Peut-être avez-vous en mémoire le pataquès créé par nos rapports CORTECS pour le Conseil de l’Ordre des masseurs-kinés, sur l’ostéopathie crânienne et viscérale, en 2016 et 2018. Si pas, vous pouvez zieuter ici :
Rapport CORTECS CNOMK : l’ostéopathie crânienne à l’épreuve des faits (2016)
Rapport CORTECS CNOMK : l’ostéopathie viscérale à l’épreuve des faits (2018)
Cela nous avait valu des attaques salées.
Il y a quelques jours, une étude française, menée par Christelle Nguyen et ses collègues à l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) a été publiée dans le JAMA (Journal of The American Medical Association). Ça s’appelle Effect of Osteopathic Manipulative Treatment vs Sham Treatment on Activity Limitations in Patients With Nonspecific Subacute and Chronic Low Back PainA Randomized Clinical Trial, par Christelle Nguyen, Isabelle Boutron, Rafael Zegarra-Parodi et al (al signifiant « les autres »). March 15, 2021 DOI : 10.1001/jamainternmed.2021.0005 (DOI signifie Digital object identifier, identifiant numérique d’objet, si vous êtes curieu·se, lire ça). Je la trouve élégante, bien faite, les stats ont été dépouillées à l’aveugle, tous les liens d’intérêt sont donnés… Vous pouvez la lire là, et éventuellement la faire traduite automatiquement par un logiciel, mais si ça vous rebute, ce que je comprends volontiers car moi-même ça m’arrache la cervelle à chaque fois, voici le résumé donné par l’AP-HP elle-même.
Une équipe composée de médecins, chercheurs et enseignants-chercheurs du service de rééducation et de réadaptation de l’appareil locomoteur et des pathologies du rachis du Pr François Rannou à l’Hôpital Cochin AP-HP, de l’Inserm et d’Université de Paris, et d’ostéopathes exclusifs, a évalué dans une étude intitulée LC-OSTEO l’utilité des manipulations ostéopathiques chez les patients souffrant de lombalgie commune subaiguë et chronique (durée des douleurs supérieure à 6 semaines). Les résultats de cette étude, promue par l’AP-HP, ont fait l’objet d’une publication dans la revue JAMA Internal Medicine le 15 mars 2021.
La lombalgie commune, encore appelée « mal de dos », est un symptôme fréquent. Lorsque la lombalgie devient chronique, c’est-à-dire persiste plus de trois mois, elle peut avoir un impact négatif sur la qualité de vie des personnes et sur l’ensemble de leurs activités de la vie quotidienne, des plus élémentaires au plus complexes.
Les traitements de la lombalgie reposent sur l’association de traitements médicamenteux et non médicamenteux. Parmi ces derniers figurent les manipulations ostéopathiques pratiquées par des ostéopathes exclusifs, c’est-à-dire non professionnels de santé. L’étude LC-OSTEO, un essai clinique randomisé prospectif, a inclus 400 personnes lombalgiques recrutées parmi le personnel de l’AP-HP dont l’âge médian était de 50 ans. 60 % étaient des femmes et 90 % étaient en activité professionnelle.
La durée moyenne de l’épisode en cours de lombalgie était de 7,5 mois. Les participants ont bénéficié de six séances de manipulations ostéopathiques ou de six séances de manipulations placebo, dispensées par des ostéopathes exclusifs, à raison d’une séance toutes les deux semaines, pendant trois mois.
Le critère d’évaluation principal a été la diminution du retentissement de la lombalgie sur les activités de la vie quotidienne à 3 mois, mesuré par le score de Québec, allant de 0 point (pas de retentissement) à 100 points (retentissement maximal).
Les critères de jugement secondaires ont été la douleur, la qualité de vie, le nombre et la durée des arrêts maladie, le nombre d’épisodes de lombalgie et la consommation de médicaments à trois et à douze mois. Les événements indésirables ont été recueillis à 3, 6 et 12 mois.
À trois mois, la réduction moyenne du score de Québec était de ‑4,7 points (IC à 95%, ‑6,6 à ‑2,8) dans le groupe ostéopathie et de ‑1,3 points (IC à 95%, ‑3,3 à 0,6) dans le groupe placebo (avec une différence moyenne entre les 2 groupes de – 3,4 points [IC à 95%, ‑6,0 à ‑0,7], p = 0,01).
À 12 mois, la différence moyenne entre les deux groupes en terme de réduction du score de Québec était de ‑4,3 points (IC à 95%, ‑7,6 à ‑1,0, p = 0,01) et en terme de réduction de la douleur de ‑2,0 (IC à 95%, ‑7,2 à 3,3, p = 0,47).
Aucune différence statistiquement significative sur les critères de jugement secondaires n’a été constatée. Quatre événements indésirables graves ont été déclarés dans le groupe ostéopathie, mais aucun n’a été considéré en lien avec le traitement.
Ces résultats montrent que les manipulations ostéopathiques ont un effet faible et non cliniquement pertinent, sur le retentissement de la lombalgie sur les activités de la vie quotidienne à 3 et 12 mois, en comparaison aux manipulations placebo. Les manipulations ostéopathiques n’ont pas d’effet sur la douleur, la qualité de vie ou la consommation de médicaments.
L’étude LC-OSTEO soulève la question de l’utilité des manipulations ostéopathiques délivrées par des ostéopathes non professionnels de santé chez les personnes souffrant de lombalgie commune subaiguë et chronique.
Cette étude a bénéficié du soutien du Ministère de la Santé et des Solidarités dans le cadre du Programme Hospitalier de Recherche Clinique 2011
En passant : pour qui ne pigerait pas la coexistence en France d’ostéopathes professionnel·les de santé et non professionnel·les de santé, avec Nicolas nous avions écrit un article sur le sujet, qui avait fait bien jaser, là aussi : les kinés-ostéos, centaures de la santé, dans Kinésithérapie, la revue 2018- Vol. 18 – N° 198 – p. 55–56. Achetez la revue si vous avez les moyens. Si fauché·e, ou opposée au groupe d’édition Elsevier, ou si vous avez des oursins dans les poches, lisez-le là.
En cadeau, un extrait vidéo dont je me sers parfois en cours, tiré de « Rire et châtiment », d’Isabelle Doval (2003), film un peu douteux je dois l’avouer.
Merci à Philippe Descamps, du Monde diplomatique qui m’a mis le nez sur cette publi que j’avais bêtement remisée sous un tas poussiéreux de choses à lire.
J’ai voulu aller lire la publication pour savoir en quoi consistait les manipulations placebo, l’accès semble payant, mais j’ai trouvé ma réponse ici : https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02034864?term=NCT02034864&draw=2&rank=1#armgroup
De simples touchés légers, même pas besoin de faire craquer les os pour un bon effet placebo ?
Je pense que le biais principal sur cette intéressante étude résulte dans le fait que les traitements prodigués aux patients ont été standardisés (nécessaire pour en juger l’efficacité / mais à l’encontre d’une prise en charge adaptée au patient et hollistique).
Cf le lien plus haut sur les modalités de l’étude