Maintes fois, lors de dis­cus­sions avi­nées, j’ai défen­du le fait que le film Ram­bo « first blood » était un film poli­ti­que­ment très riche, un film social. On m’a sou­vent ri au nez. Jusqu’à ce que je tombe sur mon pote David Lau­met, qui m’a dit : « Je suis d’accord, et tu devrais lire le roman d’origine, Pre­mier sang, de David Mor­rell (1972) ». Alors comme Ernest Heming­way, je me suis exé­cu­té. J’ai lu le roman, puis revu le film, (puis regar­dé Ram­bo Last blood (2019), cette der­nière étape fut cer­tai­ne­ment une erreur, mais je vou­lais voir com­ment la saga se ter­mi­nait).

En sub­stance, quelques points.

Je pense que Ram­bo est une his­toire « gau­chiste », parce que d’une part elle dénonce les dégâts psy­cho­lo­giques et phy­siques des anciens com­bat­tants, entre autres expo­sés à l’agent orange, un défo­liant (mélange à parts égales de deux molé­cules her­bi­cides : l’a­cide 2,4‑dichlorophénoxyacétique et l’a­cide 2,4,5‑trichlorophénoxyacétique, répan­du durant la guerre du Viet­nam) ; d’autre part elle montre le mau­vais trai­te­ment réser­vé aux parias par une police qui ne cherche qu’à main­te­nir l’ « ordre » en expul­sant les vaga­bonds hors de la ville, ce qui s’inspire de faits réels – et récol­te­ra la ter­reur.

En com­pa­rant le roman et le film, je suis tom­bé des nues.

Quelques dif­fé­rences notables :

Le roman est beau­coup plus violent, et bien plus nuan­cé.

Violent car John Ram­bo tue un max de gens, et ça dès le début, alors que dans le film, il tue presque par hasard un tireur sadique dans un héli­co.

Nuan­cé car le shé­rif Will Teasle (joué par le ter­rible Brian Dene­hy que le spa­ghet­ti mons­ter prenne soin de son âme car il est mort en 2020) est aus­si injuste que dans le film, mais il est plus com­plexe, lui-même presque aus­si déco­ré mili­taire que Ram­bo, en Corée, il est très fra­gile du cœur, il perd dans les gens tués des êtres chers, bref il n’est pas aus­si anti­pa­thique que dans le film.

Autres dif­fé­rences :

Dans le roman

- Ram­bo part à poil du com­mis­sa­riat (on l’a habillé pour le film)

- Il n’y a pas l’histoire de l’agent orange dedans, ni celle de son ami noir mort

- Il n’a pas le cou­teau de sur­vie qui nous a tant fait rêver gosses

- il se pète les côtes dès le début, misère dans le froid, et va jus­qu’à bouf­fer un hibou

- Il ne tombe pas sur un enfant dans la forêt, mais sur des moon­shi­ners, qui dis­til­lent de la gnôle en cachette

- Il blesse mais ne tue pas le shé­riff du fait jus­te­ment de la déco­ra­tion mili­taire de celui-ci

- Il détruit le palais de jus­tice et la pri­son à la dyna­mite, alors que dans le film, c’est la sta­tion-ser­vice, un maga­sin de jouets et le com­mis­sa­riat qui explosent

- (atten­tion je divul­gache) Ram­bo meurt à la fin, abat­tu par Traut­man, tan­dis que le shé­riff suc­combe à ses bles­sures infli­gées par Ram­bo. Dans le film, Ram­bo manque de tuer Teasle, mais Traut­man l’en empêche au der­nier moment, et Ram­bo se rend. Une ver­sion fidèle au livre a été fil­mée, mais non gar­dée, que Traut­man des­soude Ram­bo a été jugé trop dépri­mant dans les essais de pro­jec­tion. Idem pour un sui­cide de Ram­bo à la fin.

Le shé­riff Teasle

Autres anec­dotes :

Ram­bo devait être joué par Dus­tin Hoff­man ! Qui a fina­le­ment trou­vé ça trop violent. Idem, de grands noms ont décli­né, Clint East­wood, Al Paci­no, de Niro et même Terence Hill et Tra­vol­ta. Steve McQueen a été trou­vé trop vieux pour le rôle. Le colo­nel Traut­man, lui, devait être joué par Kirk Dou­glas, ou Robert Duval, et pour le shé­riff, Gene Hack­man était pres­sen­ti, de même que Burt Lan­cas­ter ou Lee Mar­vin. Ca aurait don­né une autre cou­leur au film, tout ça.

Dans le bou­quin Ram­bo est bar­bu et che­ve­lu. Et s’il s’appelle comme ça, Mor­rell explique en post­face que c’est dû à deux choses : son goût pour Rim­baud, que ses étu­diants pro­noncent « ram­baud », et à une varié­té de pommes que sa femme lui a appor­té un jour, qui s’appelait « ram­bo » (en réa­li­té Ram­bour, mais on s’en fout). Mor­rell, né en 1943, et qui écrit tou­jours (il habite San­ta Fé) déplore ce qu’est deve­nu Ram­bo dans le film, mais a quand même contri­bué à le res­sus­ci­ter dans le scé­nar de Ram­bo 2. Bizarre.

Tout ça pour dire : à bas la guerre.

4 réponses

  1. Olivier dit :

    Du coup, je viens de me le (re)faire, Ram­bo. Je ne sais pas si je l’a­vais vu en entier : les Ram­bo, c’é­tait un peu syno­nyme de film con et j’é­tais un peu snob, même si plu­sieurs per­sonnes m’a­vaient inci­té à une appré­cia­tion plus nuan­cée – au même titre que pour le pre­mier Rocky, d’ailleurs. Et puis le temps est pas­sé, le film est facile à trou­ver, je m’en suis peu sou­cié… Bref, mer­ci du rap­pel.
    Grosse nos­tal­gie du grain de ces films, moins pour des rai­sons esthé­tiques que parce que c’est mon enfance. Gros coup de vieux du coup, (curieu­se­ment sur la chan­son du géné­rique de fin, très datée). Pour reve­nir au film, c’est direct, ça dit ce que ça a à dire, sans avoir l’air de faire autre chose et je trouve ça sym­pa­thique. Je suis assez en phase avec votre appré­cia­tion … Ne me reste plus qu’à lire le livre, en somme.
    Dans le fou­lée, je me suis récu­pé­ré Lone Star (je ne l’ai pas revu depuis la fin des années 90, peut être que mes sou­ve­nirs l’en­jo­livent), un poli­cier qui n’est pas sans rap­port en cher­chant un peu : y’a un truc de she­riff aus­si, une façon d’a­bor­der assez expli­ci­te­ment ses sujets, par exemple, le rap­port des EUA avec les popu­la­tions lati­nos, leur rela­tion pas­sée avec le Mexique et le révi­sion­nisme his­to­rique à ce sujet. C’est un polar qui marche bien en tant que tel mais il y a des scènes et dia­logues assez élo­quents, sur fond de racisme ordi­naire, enkys­té. C’est dans ce film, je crois qu’une parent d’é­lève reproche à une ensei­gnante d’his­toire d’ap­prendre aux élèves une ver­sion « biai­sée » de l’his­toire amé­ri­caine (du Texas, sur­tout, je crois) et qui écarte l’ob­jec­tion que ce sont seule­ment des faits his­to­riques parce que l’en­sei­gnante est his­pa­nique . Mais, encore une fois, je me fais peut être de faux sou­ve­nirs…

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