjectif, et ne puisse être tenue pour une « preuve scientifique ». En revanche ce que les méthodes qualitatives nous enseignent, il me semble, c’est comment derrière un seul et même critère, évalué statistiquement, peuvent se cacher des réalités différentes.
Il me semble que c’est un long débat au sein des sciences humaines et sociales entre ceux qui désirent construire un savoir objectivé en mettant la subjectivité à distance, par exemple par des approches quantitatives, et ceux qui prétendent qu’il faut au contraire la mettre en évidence, dans une visée réflexive. De nombreux auteurs, comme Bourdieu / Passeron, insistent sur la nécessité de s’en remettre à plusieurs approches pour cerner au mieux l’objet que l’on étudie.
Ce qui est intéressant c’est que cela peut apparaître comme des débats épistémologiques un peu pompeux, mais qu’ils ont, dans le champ de la psychiatrie notamment, des implications cliniques tout à fait concrètes, et parfois dramatiques…
Cdlt, José Arcadio
merci de vos précisions José !
Réponse aux relans complotistes (leur mainmise sur les médias) et au niveau de culture historique proche d’un Van Rillaer…
Quant à l’argument antisémite… Peut-être aurait il fallut que des Van Rillaer évitent de souvenir Bricmon ou Benesteau afin de ne pas se faire repérer.
Vous déplorez ce texte dans le diplo, imaginez combien ont déploré un programme sur France culture confié à un inculte des SHS…
Bonjour (vous savez, ça ne coûte rien de dire bonjour)
Il n’est pas besoin d’être complotiste pour voir que l’imprégnation freudienne est très forte en France.
Je vois difficilement le lien avec Bricmont/Benesteau : l’essentiel de la critique ne repose pas sur leurs épaules
Enfin, je n’ai pas compris à quel prog sur FC vous faites référence, ni de quel inculte vous parlez. Moi ? Pour la série « Votre cerveau » ? Ca m’étonne, car je ne suis pas réputé inculte des SHS, mais vous parliez peut être de qqun d’autre. Bref, pas très clair, tout ça, Monsieur Boursin
Merci