Je découvre dans l’incroyable livre « Soigner les fous : Histoire des traitements médicaux en psychiatrie »
de Michel Caire (2019, Nouveau Monde) la technique de la fomentation : elle consiste à faire pénétrer des odeurs affreuses par le nez et par la vulve.
M. Caire explique :
« Elle est née en un temps où l’on pensait que la crise, ou suffocation de la matrice, venait de ce que l’utérus enflait ou qu’il était « emporté en haut par un mouvement forcé ». Et que l’on pouvait aider l’organe à revenir à sa place en le repoussant par le haut grâce à des substances puantes présentées à l’organe de l’odorat telles que la fumée de corne de bouc, «« les plumes & la rapure de succin » [Ludwig, 1710, I ; 365] tout en l’attirant par le bas grâce à des parfums agréables. Pour ce faire, un instrument inventé par Ambroise Paré et appelé comare était placé dans la nature de la femme : il est « faict en façon de pessaire, pertuisé en plusieurs lieux » et permet de tenir le col ouvert, de manière à faire retirer la matrice « en son lieu » [A. Paré, 1575, Livre de la Génération, chap. LVI ; 785].

Peter Uffenbach, Ambroise Paré, and Conrad Gessner, Thesaurus chirurgiae, Frankfurt : Jacob Fischer for Nikolaus Hoffmann, 1610. K.7.31 (p. 531).
Cette idée, aussi aberrante qu’elle puisse paraître, était très partagée en ce temps. Et l’on peut voir à la fin du Siècle des lumières encore proposer l’usage des mêmes moyens « antihystériques », considérés comme « propres non pas à guérir l’affection mais à en faire cesser les accidens spasmodiques » : dans ce cas, il conviendra d’associer les fétides, qui agissent comme stimulants « en excitant vivement la sensibilité, en la réveillant pour ainsi dire de son assoupissement » et une douce stimulation de la région vulvaire et rectale par des onctions et des fomentations aromatiques [Fourcroy, « Anti-hystériques », Encycl. méthod. méd., 1790, III ; 76].

Aphra Behn (att. to) and John Harvey (ed.), after H. Sweerts (pseud. of H. de Vrye), The Ten Pleasures of Marriage and the Second Part the Confession of the Married Couple (1682), London : John Harvey, 1933 (facsimile). S727.d.93.26 (opp. p. 45).
On notera que l’assa fætida aura au XXe siècle toujours un adepte, le psychiatre brésilien Henrique Roxo qui, « quand il y a une crise hystérique », donne à sentir « l’élixir fétide de Fulde » [Roxo, 1936 ; 205].
La façon d’aborder les personnes neuroatypiques est encore bien rudimentaire, mais des fois, à regarder d’où l’on vient, et à lire les nombreux traitements épouvantables recensés par Michel caire, on se dit qu’on échappe quand même à quelques trucs salés.
Ajout : en lisant les Aphorismes de médecine clinique de Corvisart-Des-Marets, médecin de Napoléon, je tombe sur :
« Quand les femmes sont fortes et pléthoriques, il faut s’en tenir aux antiphlogistiques, tels que les bains, la saignée, les délayants généraux, etc., auxquels on peut joindre cependant les anti-
hystériques, les bols d’assa fæœtida, les lavements avec la décoction de matricaire, etc. » (Art. 12, 3ème section, p. 98)
Le yoni steam ou sauna vaginal a également des prétentions ‑outre physiques- psychiques. « Dans le même moule », si j’ose l’écrire.
bien vu ! Merci Nicolas