Maintes fois, lors de dis­cus­sions avi­nées, j’ai défen­du le fait que le film Ram­bo « first blood » était un film poli­ti­que­ment très riche, un film social. On m’a sou­vent ri au nez. Jusqu’à ce que je tombe sur mon pote David Lau­met, qui m’a dit : « Je suis d’accord, et tu devrais lire le roman d’origine, Pre­mier sang, de David Mor­rell (1972) ». Alors comme Ernest Heming­way, je me suis exé­cu­té (ok, c’est pas fin fin comme humour). J’ai lu le roman, puis revu le film, puis regar­dé Ram­bo Last blood (2019), cette der­nière étape fut cer­tai­ne­ment une erreur, mais je vou­lais voir com­ment ça se ter­mi­nait.

En sub­stance, quelques points.

Je pense que Ram­bo est une his­toire « gau­chiste », parce que d’une part elle dénonce les dégâts psy­cho­lo­giques et phy­siques des anciens com­bat­tants, entre autres expo­sés à l’agent orange, un défo­liant (mélange à parts égales de deux molé­cules her­bi­cides : l’a­cide 2,4‑dichlorophénoxyacétique et l’a­cide 2,4,5‑trichlorophénoxyacétique, répan­du durant la guerre du Viet­nam) ; d’autre part elle montre le mau­vais trai­te­ment réser­vé aux parias par une police qui ne cherche qu’à main­te­nir l’ « ordre » en expul­sant les vaga­bonds hors de la ville, ce qui s’inspire de faits réels – et récol­te­ra la ter­reur.

https://www.youtube.com/watch?v=pKuPasOZQH0

En com­pa­rant le roman et le film, je suis tom­bé des nues.

Quelques dif­fé­rences notables :

Le roman est beau­coup plus violent, et bien plus nuan­cé.

Violent car John Ram­bo tue un max de gens, et ça dès le début, alors que dans le film, il tue presque par hasard un tireur sadique dans un héli­co.

Nuan­cé car le shé­rif Will Teasle (joué par le ter­rible Brian Dene­hy que le spa­ghet­ti mons­ter prenne soin son âme car il est mort en 2020) est aus­si injuste que dans le film, mais il est plus com­plexe, lui-même presque aus­si déco­ré mili­taire que Ram­bo, en Corée, il est très fra­gile du coeur, il perd dans les gens tués des êtres chers, bref il n’est pas aus­si anti­pa­thique que dans le film.

Autres dif­fé­rences :

Dans le roman

- Ram­bo part à poil du com­mis­sa­riat (on l’a habillé pour le film)

- Il n’y a pas l’histoire de l’agent orange dedans, ni celle de son ami noir mort

- Il n’a pas le cou­teau de sur­vie qui nous a tant fait rêver gosses

- il se pète les côtes dès le début, misère dans le froid, et va jus­qu’à bouf­fer un hibou

- Il ne tombe pas sur un enfant dans la forêt, mais sur des moon­shi­ners, qui dis­til­lent de la gnôle en cachette

- Il blesse mais ne tue pas le shé­riff du fait jus­te­ment de la déco­ra­tion mili­taire de celui-ci

- Il détruit le palais de jus­tice et la pri­son à la dyna­mite, alors que dans le film, c’est la sta­tion-ser­vice, un maga­sin de jouets et le com­mis­sa­riat qui explosent

- (atten­tion je divul­gache) Ram­bo meurt à la fin, abat­tu par Traut­man, tan­dis que le shé­riff suc­combe à ses bles­sures infli­gées par Ram­bo. Dans le film, Ram­bo manque de tuer Teasle, mais Traut­man l’en empêche au der­nier moment, et Ram­bo se rend. Une ver­sion fidèle au livre a été fil­mée, mais non gar­dée, que Traut­man des­soude Ram­bo a été jugé trop dépri­mant dans les essais de pro­jec­tion. Idem pour un sui­cide de Ram­bo à la fin.

Le shé­riff Teasle

Autres anec­dotes :

Ram­bo devait être joué par Dus­tin Hoff­man ! Qui a fina­le­ment trou­vé ça trop violent. Idem, de grands noms ont décli­né, Clint East­wood, Al Paci­no, de Niro et même Terence Hill et Tra­vol­ta. Steve McQueen a été trou­vé trop vieux pour le rôle. Le colo­nel Traut­man, lui, devait être joué par Kirk Dou­glas, ou Robert Duval, et pour le shé­riff, Gene Hack­man était pres­sen­ti, de même que Burt Lan­cas­ter ou Lee Mar­vin. Ca aurait don­né une autre cou­leur au film, tout ça.

Dans le bou­quin Ram­bo est bar­bu et che­ve­lu. Et s’il s’appelle comme ça, Mor­rell explique en post­face que c’est dû à deux choses : son goût pour Rim­baud, que ses étu­diants pro­noncent « ram­baud », et à une varié­té de pommes que sa femme lui a appor­té un jour, qui s’appelait « ram­bo » (en réa­li­té Ram­bour, mais on s’en fout). Mor­rell, né en 1943, et qui écrit tou­jours (il habite San­ta Fé) déplore ce qu’est deve­nu Ram­bo dans le film, mais a quand même contri­bué à le res­sus­ci­ter dans le scé­nar de Ram­bo 2. Bizarre.

Tout ça pour dire : à bas la guerre.

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