Comment faire un article sur le journaliste Ed Murrow, qui va de la poliomyélite à George Clooney, en passant par Stallone et une pièce de théâtre féministe, tout ça à cause de Thierry Casasnovas…
L’autre jour, je faisais un entretien vidéo avec le collectif l’Extracteur, qui informe sur les risques à suivre les préceptes du prédicateur santé Thierry Casasnovas. J’y citais la plus belle phrase que j’ai jamais entendue, celle que Jonas Salk, découvreur d’un des vaccins de la poliomyélite (1), répondit en 1952 au journaliste Edward R. Murrow.
Murrow : Qui possède le brevet (du vaccin de la polio) ?
Salk : Eh bien, les gens que je dirais. Il n’y a pas de brevet… on ne met pas de brevet sur le soleil (could you patent the sun ?)
Salk, et le découvreur du vaccin en version orale, Alfred Sabin, ont tous deux renoncé à devenir milliardaires en ne brevetant pas, ce qui fait monter en moi une vague de gratitude infinie. Mais je m’arrête ici sur le journaliste qui l’interroge, qui lui non plus, n’a pas démérité. Edward Roscoe Murrow, l’un des très rares journalistes à s’opposer frontalement à la chasse aux sorcières anti-communiste du sénateur MacCarthy. Que ceci soit prétexte à regarder un excellent film de (et avec) George Clooney, Good night, and good luck, que je viens de re-revoir.
Il y a également un téléfilm de 1986 sur Murrow, intitulé sobrement Murrow, réalisé par Jack Gold sur HBO, le voici ici.
Si vous voulez de la documentation non romancée, alors voici une rediffusion PBS d’un documentaire de la BBC de 1975 sur Murrow, numérisé depuis de vieilles bandes. Ce n’est pas sous-titré, désolé ! Par contre vous reconnaîtrez peut être que la voix off y est faite par Meredith Burgess, qui n’est autre que…
.… qui n’est autre que… ?
.…Mickey, le coach de Rocky dans Rocky 1 ! OK, à ce stade, je sais qu’il n’y a que mon pote cinéphile David Laumet qui va trouver ça exaltant.
Les poumons de celui qui, selon ses propres dires, ne pouvait rester 30 minutes sans tirer sur une Camel, se sont vengés, en se faisant la belle, laissant Ed Murrow boucané complet à 57 ans, en 1964. Je dis cela car Don Hewitt, le jeune directeur de l’émission-phare de Murrow, See it now, monta quelques années plus tard une émission d’information dans l’esprit de Murrow, 60 minutes, devenue légendaire par sa qualité. Ce fut dans cette émission qu’un certain Jeffrey Wigand eu le cran d’exposer les mensonges des cigarettiers de Brown & Williamson, en 1996, devenant l’un des plus impressionnants lanceurs d’alerte de l’Histoire, en dépit des pressions et menaces de mort qu’on lui fit. L’histoire de Wigand, incarnée par Russell Crowe, et de Hewitt, jouée par Al Pacino, fit le tour du monde avec le film The insider, de Michael Mann (1999). J »espère vous avoir donné des excuses pour regarder ces films.
L’esprit de Murrow est resté vivace, au point qu’il existe à ma connaissance cinq prix journalistiques portant son nom.
(1) Pour avoir un très bel aperçu de l’histoire de cette maladie, je recommande La science, quelle(s) histoire(s), un petit podcast bien fait, avec trois émissions sur la poliomyélite. Cliquez là, en sachant que cette émission est produite par la fondation Ipsen, émanant de l’industrie biopharmaceutique du même nom – qui contrairement à ce que j’intuitais n’est pas norvégienne, rhôoooo le nul ! IPSEN, c’est français, et l’acronyme vient de « Institut des produits de synthèse et d’extraction naturelle ». J’ai été induit en erreur par… le dramaturge Ibsen – dont je recommande au passage une excellente pièce féministe, Maison de poupées, de 1879 (c’est la seule que j’aie lu de lui). Si jamais l’envie vous en prend, cliquez là, elle est en ligne.
Et voilà ! Allez, bonne nuit, et bonne chance.
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