Avec le collectif pour une Sécurité sociale de la Mort, nous avons rédigé une tribune, parue le 31 octobre dans Libération.
La voici (version texte en bas) avec la liste de signataires incomplète sur le site de Libé.
Et pour aller plus loin sur ce sujet, vous pouvez lire notre article tout frais dans le Monde Diplomatique de novembre 2024 là, écouter le podcast « Dans la peau d’un cadavre », en particulier l’épisode 7, et joindre le collectif ici.
Tribune : Pour une Sécurité sociale de la mort
Aujourd’hui, la naissance est prise en charge par la Sécurité sociale, tandis que la mort nous coûte très cher,plus de 4 000 euros en moyenne pour une crémation ou une inhumation.
Dans un moment de forte vulnérabilité, le deuil, nous devons faire des choix contraints et captifs, au sein d’un véritable marché de la mort. Depuis 1993, il revient en effet à la famille de se charger du choix de l’opérateur funéraire. Lors de la perte d’un proche, qui ose regarder à la dépense ? Comment assumer de vouloir faire des économies sur les derniers rites accompagnant la personne disparue ? Les familles ont besoin de quiétude et de sécurité dans ce moment délicat.
De leur côté, les agents funéraires méritent également plus de respect pour leur métier essentiel. Anecdote révélatrice : Il n’y eut pas d’applaudissements pour les travailleurs funéraires lors du COVID-19. Parmi les problématiques du secteur, l’une des plus importantes concerne la formation funéraire, insuffisante et inégale, sans filière publique clairement identifiée et soutenue. Au lieu de cela, reste une profession parasitée par l’impératif de la vente, la concurrence agressive, les inégalités territoriales, et très exposée aux accidents et aux troubles psycho sociaux.
Le régime général de la Sécurité sociale est probablement l’une des plus brillantes inventions de l’Humanité. Envié, attaqué et pourtant indispensable, le système de protection sociale tel qu’il fut construit en 1946 nous montre la voie. Gestion par les administrés eux-mêmes et universalité en étaient les principes fondateurs. D’ailleurs, des aides de la « Sécu » existent déjà pour les obsèques, mais comme aucune information sérieuse n’est diffusée, il est probable que vous appreniez à la lecture de ces lignes l’existence de dispositifs comme le capital décès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, ou l’allocation en cas de décès d’enfant de la Caisse d’Allocations Familiales.
Mettons maintenant une Sécurité sociale de la mort à l’ordre du jour. Redéfinissons la dimension collective de la prise en charge des défunts et des endeuillés. Il s’agit bien de payer, mais de payer autrement. Non pas avec notre salaire net, dans un moment de vulnérabilité, mais par une prévoyance commune tout au long de notre vie au sein de la Sécurité sociale, comme pour les soins. Cette cotisation soulagerait la situation financière des familles les plus précaires, et assurerait une sérénité pour tout le monde.
À la manière du secteur du soin, devenons co-propriétaires de ce qui deviendra une nouvelle
institution funéraire. Elle aura pour objectif d’assurer à chaque famille les prestations nécessaires pour une cérémonie digne : fourniture d’un cercueil adapté, présence de porteurs, frais de crémation ou d’inhumation quelles que soient les spécificités du terrain, Décidons ensemble des modalités et des infrastructures appropriées pour accompagner les décès.
Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est que les entreprises funéraires dont les prestations seront remboursées, soient conventionnées selon des critères décidés aussi par les personnes endeuillées elles-mêmes. Nouveaux rituels, salaire des agents, écologie, qualité d’écoute des familles ; il y a tant à faire, il y a tant à construire pour se réapproprier nos obsèques.
Nous n’acceptons plus que certains territoires soient des déserts funéraires sans équipements adéquats, comme la Guyane, la Lozère, le Lot, ou Mayotte, qui n’ont pas de crématoriums.
Nous n’acceptons plus qu’en plus d’un deuil presque insurmontable, une famille soit poussée à l’emprunt pour enterrer un proche. Nous n’acceptons plus ni l’humiliation que représentent les slogans inappropriés du funéraire discount, ni les primes managériales poussant des agents fatigués à travailler dans la précipitation.
Nous n’acceptons plus que la mort et ses travailleurs comptent parmi les jouets des fonds de pension, gérés par des financiers sur les marchés, et que ces derniers aient le pouvoir sur nos morts.
Nous proposons une société qui ne relègue plus ses morts et celles et ceux qui s’en occupent au second plan. Ne détournons plus le regard.
Signataires
- Le Collectif pour une Sécurité sociale de la mort
- Les Coopératives funéraires de Caen, Lyon, Nancy, Strasbourg, Tulle et Valence
- La CGT Funéraire
- Bacqué, Marie-Frédérique - Professeure de psychopathologie à l’université de Strasbourg, directrice du CIEM, Centre International des Études sur la Mort, rédactrice en chef de la revue Études sur la Mort.
- Beaudouin, Alban – Enseignant d’Histoire-Géographie et co-fondateur du Collectif pour une Sécurité sociale de la mort
- Benoist, Yann – Anthropologue et auteur de “Dernière demeure fixe, les SDF et leurs obsèques : une enquête sur les rites funéraires”.
- Bertoldo, Juliette – Thèse de doctorat sur la relation mort/éducation.
- Berzal Quentin – Professeur-documentaliste et Président du Collectif pour une Sécurité sociale de la mort
- Brauman, Rony - Médecin.
- Bex, Christophe - Député NFP.
- Cazes, Juliette - Chercheuse indépendante en thanatologie et autrice.
- Caroti, Denis – Docteur en philosophie des sciences, chercheur associé Aix-Marseille Université.
- Carayon, Lisa – Maîtresse de conférence en Droit à la Sorbonne Paris Nord.
- Cherblanc, Jacques - Professeur titulaire et directeur de l’Unité d’enseignement en études religieuses, en éthique et en philosophie de l’Université du Québec à Chicoutimini, co-directeur de Pédagogie de la finitude.
- Clouet, Hadrien - Député NFP.
- Cuisinier-Raynal, Juliette - Autrice de l’Embaumeuse sur la thanatopraxie.
- Cuvilliez, Enora – Directrice d’une agence funéraire et à la tête d’abCrémation fabricant de cercueils en carton
- Dalmais, Mathieu – Ingénieur, militant pour une Sécurité sociale de l’alimentation et conférencier gesticulant.
- Da Cruz, Caroline – Agente funéraire.
- De Saint-Phalle, Jean-Loup – Enseignant d’Histoire-Géographie et co-fondateur du Collectif pour une Sécurité sociale de la mort
- El Khatib, Mohamed - Dramaturge, metteur en scène de “La vie secrète des vieux”.
- Egger, Clara – Professeure de relations internationales, Université Erasme de Rotterdam.
- Enjolras, Séverine – Anthropologue et documentariste.
- Filoche, Gérard – Inspecteur du travail et syndicaliste
- Fiorini, Benjamin – Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’université de Paris 8 Vincennes – Saint Denis, juge assesseur à la Cour nationale du droit d’asile à Montreuil.
- Friot, Bernard – Économiste et sociologue du travail, professeur émérite à Paris-Nanterre, membre de Réseau Salariat.
- Gouthière, Florian – Journaliste scientifique.
- Gnaba, Abdu – Docteur en anthropologie et sociologie comparative et directeur du SocioLab.
- Grams, Rob – Journaliste à Frustration Magazine.
- Kahane, Claudine – Astrophysicienne retraitée, élue.
- Lenepveu, Henri – Retraité de la CGT Funéraire .
- Laffilhe, Anne – Cheffe d’orchestre et cheffe de chœur.
- Laffilhe, Frédérique – Principale de collège honoraire.
- Laffilhe, Jean-Louis - Pharmacien, CHU Angers.
- Lucot, Gaël – Agente funéraire.
- Ménard, Didier – Médecin en centre de santé communautaire et Professeur d’Université à Strasbourg.
- Monfort, Emmanuel - Maître de conférence en psychologie à l’Université Grenoble-Alpes.
- Monvoisin, Richard – Didacticien des sciences, Université Grenoble-Alpes.
- Moukheiber, Albert - Docteur en Neurosciences Cognitives, Psychologue Clinicien.
- Nivet, Jean-Michel – Responsable Charente de la Fédération Française de Crémation ainsi que délégué départemental de l’ADMD.
- Okbani Nadia, Maîtresse de conférences en Sciences Politiques à l’Université de Toulouse.
- Piazza, Sara – Psychologue clinicienne en service de réanimation et en Équipe Mobile de Soins Palliatifs Centre Hospitalier de Saint-Denis.
- Patinot, Pascal – Retraité de la CGT funéraire.
- Pousse, Camille – Psychologue clinicienne
- Prévost, Myriam – Documentariste audio à France Culture.
- Ribuot, Christophe - Professeur des Universités en pharmacologie, Université Grenoble Alpes.
- Robert, Denis – Fondateur de Blast.
- Simonnet, Danielle – Députée NFP
- Thiellement, Pacôme – Journaliste.
- Vercueil, Laurent – Chercheur et neurologue.
- Vivant, Nicolas – Informaticien.
- Viard, Aurélie – La Chouette Funéraire, accompagnement individuel ou ateliers collectifs
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