Andrew T. Still, fondateur de l'ostéopathie, tombe sur un os

Andrew T. Still, fon­da­teur de l’os­téo­pa­thie, est per­plexe.

Peut-être avez-vous en mémoire le pata­quès créé par nos rap­ports CORTECS pour le Conseil de l’Ordre des mas­seurs-kinés, sur l’os­téo­pa­thie crâ­nienne et vis­cé­rale, en 2016 et 2018. Si pas, vous pou­vez zieu­ter ici :

Cela nous avait valu des attaques salées.

Il y a quelques jours, une étude fran­çaise, menée par Chris­telle Nguyen et ses col­lègues à l’AP-HP (Assis­tance Publique – Hôpi­taux de Paris) a été publiée dans le JAMA (Jour­nal of The Ame­ri­can Medi­cal Asso­cia­tion). Ça s’ap­pelle Effect of Osteo­pa­thic Mani­pu­la­tive Treat­ment vs Sham Treat­ment on Acti­vi­ty Limi­ta­tions in Patients With Nons­pe­ci­fic Sub­acute and Chro­nic Low Back Pai­nA Ran­do­mi­zed Cli­ni­cal Trial, par Chris­telle Nguyen, Isa­belle Bou­tron, Rafael Zegar­ra-Paro­di et al (al signi­fiant « les autres »). March 15, 2021 DOI : 10.1001/jamainternmed.2021.0005 (DOI signi­fie Digi­tal object iden­ti­fier, iden­ti­fiant numé­rique d’ob­jet, si vous êtes curieu·se, lire ça). Je la trouve élé­gante, bien faite, les stats ont été dépouillées à l’a­veugle, tous les liens d’in­té­rêt sont don­nés… Vous pou­vez la lire , et éven­tuel­le­ment la faire tra­duite auto­ma­ti­que­ment par un logi­ciel, mais si ça vous rebute, ce que je com­prends volon­tiers car moi-même ça m’ar­rache la cer­velle à chaque fois, voi­ci le résu­mé don­né par l’AP-HP elle-même.

Une équipe com­po­sée de méde­cins, cher­cheurs et ensei­gnants-cher­cheurs du ser­vice de réédu­ca­tion et de réadap­ta­tion de l’appareil loco­mo­teur et des patho­lo­gies du rachis du Pr Fran­çois Ran­nou à l’Hôpital Cochin AP-HP, de l’Inserm et d’Université de Paris, et d’ostéopathes exclu­sifs, a éva­lué dans une étude inti­tu­lée LC-OSTEO l’utilité des mani­pu­la­tions ostéo­pa­thiques chez les patients souf­frant de lom­bal­gie com­mune sub­ai­guë et chro­nique (durée des dou­leurs supé­rieure à 6 semaines). Les résul­tats de cette étude, pro­mue par l’AP-HP, ont fait l’objet d’une publi­ca­tion dans la revue JAMA Inter­nal Medi­cine le 15 mars 2021.

La lom­bal­gie com­mune, encore appe­lée « mal de dos », est un symp­tôme fré­quent. Lorsque la lom­bal­gie devient chro­nique, c’est-à-dire per­siste plus de trois mois, elle peut avoir un impact néga­tif sur la qua­li­té de vie des per­sonnes et sur l’ensemble de leurs acti­vi­tés de la vie quo­ti­dienne, des plus élé­men­taires au plus com­plexes.

Les trai­te­ments de la lom­bal­gie reposent sur l’association de trai­te­ments médi­ca­men­teux et non médi­ca­men­teux. Par­mi ces der­niers figurent les mani­pu­la­tions ostéo­pa­thiques pra­ti­quées par des ostéo­pathes exclu­sifs, c’est-à-dire non pro­fes­sion­nels de san­té. L’étude LC-OSTEO, un essai cli­nique ran­do­mi­sé pros­pec­tif, a inclus 400 per­sonnes lom­bal­giques recru­tées par­mi le per­son­nel de l’AP-HP dont l’âge médian était de 50 ans. 60 % étaient des femmes et 90 % étaient en acti­vi­té pro­fes­sion­nelle.

La durée moyenne de l’é­pi­sode en cours de lom­bal­gie était de 7,5 mois. Les par­ti­ci­pants ont béné­fi­cié de six séances de mani­pu­la­tions ostéo­pa­thiques ou de six séances de mani­pu­la­tions pla­ce­bo, dis­pen­sées par des ostéo­pathes exclu­sifs, à rai­son d’une séance toutes les deux semaines, pen­dant trois mois.

Le cri­tère d’é­va­lua­tion prin­ci­pal a été la dimi­nu­tion du reten­tis­se­ment de la lom­bal­gie sur les acti­vi­tés de la vie quo­ti­dienne à 3 mois, mesu­ré par le score de Qué­bec, allant de 0 point (pas de reten­tis­se­ment) à 100 points (reten­tis­se­ment maxi­mal).

Les cri­tères de juge­ment secon­daires ont été la dou­leur, la qua­li­té de vie, le nombre et la durée des arrêts mala­die, le nombre d’é­pi­sodes de lom­bal­gie et la consom­ma­tion de médi­ca­ments à trois et à douze mois. Les évé­ne­ments indé­si­rables ont été recueillis à 3, 6 et 12 mois.

À trois mois, la réduc­tion moyenne du score de Qué­bec était de ‑4,7 points (IC à 95%, ‑6,6 à ‑2,8) dans le groupe ostéo­pa­thie et de ‑1,3 points (IC à 95%, ‑3,3 à 0,6) dans le groupe pla­ce­bo (avec une dif­fé­rence moyenne entre les 2 groupes de – 3,4 points [IC à 95%, ‑6,0 à ‑0,7], p = 0,01).

À 12 mois, la dif­fé­rence moyenne entre les deux groupes en terme de réduc­tion du score de Qué­bec était de ‑4,3 points (IC à 95%, ‑7,6 à ‑1,0, p = 0,01) et en terme de réduc­tion de la dou­leur de ‑2,0 (IC à 95%, ‑7,2 à 3,3, p = 0,47).

Aucune dif­fé­rence sta­tis­ti­que­ment signi­fi­ca­tive sur les cri­tères de juge­ment secon­daires n’a été consta­tée. Quatre évé­ne­ments indé­si­rables graves ont été décla­rés dans le groupe ostéo­pa­thie, mais aucun n’a été consi­dé­ré en lien avec le trai­te­ment.

Ces résul­tats montrent que les mani­pu­la­tions ostéo­pa­thiques ont un effet faible et non cli­ni­que­ment per­ti­nent, sur le reten­tis­se­ment de la lom­bal­gie sur les acti­vi­tés de la vie quo­ti­dienne à 3 et 12 mois, en com­pa­rai­son aux mani­pu­la­tions pla­ce­bo. Les mani­pu­la­tions ostéo­pa­thiques n’ont pas d’effet sur la dou­leur, la qua­li­té de vie ou la consom­ma­tion de médi­ca­ments.

L’étude LC-OSTEO sou­lève la ques­tion de l’u­ti­li­té des mani­pu­la­tions ostéo­pa­thiques déli­vrées par des ostéo­pathes non pro­fes­sion­nels de san­té chez les per­sonnes souf­frant de lom­bal­gie com­mune sub­ai­guë et chro­nique.

Cette étude a béné­fi­cié du sou­tien du Minis­tère de la San­té et des Soli­da­ri­tés dans le cadre du Pro­gramme Hos­pi­ta­lier de Recherche Cli­nique 2011

En pas­sant : pour qui ne pige­rait pas la coexis­tence en France d’os­téo­pathes professionnel·les de san­té et non professionnel·les de san­té, avec Nico­las nous avions écrit un article sur le sujet, qui avait fait bien jaser, là aus­si : les kinés-ostéos, cen­taures de la san­té, dans Kiné­si­thé­ra­pie, la revue 2018- Vol. 18 – N° 198 – p. 55–56. Ache­tez  la revue si vous avez les moyens. Si fauché·e, ou oppo­sée au groupe d’é­di­tion Else­vier, ou si vous avez des our­sins dans les poches, lisez-le là.

En cadeau, un extrait vidéo dont je me sers par­fois en cours, tiré de « Rire et châ­ti­ment », d’I­sa­belle Doval (2003), film un peu dou­teux je dois l’a­vouer.

 

Mer­ci à Phi­lippe Des­camps, du Monde diplo­ma­tique qui m’a mis le nez sur cette publi que j’a­vais bête­ment remi­sée sous un tas pous­sié­reux de choses à lire.

2 réponses

  1. Nicolas dit :

    J’ai vou­lu aller lire la publi­ca­tion pour savoir en quoi consis­tait les mani­pu­la­tions pla­ce­bo, l’ac­cès semble payant, mais j’ai trou­vé ma réponse ici : https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02034864?term=NCT02034864&draw=2&rank=1#armgroup

    De simples tou­chés légers, même pas besoin de faire cra­quer les os pour un bon effet pla­ce­bo ?

  2. FatMat dit :

    Je pense que le biais prin­ci­pal sur cette inté­res­sante étude résulte dans le fait que les trai­te­ments pro­di­gués aux patients ont été stan­dar­di­sés (néces­saire pour en juger l’efficacité / mais à l’encontre d’une prise en charge adap­tée au patient et hol­lis­tique).
    Cf le lien plus haut sur les moda­li­tés de l’étude

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