D’a­bord, je n’ai pas don­né mes liens d’in­té­rêt cette année. C’est fait, je n’en ai pas (sauf si on compte des droits d’au­teur aux presses uni­ver­si­taires de Gre­noble, trans­for­més en part social pour les sou­te­nir). C’est d’ailleurs l’une des condi­tions pour adhé­rer au FORMINDEP (cf. plus bas).

Ensuite, chaque année, je fais des dons, divers, de-ci de-là, par­fois rai­son­nés, par­fois pure­ment ami­caux. Les dons « secs », sou­tiens ponc­tuels, frais de pro­cès repré­sentent env. 850e – 950e par an, sans comp­ter les finan­ce­ments par­ti­ci­pa­tifs puisque j’en tire un retour (sous forme de pod­cast, d’émission, de sou­tien à une chaîne, de livre, etc.)

J’hésite à comp­ter mes coti­sa­tions ou qua­si-syn­di­cales dans le lot : FSU-SNESUP, syn­di­cat api­cole dau­phi­nois et ADDEAR de l’I­sère, asso­cia­tion du réseau de l’A­gri­cul­ture Pay­sanne, ain­si que l’adhé­sion au Centre de san­té du Vieux Temple, puisque là encore j’en tire béné­fice indi­rec­te­ment. Des années, j’ar­rive à envoyer une pseu­do-coti­sa­tion à l’IWW, Inter­na­tio­nal Wor­kers of the World, parce que j’ai une grosse ten­dresse pour ce syn­di­cat anar­chiste, mais je n l’ai pas fait cette année. Je n’ai pas non plus réus­si à me convaincre de ver­ser des sous en Bit­coin à Sci-Hub, parce que je n’ose pas mettre le doigt dans les Bit­coins sûre­ment. Si quelqu’un·e est à l’aise avec ça, je lui donne quelques euros à trans­mettre à l’é­quipe de Mme Elba­kyan.

Il y a aus­si les dons défis­ca­li­sés : vous connais­sez, vous don­nez 100e, et l’argent public vous rem­bourse 66 % en cré­dit d’impôt.
Vous pour­riez me dire que c’est une sorte de niche fis­cale, et… c’est vrai. On en débat­tait avec Nico­las Pin­sault dans notre bou­quin « La Sécu, les vau­tours et moi » (voir extrait ci-des­sous, ou en pod­cast, c’est cha­pitre 4 si je me sou­viens bien).

Si je sous­cris à la pro­messe de don de 10 % de mes reve­nus comme le pré­co­nise The Pledge To Give (OK, je sais, c’est une idée de War­ren Buf­fett et Bill Gates, mais pour autant, étant la per­sonne sur un mil­lion avoir eu la chance de naître en bonne san­té dans un des pays les plus riches du monde, je ne vais pas mégo­ter), reste à savoir ce que je compte comme reve­nu

- gagnant 2600e (salaire Ingé­nieur de recherche) par mois je gagne donc 31200 par an

- je n’ai pas fait d’ar­ticle, de pige ou de conf payée (sauf erreur, tout était à titre gra­cieux cette année)

- j’ai 2 enfants à charge, mais je ne sais pas dans quelle mesure on cal­cule une décote du don, alors je ne les compte pas

- je n’ai aucun pla­ce­ment rému­né­ra­teur, hor­mis Livret A et CEL, qui je crois ne suivent même pas l’inflation

- je n’ai pas de bien, hor­mis une petite demi-mai­son dévo­lue à la maman de mes enfants (valeur env 50 000)

- je paye un loyer de 800 euros / mois, soit 9600 par an. Soit je compte ça en moins dans mes reve­nus (dans ce cas, 21 600 / an) soit pas.

10 % de don implique que je devrais don­ner soit 2160 et 3120 euros par an.

Give­well, qui éva­lue l’efficacité des dons, m’indique les plus effi­caces ONG. Dans la liste, j’ai choi­si Mala­ria consor­tium (est-ce parce que j’ai eu deux fois la mala­ria?) et Helen Kel­ler Inter­na­tio­nal (car j’aime bien Helen Kel­ler, on peut lire cette excel­lente BD sur sa vie Helen Kel­ler & Ann Sul­li­van, de Joseph Lam­bert, 2012, édi­tions Cam­bou­ra­kis)

Par ailleurs, je donne aux struc­tures sui­vantes :

- FRAMASOFT

- Reflets

- Han­di social Tou­louse

- Gré­sille, héber­geur local

- FORMINDEP

- Wiki­pé­dia

- Plan­ning Fami­lial Gre­noble

- La ques­tion aqua­tique

Je ne compte pas dans mon cal­cul le fait d’avoir don­né mon sperme (d’une valeur dis­cu­table) il y a une poi­gnée d’années (c’était un plai­sir, racon­té ici), et mon sang.

Au final, j’ai don­né sans comp­ter les défis­ca­li­sa­tions env. 1700 euros.

Je suis donc entre 5,5 et 8 % de dons, je ne rem­plis donc pas la pro­messe The Pledge to Give.

Mor­ceau de radin.

 

Extraits de notre bouquin (vers pp. 94–98 je crois)

(…) Et toi, tu en uses, de niches fis­cales ?

Oui, je fais des dons. Regarde par exemple : vu qu’on tra­vaille avec des logi­ciels libres, je fais un don chaque année de 100 euros à Fra­ma­soft. Je peux ensuite reti­rer de mes impôts à payer 66 % du mon­tant. Là, trois façons de voir les choses s’offrent à moi :

— soit je me dis qu’en filant 34 euros, j’ai contraint l’État à ral­lon­ger 66 euros, donc je l’ai bien rou­lé, et c’est Fra­ma­soft qui engrange le truc. Là, j’ai tout faux, car ces 66 euros, ce sont des impôts en moins, donc du pique-nique col­lec­tif en moins. Au final, c‘est peut-être moi qui en subi­rai les consé­quences parce que le gym­nase muni­ci­pal ou la pis­cine seront obli­gés de réduire leurs horaires et que j’aurais l’air fin avec les gamins devant la porte fer­mée. Peut-être que j’irai même jusqu’à dire « salauds de fonc­tion­naires », alors que d’une, ils ne sont pas fonc­tion­naires, et de deux, c’est moi qui ai réduit le pot com­mun ;

— soit je me dis que je me sub­sti­tue à l’État, et que je gère mon impôt comme je veux. Par exemple, moi qui suis anti­mi­li­ta­riste, je n’ai pas envie de voir mes impôts dépen­sés dans l’opération Bar­khane au Sahel, ou dans des chars en Afgha­nis­tan, ou dans l’achat de drones. Alors je dévie cet argent vers des causes, comme celle de Fra­ma­soft.

Ça me rap­pelle Hen­ry David Tho­reau, dont j’ai décou­vert les poèmes dans le film Le Cercle des poètes dis­pa­rus de Peter Weir en 1989. Il me semble qu’il avait été arrê­té pour le même genre de choses, non ?

Tho­reau a effec­ti­ve­ment été arrê­té en 1846 pour avoir refu­sé de payer six ans d’arriérés d’impôts locaux à un agent de recou­vre­ments. Le motif ? Pas ques­tion de payer ses impôts à un État qui admet­tait l’esclavage et fai­sait la guerre au Mexique. Mais c’était sans comp­ter sur une de ses tantes, qui contre son gré, paya à sa place. Il fut libé­ré dès le len­de­main.

— soit enfin, troi­sième façon de voir, je me rends compte que si tout le monde fait pareil, alors la ges­tion de l’impôt devient pri­vée. Et si je suis content de don­ner 100 balles à une struc­ture défen­dant le logi­ciel libre, alors le mil­lion­naire du coin peut faire pareil, et orien­ter son blé (en plus grosse quan­ti­té que le mien) vers des struc­tures qui vont dans un sens oppo­sé au mien.

Je com­prends. Com­ment tu tranches la ques­tion ?

À mon avis, la solu­tion est triple : il faut en prio­ri­té se battre pour redon­ner à l’impôt sa sym­bo­lique de repas par­ta­gé et col­lec­tif et redon­ner à tout le monde la fier­té d’y contri­buer. Ensuite, se battre pour que l’État ait une ges­tion aus­si trans­pa­rente qu’un ruis­seau de haute mon­tagne, une ges­tion consul­ta­tive aus­si de nos impôts.

Enfin, tant qu’elle n’est ni cris­tal­line ni consul­ta­tive, conti­nuer à orien­ter ses dons.

Je suis archi d’accord avec les deux pre­mières solu­tions. En revanche la solu­tion des dons, il y a quelque chose qui pue !

C’est vrai. Elle « contraint » l’État finan­ciè­re­ment, en le pri­vant de cer­taines res­sources que j’ai affec­tées à sa place. Par consé­quent, quand bien même un maxi­mum de gens auraient don­né à des asso­cia­tions pour gérer la culture ou l’éducation, il lui reste quoi à l’État ? Payer les flics et faire la guerre ? Ce qu’on appelle la main droite de l’État, en gros armées, police, jus­tice, pri­son, ce sont des bud­gets dif­fi­ci­le­ment com­pres­sibles, donc l’État n’y tou­che­ra pas. C’est donc sur le reste qu’on rogne en guet­tant la niche fis­cale.

Tu sais… si on part là-dedans on y est encore demain matin. Car on pour­rait aus­si me rétor­quer que mon rai­son­ne­ment ne tient debout que si mes dons aux asso­cia­tions sont suf­fi­sam­ment diver­si­fiés pour cou­vrir tous les domaines de la vie, si leur ges­tion est elle-même trans­pa­rente et consul­ta­tive, si… sacré chan­tier. Et on pour­rait même se deman­der pour­quoi la main droite est incom­pres­sible, pour­quoi le bud­get de l’armée ou de la jus­tice n’est pas sou­mis au vote. Et on arri­ve­rait fata­le­ment à la ques­tion de savoir s’il faut défendre un État, et si oui, com­bien de temps ? On repren­dra ren­dez-vous, alors.

C’est vrai que je n’avais jamais vu les choses sous cet angle…

Parce qu’on ne les montre pas comme ça ! Donc pro­chaine fois que quelqu’un t’emmerde en te disant que tu te soignes trop (la sem­pi­ter­nelle « bobo­lo­gie »), en te décla­mant des cou­plets du type : « Ah ben bra­vo, tu soignes tes dents aux frais de la prin­cesse », tu peux lui dire pri­mo, que la prin­cesse, c’est toi (c’est lui aus­si d’ailleurs), puisque c’est le pot com­mun ; secun­do, que si les riches payaient leurs impôts, tout le monde aurait des ratiches en bon état ; ter­tio, que tu coûtes bien moins cher à l’État que ses inter­ven­tions mili­taires dans des pays loin­tains. Rires et bonne ambiance garan­tis durant le repas de famille !

Mais c’est un faux dilemme que tu me fais là !

Cet argu­ment est un peu facile a prio­ri. Encore que… Regarde les chiffres : le bud­get de la défense 2017 est de 32,7 mil­liards d’euros et le der­nier défi­cit annuel connu du régime géné­ral de la Sécu (2016), je l’ai déjà dit, n’est que de 3,4 mil­liards d’euros. À peine 10 %. (…)

 

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