Le fameux (et sor­dide) abat-jour

Je lisais l’ex­cellent livre « Cabi­net de curio­si­tés » de Juliette Cazes (Dunod, 2023), en par­ti­cu­lier les pages sur les livres faits en peau humaine. J’ai ensuite repen­sé cet abat-jour « nazi », soit-disant pro­prié­té d’Il­sa Koch, la « sor­cière de Buchen­wald », et réa­li­sé avec la peau de déte­nus tatoués — his­toire que j’a­vais sûre­ment lue dans « Les méde­cins de la mort », de Phi­lippe Aziz (1975) quand j’é­tais ado. Là je me suis dit : quel aurait été l’in­té­rêt de faire ça ? Il y a bien le tueur en série Ed Gein qui l’a effec­ti­ve­ment fait, semble-t-il en s’ins­pi­rant de l’his­toire de Buchen­wald. Je ne suis pas très bon spé­cia­liste des délires scien­ti­fi­co-archéo­lo­giques des Nazis, même si j’ai potas­sé les recherches pas­sa­ble­ment stu­pides de l’Ah­ne­nerbe pour mes cours (l’Ahne­nerbe For­schungs und Lehr­ge­mein­schaft, c’est-à-dire « Socié­té pour la recherche et l’en­sei­gne­ment sur l’hé­ri­tage ances­tral »), mais je trouve que faire ce genre de choses ne colle pas vrai­ment aux Nazis, qui sont déjà assez mons­trueux pour qu’on n’ait besoin d’en rajou­ter. Une recherche som­maire m’in­dique que dès 1950, le géné­ral Lucius D. Clay, gou­ver­neur mili­taire inté­ri­maire de la zone amé­ri­caine en Alle­magne, avait décla­ré qu’il n’y avait aucune preuve convain­cante qu’elle avait choi­si des déte­nus des camps afin de se pro­cu­rer des peaux tatouées, ou qu’elle pos­sé­dait des articles en peau humaine. L’af­faire a été relan­cée par le jour­na­liste Mark Jacob­son, dans The Lamp­shade : A Holo­caust Detec­tive Sto­ry from Buchen­wald to New Orleans (Simon and Schus­ter, labo­ra­toire de paléo-ADN de l’U­ni­ver­si­té Lake­head (Cana­da) a pro­cé­dé à des tests des­sus : un pre­mier test, d’ADN mito­chon­drial, n’a pas per­mis de trou­ver un ADN mater­nel humain. Alors le labo­ra­toire a effec­tué une recherche plus large d’ADN et en a trou­vé… de vache. J’al­lais dire que cette his­toire me parait cou­sue de fil blanc, mais ça ne serait pas très drôle. Ceci dit, Juliette m’in­dique que des cher­cheurs du Mémo­rial et musée d’Au­sch­witz-Bir­ke­nau ont décla­ré avoir trou­vé un album pho­to nazi avec une cou­ver­ture en peau humaine en 2020, grâce à un spec­tro­pho­to­mètre dont dis­posent les labo­ra­toires de conser­va­tion du Musée. Je suis ouvert, mais je reste un peu cir­cons­pect, je n’ai pas vu de publi­ca­tion scien­ti­fique sur le sujet. Je vais peut être deman­der à Johann Cha­pou­tot, si je trouve com­ment le joindre, et je suis pre­neur de toute doc.

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