Marie-Louise Giraud

Vous avez peut être enten­du par­ler de Marie-Louise Lem­pé­rière, épouse Giraud, guillo­ti­née en France en 1943 pour avoir pra­ti­qué contre argent 27 avor­te­ments, dont un n’a pas mar­ché est s’est conclu par la mort de la par­tu­riente. Affaires sen­sibles a trai­té l’af­faire il y a peu, avec la tou­jours éclai­rante Flo­rence Roche­fort, his­to­rienne des fémi­nismes (ici https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-mardi-18-avril-2023–8187909). Je recom­mande au pas­sage son bou­quin Ne nous libé­rez pas, on s’en charge. Une his­toire des fémi­nismes de 1789 à nos jours, à la Décou­verte.

Cher­bourg-EClair, p 3, 9 juin 1943

Aus­si tra­gique le cas de cette dame de Cher­bourg soit-il, c’est un excellent point de départ de dis­cus­sion pour enseignant·e sou­hai­tant intro­duire de la phi­lo­so­phie morale, même dans un cur­sus secon­daire :

- l’a­vor­te­ment en tant que tel (avec les lois récentes aux USA)

- le fait d’en faire com­merce, ce qui rajoute une couche de com­plexi­té

- les injonc­tions nata­listes natio­nales (cf. affiche)

- l’é­vo­lu­tion des lois (comme la loi de 1942 qui fait de l’a­vor­te­ment un crime contre la sûre­té de l’État – notez qu’on peut dis­cu­ter long­temps sur ce que signi­fie la « sûre­té de l’État »

- le « devoir d’en­fan­ter »

- le fait que avor­tées et avor­teuses étaient conchiées, tan­dis que les fau­tifs mâles vivaient dans l’im­pu­ni­té (ce qui rap­pelle cer­taines ques­tions en lien avec la pros­ti­tu­tion).

Si vous vou­lez don­ner une dimen­sion his­to­rique à ce sujet, vous pou­vez prendre l’autre cas de « décol­la­tion », celui de Dési­ré Pioge, dans la Sarthe fin 1943 ; ou redes­cendre de trois siècles et prendre Cathe­rine Deshayes, épouse Mont­voi­sin (ça ne s’in­vente pas, c’est peut être mon ancêtre), connue sous le nom de “la Voi­sin », sus­pec­tée et condam­née pour des faits simi­laires. La page wiki­pé­dia fran­çaise est bien ren­sei­gnée.

Et si vous sou­hai­tez faire des ponts avec des œuvres ciné­ma­to­gra­phiques, voi­ci ce qui me vient : (atten­tion, c’est par­fois dur)

  • Une affaire de femmes, de Claude Cha­brol (1988), bien sûr, sur cette affaire Giraud
  • 4 mois, 3 semaines, 2 jours, (4 luni, 3 săptă­mâ­ni si 2 zile) de Cris­tian Mun­giu (2007)
  • Vera Drake, de Mike Leigh (2004)
  • à la rigueur Juno, de Jason Reit­man (2007), pour un public plus jeune

et comme docu­men­taire, par­mi de nom­breux, un trop mécon­nu à mon goût : Regarde, elle a les yeux grands ouverts, d’Yves le Mas­son (1980).

Je repense éga­le­ment au tra­vail remar­quable pro­duit pas mon ancienne étu­diante Ave­ril Huck, dont j’ai des nou­velles de temps en temps :  Sta­tut phi­lo­so­phique des argu­ments anti-avor­te­ment de la Fon­da­tion Jérôme-Lejeune et leur cri­tique, à la séquence péda de mes ami·es Nel­ly Dar­bois et Albin Guillaud (ici) et au maté­riel audio que j’a­vais mis sur le site CORTECS dans « His­toire et luttes des femmes », ser­vez-vous.

Au fait, au départ de cet article je ne vou­lais écrire que ça : lors du pro­cès Giraud, trois autres femmes consi­dé­rées comme com­plices ont été condam­nées. Notam­ment Augus­tine Cos­ne­froy (10 ans de réclu­sion) et Eula­lie Héleine (5 ans). Elles étaient… tireuses de cartes. Et puis comme aurait dit un nata­liste de la belle époque, c’est l’oc­ca­sion qui fait le lar­don.

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