Vient de paraître le petit pré­cis d’es­prit cri­tique, écrit par les sym­pa­thiques et opi­niâtres Mathilde Bau­dy et Élo­die Cal­lis, aux édi­tions la belle étoile.
J’ai eu le plai­sir de faire la pré­face, la voi­ci.

Je m’appelle Richard, et j’ai un tra­vail de rêve : j’enseigne l’esprit cri­tique. Je mène des enquêtes sur des sujets bizarres, étranges, je véri­fie des légendes et des théo­ries contro­ver­sées, je fais des rap­ports des­sus et j’enseigne la démarche aux étudiant·es. Je peux la même semaine étu­dier la pho­to d’un yéti, tes­ter un magné­ti­seur, véri­fier si les cra­pauds explosent quand on les fait fumer (réponse : non, et c’est méchant !) ou véri­fier les pré­ten­dus bien­faits des col­liers d’ambre pour les bébés (réponse : zéro preuve, ça ne soigne que l’anxiété des parents). J’observe, je lis, je fouille… Ce qui est génial, c’est que quel que soit le résul­tat, je ne suis jamais déçu : on met le doigt sur un phé­no­mène étrange ? Bin­go ! Ce n’était une illu­sion ? C’est un nou­vel exemple de cette capa­ci­té incroyable de notre cer­veau tout per­clus à se leur­rer ou se satis­faire du faux.

Mon pro­blème d’enseignant, c’est que je suis un peu la cava­le­rie, j’arrive tard. Je vois sur­tout des jeunes de 18 ans et plus, en amphi. J’« attrape » très peu les élèves de col­lège-lycée, sans par­ler de celles et ceux qui arrêtent en cours de route, et je n’ai pour ain­si dire jamais classe avec des enfants. Alors que c’est le public cru­cial !

D’abord parce que qua­si-tous les enfants passent par l’école, un des der­niers « troncs com­muns » répu­bli­cains.

Ensuite, parce que contrai­re­ment aux nôtres leur cer­veau n’est pas encore cre­vas­sé de demi-cer­ti­tudes. Encore un pied dans le fabu­leux, et l’autre dans la réa­li­té, ils sont à ce moment où la curio­si­té est criante, et le besoin de struc­tu­rer la façon de réflé­chir et dou­ter maxi­mal. L’astronome Phil Plait répète sou­vent : « appre­nez à quelqu’un à rai­son­ner, et il pen­se­ra toute sa vie ».

Cru­cial sur­tout car dans 40 ans, ils gére­ront ce monde, tan­dis que nous l’aurons aban­don­né pour le fer­ti­li­ser. Autant qu’ils soient plus malins que nous au même âge ! Le livre que vous avez en main y contri­bue gran­de­ment. Puisse, grâce à ce type d’ouvrages, venir le jour où les enfants seront deve­nus tel­le­ment cri­tiques que, tel un vieux walk­man, je devien­drais tota­le­ment obso­lète.

Richard Mon­voi­sin, Uni­ver­si­té Gre­noble-Alpes

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