Pré­sen­ter Rony Brau­man n’est pas dif­fi­cile : méde­cin, diplô­mé de méde­cine tro­pi­cale et épi­dé­mio­lo­gie, enga­gé dans l’ac­tion huma­ni­taire depuis 1977, en par­ti­cu­lier dans Méde­cins Sans Fron­tières dont il sera pré­sident de 1982 à 1994 ; auteur de nom­breux ouvrages et articles, dont « Guerres huma­ni­taires ? Men­songes et Intox » (Tex­tuel, 2018),« La Méde­cine Huma­ni­taire » (PUF, 2010), « Pen­ser dans l’ur­gence » (Seuil, 2006) et « Uto­pies Sani­taires » (Le Pom­mier, 2000). France Culture, dans l’é­mis­sion À voix nue, lui consacre un por­trait en cinq épi­sodes abso­lu­ment remar­quables.

En vue d’en faire du maté­riel cri­tique péda­go­gique, j’en extrais quatre mor­ceaux.

 

  • Le pre­mier dans l’é­pi­sode 1 sur la « pro­prié­té des corps » (qui inté­res­se­ra les phi­lo­sophes de la san­té)
  • Le deuxième dans l’é­pi­sode 3 : sur le faux « géno­cide » au Bia­fra comme pro­pa­gande des ser­vices secrets fran­çais, et sur la dupe­rie de la Marche de la Sur­vie et la « fausse » famine au Cam­bodge. Où l’on com­prend que cer­taines fake news sont typi­que­ment fran­çaises, et ont de véri­tables impacts en terme de géo­po­li­tique. Brau­man men­tionne ici le livre de William Shaw­cross, The qua­li­ty of Mer­cy / le poids de la pitié, chez Bal­land (1985), que je n’ai pas lu.
  • Le troi­sième dans l’é­pi­sode 4, sur l’ins­tru­men­ta­li­sa­tion et la désyn­cré­ti­sa­tion de la famine en Éthio­pie. La chan­son « Éthio­pie », que je chan­tais en CE2 ou CM1, par­ti­ci­pait sans le vou­loir de la désyn­cré­ti­sa­tion pro­pa­gan­diste des pro­blèmes.

Michael Buerk, prin­ci­pal four­nis­seur de docu­men­ta­tion de ce drame, avec les images chocs de son camé­ra­man le kenyan Moham­med Amin,  recon­naî­tra plus tard avoir été par­fai­te­ment conscient que les causes natu­relles étaient loin d’ex­pli­quer la famine en cours, et que comme le dirait Amar­tya Sen plus tard, « la famine n’est pas un désastre natu­rel, mais la résul­tat de fac­teurs sociaux et poli­tiques ». Pour en lire le détail, on peut regar­der cet article du Guar­dian de 2014 de Suzanne Franks inti­tu­lé « Ethio­pian famine : how land­mark BBC report influen­ced modern cove­rage ». Mais selon lui, il était plus urgent de faire venir les secours par une famine « sexy » que de dis­cu­ter des causes réelles. Nous sommes en plein dans la phi­lo­so­phie morale poli­tique.

Pleu­rer la famine en Éthio­pie sans en regar­der les res­sorts poli­tiques est la même chose que déplo­rer la « mal­chance » des haïtien·nes (un de mes exemples pré­fé­rés dans mes cours : j’en parle briè­ve­ment dans « Deus ex machi­na », sur le site CORTECS, en 2010).

Vous l’en­ten­drez, Rony Brau­man y règle son compte à Bob Gel­dof, peut être l’in­ven­teur des slum­fies, vous savez, ces pho­tos prises avec un fond de cahutes en paille et d’en­fants sous-nutris. Je suis d’au­tant plus dèg que Gel­dof était pour moi l’in­croyable Pink, dans le film que j’ai le plus regar­dé de ma vie, « The Wall » d’A­lan Par­ker (1982).

« Pour­vu qu’ils ne salissent pas ma che­mise, ces sales gosses »

D’ailleurs, il parait qu’une « com­pi­la­tion anti-Gel­dof » titrée Live8  without the fan­ta­sy a été pro­duite en 2007 par le label de metal extrême Super­nal Music, afin de

Com­pil anti-Gel­dof

dénon­cer la bien-pen­sance du mon­sieur. J’ai posé la ques­tion à Tho­mas Dubois, ma réfé­rence en Metal extrême, et il a trou­vé : la dis­co est ici.

  • Le qua­trième dans l’é­pi­sode 5 sur la « doc­trine des bonnes inten­tions » et les men­songes de l’in­ter­ven­tion libyenne et de la des­ti­tu­tion d’un chef d’État, Mouam­mar Kadha­fi.
Au fond, il n’est pas besoin d’al­ler cher­cher les fan­tas­ma­tiques armes de des­truc­tion mas­sive chères à Tony Blair. Nous avons nos propres men­songes bien de chez nous et nos manu­fac­tures du consen­te­ment locales.
RM

PS : en 2016 j’a­vais envi­sa­gé de faire une dis­pu­ta­tio sur « pour /contre l’in­ter­ven­tion­nisme huma­ni­taire ». Rony Brau­man avait répon­du pré­sent, mais je n’a­vais trou­vé per­sonne à lui oppo­ser. Je me remets à l’ou­vrage. Toute idée est la bien­ve­nue – dans l’ab­so­lu, je pen­sais à un des ministres des affaires étran­gères, de Hubert Védrine à J‑Y. Le Drian, en pas­sant par J‑M. Ayrault ; ou au géné­ral Pierre de Vil­liers. J’ai renon­cé à Ber­nard Kouch­ner, et je n’i­ma­gine même pas que Ber­nard Hen­ri-Lévy, le « Don Qui­chotte des guerres oubliées » puisse prendre un tel risque.

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