« La méthode propre de l’enseignement philosophique est la zététique, comme l’appelaient quelques anciens (de ζητεῖν), c’est-à-dire l’investigatrice ».
En deux mots : on ne doit pas enseigner des pensées, mais apprendre à penser ; on ne doit pas porter l’élève, mais le conduire si l’on veut qu’à l’avenir il soit en état de marcher de lui-même ». (…)Donc pour apprendre la philosophie, il faudrait avant tout que ce fût une science constituée. Il faudrait pouvoir présenter un livre et dire : voyez, ici est une philosophie et une connaissance positive ; apprenez à comprendre et à retenir ce livre ; édifiez là-dessus à l’avenir, et soyez ainsi philosophes. Jusqu’à ce qu’on ait montré un semblable livre de philosophie, auquel je puisse m’en rapporter, à peu près comme à Polybe pour une circonstance historique, ou à Euclide pour m’expliquer une proposition de la théorie des quantités, on me permettra de dire que c’est abuser de la confiance du public, si, au lieu d’étendre l’entendement de la jeunesse dont il nous confie l’instruction, et de la former pour une connaissance propre plus mûre à l’avenir, nous l’abusons par l’appât d’une philosophie toute faite et facile, qui aurait été trouvée par d’autres pour son plus grand avantage ; il en résulte une illusion scientifique, qui n’a cours, comme une monnaie de bon aloi, qu’en un certain lieu et entre certaines gens, mais qui est rejetée partout ailleurs. ; elle ne devient dogmatique, c’est-à-dire décisive, que pour une raison déjà exercée dans différentes parties. Aussi l’auteur philosophique qu’on prend pour base dans l’enseignement, doit être considéré, non comme le type du jugement, mais seulement comme une occasion de juger de ce qu’il dit, et même en sens contraire. De même la méthode de réfléchir et de raisonner par soi-même est ce dont l’élève cherche proprement à se rendre capable ; cette aptitude peut seule lui être utile ; les idées acquises et dogmatiques qui s’y rattachent ne doivent être pour lui que des conséquences fortuites, en vue des riches superflus dont il n’a qu’à planter en soi les fécondes racines.
Notes
- Il s’appelait Immanuel, alors pourquoi francise-t-on son prénom ? Mystère pour moi, sauf à invoquer une certaine forme de francocentrisme linguistique, qu’on retrouve par exemple sur William of Occam, traduit en Guillaume d’Occam et tant d’autres.
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