
Bruno Bettelheim, dit « le brutal »
La dramaturge Agathe Mélinand signe un très bon article dans le Monde Diplomatique de Septembre, sur Hans Christian Andersen (« Andersen, la rumeur de l’enfance », p 27). Bien qu’ayant lu du Andersen, je ne connaissais pas son extraction populaire misérable, ni son enfance terrible, ni son conservatisme bourgeois une fois l’âge mûr atteint – comme quoi, n’est pas Hugo ou Dickens qui veut. Seul regret : l’autrice introduit la

H. C. Andersen
psychanalyse comme on introduirait une vraie discipline, et glisse l’incontournable tarte à la crème de Bruno Bettelheim et de sa « Psychanalyse des contes de fées ». Or il y a à mon avis une irresponsabilité à citer du Bettelheim, pour au moins deux raisons.
La première, c’est que dans la lignée de sa lecture freudienne décadente (et réputée violente – des patient·es ont témoigné à ce sujet dans le Washington Post dans les années 90, et certains auteurs le surnommaient Bruno BRUTALHEIM), les conséquences sont souvent dramatiques, en particulier autour de la pseudo-théorie de l’origine maternelle de l’autisme et sa répercussion sur la prise en charge du public « Asperger ». Bettelheim était persuadé que l’autisme n’avait pas de bases physiologiques, ce qu’il développe dans La forteresse vide, l’autisme des enfants et la naissance du moi, un insondable ouvrage de 1969. La réfutation de cette pseudo-théorie a plusieurs décennies maintenant. nous en faisions des séquences pédagogiques avec mon ami Nicolas Gaillard, au CORTECS, il y a une dizaine d’années, mais bien avant nous, par exemple en 2003 dans le remarquable Pollack, Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe, ou en
1998 dans Théo Peeters, La forteresse éclatée.
La seconde, c’est qu’outre l’inanité de nombreux concepts qui y sont développés, le livre « Psychanalyse des contes de fées », citée dans les notes du journal, est le fruit d’un plagiat. L’anthropologue Alan Dundes démontra les emprunts éhontés d’un ouvrage de Julius E. Heuscher, A Psychiatric Study of Myths and Fairy Tales : their origin, meaning, and usefulness de 1963), et mon copain Serge Larivée montrait avec Carole Sénéchal il y a 10 ans déjà les « prélèvements sur d’autres auteurs comme Géza Róheim, Otto Rank ou Erich Fromm — dans « La psychanalyse des contes de fées, quelle histoire ! », dans le Bulletin de psychologie 2011/4 (Numéro 514), pp. 359 à 368.
Les places pour mettre des références dans les articles du Diplo sont bien trop chères pour qu’on les « grille » avec des références aussi sépulcrales.

Commentaires récents