J’aime bien David Lam­bert. C’est un ancien étu­diant à moi, qui est reve­nu me rendre un tra­vail remar­quable trois ans plus tard (sur l’ef­fet Wer­ther). Là, suite à une dis­cus­sion post-cours il y a un an, ce futur agré­gé de lettres qui n’ou­blie déci­dé­ment rien m’é­crit.

 

« Un soir après un cours de zété­tique, j’ai dit que le mot « salope » venait d’une contrac­tion de « sale-huppe », la huppe ayant, a prio­ri, la répu­ta­tion d’être un ani­mal « sale ». Tu m’as mis au défi de véri­fier cette infor­ma­tion. Alors voi­ci mes résul­tats.

Résu­mons la ques­tion : est-ce vrai que le mot « salope » vient de l’union « sale-huppe » et si oui est-ce parce que la huppe est consi­dé­ré comme un oiseau « sale » ?

La huppe fas­ciée (Upu­pa epops), qui est par défaut celle à laquelle qu’on pense lorsqu’on parle de huppe sans pré­ci­ser l’espèce, est un oiseau diurne d’une tren­taine de cen­ti­mètres, vivant prin­ci­pa­le­ment en Europe (prin­ci­pa­le­ment en période de repro­duc­tion) et en Afrique (lorsqu’elle migre).

« Huppe » est bien une hypo­thèse envi­sa­gé de l’étymologie de « salope » comme l’explique Alain Rey dans Dic­tion­naire his­to­rique de la langue fran­çaise, p.3210.

« D’abord saloppe et don­né comme orléa­nais par Cot­grave est d’origine incer­taine. On pro­pose habi­tuel­le­ment d’en faire un com­po­sé tau­to­lo­gique de sale et de hoppe, variante dia­lec­tale de huppe, cet oiseau étant répu­té très sale, ce que confir­me­rait l’expression attes­tée régio­na­le­ment « sale comme eune hoppe » (Lor­raine), « sale comme une oupotte » (France-Com­té). »

Voir aus­si https://www.cnrtl.fr/etymologie/salope

Mais d’où vient cette répu­ta­tion d’oiseau puant qui lui a même don­né le sobri­quet de « pue pue » dans cer­taines régions ?

NdRi­chard : on dit d’ailleurs que la huppe pupute, ou pupule, du fait de son cri.

Des expres­sions met­tant en paral­lèle la sale­té et la huppe sont arri­vées rapi­de­ment dans la langue. D’ailleurs au XVIIIe siècle George Louis Leclerc Buf­fon s’interrogeait sur la réa­li­té du carac­tère sale de la huppe (Oiseaux, 1771, Tome XII) :

« On a beau­coup répé­té que la huppe endui­sait son nid des matières les plus infectes, de la fiente de loup, de renard, de che­val… c’est de là sans doute qu’est venu le pro­verbe : sale comme une huppe ; mais ce pro­verbe indui­rait en erreur si l’on vou­lait en conclure que la huppe a le goût ou l’ha­bi­tude de la mal­pro­pre­té ».

Cette répu­ta­tion est due à deux carac­té­ris­tiques de la huppe :

1) c’est un oiseau caver­ni­cole qui a des déjec­tions pro­vo­quant une odeur repous­sante dans son nid. Cette carac­té­ris­tique fut très tôt connue. Aris­tote, même s’il exa­gé­rait gran­de­ment, décri­vait déjà cela dans His­toire des ani­maux, au IVe siècle avant l’ère com­mune :  « Ὁ δ᾽ ἔποψ τὴν νεοττιὰν μάλιστα ποιεῖται ἐκ τῆς ἀνθρωπίνης κόπρου », autre­ment dit « La huppe fait son nid presque en entier avec de la fiente humaine » (dans Aris­tote, His­toire des ani­maux, Livre IX, Cha­pitre XVIe).

Cepen­dant il ne s’agit pas de déjec­tions qu’elle récu­père d’autres ani­maux pour faire volon­tai­re­ment un « nid puant » mais de ses propres déjec­tions qu’elle a du mal à éva­cuer de son nid entre autres du fait de cette seconde carac­té­ris­tique.

2) Pour se défendre des pré­da­teurs elle va uti­li­ser une tech­nique de défense assez inat­ten­due, en pro­dui­sant à par­tir de la glande uro­py­gienne de son ori­fice cloa­qual une sécré­tion nau­séa­bonde qu’elle va pro­je­ter sur le pré­da­teur.

Dans la vidéo ci-des­sous au Time-code que j’ai pré­pa­ré (26:25) on voit une huppe uti­li­ser cette tech­nique de défense sur un renar­deau :

 

Néan­moins, cette tech­nique de défense peut invo­lon­tai­re­ment créer une puan­teur dans le nid, comme l’explique le dic­tion­naire Petit Larousse des oiseaux de France et d’Eu­rope, de Fré­dé­ric Jiguet et Auré­lien Aude­vard, p. 255–256.

« […] les abords du nid empestent ce qui a valu à cet oiseau la répu­ta­tion d’être mal­propre et de ne pas éva­cuer ses déjec­tions. En fait, la femelle net­toie bien les fientes des oisillons, et, quand ils sont plus grands, ceux-ci les éjectent eux-mêmes. L’odeur nau­séa­bonde pro­vient d’un liquide pro­duit par la glande uro­py­gienne de la femelle et des pous­sins, sans doute pour tenir les pré­da­teurs éloi­gnés. Tou­te­fois, quand la cavi­té de la nidi­fi­ca­tion est trop pro­fonde ou trop étroite, l’évacuation des déjec­tions est mal­ai­sée, si ce n’est impos­sible ; celles-ci s’accumulent alors au fond- bien invo­lon­tai­re­ment de la part des oiseaux. »

Pour aller plus loin : ici, et .

FIN

Impec, mer­ci. David, tu m’é­pates. Que cela ne soit pas un pré­texte, même chez les orni­tho­logues, pour uti­li­ser cette insulte sexiste, qui signi­fie « femme débau­chée, de mœurs dépra­vées, ou se pros­ti­tuant », qui cible sys­té­ma­ti­que­ment les femmes sans équi­valent mas­cu­lin comme si un homme débau­ché n’exis­tait pas, et qui asso­cie pros­ti­tu­tion et dépra­va­tion, ce qui nous ramène 150 ans en arrière d’un coup… Bref, c’est une insulte arrié­rée, aus­si car­ve­ni­cole que la huppe. Pour ma part, je l’ai aban­don­née depuis long­temps à Jean-Marie Bigard.

Tiens, j’ai un peu froi­froid, je vais aller mettre… Mais oui, un pupull  !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *