QRP, pratiques de recherche douteuses – Kookie Learning

J’aime bien ce que fait Mar­co Gabut­ti en termes de vul­ga­ri­sa­tion. Chaque fois que j’ouvre son pod­cast Koo­kie Lear­ning, je me régale. Là, je tombe sur l’en­tre­vue avec Cyril Fores­tier (qui fut mon co-uni­ver­si­taire sans que je le sache), spé­cia­liste des incon­duites dans les pra­tiques de recherche, incon­duites pou­vant confi­ner au tri­pa­touillage des don­nées, voire à la fraude. Pour faire pro, on dit QRP, pour Ques­tio­nable Research Prac­tices.

Cyril-Forestier

Cyril Fores­tier

Je trouve que la quête d’in­té­gri­té de Cyril Fores­tier est néces­saire, et son choix de démis­sion­ner d’un poste de maître de confé­rences m’apparaît comme très cou­ra­geux. Je connais peu de gens ayant fait un choix aus­si radi­cal.

Ici : https://www.podcastics.com/podcast/episode/pratiques-de-recherche-douteuses-etat-des-lieux-248974/

J’a­joute un point et une anec­dote.

Mon point : c’est un peu intro­duit dans l’é­pi­sode 2 si j’ai bonne mémoire, je trouve per­ti­nents les rap­pro­che­ments entre incon­duites, fraudes et méca­nismes de dopage dans le sport par exemple, en veillant bien à dépas­ser l’a­na­lyse de la simple faute morale. J’ai tou­jours eu du mal à voir comme un péché le fait de déjouer les contrôles du dopage, pour au moins deux rai­sons que je livre à votre ana­lyse. La pre­mière, c’est qu’on part du prin­cipe que les choses sont éga­li­taires en sport, et grat­ter un avan­tage serait indu. Or, de la géné­tique aux pré­dis­po­si­tions, en pas­sant par les condi­tions d’entraînement, s’il y a bien quelque chose d’i­né­ga­li­taire, c’est bien le sport de com­pèt. La seule chose qui est égale pour tout le monde, c’est la ligne d’ar­ri­vée, le reste soufre des mêmes gra­dients inéga­li­taires que par­tout. Mes copains gui­néens qui n’ont qu’un mari­got pour s’entraîner en nata­tion, en man­geant un riz sauce ara­chide une fois par jour, et en cho­pant le palu et deux typhoïdes par an… C’est mal bar­ré.

La seconde rai­son, c’est que du fait même de ces inéga­li­tés, je ne vois pas ce qui est immo­ral pour l’un de ces copains gui­néens d’al­ler sous­crire à du dopage si ça lui donne l’u­nique chance de sa vie de nour­rir un vil­lage entier. Donc je per­çois le dopage comme une adap­ta­tion qua­si-dar­wi­nienne à un milieu éco­no­mique pré­cis et délé­tère. Soit tu es ultra-accli­ma­té à ce milieu, soit tu trouves une stra­té­gie pour sur­vivre d’une manière ou d’une autre, soit tu dis­pa­rais.

Idem pour la fraude scien­ti­fique : sachant que la seule issue de sur­vie dans ce milieu est la publi scien­ti­fique dans des revues à fort index, toute stra­té­gie visant à publier dans ces revues quitte à men­tir, faire du p‑haking, du sau­cis­son­nage de papiers (cf émis­sion n°2, et les refs ici) peut se com­prendre. À mon avis le pro­blème est bien plus dans la struc­ture de la com­pé­ti­ti­vi­té, plus que dans le cer­veau « malade » ou délin­quant de l’impétrant·e qui fraude.

Et mon anec­dote, alors ?
Mar­co me nomme dans chaque épi­sode (trop cool, chaque fois que ça arrive, où que je sois, ma règle est de faire un moon­walk). La 2ème fois, il parle du fait que je donne cette cita­tion « l’es­prit cri­tique ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ». Mais Mar­co pré­cise qu’il ne se rap­pelle plus de qui elle est, cette cita­tion. Alors de fait, je crois que c’est… de moi ! Je suis tou­jours méfiant de qui invente une cita­tion, car si ça se trouve, je l’ai pom­pée sans m’en rap­pe­ler à quelqu’un·e. Le fun fact, c’est qu’il y a 10 ou 12 ans, mes ami·es des Petits Débrouillards de Gre­noble m’ont contac­té :

« Dis, on aime­rait bien faire un t‑shirt avec la cita­tion que tu uti­lises sou­vent. Tu peux nous dire de qui c’est ? »

Moi : (un peu rose) : « Ben oui, facile, c’est de moi »

Elleux, géné·es : « Ah ?… Euh… C’est que… on pen­sait que c’é­tait quel­qu’un de connu… Alors bon, pas grave, on va cher­cher une autre cita­tion » :))
Je ne l’ai pas mal pris, c’é­tait des ami·es, mais c’é­tait une n‑ième démons­tra­tion de l’effet Mat­thieu si cher à Robert K. Mer­ton et tiré de l’Évangile selon St Mat­thieu, 13:12 : on don­ne­ra à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôte­ra même ce qu’il a

Au fond, ça aurait de la classe qu’on donne des cita­tions de gens pas connus, non ? Bon, je m’é­gare, de Mont­par­nasse.

 

Les refs don­nées par Mar­co, je les ajoute ici pour faire simple.