Howard Zinn (1922 – 2010) était un his­to­rien et poli­to­logue éta­su­nien, pro­fes­seur au dépar­te­ment de science poli­tique de l’u­ni­ver­si­té de Bos­ton durant 24 ans. Son his­toire est fas­ci­nante. Pen­dant la Seconde Guerre mon­diale, il s’en­gage dans l’ar­mée de l’air et est nom­mé lieu­te­nant bom­bar­dier navi­guant. C’est son expé­rience dans l’ar­mée qui a été déclen­cheuse de son posi­tion­ne­ment poli­tique paci­fiste, et qui l’a ame­né outre à sa pro­fes­sion, à défendre la déso­béis­sance civile, à par­ti­ci­per au mou­ve­ment des droits civiques.

J’ai croi­sé sa route pour la pre­mière fois par inad­ver­tance en 1998. J’étais étu­diant et au lieu de bos­ser j’ai été au cinoche regar­der le film (Good) Will Hun­ting, de Gus van Sant. Et comme j’adorais pico­rer les réfé­rences de ci-de là, j’ai noté sur un bout de papier un pas­sage où Will Hun­ting dit à son psy­chiatre qu’il n’a que des livres d’histoire « de merde », et que s’il n’en fal­lait qu’un seul, ce serait celui de Howard Zinn.

Alors j’ai cher­ché son livre (qui exis­tait depuis 1980, mais qui n’a été tra­duit en fran­çais qu’en 2002). Puis j’ai oublié. J’at­ten­drai encore quatre ou cinq ans pour retom­ber sur le livre à sa sor­tie chez Agone, vers 2002–2003. C’est là que j’ai décou­vert qu’on pou­vait faire de l’histoire du point de vue des pauvres, des femmes, des opprimé·es, des hobos, des native ame­ri­cans, etc. Le bou­quin Une his­toire popu­laire des Etats-Unis a été pour moi une gifle.

S’est ensui­vie une longue his­toire de lec­ture et d’écoutes de Zinn, avec sa voix si par­ti­cu­lière et chaude comme du bon pain, au point que j’ai plu­sieurs fois mon­tré dans des after class des docu­men­taires sur lui, en par­ti­cu­lier Du pain et des roses, d’O­li­vier Azam et Daniel Mer­met. J’ai éga­le­ment ser­vi le café à une troupe de théâtre gre­no­bloise sans cheffe et entiè­re­ment fémini(ste)ne, les Emma­zones, qui ont fait tour­ner la pièce de Zinn sur l’anarchiste Emma Gold­man vers 2010 (l’é­mis­sion de radio Dégen­rée les avait inter­ro­gées ici). Les étudiant·es de Licence qui font mon cours sur His­toire et pseu­do-his­toires se rap­pellent peut être que je montre sou­vent deux réfé­rences à lui : dans un petit extrait vidéo que je vous mets ci-contre, et dans Deer dance, une chan­son du groupe SOAD, alias Sys­tem of a down1 dans laquelle la phrase fétiche de Zinn est mar­te­lée : we can’t afford to be neu­tral in a moving train – on ne peut se per­mettre d’être neutre dans un train en marche .

Quand Howard Zinn est mort, en 2010, j’avoue, j’ai eu de méchantes larmes aux yeux.

Il ins­pi­re­ra de nom­breux tra­vaux simi­laires sur une his­toire des petites gens, comme en France celui de Michelle Zan­cha­ri­ni-Four­nel, Les luttes et les rêves. Une his­toire popu­laire de la France de 1685 à nos jours, à La Décou­verte, 2016, ou celui de Gérard Noi­riel, Une his­toire popu­laire de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jours, 2ème édi­tion, Agone, 2019. Je les ai lu, qua­si en tota­li­té, et j’ai une pré­fé­rence pour celui de Noi­riel (mais je ne suis pas spé­cia­liste).

Plu­tôt que mes bou­quins ver­sion pdf ou epub dorment, les voi­ci. Que ça ne vous empêche pas d’al­ler les ache­ter, ou de sou­te­nir autre­ment les mai­sons d’é­di­tion. Si je prends une menace de pro­cès par des ayant-droits, pro­cès que je suis sûr de perdre et que de toute façon je ne pour­rai pas ins­truire faute de moyens, bien enten­du je reti­re­rai les bou­quins.

Voi­là ce que j’ai en stock pour égayer votre confi­ne­ment.

Livres (lus)

Si jamais vous êtes non ou mal voyant·e, (ou archi-fan de Matt Damon), voi­ci le livre, intro­duit et conclu par Zinn, mais lu par l’ac­teur, en 8 épi­sodes.

 

Je recom­mande éga­le­ment ces livres-là, que j’ai lus, mais je ne les ai qu’en ver­sion papier – et ils sont supers. C’est là qu’on voit le fan­tas­tique tra­vail d’Agone.

  • Déso­béis­sance civile et démo­cra­tie, Agone, coll. « élé­ments », 2010.
  • L’Impossible Neu­tra­li­té. Auto­bio­gra­phie d’un his­to­rien et mili­tant, Agone, coll. « Élé­ments », 2013
  • Se révol­ter si néces­saire. Textes & dis­cours (1962–2009), Agone, coll. « mémoires sociales »
  • En sui­vant Emma, Agone (2007). Grosse affec­tion pour cette pièce de théâtre
  • Des voix rebelles – Récits popu­laires des États-Unis, superbe petit livre-DVD, chez Agone, encore (ici)
  • La remar­quable BD Une his­toire popu­laire de l’empire amé­ri­cain, par Mike Kono­pa­cki et Paul Buhle, édi­tions Ver­tige Gra­phic, 2009

Livres que je n’ai pas lu entièrement, juste feuilletés

Film

  • Howard Zinn : Une his­toire popu­laire amé­ri­caine – Du Pain et des Roses, d’Olivier Azam et Daniel Mer­met, sor­ti au cinoche en 2015 (DVD ici, chez les Mutins de Pan­gée).

Il existe même un livret péda­go­gique pour col­lège-lycée, réa­li­sé par Amit Bel­li­cha, Marion Blan­chaud, Jacques Chou­kroun, Tris­tan Nédé­lec, avec le concours d’Olivier Azam, Daniel Mer­met et toute l’équipe des Mutins de Pan­gée : ici

Conférences et entrevues

En français

Daniel Mer­met, entre­tien avec Howard Zinn sur Une his­toire popu­laire des Etats-Unis, dans Là-bas si j’y suis (14 et 15 sep­tembre 2004)

 

Howard Zinn – Des huîtres au tabas­co, entre­tiens avec Daniel Mer­met, dans Là-bas si j’y suis (2010)

Hom­mage à Howard Zinn (29 jan­vier 2010) : télé­char­ger

En anglais

  • Confé­rence A World Without Bor­ders, enre­gis­trée à Cam­bridge, Mas­sa­chus­setts, le 7 février 2005. Télé­char­ger
  • Howard Zinn ‎– Heroes And Mar­tyrs : Emma Gold­man, Sac­co & Van­zet­ti, and the Revo­lu­tio­na­ry Struggle (2000)
    • Je n’ai que le disque sur Emma Gold­man. Il me manque la plage 6 (Man­hat­tan Cafes) et de 11 à 14 (11. In Love With the King of the Hobos,12. On Trial,13. In Pri­son & the USSR, 14. Exile). J’ai tout col­lé 1->5 et 7->10 dans un seul mp3 ici. Télé­char­ger

 

 

Un tra­vail très cri­tique a paru en 2019 sous la plume de Mary Gra­bar, Debun­king Howard Zinn : Expo­sing the Fake His­to­ry That Tur­ned a Gene­ra­tion against Ame­ri­ca. Je n’ai pas lu cet ouvrage, mais j’ai vu quelques retours de gens très mécon­tents (comme ). Je n’ai pas la com­pé­tence de tran­cher, mais Madame Gra­bar est très active comme thu­ri­fé­raire de Donald J. Trump, et s’est fen­du d’at­taques dont cer­taines sont ad homi­nem comme ici.

« I knew Howard Zinn was bad–a com­mu­nist, a cor­rupt tea­cher, a frau­dulent his­to­rian, and an anti-Ame­ri­can agi­ta­tor. I knew A People’s His­to­ry of the Uni­ted States was ter­rible. Indeed, most people, unless they are young or other­wise impres­sio­nable, can see how slan­ted the book is in the ope­ning pages. But as I resear­ched more dee­ply my sus­pi­cions tur­ned to shock. Not only does Zinn put a far-left spin on events in Ame­ri­can his­to­ry, but he uses ille­gi­ti­mate sources (ideo­lo­gi­cal New Left his­to­rians, a socia­list nove­list, a Holo­caust-denying his­to­rian), pla­gia­rizes, mis­re­pre­sents authors’ words, leaves out cri­ti­cal infor­ma­tion, and pre­sents outright lies. »

Je tra­duis rapi­de­ment : « Je savais que Howard Zinn était mau­vais – un com­mu­niste, un ensei­gnant cor­rom­pu, un his­to­rien frau­du­leux et un agi­ta­teur anti-amé­ri­cain. Je savais qu’une his­toire popu­laire des États-Unis était hor­rible. En effet, la plu­part des gens, à moins qu’ils ne soient jeunes ou impres­sion­nables, peuvent voir à quel point le livre est orien­té dans les pre­mières pages. Mais au fur et à mesure que je recher­chais plus pro­fon­dé­ment, mes soup­çons se sont trans­for­més en choc. Non seule­ment Zinn donne une tour­nure d’ex­trême gauche aux évé­ne­ments de l’his­toire amé­ri­caine, mais il uti­lise des sources illé­gi­times (his­to­riens idéo­lo­giques de la Nou­velle Gauche, un roman­cier socia­liste, un his­to­rien néga­tion­niste), pla­gie, déforme les pro­pos des auteurs, laisse de côté des infor­ma­tions cri­tiques, et pré­sente des men­songes ».

Je ne sau­rai en dire plus, et laisse ce tra­vail aux gens dont c’est le métier.

Notes

  1. Lui aus­si groupe enga­gé, qui a entre autres par­ti­ci­pé à un docu­men­taire sur le géno­cide armé­nien appe­lé Screa­mers, de Car­la Gara­pe­dia (2006), que je recom­mande.

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