Cré­dit : Pyré­nées Maria­no

La pédo­phi­lie est un sujet qui m’est lan­ci­nant. Pour­quoi ? Fran­che­ment, il y a sept rai­sons mini­mum (sept ! Comme par hasard).

La pre­mière, c’est que j’ai été agres­sé enfant, par un défunt oncle (je lui dédie la chan­son de Dead South « In Hell I’ll Be in Good Com­pa­ny ») – coup de chance, ce n’a pas été trau­ma­ti­sant. Mais j’aimerais bien savoir pour­quoi un adulte peut être ame­né à faire ce genre de trucs dégueux.

La deuxième, c’est que je me rap­pelle très bien quand j’avais 12 ans, je m’étais dit : je kiffe les filles de 12 ans main­te­nant, pour­vu que dans 10 ans je ne kiffe plus les filles de 12 ans. Pour­quoi je m’étais dit ça, je n’en sais fichtre rien. Tou­jours est-il que plus de 30 ans plus tard, je ne suis pas inquiet, mes goûts ont crû (de « croître ») en même temps que moi.

La troi­sième, c’est que pour­tant, mal­gré ça, dans le film Léon de Luc Bes­son (1994), une gamine dit à Léon qu’elle l’aime et que ça lui fait une boule toute chaude dans le ventre ou un truc comme ça. Je suis cer­tain que lors de cette scène, impli­quant Nata­lie Port­man un peu sexua­li­sée qui doit avoir 12 ans, j’ai une mydriase de l’œil et un émoi éro­tique, et pro­ba­ble­ment vous aus­si. Flûte !

La qua­trième, je suis père de famille, je connais plein d’enfants, et j’aimerais bien qu’on les laisse tran­quilles à jouer à touche-pipi s’iels en ont envie, ENTRE EUX. Dit autre­ment, j’aimerais bien que la pré­da­tion pédo­phile dis­pa­raisse, mais com­ment ?

La cin­quième, c’est que les rares solu­tions qui furent pro­po­sées long­temps étaient fort insa­tis­fai­santes : soit vio­lentes et coer­ci­tives simples (pri­son, cas­tra­tion chi­mique, etc.), soit… psy­cha­na­ly­tiques ! Uti­li­ser en psy­cho­lo­gie la psy­cha­na­lyse, c’est un peu comme uti­li­ser la théo­rie des miasmes en bio­lo­gie, c’est une faute pro­fes­sion­nelle.

La sixième repose sur le fait qui me laisse très per­plexe : on est condam­nable avec des plans de bombes sur un ordi, même si on n’est pas pas­sé à l’acte. De même si on a des images pédo­por­no­gra­phiques. Évi­dem­ment, si c’est la per­sonne qui les a fabri­quées, aucune ambi­guï­té. Mais s’il s’agit d’un pal­lia­tif pour ne pas pas­ser à l’acte, de même que les fameuses pou­pées Trot­tla dont je parle en cours sur la phi­lo­so­phie morale, (voir ici), que faut-il en faire juri­di­que­ment ?

Enfin, last but not least, pour­quoi est-ce une immense majo­ri­té de mecs les auteurs des agres­sions sexuelles sur mioches ? Est-ce un biais d’échantillonnage, du fait que ne sus­pec­tant pas les femmes, on les remarque moins, donc moins de condam­na­tions, etc. ? Pos­sible, mais ça n’explique pas le dif­fé­ren­tiel. Renaud chan­tait dans Miss Mag­gie en 1985 :

« Pales­ti­niens et Armé­niens

Témoignent du fond de leurs tom­beaux

Qu’un géno­cide c’est mas­cu­lin

Comme un SS, un tore­ro »

Qu’y a‑t-il dans cette « race mau­dite » du mâle humain qui explique qu’il soit le prin­ci­pal auteur de ce genre d’horreurs ? Ça m’agace, ça m’énerve, com­ment pré­ve­nir, tout ça tout ça.

Durant ces der­nières années, j’ai lu un peu de lit­té­ra­ture scien­ti­fique sur le sujet, j’ai lan­cé quelques étudiant·es sur des connexions connexes au thème (cf. plus bas), mais rien de fou fou. Je ne suis pas psy­cho­logue cli­ni­cien, et quand j’en parle autour de moi, à l’idée de bos­ser sur un tel sujet beau­coup de gens virent au mauve pâle légè­re­ment iri­sé.

Quand début juillet (2023) je tombe sur la cam­pagne STOP, je suis content : enfin un numé­ro où les gens qui pour­raient peut être agres­ser mes mioches ou les vôtres peuvent appe­ler et se faire aider !

C’est que j’ai assez lu, notam­ment sur les Vir­tuous pedo­philes, réseau d’entraide entre gens pédo­philes pour ne pas pas­ser à l’acte et ne pas consom­mer de pédo­por­no­gra­phie pour savoir qu’on peut être pédo­phile sans être cri­mi­nel, mais que c’est très très dif­fi­cile, tel­le­ment dif­fi­cile que je loue le ciel que je sais vide de ne pas être pédo­phile. Fran­che­ment, quelle vie atroce, d’identifier ce pen­chant, et de ne pou­voir deman­der de l’aide à pra­ti­que­ment per­sonne

Je poste donc la cam­pagne sur les réseaux, avec l’affiche et le numé­ro. Et je me dis, c’est tou­jours ça de pris si au moins un type appelle…

Images de la cam­pagne d’affichage en faveur du « Stop », Ser­vice télé­pho­nique d’orientation et de pré­ven­tion à des­ti­na­tion des per­sonnes atti­rées sexuel­le­ment par les enfants.

Et là, à ma grande sur­prise, je reçois le cour­rier dis­cret d’une femme, avec qui j’ai déjà eu des rela­tions épis­to­laires fort riches. Elle m’explique que cette cam­pagne-là, du moins cette affiche, ça ne va pas du tout. Moi : « ah bon ? » Elle : « non ça ne va pas du tout, sur­tout le slo­gan :

« Vous ne voyez qu’elle ? »

et je vais t’expliquer pour­quoi. »

Ce que j’ai lu alors m’a lais­sé comme deux ronds de flan, un rond de flan étant un disque de métal embou­ti pour frap­per mon­naie, donc en gros j’ai eu les yeux ronds comme des sou­coupes.

Voi­là ce qu’Anaïs Wat­ter­son [1] m’a racon­té, et je ne l’en remer­cie­rai jamais assez pour ça. Assu­rez-vous d’être dans de bonnes dis­po­si­tions pour lire ce qui suit.

[1] Pseu­do tiré de la série « Le monde incroyable de Gum­ball », de Ben Boc­que­let (2011–2019).

 

« Début des années 2000. J’ai envi­ron 21 ans. C’est l’été. Je suis en couple depuis quelques mois, tout se passe à mer­veille, la rela­tion est for­mi­dable. Je tra­vaille à l’usine pen­dant l’été pour finan­cer mon année d’études qui suit. Je me sens fati­guée, j’ai quelques rumi­na­tions sur des sujets divers. Un soir, je rejoins la per­sonne avec qui je rela­tionne alors. La fatigue est plus intense que d’habitude, j’ai une sen­sa­tion abso­lu­ment inha­bi­tuelle de dis­tance que je res­sens aus­si phy­si­que­ment : mon champ de vision est rétré­ci, mon audi­tion alté­rée, j’ai l’impression d’être pas­sée der­rière un écran. Le len­de­main, j’explose. Tout me paraît étran­ger. Je me retrouve assaillie de pen­sées diverses qui auront rai­son de la rela­tion : est-ce que j’aime cette per­sonne, est-ce que je désire cette per­sonne, pour­quoi je ne res­sens pas la même chose que la veille, est-ce que je me mens à moi-même, etc. Une boucle de rumi­na­tions s’est mise en marche. Je ne la com­prends pas. Je n’en connais rien. Je reste face à elle des heures durant, cher­chant dans les moindres sou­ve­nirs, moments par­ta­gés, des confir­ma­tions de mes sen­ti­ments. Tout est pas­sé au crible, ce que je dis, ce que je ne dis pas, ce que je suis cen­sée faire, je ne m’alimente plus, je suis épui­sée. Je suis en dépres­sion (et pas que, je l’apprendrai plus tard).
Durant la même période, je suis chez mes parents. Mon cou­sin de 8 ans y est en vacances. Je l’aime énor­mé­ment. C’est un petit gar­çon extrê­me­ment drôle et ron­chon. Je lui apprends tout un tas de bêtises, nous rions beau­coup. Nous avons le même pré­nom (il a la ver­sion mas­cu­line). Il voit bien, cepen­dant, que je suis au fond du trou. La jour­née, je suis par­fois allon­gée sur le lit de ma chambre d’enfant, les yeux bouf­fis, l’air cata­pul­té dans une dimen­sion qui n’est pas la sienne. Seul m’importe le besoin de trou­ver des réponses fermes et défi­ni­tives à tout ce qui défile sans dis­con­ti­nuer ni être réso­lu. Ça, il l’ignore. Ce qu’il ignore aus­si, c’est que cette fameuse après-midi où sa com­pas­sion a été réunie dans l’offrande d’une toute petite tor­tue en bois qu’il m’a som­mée de gar­der avec moi (« Tu lui confies ce qui te rend triste ou des secrets, et elle, elle s’occupe de ça », m’avait-il dit), une pen­sée m’a réduite à l’incompréhension abso­lue. Il était torse nu. Il fai­sait chaud, il jouait dehors avant ça. J’étais tou­jours allon­gée. Mes yeux ont balayé méca­ni­que­ment les points les plus visibles de son visage et de son corps. Je l’ai trou­vé lumi­neux, beau comme un tableau de la Renais­sance. Sauf qu’au moment de voir sa poi­trine, une voix (la mienne) m’a tra­ver­sé le cer­veau. « Ça ne se fait pas de regar­der les enfants comme ça. ». Cela aurait pu s’arrêter ain­si, si j’avais été n’importe qui d’autre. Si j’avais été n’importe qui d’autre, j’aurais balayé et la phrase et l’image sans aucun juge­ment, ni aucun besoin. Si j’avais été n’importe qui d’autre, j’aurais même pu ne pas être tra­ver­sée par ma propre voix. Sauf que j’étais cette per­sonne-là, et j’ai posé­ment deman­dé à cet enfant de par­tir de la chambre. J’ai pré­tex­té avoir enten­du ma mère l’appeler. Je ne sais si le réflexe d’amener le calme dans la réponse pour muse­ler mon malaise est un acquis chez moi. Je ne sais pas non plus si la phrase en ques­tion explose en écho à un épi­sode plus ancien. Même chambre. Des années en arrière. Le grand frère du même petit gar­çon avait 7 ans à l’époque. Mes parents l’hébergeaient, ain­si que sa mère, suite à une rup­ture com­pli­quée. J’avais envi­ron 13 ans, peu ou prou, peut-être moins, j’étais assise à mon bureau. Mes devoirs. Le nez dedans. Conscien­cieu­se­ment. Lui s’ennuyait sur mon lit. Il gigo­tait. Par­lait seul. Je per­ce­vais ses mou­ve­ments du coin de l’œil mais était tel­le­ment absor­bée par mon tra­vail à rendre que tout était une bouillie indé­ter­mi­née d’informations banales. Et puis sa voix me par­vint, je me retour­nai. Il avait 7 ans, le pan­ta­lon et le slip en bas des cuisses. Il m’a deman­dé si je pou­vais le tou­cher. Avant même de répondre quoique ce soit, j’ai eu un réflexe un peu abs­cons. Le calme. Faire mine de. Évi­ter à tout prix de le regar­der ailleurs que dans les yeux. J’étais dans une situa­tion que je n’avais pas anti­ci­pée, qui me sem­blait com­plè­te­ment sur­réa­liste, je nous voyais de l’extérieur, je ME voyais de l’extérieur, figée, de la roche qui res­pire len­te­ment, une sorte de masse immense, et c’est le calme qui étouf­fa tout. Par peur de le ter­ro­ri­ser ou de faire de cet évé­ne­ment un épi­sode trau­ma­tique pour lui, je trai­tai l’information de la manière la plus posée et déta­chée qui fut. En sur­face, évi­dem­ment. « Je pense que tu devrais remettre ton pan­ta­lon ». Réduire les mots aux actions les plus fac­tuelles. Neu­tra­li­ser, que rien de signi­fi­ca­tif n’existe. Il s’était exé­cu­té. Dedans, la ter­reur pal­pi­tait à grands cris. Je n’avais rien fait. J’ai pour­tant eu l’impression d’avoir fau­té par ma seule pré­sence dans l’espace et dans le temps. Je ne dirai rien aux adultes, ni à per­sonne, j’ai eu bien trop peur qu’il se fasse dis­pu­ter, et peur de ne pas être crue non plus. À aucun moment je ne m’étais dit que quelque chose de plus grave avait pu lui arri­ver pour que cette scène se déroule. Quelque chose avait chan­gé. J’avais encore vieilli. J’étais pas­sé du côté des cou­pables. Avec le temps, c’était pas­sé.

Et donc son petit frère.

« Ça ne se fait pas de regar­der les enfants comme ça ».

Inté­rieu­re­ment, la phrase s’est ins­tal­lée, j’étouffais. J’avais ava­lé quelque chose de plus grand, de plus mas­sif que moi. Quelque chose qui venait du dedans et de nulle part à la fois, et qui m’écrasait la gorge. Ain­si donc le pro­blème était là. En plus d’être dépres­sive, je devais être pédo­phile. Il n’y avait pas d’autre expli­ca­tion. Pour­tant, je n’avais jamais eu envie d’un·e enfant. Jusque là, j’étais plu­tôt l’amie qui se défai­sait des adultes pour jouer avec les plus petit·es. On ne s’embarrassait pas des conver­sa­tions sans impor­tance, des nou­velles dont on se fiche. On empi­lait des LEGO®, on com­men­tait les insectes, on imi­tait des élé­phants, on fai­sait des bruits de pets avec la bouche. C’était ça l’enfant, habi­tuel­le­ment. C’était dénué de toute injonc­tion à main­te­nir un lien, à essayer d’être cohérent·e. C’était juste être là, peu importe com­ment. Et puis tout à coup, l’enfant n’était plus ça, n’était plus la joie et la sou­pape, le jeu et la décou­verte, la fier­té de trans­mettre un savoir minus­cule et l’émerveillement. Ça s’est mis à deve­nir une vidéo constante en toile de fond, avec des images ter­ribles et fugaces, répé­ti­tives, bor­dées de phrases retour­nées contre moi. Tout·e enfant croisé·e dans la rue tenant saon parent·e par la main déclen­chait une salve d’images infâmes en lien avec ces deux-là. Aucun·e enfant·e ne pou­vait s’asseoir sur mes genoux sans déclen­cher une nau­sée et un besoin irré­mé­diable de véri­fier mes sen­sa­tions internes. Est-ce que cela déclen­chait des envies ? En étais-je bien sûre ? Puisque cela n’avait pas l’air d’être le cas, pour­quoi véri­fiais-je alors si quelque chose se pas­sait entre mes jambes, à moi ? Et si quelque chose se pas­sait, est-ce que c’était en lien avec l’enfant ou en lien avec le fait qu’irrémédiablement je véri­fiais et m’assurais ? Pou­vait-on me lais­ser un·e enfant à gar­der ? Pour­quoi n’arrivais-je pas (plus) à en regar­der dans les yeux ? Pour­quoi voir des enfants en jupes tour­ner sur elleux-mêmes me don­naient lit­té­ra­le­ment envie de cre­ver ? Pour­quoi avais-je l’impression d’être un·e prédateur·ice en puis­sance, qui lutte contre l’envie, alors que je n’en avais pas envie ? Est-ce que là aus­si, j’utilisais des stra­té­gies de contrôle de moi-même pour ne pas bas­cu­ler ? Est-ce que je me men­tais ? Et quid de ces images d’enfants qui venaient de nulle part pen­dant que j’essayais de vivre une sexua­li­té sans encombre ? J’ai fui. Par peur. Peur d’être cette per­sonne-là. Et peur aus­si d’avoir à sup­por­ter les innom­brables pics d’angoisse qui me remon­taient l’estomac dans la gorge pen­dant de très longues minutes, voir des heures.

Toute cette période silen­cieuse a duré envi­ron six mois. J’ai évi­té tout contact, y com­pris visuel, avec les enfants. J’étais un dan­ger pour elleux, iels l’étaient pour moi aus­si. « Tu vas chan­ger ta nièce ? »

« Non. Je peux pas. » J’ai les yeux fixes, on me demande trop.

« C’est qu’un peu de merde, allez. »

« C’est pas ça. C’est pas la merde. Je ne peux pas. ». Ma mère a com­pris. Elle n’insiste pas. Elle sait. Elle me confie­ra avoir eu, elle aus­si, des pen­sées hor­ribles : « Tu te dis qu’à tout moment, quelque chose peut te faire faire un truc. Et puis en fait, non. T’es pas comme ça. Tu sais que t’es pas comme ça. ». Elle ne rentre pas dans les détails. Je vois une psy dans un CMP, un centre médi­co-psy­cho­lo­gique, pen­dant un an et des pous­sières. Elle est trans­pa­rente, je com­prends sa consis­tance quand elle me serre la main à la fin des séances. Un jour, je lui glisse ça.

Les enfants.

Ce qui défile. « Vous refou­lez ? » sera sa seule réponse. Mon anxié­té flam­be­ra. Avec du recul, cette réponse a failli me coû­ter la vie. J’apprendrai un peu plus tard que la psy­cha­na­lyse n’est abso­lu­ment pas recom­man­dée pour des symp­tômes de ce type (ni pour aucun autre, au demeu­rant).

[NdRichard : Dire que la psy­cha­na­lyse freu­dienne est non recom­man­dable, ce n’est pas un simple avis ! Il est fac­tuel de dire que la grille psy­cha­na­ly­tique est fausse, frau­dée, obso­lète, conser­va­trice et nuit à l’interprétation de la vie psy­cho­lo­gique des patient·es, et que si cette grille se main­tient, c’est pour des rai­sons de « tra­di­tion » fran­çaise et d’imprégnation jour­na­lis­tique.]

2001, Inter­net en était à ses bal­bu­tie­ments. Les com­mu­nau­tés n’existaient que sur des forums. Un matin, je suis chez la per­sonne avec qui je rela­tionne alors. Celle autour de qui tourne éga­le­ment mes doutes per­ma­nents et mes ques­tions sans fin. Je décide de faire une recherche. Je suis peut-être pédo­phile. Peut-être. J’ai besoin de savoir si je le suis. Si c’est le cas, il n’y aura qu’une issue. Je me sui­ci­de­rai. L’idée de devoir faire avec cette par­tie de ma per­sonne ne m’enchante pas. Alors faire sans. Et on en parle plus.
J’ai appris qu’en met­tant des guille­mets, on peut trou­ver des sources où la phrase appa­raît telle quelle. « Peur d’être pédo­phile ». Est-ce que ça existe, ça. Est-ce que ça existe d’avoir peur de ça. D’avoir peur de. De regar­der des enfants. Au point qu’on les regarde plus que de rai­son. Qu’on les scanne. Pour savoir. Pour décor­ti­quer. Pour s’assurer que. Est-ce que ça peut. Com­ment je vais devoir me sui­ci­der. Com­ment je vais devoir expli­quer qu’au moment où je suis persuadé·e que non, je ne peux pas vio­ler des enfants, je ne peux pas avoir envie de ça, une contre-pen­sée, une contre-image se rue sur la conclu­sion comme une bagnole furieuse contre un pla­tane. Et le pla­tane rem­porte la mise. Jusqu’à ce qu’une autre conclu­sion vienne se gref­fer. Une conclu­sion plus sal­va­trice vien­dra alors d’un forum. On est beau­coup. Une nuée. Une nuée effrayée par la peur de. La peur de vio­ler. De vio­ler des enfants. Il y a un topic là-des­sus. Il y a plus de gens que je n’aurais cru. On est beau­coup à avoir envie de vomir, de négo­cier, de dis­cu­ter 500 ans avec des pen­sées infâmes. À vou­loir être certain·es qu’on ne pas­se­ra pas à l’acte. On n’en a aucune envie quand on y pense, mais alors pour­quoi on se le demande. L’incertitude, est-ce qu’elle n’est pas une preuve de tout cela ?

Là, nous sommes toustes malades. Une petite fille de 11 ans est ter­ro­ri­sée à l’idée de se jeter sous le métro, elle fait des attaques de panique. Sa mère appelle au secours. On la ras­sure comme on peut. Sur ce forum, on vit toustes ce qu’on appelle des pho­bies d’impulsion. Il y en a de toutes sortes. Beau­coup tournent autour de la sexua­li­té et de l’orientation sexuelle, de la vio­lence, de la cri­mi­na­li­té. Certain·es ne peuvent plus appro­cher de cou­teaux par peur d’égorger leur famille. D’autres se voient se sui­ci­der. D’autres ont peur de perdre le contrôle et d’écraser des gens en voi­ture. D’autres ont peur de vio­ler leurs ani­maux. J’aurai peur, plus tard, d’empoisonner par inad­ver­tance ou de conta­mi­ner les gens qui m’entourent en leur pré­pa­rant à man­ger. Parce que la ques­tion de l’orientation sexuelle est encore dif­fi­cile à abor­der, on observe aus­si des per­sonnes hété­ro­sexuelles ayant peur d’être homo­sexuelles et de se voi­ler la face, et des per­sonnes homo­sexuelles ayant peur d’être de ne pas être à leur place dans cette orien­ta­tion et de se men­tir. Il ne s’agit pas d’un simple ques­tion­ne­ment : on est là dans le débat inté­rieur per­ma­nent, des heures durant, qui va jusqu’à vous pous­ser aux véri­fi­ca­tions les plus invrai­sem­blables, aux crises d’angoisse les plus impré­vi­sibles.

Les pho­bies d’impulsion font par­tie du Trouble Obses­sion­nel Com­pul­sif (TOC). Elles sont faites de pen­sées intru­sives (abso­lu­ment tout le monde en a) qui dépassent cepen­dant le stade de l’apparition. Une per­sonne TOC, elle, repère cette pen­sée. Au lieu de la trai­ter comme une pen­sée de type « j’ai oublié les olives » ou « on a pris deux degrés depuis hier », un cer­veau TOC s’y accroche. L’image est iden­ti­fiée… et dis­cu­tée. Pour­quoi est-elle là ? Si elle est là, c’est qu’il y a une bonne rai­son, sinon elle ne serait pas là. La par­tie obses­sion­nelle concerne la récur­rence des images, leur fré­quence d’intrusion. La par­tie com­pul­sive se pose sur des actes, des pen­sées « conju­ra­toires », des rumi­na­tions pour dis­cu­ter le fon­de­ment de l’obsession. À la ques­tion « Est-ce que je suis pédo­phile ? », le simple fait de répondre « Non, je ne peux pas l’être, parce que je n’ai jamais tou­ché un enfant » est déjà une com­pul­sion faite de réas­su­rance. Parce qu’elle ouvre sur une poten­tielle véri­fi­ca­tion. S’en sor­tir est dif­fi­cile, mais pas impos­sible. Le forum explique des choses, explique les boucles de rumi­na­tions. Le pro­blème n’est pas encore très connu en France, il ne l’est d’ailleurs tou­jours pas. Mais il y a des pistes.

[NdRi­chard : ne sou­hai­tant pas usur­per un sta­tut, j’ai deman­dé quelques défi­ni­tions à ma pote psy­cho­logue cli­ni­cienne Laë­ti­tia Guillaume. Elle me dit : « La pho­bie d’impulsion comme pro­ces­sus ne se retrouve pas seule­ment dans le cadre d’un TOC (syn­drome caté­go­riel spé­ci­fique). Dans l’approche qu’on appelle « pro­ces­suelle », qui me semble la plus per­ti­nente, on dit qu’il s’agit d’une fusion avec des pen­sées aver­sives, qui engendre assez natu­rel­le­ment une forme de lutte avec des actes men­taux, comme pen­sée ras­su­rante ou auto-cri­tiques, rumi­na­tions, et des ten­ta­tives d’évitement : par la pen­sée ou les com­pul­sions com­por­te­men­tales. La fusion est une réac­tion émo­tion­nelle au contact d’un mot, ou de l’interprétation ver­bale d’un évé­ne­ment (image, son, odeur, etc.) Nous réagis­sons alors aux évé­ne­ments ver­baux de façon lit­té­rale comme s’ils étaient eux-mêmes ce qu’ils évoquent.]

Le forum confirme une chose : je ne suis pas pédo­phile. Je ne vais donc pas choi­sir de mou­rir. Je ne suis pas pédo­phile, j’ai peur de l’être. Je pour­rais tout aus­si bien avoir peur des ascen­seurs ou des che­vaux. Mais mon sys­tème de valeurs et mes trau­ma­tismes en ont déci­dé autre­ment. Mon angoisse des­cend d’environ 50 %.

D’un coup.

[Laë­ti­tia me dit : « Ceci est extrê­me­ment juste, le pro­ces­sus de lutte contre des pen­sées désa­gréables est le même, quel que soit le conte­nu lit­té­ral de nos pen­sées. Ce qui défi­nit ce conte­nu et nos réac­tions à ce conte­nu, est en grande par­tie notre his­toire d’apprentissage (clas­sique, opé­rante et sur­tout lan­ga­gière). Au fond, le conte­nu n’est pas si impor­tant, c’est le même pro­ces­sus d’avoir peur de l’avion et de ne pas contrô­ler ses com­por­te­ments. On peut alors tra­vailler sur le pro­ces­sus pro­blé­ma­tique, celui qui engendre des consé­quences délé­tères : la lutte et l’évitement]

Je décide de me « soi­gner ».

[Je mets des guille­mets car soi­gner implique mala­die, or je ne sais pas si j’ai réel­le­ment une mala­die, ou un pro­ces­sus « nor­mal » du lan­gage humain qui part en sucette. En tout cas, à l’époque, je vou­lais clai­re­ment me « soi­gner ». Il est peut être plus juste de dire «  trou­ver des solu­tions pour sor­tir de la boucle ».]

Et d’y aller par moi-même (je vis dans un vil­lage recu­lé, il est dif­fi­cile d’avoir accès à des thé­ra­peutes formé·es sur ces ques­tions. De plus, j’ai encore de grosses dif­fi­cul­tés à com­mu­ni­quer sur le sujet, et l’expérience psy en CMP m’a échau­dée). On appelle ça de l’exposition avec pré­ven­tion de la réponse (EPR). Tu fais (pro­gres­si­ve­ment), tu te tais. Tu fais, tu laisses venir, tu ne dis­cutes pas. Il n’y a rien de pire que de dis­cu­ter avec un TOC. Alors je côtoie des enfants. J’ai envie de mou­rir. Je les garde. Je donne des douches à ma nièce. J’ai envie de vomir. Je les laisse me tou­cher. Les che­veux, les doigts. Se rou­ler contre mon ventre devant des des­sins ani­més. J’ai l’estomac qui pèse une tonne, j’ai une béton­nière dans la gorge. J’ai envie de hur­ler à tout le monde de ne pas me faire confiance. J’en parle un peu. « Aucun pas­sage à l’acte n’a été recen­sé dans la lit­té­ra­ture scien­ti­fique ». « Aucun ? Alors il est où le pro­blème ? Je rentre de mon Dop­pler à telle heure, je te laisse la petite ». Les gamins me courent des­sus. M’embrassent. Sur le nez, sur le front, une petite m’embrasse sur la bouche une fois, de manière tota­le­ment impré­vi­sible. Je ne dis rien, je meurs dedans, j’ai l’impression d’être un·e criminel·le. C’est affreux, et je reste. Parce qu’iels ne doivent pas savoir, je dois main­te­nir une nor­ma­li­té de façade en place. Je lis et relis des articles en ligne (atten­tion, ceci aus­si est un phé­no­mène de réas­su­rance). Puis j’arrête. Je réagis moins aux images qui me tra­versent. Et un jour, je meurs moins. Je meurs moins. L’angoisse est moins pré­sente. Les images deviennent plus dif­fuses.

[Laë­ti­tia me glisse : « on peut faire allu­sion ici à deux pro­ces­sus en jeu : celui de l’acceptation, d’abord, on se laisse tra­ver­ser par les mots de nos pen­sées, sans se lais­ser gui­der par eux pour faire des choix com­por­te­men­taux. C’est pour ça que ce témoi­gnage est un exemple très pré­cieux, pour tous les humains qui vont le lire : il montre la pos­si­bi­li­té de nous com­por­ter dif­fé­rem­ment de ce que nous raconte notre tête. En accep­tant qu’on ne contrôle pas les pen­sées qui nous tra­versent, en com­pre­nant que l’on n’a pas besoin de les contrô­ler pour contrô­ler nos com­por­te­ments, on gagne en liber­té de choix. Et le risque de pas­sage à l’acte dimi­nue dras­ti­que­ment.

Le second pro­ces­sus est celui de l’habituation : dimi­nu­tion gra­duelle et rela­ti­ve­ment pro­lon­gée de l’in­ten­si­té ou de la fré­quence d’ap­pa­ri­tion d’une réponse à la suite de la pré­sen­ta­tion répé­tée ou pro­lon­gée du sti­mu­lus l’ayant déclen­chée. C’est le pro­ces­sus qui suc­cède à l’exposition, habi­tua­tion et expo­si­tion sont appe­lé dans notre jar­gon des pro­ces­sus d’apprentissage opé­rant.

Je pré­cise tout de même : si l’exposition engendre une habi­tua­tion et donc la pro­ba­bi­li­té que les réac­tions émo­tion­nelles ou la fré­quence des pen­sées dimi­nuent, nous avons vu ici que des pro­ces­sus lan­ga­giers sont éga­le­ment en jeu. Or, avec le lan­gage, rien ne garan­tit que les pen­sées ou les émo­tions reliées aux situa­tions vécues vont chan­ger de nature ou de fré­quence. Par­fois c’est le cas, d’autre fois non, et on ne contrôle pas cet aspect. C’est pour cette rai­son que l’on vise avant tout une dimi­nu­tion des réponses par la lutte et un contrôle accru des choix com­por­te­men­taux, fac­teur sur lequel on a la main. Pour le dire autre­ment, s’exposer à une situa­tion anxio­gène ne per­met pas de sup­pri­mer les pen­sées et émo­tions liée à cette situa­tion. Au mieux cela per­met sur­tout d’y prê­ter de moins en moins d’attention.]

Ça aura duré trois ans tout ça, en conti­nu. Même la nuit pen­dant les rêves.

Beau­coup de per­sonnes souf­frant d’un TOC de ce genre ont elles-mêmes vécu des vio­lences sexuelles en étant enfants. Ce n’est pas auto­ma­tique. On note cepen­dant que les thé­ma­tiques sur les­quelles se greffent les TOC jouent sur le sys­tème de valeurs de la per­sonne concer­née. Le manque cruel de com­mu­ni­ca­tion sur ce pan de la san­té men­tale crée des retards de diag­nos­tics. La « roman­ti­sa­tion » du TOC sur les réseaux sociaux et dans cer­taines séries et conte­nus cultu­rels y contri­bue lar­ge­ment. De plus, la thé­ma­tique étant com­plexe, il est encore dif­fi­cile pour une grande par­tie des per­sonnes atteintes de TOC de se livrer à leur propre thé­ra­peute.

per­sonne atteinte d’un TOC (OCD en anglais)

Je sou­hai­te­rais ceci dit mettre le doigt sur des points fon­da­men­taux. Parce que l’accompagnement des per­sonnes pédo­philes dans la pré­ven­tion du pre­mier pas­sage à l’acte (donc, le point de bas­cule dans la pédo­cri­mi­na­li­té) n’a jamais été consi­dé­rée de manière sérieuse et poli­tique, parce que la confu­sion entre pédo­phi­lie et pédo­cri­mi­na­li­té est tenace, parce que la croyance en la repro­duc­tion sys­té­ma­tique de vio­lences sexuelles subies fait encore auto­ri­té, parce que la res­pon­sa­bi­li­té de l’éclatement des familles pèse encore vio­lem­ment sur les épaules des vic­times, des enfants conti­nuent de subir des vio­lences sexuelles, et cela majo­ri­tai­re­ment au sein des foyers. Je pas­se­rai sur la res­pon­sa­bi­li­té d’un sys­tème de pou­voir patriar­cal et âgiste aux ori­gines.

Prendre en charge les per­sonnes pédo­cri­mi­nelles et pédo­philes en éta­blis­sant des pro­to­coles de soin, de mise en sécu­ri­té per­met­trait avant tout de sau­ver des enfants. Ce point est vital. J’entends ça et là qu’il n’y en a que pour les « bour­reaux », que rien n’est fait pour les vic­times. J’aimerais qu’il nous soit socia­le­ment pos­sible d’aller au-delà de cette dicho­to­mie et de prendre le pro­blème là où il s’entretient en com­men­çant par légi­ti­mer la parole des vic­times de pédo­cri­mi­na­li­té qui sou­haitent être enten­dues et leur accom­pa­gne­ment, mais en garan­tis­sant aus­si une voie autre que la seule offerte par la réponse car­cé­rale (quand il y en a). Parce qu’elle n’empêche pas les réci­dives à la sor­tie, et ne pro­té­ge­ra jamais les futures vic­times d’autres pre­miers pas­sages à l’acte. La puni­tion est un moyen de contrôle mais pas de dis­sua­sion. Trous dans le bateau, bateau prend l’eau, éco­per à la cuillère. Que les man­que­ments éta­tiques n’incombent plus aux asso­cia­tions dépas­sées et épui­sées, dont les acteur·ices sont sujet·tes de fait aux trau­ma­tismes vica­riants (trau­ma­tismes par rico­chets), ni à la res­pon­sa­bi­li­té indi­vi­duelle des vic­times dans l’évolution et la prise en charge de leurs trau­ma­tismes à l’âge adulte.

S’occuper en amont des per­sonnes pou­vant pas­ser à l’acte et créer des dis­po­si­tifs d’éducation (qui ne fonc­tionne pas seule), d’accueil et d’accompagnement plus socia­le­ment admis est indis­pen­sable pour réduire à moyen et long terme le nombre de vic­times poten­tielles. J’aurais aimé que mon oncle pédo­phile et pédo­cri­mi­nel soit accom­pa­gné. Cela aurait pu peut-être évi­ter d’autre drames. L’absence de solu­tion pos­sible a favo­ri­sé l’insouciance géné­rale et la pro­mis­cui­té qui en a décou­lé. Aurait-il été pos­sible que je n’aie pas été vic­time de ses actes, s’il avait eu, de son côté, une struc­ture accom­pa­gnante ? Je ne le sau­rai jamais. Lui, pour le coup, s’est sui­ci­dé. En gran­dis­sant, j’ai tou­jours eu peur d’être lui. D’être comme lui. Cela ne pou­vait que se trans­mettre, ce truc. Tu le subis, tu l’as. Tout natu­rel­le­ment, j’ai atten­du, dans la peur, ce moment où cette chose qu’il m’aurait trans­mise devien­drait enfin mon pro­blème. C’est aus­si cela, le poi­son du pas­sage à l’acte : des vic­times par mil­liers face à des trau­ma­tismes lourds, quand trau­ma­tisme il y a, mais aus­si, sou­vent, la peur de faire un jour ce que nous n’avons aucune envie de faire. Et aucun·e de nous n’ose le dire. Cela signi­fie aus­si une chose plu­tôt invrai­sem­blable : parce qu’aucune solu­tion ne m’aurait été pos­sible si j’avais été pédo­phile, la seule solu­tion que j’ai entre­vue alors a été de me sup­pri­mer.

Je repense au docu­men­taire de Xavier Deleu, Pédo­phi­lie : de la pul­sion à l’interdit (2011), qui m’avait retour­née et aidée. Il sou­lève une impasse ter­rible : le manque de consi­dé­ra­tion de la ques­tion fait qu’une per­sonne pédo­phile n’est confron­tée à rien de concret tant qu’elle n’est pas dans la cri­mi­na­li­té.

Tant qu’elle n’agit pas, il n’y a aucun filet de sécu­ri­té, même si elle le demande. Tant qu’elle n’agit pas, tant qu’elle reste dans le « poten­tiel », il n’y a pas non plus de filet de sécu­ri­té pour les enfants. La pédo­phi­lie et la pédo­cri­mi­na­li­té sont de gros non-dits poli­tiques. Elle sont des non-ques­tions. Se les poser de manière plus large fait de vous l’apologiste de l’une ou de l’autre. Pour­tant, ma pré­oc­cu­pa­tion en tant que vic­time de pédo­cri­mi­na­li­té et de per­sonne souf­frant de ses consé­quences directes est la pro­tec­tion des vic­times sur le long terme par un pro­to­cole capable d’agir sur son endi­gue­ment sys­té­mique. Des choses se créent, qu’on s’en réjouisse, mais elles res­tent bal­bu­tiantes.

La pédo­cri­mi­na­li­té n’a pas pro­vo­qué mon TOC. Elle s’est juste posée en sujet du TOC. Je n’ai pas de « pro­fil-type », si ce n’est celui d’avoir vécu plu­sieurs types de vio­lences sexuelles et de souf­frir d’un trouble anxieux.

Aus­si, je vou­drais conclure ce long récit en m’adressant à vous, per­sonnes souf­frant d’un TOC pédo­phile et per­sonnes pédo­philes en ques­tion­ne­ment.

Paren­thèse : il est fort impor­tant de consta­ter que ces pho­bies d’impulsion arrivent fré­quem­ment chez les per­sonnes ayant à peine accou­ché ou décou­vrant la paren­ta­li­té. Fré­quem­ment, j’insiste. Les modi­fi­ca­tions hor­mo­nales, l’immense fatigue, le chan­ge­ment de sta­tut (on passe de per­sonne ges­tante à parent·e, la charge men­tale évo­lue, la vision de soi éga­le­ment), le rema­nie­ment des prio­ri­tés concourent à épui­ser psy­cho­lo­gi­que­ment les néo-parent·es et à favo­ri­ser les pen­sées intru­sives enva­his­santes. La peur de faire sexuel­le­ment du mal à l’enfant est assez cou­rante et docu­men­tée, mais elle est moins expri­mée que celle de jeter, secouer, ou frap­per l’enfant. Si cela venait à vous tra­ver­ser, ces lignes s’adressent à vous éga­le­ment, néo-parent·es. Fin de la paren­thèse.

Tout d’abord, accep­tez. L’acceptation, si elle semble fleu­rer bon le New Age, est un des piliers de l’accompagnement du TOC. Plus vous lut­tez contre les obses­sions, plus vous ris­quez d’être dans l’évitement… et vous ris­quez de les voir pul­lu­ler ou prendre des dimen­sions incon­trô­lables, notam­ment au niveau de l’anxiété qu’elles géné­re­ront. Ces pen­sées qui vous tra­versent ne disent rien de vous. Vous n’êtes pas ces pen­sées qui s’imposent à vous. Ain­si, trai­tez-les comme vous trai­tez les autres. Celles qui ne vous posent pas de pro­blème par­ti­cu­lier, êtes-vous capable de vous en sou­ve­nir ? Les avez-vous remar­quées ? Pou­vez-vous lis­ter toutes vos pen­sées des cinq der­nières minutes ? Il y a peu de chances, n’est-ce pas ? Vous n’avez pro­ba­ble­ment pas émis de juge­ment sur celles-ci. En effet, pour la plu­part, elles sont soit en accord avec vos valeurs, soit com­plè­te­ment anec­do­tiques, soit en désac­cord suf­fi­sam­ment léger pour qu’elles ne viennent pas sus­ci­ter de débat inté­rieur. Votre cer­veau vous envoie un tas de pen­sées toute la jour­née. Accep­ter la pen­sée intru­sive désa­gréable, c’est se per­mettre de ne pas fusion­ner avec elle, d’être capable de tolé­rer sa pré­sence et donc de ne pas main­te­nir de sen­si­bi­li­té à son conte­nu. On trouve cette approche bien déve­lop­pée dans la thé­ra­pie d’acceptation et d’engagement (appe­lée par son acro­nyme anglais ACT),dont le prin­cipe d’acceptation contri­bue à la défu­sion et à l’allégement de la réac­ti­vi­té et de la souf­france qui en découle). En clair, il s’agit de ne pas cher­cher à trai­ter l’information.

Ensuite, il y a des per­sonnes for­mées pour vous aider. Quels que soient les TOC dont on parle, l’idéal, si vous le pou­vez, est de consul­ter un·e psy­cho­logue ou thé­ra­peute spécialisé·e dans les TCC qui maî­trise l’exposition avec pré­ven­tion de la réponse (toustes ne maî­trisent pas cela). Exit les « thé­ra­pies » où la parole est décor­ti­quée : elles empirent les symp­tômes. Les his­toires concer­nant la « remon­tée aux ori­gines du mal » ne fonc­tionnent pas non plus. On peut très bien com­prendre ce qui a favo­ri­sé l’apparition d’une thé­ma­tique, cela ne l’endigue pas pour autant. N’oubliez jamais cette chose impor­tante : la pen­sée qui vous tra­verse n’est pas une réa­li­té concrète, accom­plie hors de vous.

Un TOC est comme une aller­gie au pol­len : votre cer­veau se com­porte comme un sys­tème aller­gique à la pen­sée concer­nant une thé­ma­tique pré­cise. Votre pol­len, c’est la pédo­phi­lie et le pas­sage à l’acte. Et comme l’idée d’être pédo­phile est incon­ce­vable et que la poten­tia­li­té de perdre le contrôle vous effraie, vous y réagis­sez (com­pul­sion) pour réduire le doute à néant. Le TOC est la « mala­die du doute », si l’on veut faire simple. Il est pos­sible de s’auto-accompagner, mais pas n’importe com­ment. Repre­nons notre ana­lo­gie du pol­len. Le pol­len vous déclenche des crises d’éternuements ter­ribles. Vous n’auriez donc pas idée de mettre votre nez direc­te­ment dans un bou­quet de lys. Comme le lys, la pen­sée peut pro­vo­quer des éter­nue­ments du cer­veau. Cet éter­nue­ment, c’est votre angoisse. L’idée des per­son­nages de fic­tion habité·es par une grande peur qui se confrontent à l’objet de leur peur en y allant fran­che­ment, accompagné·es de leurs com­parses et qui, miracle, sur­passent tout ça, c’est du mythe, sur­tout pour nous. Pour faire une EPR cor­recte, l’important est d’y aller pas-à-pas. Lisez déjà le mot pédo­phile. Ne fuyez pas devant l’angoisse qu’il génère. Le pic va être désa­gréable. Mais c’est l’inconfort, le pro­blème. Ce n’est pas le mot. Ce n’est pas l’enfant. Ce n’est pas vous, le pro­blème. C’est l’angoisse que génère « la peur de », ou « la peur d’avoir fait ». Voyez des enfants. Même de loin. Les pen­sées vous ques­tionnent ? N’y répon­dez pas. L’enfant vous touche la main ? Lais­sez-lae faire. Il y aura un pic, je ne vous peux pas vous men­tir. Il y aura une angoisse. Res­tez. Vous aurez chaud, froid, la nau­sée peut-être, vous aurez des images hor­ribles sans doute, vous aurez envie de véri­fier vos sen­sa­tions cor­po­relles. Mais là, ne vous fiez pas non plus « à vos tripes » qui ne sont que des indi­ca­teurs de niveau d’anxiété, ni à « ce que vous res­sen­tez phy­si­que­ment ». Cela n’a aucune valeur de preuve. Atten­tion éga­le­ment à ce qu’on appelle pudi­que­ment la « groi­nal res­ponse », tex­tuel­le­ment la réponse ingui­nale, ou réponse de l’« aine » qui désigne les sen­sa­tions ou chan­ge­ments dans la zone géni­tale et qui est éga­le­ment une mani­fes­ta­tion du TOC et vous invite à com­pul­ser. Vous aurez envie de vous repas­ser des sou­ve­nirs pour vous assu­rer que quelque chose n’est pas arri­vé. C’est inutile de véri­fier tout cela. Inutile sur­tout de véri­fier les sou­ve­nirs, vous ris­quez d’en créer d’autres (le TOC lié aux faux sou­ve­nirs existe aus­si dans ces cas-là !) et de souf­frir de trau­ma­tismes sup­plé­men­taires. Et cela ne répon­dra à rien : aucune jus­ti­fi­ca­tion ne vous convien­dra. Il y aura toutes ces ques­tions. Ne. Dis­cu­tez. Pas. Vous n’êtes ni une mau­vaise ni une bonne per­sonne : lais­sez cette ques­tion-là éga­le­ment. Elle est trop binaire pour que vous lui prê­tiez atten­tion. Celle de l’engagement est plus inté­res­sante. Ai-je envie de m’engager dans mes pen­sées ? S’engager dans ses pen­sées, comme il l’est dit ci-des­sus, contri­bue à subir l’obsession et à être confron­té à une com­pul­sion (qu’elle soit visible ou invi­sible, comme les com­pul­sions men­tales, véri­fi­ca­tions, conju­ra­tions, etc.) ou à un évi­te­ment, donc de s’engager dans un com­por­te­ment qui en favo­rise l’incidence et la récur­rence.

Plus vous côtoie­rez des enfants sans fuir leur pré­sence ou sans évi­ter de faire des choses (l’enfant sou­haite vous tou­cher le nez et vous n’y voyez aucun autre incon­vé­nient que la question-qu’on-sait et cela ne lae met pas en dan­ger ? Lais­sez-lae vous tou­cher le nez!). Dans quelques temps, l’angoisse sera moins intense. Moins longue aus­si. Vous serez moins assailli·e. Ça vaut la peine. Com­pre­nez que vos obses­sions sont dites ego­dys­to­niques : elles sont contraires à vos valeurs. Je vous conseille le livre Toc ou pas Toc, de Franck Lama­gnère (2016) pour vous appor­ter quelques clés avant d’affronter tout cela.

En ce qui concerne les per­sonnes pédo­philes dites « abs­ti­nentes » qui liraient ces lignes : être une per­sonne pédo­phile ne signi­fie pas que vous pas­se­rez à l’acte. Cela signi­fie qu’il s’agit d’un fac­teur de risque de pas­sage à l’acte pédo­cri­mi­nel. Et c’est sur ce point pré­cis que des acteur·ices de la san­té peuvent vous appor­ter des outils médi­caux. Si vous vous en sen­tez capable, que vous êtes déjà suivi·e par un·e professionnel·le de san­té men­tale en qui vous avez confiance, deman­dez-lui de l’aide. Cette per­sonne peut vous écou­ter sur ce point comme elle l’a fait jusque là et vous conseiller des struc­tures plus adap­tées ou des professionnel·les avisé·es si cela lui semble per­ti­nent. Faites confiance aux struc­tures soignant·es. Si le face-à-face venait à vous être dif­fi­cile dans un pre­mier temps, des spé­cia­listes sont éga­le­ment habilité·es à vous accueillir et à pro­po­ser un sui­vi médi­cal grâce à une ligne d’écoute mise en place par le gou­ver­ne­ment. Le sys­tème d’accueil est encore jeune, mais ces ser­vices se déve­loppent de plus en plus, comme le SEOS en Bel­gique (https://seos.be/) et le STOP en France (0806.23.10.63) pour favo­ri­ser la pré­ven­tion et la prise en charge.

Mer­ci Anaïs W. Tu ne peux pas savoir à quel point j’ai décou­vert un monde grâce à toi.

Pour aller un peu plus loin

Dis Anaïs, tu as remar­qué comme lorsqu’on se tourne vers un·e proche pour lui racon­ter un abus, sou­vent cette per­sonne va bri­co­ler une conso­nance cog­ni­tive à tout prix : par exemple, j’ai sou­ve­nir qu’on m’a dit « ah ouais, mais ton oncle vrai­ment, c’est un ori­gi­nal »… Euh…OKAY… Et ? Parce que quelqu’un est ori­gi­nal, ça lui donne ce droit ?… Mais non, t’es petit·e, t’as pas la répar­tie, tu fais confiance, alors tu te dis, ah, d’accord. Cette recon­so­nance per­met à la per­sonne de res­ter stable, mais le prix en est éle­vé, et c’est lea mioche qui le paye, sans comp­ter la dra­ma­tique baisse de confiance envers les adultes qui s’ensuit. T’en penses quoi ?

Je suis navrée que tu aies dû te retrou­ver face à ce genre de réponses, sin­cè­re­ment. Il y a comme un ren­ver­se­ment de consi­dé­ra­tion dans une telle rhé­to­rique. « Je viens te deman­der de consi­dé­rer ma parole et de me croire » « Et moi je te demande de consi­dé­rer mon incon­fort et de le réduire ». On doit gran­dir avec ces phrases-là, avec ces refus-là, en plus du trau­ma­tisme. Ce qui m’interpelle, c’est que ces réponses contri­buent lar­ge­ment au renon­ce­ment que peuvent éprou­ver beau­coup de vic­times à par­ta­ger leur parole et à la néga­tion de leur souf­france (« ma parole ne vaut pas », « ain­si ce n’est pas si grave »), à une sur­gé­né­ra­li­sa­tion (« je vais me débrouiller par moi-même puisque je ne peux pas être enten­du par les autres ») et, on le sait, à la culpa­bi­li­sa­tion. Quand ça ne contri­bue pas à rendre l’identification des limites dif­fi­ciles. Ça a un impact très violent. Il y a sans doute un biais de genre te concer­nant, en outre. Il est dif­fi­ci­le­ment conce­vable dans la tête des gens que ça arrive aus­si à des gar­çons  : on se méfie beau­coup moins de la pro­mis­cui­té. Le fait que la majo­ri­té des vic­times iden­ti­fiées soient des petites filles déve­loppe mal­heu­reu­se­ment une sorte de bana­li­sa­tion du phé­no­mène, et à une baisse des stan­dards d’indignation (je me per­mets au demeu­rant de gar­der une dési­gna­tion binaire pour des rai­sons bête­ment sta­tis­tiques). Il serait fort inté­res­sant de creu­ser ce para­doxe, tout comme il serait utile de revoir les chiffres qui, visi­ble­ment, ne sont abso­lu­ment pas repré­sen­ta­tifs, faute de métho­do­lo­gie, entre autres [3].

Vers l’âge de 15 ou 16 ans, j’ai com­men­cé à me ren­sei­gner au sein de ma propre famille à pro­pos de mon oncle (par alliance, j’ai oublié de pré­ci­ser cela) afin de déter­mi­ner le nombre d’enfants vic­times. J’avais de sérieux doutes sur sa propre fille (qui nie­ra avoir subi quoique ce soit) et ai fini par me confier à ma tante, sa veuve. Elle m’a répon­du alors : « Il faut le com­prendre, on a per­du un bébé ». Iels avaient effec­ti­ve­ment per­du un enfant très jeune (moins de deux ans), un bébé né avec un syn­drome par­ti­cu­lier, une mala­die dégé­né­ra­tive dont je ne sau­rais te don­ner le nom. Ma tante avait mis en avant une souf­france qui leur était propre en tant que parents pour jus­ti­fier des actes dont il était le seul cou­pable. Il faut savoir que les abus avaient eu lieu devant la télé­vi­sion en sa pré­sence à elle (qui dor­mait, elle n’y était abso­lu­ment pour rien. Il avait pro­fi­té du fait qu’elle s’endorme pour pas­ser à l’acte) et sa fille, plus jeune que moi à l’époque, qui m’avait rap­pe­lé plus tard être par­tie se cacher sous la table de la cui­sine, ce dont je n’ai aucun sou­ve­nir. Ma tante a‑t-elle, par cet argu­ment, vou­lu prou­ver qu’elle n’y était pour rien ? Elle qui vivait avec lui, qui le ramas­sait régu­liè­re­ment lors de ses ten­ta­tives de sui­cide, avait-elle accès à une par­tie de lui qui ne lui sem­blait pas recon­nue et dont elle fai­sait rétros­pec­ti­ve­ment état à ce moment-là ? Je ne sais pas. Mais sa réponse était comme la réponse de ton proche, un moyen de ne pas s’inclure. Un refus de l’engagement, d’une forme de res­pon­sa­bi­li­té. S’engager, c’est cou­rir le risque de devoir renon­cer à cette sta­bi­li­té dont tu parles, une sta­bi­li­té faite certes d’incertitudes, mais ce sont des incer­ti­tudes inof­fen­sives en l’état, contrô­lées. La vie est ritua­li­sée, le tableau est fami­lier. Prendre la res­pon­sa­bi­li­té de la parole d’un enfant, c’est s’exposer à prendre éga­le­ment la res­pon­sa­bi­li­té d’une recon­fi­gu­ra­tion de tout. Il y a la pro­blé­ma­tique de l’individuel au groupe, un effet simi­laire à l’effet du témoin, fina­le­ment, phé­no­mène très connu en psy­cho­lo­gie sociale. A la dif­fé­rence qu’il y a des pro­ba­bi­li­tés que le col­lec­tif explose et ne s’allie pas, que les lien inter­per­son­nels soient modi­fiés. Là, les incer­ti­tudes sont en roue libre.

Je me sou­viens avoir été inca­pable de répondre. Parce qu’il n’y avait rien à répondre, et je pense que tu me rejoin­dras sur ce point-là. J’étais stu­pé­faite. Que rétor­quer à quelqu’un qui décide d’annihiler en une phrase ce que vous avez traî­né avec vous pen­dant des années, ce dont vous rêviez la nuit, ce qui vous avait fait bas­cu­lé d’« un autre côté », celui de cel­leux qui « savent », qui com­mencent leur sexua­li­té par ça ? Je me suis tue. Mais para­doxa­le­ment, plu­tôt que de retour­ner ceci contre moi, j’ai fait un rejet total de la famille de mon père dont était issue cette per­sonne. J’avais appris quelques temps avant que cer­tains membres de la famille étaient au cou­rant de ses agis­se­ments. Une autre sœur de mon père, alors qu’elle était plus jeune, s’était un jour cachée sous un évier car il l’avait pour­sui­vie dans une mai­son pour ten­ter d’en abu­ser (je ne sais pas, à ce jour, de quelle mai­son il s’agit), d’autres enfants en avaient aus­si fait les frais. J’ai donc évi­té toute la famille. Je ne vou­lais plus avoir à por­ter ni les regards « de cel­leux qui savent mais ne disent pas », ni les arran­ge­ments de prin­cipes de type « ne pas dire à telle per­sonne pour la pré­ser­ver », ni me retrou­ver face à l’éventualité de reprendre une re-conso­nance.

Ma mère, pour le coup, avait été accueillante. J’avais 13 ans lorsque je lui ai avoué ce qui m’était arri­vé (mer­ci ma cou­sine, du côté de ma mère, qui m’y avait pous­sée alors), sa pre­mière réac­tion a été de me croire, déjà. Ensuite, elle m’a deman­dé si je sou­hai­tais dépo­ser plainte ou non (elle avait elle-même vécu un viol à l’âge de 4 ans, d’un ami de mon grand-père). J’ai refu­sé, pré­tex­tant ne pas vou­loir mettre en péril ma sco­la­ri­té. Je tenais beau­coup à l’école (ce n’était que le début de mon har­cè­le­ment sco­laire). Ce qu’elle n’a jamais su, c’est qu’en véri­té, j’étais téta­ni­sée à l’idée de devoir faire face à la famille de mon père. Mes parents m’auraient défen­due bec et ongles dans cette his­toire, mais je ne vou­lais pas deve­nir le centre des dis­cus­sions, me retrou­ver face à des refus, des rejets, des inva­li­da­tions. J’ai pré­fé­ré me pré­ser­ver. Et fina­le­ment, quelques années plus tard, ma tante aura por­té ce coup quelque peu fatal qui aura réduit ce vécu à néant. Une anec­dote fami­liale.

[3] Voir par exemple D’où vient l’estimation selon laquelle un enfant sur cinq a été vic­time de vio­lences sexuelles ?, par Jacques Pezet, Libé­ra­tion, 9 novembre 2021, et The Under­wear Rule, Kiko and the Hand.

Pour aller encore un peu plus loin

Arrête-moi si je me trompe Anaïs. Il me semble qu’il y a un écueil épis­té­mo­lo­gique dans cette affaire.

Je vais essayer de le mettre en mot, et tu me cor­riges.

Dans la popu­la­tion géné­rale, et même chez les dirigeant·es poli­tiques, la confu­sion est de mise entre pédo­philes et pédo­cri­mi­nels. Or la dif­fé­rence est de taille ! Les seconds sont pas­sés à l’acte, les pre­miers non (ou pas encore, ou jamais). Les mélan­ger fait qu’on part du prin­cipe qu’avoir des pen­sées pré­dis­pose à l’acte, ce qui ne va pas tou­jours de soi comme tu l’as cou­ra­geu­se­ment mon­tré ; et qu’on est cou­pable d’avoir des pen­sées pré­dis­po­santes. En gros, on serait cou­pables à l’avance, comme les gens arrê­tés avant leur crime par les pré­cogs dans Mino­ri­ty Report, roman de Phi­lip K. Dick adap­té par Ste­ven Spiel­berg en 2002. C’est déjà un vrai pro­blème en soi, se voir condam­né AVANT d’avoir com­mis quoi que ce soit (je vois un autre cas simi­laire dans sa struc­ture : le fait de pos­sé­der des plans d’explosifs sur son ordi­na­teur, sans même en avoir fabri­qué). Donc j’ai envie de dire que juri­di­que­ment, la nuance est de taille entre les deux popu­la­tions.

Or si je com­prends les psy­cho­logues, il semble que les pro­ces­sus qui te régissent ou me régissent sont sen­si­ble­ment les mêmes, à des degrés près et à l’objet près. Je crois d’ailleurs avoir res­sen­ti ce que tu décris deux fois : une fois j’étais devant un ravin, et j’ai sen­ti que je n’étais pas loin du tout de sau­ter ; et l’autre fois, je cam­pais en van avec mes enfants en mon­tagne, ils dor­maient, et je venais de lire un roman dont je tais le nom pour ne pas gâcher, dans lequel une femme trop pauvre tuait elle-même ses enfants, et j’ai sen­tis, vague­ment, une seconde 5, que je pour­rais moi-aus­si les tuer dans leur som­meil. Et mes poils se sont héris­sés. Cela amène à ce point : sur le plan cli­nique, est-il pos­sible de dis­tin­guer un TOC pédo­phile d’un pédo­phile en puis­sance ? Si les pro­ces­sus sont les mêmes, ça doit être fich­tre­ment dif­fi­cile de dis­tin­guer sans mar­queur céré­bral par­ti­cu­lier.

On se retrouve avec cette volon­té que je trouve louable mais com­pli­quée, de ne pas essen­tia­li­ser les gens atteints de troubles men­taux. Je vois bien l’écueil d’essentialiser les gens, et j’aime évi­ter ça. Mais je vois aus­si qu’il y a bien une dif­fé­rence entre une per­sonne schi­zo­phrène et moi. Or sans mar­queur, sans trace quel­conque, pour le cas qui nous concerne, cela signi­fie­rait deux choses ter­ri­fiantes : la pre­mière, c’est qu’on serait tou·tes sur un conti­nuum, allant de pas pédo­phile du tout à pédo­phile max ? Avec toutes les gra­dua­tions inter­mé­diaires ? Ça me ter­ri­fie, mais je n’en serai pas éton­né. La seconde, c’est qu’il n’y aurait plus vrai­ment de pédo­philes en soi y a des « per­sonnes ayant des pen­sées à carac­tère pédo­phile sans pas­sage à l’acte » et des « per­sonnes ayant des pen­sées à carac­tère pédo­phile avec pas­sage à l’acte ». Donc un vrai hia­tus épis­té­mo­lo­gique sur le plan du droit, mais un hia­tus dif­fi­cile sur le plan san­té.

Est-ce que je résume bien ? Qu’en penses-tu ?

Tu sou­lèves là plu­sieurs pro­blé­ma­tiques qui me semblent impor­tant de décor­ti­quer afin de pro­po­ser une réponse cor­recte.

Déjà, il est vital de bien com­prendre ce qu’est un TOC. Et ce qu’est la pédo­phi­lie.

Je par­lais ci-des­sus d’une « roman­ti­sa­tion » du TOC sur les réseaux sociaux, et la culture de manière géné­rale. Celle-ci se tra­duit par une appro­pria­tion d’un com­por­te­ment répé­ti­tif à des fins esthé­tiques (ali­gner les crayons de cou­leurs, ran­ger des livres sur une éta­gère par cou­leur ou par taille, orga­ni­ser des élé­ments dans l’espace de manière har­mo­nieuse). On connaît d’ailleurs la phrase « I’m so OCD », qui est autant pré­oc­cu­pante qu’insultante pour les per­sonnes qui en souffrent. A quel moment un trouble qui peut mener au sui­cide devient une dis­tinc­tion esthé­tique ? Il est for­te­ment valo­ri­sé dans notre socié­té occi­den­tale d’avoir un sens de l’organisation, du ran­ge­ment, de la pro­pre­té. Ces spé­ci­fi­ci­tés sont per­çues comme des qua­li­tés, des garan­ties de bonne entente sociale. Des fonc­tions exé­cu­tives opé­rantes garan­tissent une sorte de fia­bi­li­té : si tes fonc­tions exé­cu­tives ne subissent pas d’altération, alors tu es dans la norme, et tu la main­tiens en place. Tu es donc un élé­ment sécu­ri­sant, valorisé/able. De manière cultu­relle, on traite le TOC davan­tage comme une sin­gu­la­ri­té qui soit va concer­ner des TOC extrê­me­ment cou­rants et connus (laver, comp­ter), soit aider les per­son­nages dans leur quête (un TOC de lavage où le per­son­nage est dans l’évitement de la sale­té va lui per­mettre de mieux foca­li­ser sur les détails pour ne pas être conta­mi­né mal­en­con­treu­se­ment par un élé­ment, par exemple). La repré­sen­ta­tion des per­sonnes souf­frant de TOC est tron­quée pour des besoins scé­na­ris­tiques, mais elle est éga­le­ment, là encore, uti­li­sée à des fins esthé­tiques, défaite de sa dimen­sion com­plexe. Enten­dons-nous bien, il s’agit de fic­tion. Si nous savons qu’il s’en agit, nous n’échappons cepen­dant pas à l’entretien de ces sté­réo­types. Récu­pé­rer la par­tie émer­gée des com­por­te­ments du TOC crée du tort aux per­sonnes qui en souffrent en dépei­gnant une vision presque ado­rable de la chose.

Un TOC n’est pas une envie irré­pres­sible de ran­ger les crayons par cou­leurs. Il n’y a rien de socia­le­ment répré­hen­sible à vou­loir créer des camaïeux, le risque est plu­tôt faible. Il n’y a rien non plus de répré­hen­sible à vou­loir se laver sou­vent les mains ou à vou­loir gar­der sa mai­son propre. Bien au contraire. Dans le cas du TOC, l’acte de se laver les mains de manière com­pul­sive n’a pour­tant guère de chose à voir avec l’envie de gar­der sa mai­son propre : il s’agit d’un moyen effi­cace à court terme (d’où l’intérêt de répé­ter les com­pul­sions) pour réduire ou annu­ler l’effet anxio­gène de pen­sées soit direc­te­ment liées à l’action (si je ne lave pas mes mains/le lavabo/etc., je peux être contaminé·e et vomir/mourir/contaminer les autres), soit indi­rec­te­ment liées (et ali­gner des crayons aura davan­tage un effet « conju­ra­toire »).

Deux choses entrent donc en jeu : l’obsession (la pen­sée intru­sive et récur­rente) et la com­pul­sion (l’action men­tale ou phy­sique pour annu­ler l’effet de l’obsession). Nous avons dit ci-des­sus que la pen­sée qui tra­verse la per­sonne la met dans une situa­tion de détresse par la nature-même de la pen­sée, sa récur­rence, etc. Est-ce qu’une per­sonne ayant des conduites à carac­tère pédo­phile pour­rait être tra­ver­sée par le même pro­ces­sus de pen­sée, et ren­con­trer une détresse équi­va­lente ? Sans aucun doute, pour cer­tains indi­vi­dus. Com­ment, alors, dis­tingue-t-on l’une de l’autre ? Tu parles des mar­queurs céré­braux. Il y en a. Mais j’y vien­drai plus tard : il y a d’abord d’autres mar­queurs bien plus pro­bants et plus faci­le­ment obser­vables.

La dif­fé­rence nette entre une per­sonne souf­frant d’un TOC et une per­sonne ayant des conduites à carac­tère pédo­phile se situe déjà, et c’est une dif­fé­rence majeure, dans le rap­port aux valeurs que la per­sonne par­tage. Une per­sonne souf­frant d’un TOC de pédo­phi­lie a peur d’un pas­sage à l’acte (et dans cer­tains cas, d’avoir eu dans le pas­sé des gestes qua­li­fiés de pédo­cri­mi­nels. Bien des per­sonnes souf­frant de ce TOC com­pulsent en se repas­sant des scènes anté­rieures pour véri­fier leurs gestes) tout en ayant par­fai­te­ment conscience que les enfants ne génèrent pas d’excitation ou d’intérêt sexuel. Il en va de même pour d’autres thé­ma­tiques d’agressivité ou tabou (zoo­phi­lie, meurtre, etc.). Les com­pul­sions (il n’y en a pas tou­jours) s’organisent sou­vent autour de la recherche d’indices pou­vant confir­mer ou infir­mer un poten­tiel pas­sage à l’acte ou une poten­tielle exci­ta­tion. Dans la pédo­phi­lie, il y a une exci­ta­tion ou un inté­rêt sexuel. Ce n’est jamais le cas des per­sonnes souf­frant du TOC décrit. Les pen­sées en ques­tion ici ne pré­dis­posent donc pas. Il est impor­tant de sou­li­gner cela. Des per­sonnes ayant des conduites à carac­tère pédo­philes peuvent mani­fes­ter leur angoisse du pas­sage à l’acte, mais parce qu’elles le savent moti­vé par un désir sexuel de l’enfant. Dans le pre­mier cas, il s’agit de la peur d’une perte de contrôle et de com­mettre une action répré­hen­sible par la loi (alors qu’il n’y a pas de moti­va­tion réelle), dans l’autre d’une para­phi­lie, une atti­rance sexuelle durable. Les pen­sées dans ce cas favo­risent clai­re­ment : elles sont en accord avec les croyances ou valeurs de la per­sonne. Il est donc impor­tant, lorsqu’une per­sonne consulte pour être accom­pa­gnée sur ce sujet, d’avoir accès à un diag­nos­tic dif­fé­ren­tiel, au risque de se voir pro­po­ser des méthodes médi­cales aggra­vant le pro­blème.

Il n’est abso­lu­ment pas rare chez une per­sonne souf­frant d’un TOC de pédo­phi­lie de souf­frir d’autres thé­ma­tiques de TOC en paral­lèle. Les mani­fes­ta­tions des obses­sions et des com­pul­sions varient éga­le­ment sou­vent en fonc­tion de l’état de fatigue, le niveau de l’humeur, pen­dant les périodes pré-mens­truel­les/­mens­truelles, etc. de la per­sonne. Elle peut avoir de longues périodes sans aucun ques­tion­ne­ment et se voir assaillie lors d’événements majeurs tels qu’un décès, un démé­na­ge­ment, autre. On recher­che­ra d’éventuelles comor­bi­di­tés dans les deux cas.

Depuis quelques années, on essaie d’observer le cer­veau des per­sonnes ayant des conduites à carac­tère pédo­phile par la neu­roi­ma­ge­rie. En France, Serge Sto­lé­ru avait fait timi­de­ment par­ler de lui dans les médias par sa volon­té de mettre en lumière des cor­ré­lats céré­braux de l’attirance sexuelle por­tée sur les enfants. Dif­fi­cile cepen­dant de faire accep­ter l’intérêt pour la ques­tion des per­sonnes concer­nées par le public. Si la dis­ci­pline peut contri­buer à la com­pré­hen­sion du phé­no­mène, il ne peut en aucun cas le jus­ti­fier de manière aus­si iso­lée. Seule une approche glo­bale qui n’évince pas le social peut appor­ter des solu­tions à long terme.

Pour en reve­nir au point sur le conti­nuum, une vision « conti­nuiste » (basée sur un conti­nuum) de la pédo­phi­lie est à mon avis tout autant salu­taire aujourd’hui que dépas­sable. L’approche « dis­con­ti­nuiste » de la pédo­phi­lie a contri­bué à essen­tia­li­ser les per­sonnes concer­nées, à omettre l’implication sys­té­mique dans son déve­lop­pe­ment et à créer des sté­réo­types déli­rants et figés (on se sou­vien­dra du mon­sieur qui attend à la sor­tie de l’école en imper, qui fit les choux gras des cari­ca­tu­ristes des années 80) en omet­tant les spé­ci­fi­ci­tés des pro­fils. Com­pre­nons alors que ces mêmes sté­réo­types ont très clai­re­ment favo­ri­sé les agres­sions sexuelles d’enfants. Ensuite, une approche plus conti­nuiste est déjà en place : la notion de conti­nuum est visible et appli­quée par­tout. C’est notam­ment grâce à elle que des cher­cheu­reuses ont misé (tu la vois ma tran­si­tion ?) sur l’analyse de pro­fils types pour en déga­ger des mar­queurs psy­cho-sociaux. Nous sup­po­sons que la pré­va­lence de per­sonnes pédo­philes en France est aujourd’hui de 3 à 5 %. Ces chiffres sont évi­dem­ment à prendre avec pré­cau­tion. Parce qu’ils ne sont pas fiables, et ne disent abso­lu­ment rien des réa­li­tés des per­sonnes concer­nées quant au pas­sage à l’acte.

Les sta­tis­tiques concer­nant la pédo­cri­mi­na­li­té convergent vers 90–92 % d’hommes. Qui dit pédo­cri­mi­nel ne dit pas for­cé­ment pédo­phile, et c’est là que ton conflit de hia­tus épis­té­mo­lo­gique sur le plan du droit ver­sus épis­té­mo­lo­gie sur le plan san­té peut trou­ver une issue : on ne peut décem­ment pas trai­ter la pro­blé­ma­tique de la pédo­cri­mi­na­li­té sans moti­va­tion pédo­phile de la même manière qu’une agres­sion per­pé­trée par une per­sonne pédo­phile. Tout comme on ne peut résu­mer le pro­blème de la pédo­phi­lie à son onto­lo­gie (le terme lui-même est contes­table : le suf­fixe grec « φίλος » –– aimer –– ne rend compte du réel, puisqu’il crée de fait un rap­port de ver­ti­ca­li­té et qu’il s’agit là d’une atti­rance sexuelle, pas d’amour). C’est une pro­blé­ma­tique hété­ro­gène : on observe tout d’abord des dis­pa­ri­tés de genre, mais aus­si de pro­fils et de contextes. On constate une pré­va­lence mas­cu­line (on com­mence enfin à inter­ro­ger des femmes et à rele­ver des don­nées. Mais elles sont encore trop récentes. On atteint un degré déli­cat dans le tabou de la ques­tion). Par­mi les pro­fils et les contextes, on constate éga­le­ment une hété­ro­gé­néi­té : parle-t-on de per­sonnes pédo­philes excluant ou n’excluant pas l’attirance sexuelle envers des adultes ? Parle-t-on de per­sonnes agis­sant uni­que­ment sur des enfants exté­rieurs au foyer, ou s’inscrivant dans un rap­port d’inceste ? Parle-t-on de per­sonnes abs­ti­nentes, refu­sant le contact direct mais contri­buant à per­pé­tuer les agres­sions par la consom­ma­tion de conte­nu pédo­por­no­gra­phique ? Parle-t-on de per­sonnes atti­rées par une four­chette d’âge pré­cis ? Ton conti­nuum n’est pas une jauge de 0 à 10 avec des gra­da­tions inter­mé­diaires, mais une sorte de dia­gramme ten­ta­cu­laire où des spé­ci­fi­ci­tés peuvent ne pas se ren­con­trer. La pédo­cri­mi­na­li­té non-moti­vée par la pédo­phi­lie flotte donc quelque part, autour de ton dia­gramme.

Plu­sieurs modèles en psy­cho­lo­gie s’appliquent à dres­ser des pré­di­ca­teurs d’agression sexuelle. Je ne peux te les dres­ser et expli­quer tous, il fau­drait une thèse. Mais en ce qui concerne la pédo­phi­lie, on est capables de déter­mi­ner des fac­teurs favo­ri­sants. Mieux com­prendre les ori­gines des dis­tor­sions cog­ni­tives et les sché­mas inadap­tés pré­coces qui contri­bue­raient à main­te­nir ces mêmes dys­fonc­tion­ne­ments per­met­trait de mieux accom­pa­gner les per­sonnes concer­nées.

Ce qui est effrayant, au final, c’est que la mise en place de pro­cé­dés agis­sant sur l’inhibition reste encore peu consi­dé­rée. Les his­toires de pro­to­coles médi­ca­men­teux (cas­tra­tion chi­mique, ou autre.), struc­tures accom­pa­gnantes, etc., sont peu connues du grand public qui ne peut trou­ver les infor­ma­tions que de manière dis­pa­rate. En tant que vic­time à plu­sieurs reprises de pédo­cri­mi­na­li­té, agres­sion sexuelle en étant mineure par une per­sonne majeure pédo­cri­mi­nelle, viol à l’âge adulte, je reste per­sua­dée qu’il y plu­sieurs cartes à jouer. Ensei­gner à l’enfant très jeune ce qu’est son corps et qu’il s’agit de son corps, lui apprendre à le nom­mer, à légi­ti­mer ses limites pour évi­ter des silences et des trau­ma­tismes en flot­te­ment jusqu’à l’âge adulte. Par­ler vrai­ment de sexua­li­té à l’école. Admettre que la pédo­phi­lie néces­site un enca­dre­ment thé­ra­peu­tique et social par­ti­cu­lier, à adap­ter selon les pro­fils et les contextes. Infor­mer, de manière publique, prag­ma­tique, pour réduire les sté­réo­types et pré­ve­nir les agres­sions pédo­cri­mi­nelles. Per­mettre à des femmes atti­rées par les enfants d’avoir accès à la parole et aux enca­dre­ments : si la pré­va­lence mas­cu­line est avé­rée, il s’avère encore dif­fi­cile d’accepter qu’une femme puisse être concer­nées et éven­tuel­le­ment pas­ser à l’acte (l’effet per­vers étant que les vic­times sont dou­ble­ment réduites au silence ou au rejet, ont des dif­fi­cul­tés à recon­naître des situa­tions inces­tueuses ou inap­pro­priées). Ces­ser de fer­mer les yeux sur l’apologie de la pédo­phi­lie ou de la pédo­cri­mi­na­li­té dans un texte ou tout pro­duit cultu­rel sous cou­vert d’esthétique (l’adjectif « sul­fu­reux » ne rend rien légi­time et ne hisse pas intel­lec­tuel­le­ment un tra­vail au-des­sus de nous, pauvres mortel·le·s ignorante·s). Écou­ter les vic­times de pédo­cri­mi­na­li­té, et prendre des dis­po­si­tions éta­tiques glo­bales, répa­ra­trices, soi­gnantes : si l’état ne jure que par une jus­tice puni­tive des per­sonnes com­met­tant des agres­sions, il laisse mal­heu­reu­se­ment aux vic­times la res­pon­sa­bi­li­té indi­vi­duelle de la ges­tion psy­cho­lo­gique de l’agression. Dépo­ser plainte fait œuvre de constat : ce n’est pas un remède sur le long terme. Et c’est même, dans le cas où la plainte n’aboutit à rien, un double trau­ma­tisme.

Obses­sive com­pul­sive disor­der (OCD)

NdRich : sur les sujets vastes gra­vi­tant autour des TOC, de la pédophilie/pédocriminalité, voi­ci nos recom­man­da­tions

  • En mauve, Anaïs Wat­ter­son
  • En vert, Laë­ti­tia Guillaume
  • En bleu, moi (Richard)

LIVRES

  • Toc ou pas Toc, de Franck Lama­gnère, Odile Jacob (2016)
  • Comprendre et trai­ter les TOC, Don­nées actuelles et nou­velles pers­pec­tives (3ème édi­tion), sous la direc­tion d’Anne-Hélène Clair et Vincent Try­bou, Dunod (2022) →des­ti­né à un public spé­cia­li­sé ou consti­tué de professionnel·les
  • Pedo­phi­lia and Sexual Offen­ding Against Chil­dren : Theo­ry, Assess­ment, and Inter­ven­tion, Second Edi­tion, de Michael C. Seto, Ame­ri­can Psy­cho­lo­gi­cal Asso­cia­tion Ed. (2018)
  • L’é­va­lua­tion diag­nos­tique des agres­seurs sexuels : Étude cli­nique du délin­quant sexuel, sous la direc­tion de Thier­ry Pham, édi­tions Ruth Fiori(2006) (atten­tion, de mémoire, il y a un peu de psy­cha­na­lyse freu­dienne dedans)
  • L’enfant inter­dit, de la défense de la pédo­phi­lie à la lutte contre la pédo­cri­mi­na­li­té, de Pierre Ver­dra­ger, 2ème édi­tion, Armand Colin (2021)
  • L’ap­proche trans­diag­nos­tique en psy­cho­pa­tho­lo­gie, de Jean-Louis Mones­tès et Céline Baeyens, Dunod (2016)
  • ACT-la thé­ra­pie d’acceptation et d’engagement en pra­tique, de Jean-Louis Mones­tès, Else­vier Health Sciences (2017)

ARTICLES

Am I a Mons­ter ? An Over­view of Com­mon Fea­tures, Typi­cal Course, Shame and Treat­ment of Pedo­phi­lia, par Jor­dan Levy Win­ter 2016 edi­tion of the OCD News­let­ter. https://iocdf.org/expert-opinions/am-i-a-monster-an-overview-of-common-features-typical-course-shame-and-treatment-of-pedophilia-ocd-pocd/

Your Com­plete Guide to Pedo­phi­lia OCD (POCD) https://www.treatmyocd.com/blog/your-complete-guide-to-pedophilia-ocd-pocd

Can Child Dolls Keep Pedo­philes from Offen­ding?, de Roc Morin, The Atlan­tic, Jan­vier 2016

Qui dit Mo consent – Les enfants de Dieu (c’est moi qui ai écrit ça)

J’ajoute quelques réfé­rences de Michael C. Seto

  • Ange­la W. Eke, Hel­mus & Michael C. Seto, A Vali­da­tion Stu­dy of the Child Por­no­gra­phy Offen­der Risk Tool (CPORT), Sexual Abuse 1–21 2018
  • Ange­la W. Eke & Michael C. Seto, FAQ : Child Por­no­gra­phy Offen­der Risk Tool (CPORT) and Cor­re­lates of Admis­sion to Sexual Inter­est in Chil­dren (CASIC) (2017)
  • Michael C. Seto, The Moti­va­tion-Faci­li­ta­tion Model of Sexual Offen­ding Sexual Abuse, 1­–22,
  • Michael C. Seto, Is Pedo­phi­lia a Sexual Orien­ta­tion ? Arch Sex Behav (2012) 41:231–236 DOI 10.1007/s10508-011‑9882‑6
  • Nicole C. Rodrigues, Michael C. Seto, Ade­kunle G. Ahmed, Wag­dy Loza, The Pre­dic­tive and Incre­men­tal Vali­di­ty of Two Self-Report Risk Assess­ment Mea­sures With Adult Male Offen­ders Who Have Men­tal Health Pro­blems, CRIMINAL JUSTICE AND BEHAVIOR, 2016, Vol. 43, No. 5, May 2016, 583­–599. DOI : 10.1177/0093854815606476

Éva­lua­tion de la comor­bi­di­té psy­chia­trique chez 72 hommes déte­nus en mai­son d’arrêt pour agres­sion sexuelle, Annales Médi­co-psy­cho­lo­giques, revue psy­chia­trique Volume 167, Issue 8, Octo­ber 2009, Pages 576–582 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003448709001292

Vulink NC, Denys D, Bus L, Wes­ten­berg HG. Female hor­mones affect symp­tom seve­ri­ty in obses­sive-com­pul­sive disor­der. Int Clin Psy­cho­phar­ma­col. 2006 May;21(3):171–5. doi : 10.1097/01.yic.0000199454.62423.99. PMID : 16528139. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16528139/

 

DOCUMENTAIRES

  • Pédo­phi­lie : de la pul­sion à l’interdit, de Xavier Deleu (2011)
  • Déli­vrez-nous du mal, d’Amy Berg (2008)
  • Psy­ko­Couac, pro­fil d’un pédo­cri­mi­nel (2022)

FILMS

  • Grâce à Dieu, de Fran­çois Ozon (2019)
  • Fes­ten, de Tho­mas Vin­ten­berg (1998)
  • Spot­light, de Tom McCar­thy (2015)

 

PODCASTS AUDIO

  • Inceste et pédo­cri­mi­na­li­té #24, Un pod­cast à soi, ARTE Radio Pod­cast
  • Nous faire jus­tice #04 | Prendre en charge, dans les couilles sur la table, de Vic­toire Tuaillon, avec Anne-Hélène Mon­ca­ny, méde­cin-psy­chiatre et pré­si­dente de la Fédé­ra­tion Fran­çaise des CRIAVS, Mathilde Cou­langes, psy­cho­logue et Tris­tan Renard, socio­logue
  • Le revers de la médaille, Enquête de Dis­close sur la pédo­phi­lie dans le sport (4 épi­sodes)
  • « Spot­light », des pédo­philes dans l’Église amé­ri­caine – 4 épi­sodes de Méca­niques du jour­na­lisme, France Culture
  • Pédo­cri­mi­na­li­té : com­ment expli­quer que l’Église ait pu com­mettre et taire les abus. Avec Isa­belle Heul­lant Donat, pro­fes­seur en his­toire de Moyen-Âge, dans Super­fail, de Guillaume Erner, France Culture
  • Abus sexuels dans l’Église, un phé­no­mène sys­té­mique ?, avec Mat­thieu Aron,
  • La fabrique média­tique, de Chloë Cham­bre­ling, France Culture
  • Au nom du pédo­phile, dans Dépêche !, d’Oli­vier Minot
  • La pédo­phi­lie avec Anne-Claude Ambroise-Ren­du, par Monique Can­to-Sper­ber (2014)
  • Ter­ri­toires inter­dits 4, paroles de pédo­philes, par Céline Rou­zet et Fran­çois Teste, Sur les docks (2014)
  • Les cris, d’A­lexandre Mognol https://shows.acast.com/les-cris (je ne l’ai pas encore écou­té celui-là)
  • Dans la tête d’un pédo­phile, Esprit de jus­tice, 17 fév. 2021
  • Nei­la, chas­seuse de pédo­philes, Les pieds sur Terre, France Culture
  • Injus­tices, sai­son 2 “Ou peut-être une nuit” de Char­lotte Pud­lows­ki

 

Quelques dos­siers étu­diants, de qua­li­té variable, sur des sujets connexes.

On y accède ici : Pré­cau­tion tes­ta­men­taire – tous les dos­siers étu­diants (mot de passe : Z)
ou en cli­quant sur les liens ci-des­sous

(décembre 2012) 15.08 – Y a ‑t‑il des hypo­thèses non-psy­cha­na­ly­tiques à la pédo­phi­lie ? – Lau­ra Fer­ra­ris-Bou­chez, Vir­gile Genin, Lucas Cen­ta, Jules Lefrère

(mai 2016) 22.37 – L’association pédo­phile – North Ame­ri­can Man/Boy Love Asso­cia­tion (NAMBLA), Dimi­tri Evs­tra­tov, Natha­naël Jac­quier, Mev­lude Kocak

(décembre 2016) 23.11 – Hypo­thèses non psy­cha­na­ly­tiques à la pédo­phi­lie – Char­lène NOGARO, Véro­nique SABATIER, Pau­line VALLERAN

(décembre 2016) 23.16 – Y a ‑t‑il des hypo­thèses non-psy­cha­na­ly­tiques à la pédo­phi­lie ? – Hugo LAGOUGE, Fan­ny PEBRE, Léa PHIMANAO

(décembre 2017) 25.19 – Éva­lua­tion des pou­pées  » pédo­philes  » TROTTLA – Lou GOUY, Taol­ham QUERNIARD, Marie UZEST, Jéré­my MAIGRET

(décembre 2018) 27.37 – Vali­di­té des argu­men­taires de l’association pédo­phile NAMBLA et de la René Guyon Socie­ty – Marianne Brillaud, Léa Gai­det, Macxence Jacob, Tris­tan Mur­cia, Mathilde Oli­ve­ro, Théo Rol­lin

(décembre 2018) 27.42 – Quelles sont les approches non-psy­cha­na­ly­tiques à la pédo­phi­lie ? – Lucile DOYEN, Gabriel KIRCHER, Eva RODIER, Nan­cia TROUBAT

(mai 2019) 28.11 ‒ Y a ‑t‑il des théo­ries non-psy­cha­na­ly­tiques de la pédo­phi­lie ? ‒ Ali­cia BUGEY, Fan­ny BRUCHON, Mathilde BUZARÉ, Lau­rie BRACHET

(mai 2019) 28.12 ‒ Dans quelle mesure peut on dire que les pou­pées sexuelles pré­pu­bères ne sont pas uni­que­ment des inci­ta­tions à la pédo­phi­lie ? ‒ Romane JALLIFIER, San­dra HALABI, Jason PONSET, Nawal ZIBAT

(mai 2019) 28.21 ‒ Éva­lua­tion des pou­pées « pédo­philes » TROTTLA ‒ Kim BOURGEOIS, Zoé BOSC, Iliès OULAHAL, Inès Gadi

(décembre 2021) 33.15 – Y a‑t‑il des théo­ries non psy­cha­na­ly­tiques de la pédo­phi­lie ? – José­phine BELLIN, Émi­lie CARAGUEL, Elia SAADOUNE, Tugce SAHINSOY

(mai 2023) 36.20 ‒ Y a‑t’il des théo­ries non psy­cha­na­ly­tiques de la pédo­phi­lie ? ‒ Enza BONORA, Melo­dy LOPEZ, Maxine RAFFY, Chloé REY

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