Début 2017, Ave­ril Huck est venue en stage au Cor­teX, dans les locaux de Gre­noble, pour clore sa troi­sième année de licence de phi­lo­so­phie. Sous ma poigne de fer (dans un gant de velours vio­let), elle a effec­tué un magni­fique tra­vail cri­tique sur les pro­duc­tions phi­lo­so­phi­que­ment assez peu digestes de la Fon­da­tion Jérôme-Lejeune, répu­tée pour ses posi­tions radi­cales anti-avor­te­ment. Il est publié sur cortecs.org, et je le repro­duis ci-des­sous. En toute fin, on trou­ve­ra son rap­port de stage, plu­tôt élo­gieux, ce qui s’explique de deux façons pos­sibles : soit elle a aimé son séjour avec nous, soit elle a peur de son sadique direc­teur et de ses pou­voirs de ven­geance à dis­tance. En atten­dant, voi­ci un magni­fique tra­vail qu’on atten­drait plus volon­tiers au niveau Mas­ter 2.

Table des matières

Intro­duc­tion

I. Les filia­tions de la FJL

1) Les pré­misses de la FJL : Jérôme et Birthe Lejeune

2) Etat des lieux actuel des filia­tions avec des asso­cia­tions chré­tiennes de la FJL

3) Filia­tions aux auto­ri­tés catho­liques

II. Les argu­ments anti-avor­te­ment de la FJL

1) Argu­ments déon­to­lo­giques qui découlent de la morale de Loi natu­relle et des ency­cliques

A) L’avortement comme meurtre

B) L’avortement comme déro­ga­tion au rôle fixé de femme-mère

C) L’avortement comme droit abu­sif de pro­prié­té de la mère sur l’enfant

D) L’avortement comme ins­tru­ment d’une forme d’eugénisme

2) Nou­veaux argu­ments de type consé­quen­tia­liste

A) Le fœtus res­sent la dou­leur dès le deuxième tri­mestre

B) Il y a des risques pour les femmes qui avortent : le syn­drome post-avor­te­ment (SPA)

III. Ana­lyse cri­tique des argu­ments

1) Véri­fi­ca­tion des pré­ten­tions scien­ti­fiques

A) Il n’y a plus de débat scien­ti­fique sur le sta­tut de la vie

B) La dou­leur fœtale

C) Le syn­drome post-avor­te­ment

2) Essen­tia­lisme

Conclu­sion

Biblio­gra­phie

Télé­char­ger l’article en for­mat PDF : ici

Télé­char­ger le rap­port de stage :

Introduction

La Fon­da­tion Jérôme-Lejeune (FJL) est carac­té­ris­tique du mélange fré­quent, dans le mar­ché cog­ni­tif de l’information, entre les croyances reli­gieuses et l’usage d’arguments scien­ti­fiques cen­sés appuyer celles-ci. Elle a atti­ré notre atten­tion du fait de son sou­tien poli­tique impor­tant lors de sa créa­tion en 1996, de sa recon­nais­sance d’utilité publique, et d’un com­bat idéo­lo­gique très fort pour « défendre la vie et la digni­té humaine »1 et contre l’avortement, com­bat nour­ri de la répu­ta­tion scien­ti­fique de son fon­da­teur.

La FJL se dis­tingue aus­si par une défense argu­men­ta­tive assez éclec­tique de son com­bat, ayant recours à des argu­ments aus­si bien déon­to­lo­giques que consé­quen­tia­listes. La façade des­ti­née au public est moins expli­ci­te­ment reli­gieuse que dans d’autres asso­cia­tions « pro-vie », comme chez SOS Tout-petits, par exemple, où la filia­tion au catho­li­cisme, notam­ment aux trois figures de Joseph d’Arimathie2, de Jean-Paul II3 et de Mère Tere­sa4, est mani­feste. Le mélange entre croyances et sciences y est néan­moins tor­tueux, et c’est pour­quoi il va nous fal­loir étu­dier le rôle que la FJL donne aux sciences dans un com­bat qui relève de l’idéologie.

I. Les filiations de la FJL

1) Les prémisses de la FJL : Jérôme et Birthe Lejeune

Afin de com­prendre la genèse de cette Fon­da­tion, il est néces­saire de pré­sen­ter les per­sonnes de Jérôme Lejeune, qui en a été la source d’inspiration et de sa femme, Birthe, actrice impor­tante dans sa péren­ni­sa­tion.

Jérôme Lejeune est un méde­cin cher­cheur qui a tra­vaillé sur les mala­dies géné­tiques avec défi­cience intel­lec­tuelle, dont la tri­so­mie 21. Il a été l’un des trois co-auteur·e·s de la décou­verte du gène de la tri­so­mie 21, avec Marthe Gau­tier et Ray­mond Tur­pin en 1959, même s’il en est sou­vent pré­sen­té comme seul décou­vreur. La FJL a eu pour effet secon­daire, volon­taire ou non, de cen­trer cette décou­verte sur le per­son­nage de Lejeune, au détri­ment des deux autres acteurs et actrices, alors même que la conduite de la recherche, de même que l’intuition dès les années 1930 de l’origine géné­tique de ce qu’on appe­lait alors le mon­go­lisme5 reviennent à Ray­mond Tur­pin. Quant au rôle de Marthe Gau­tier, il a été arti­fi­ciel­le­ment mini­mi­sé. Gau­tier est en effet à l’origine des cultures cel­lu­laires in vitro d’un enfant tri­so­mique et a pu obser­ver au micro­scope le chro­mo­some sur­nu­mé­raire sur la 21ème paire en mai 19586. Seule­ment, le labo­ra­toire ne dis­po­sant pas d’appareil pho­to effi­cace pour en prendre trace, Jérôme Lejeune, alors sta­giaire au CNRS, s’est alors char­gé de faire les pho­tos dans un autre labo­ra­toire7. L’avis du Comi­té d’éthique de l’Inserm rela­tif à la sai­sine d’un col­lec­tif de cher­cheurs concer­nant la contri­bu­tion de Marthe Gau­tier dans la décou­verte de la tri­so­mie 21 nous fait savoir que « ces pho­tos lui [J. Lejeune] ser­vi­ront de sup­port dans les congrès et ses inter­ven­tions média­tiques », par­ti­ci­pe­ront de cette façon à le mettre en avant sur le plan média­tique et à le mettre en pre­mier signa­taire, en 1959, de Les chro­mo­somes humains en culture de tis­sus, l’article scien­ti­fique rap­por­tant la décou­verte8.

Jérôme Lejeune a très vite craint que cette décou­verte ne serve à autre chose qu’à une meilleure connais­sance de la mala­die et à sa prise en charge. En effet, on a pu rapi­de­ment déve­lop­per des tests pré­na­taux diag­nos­ti­quant le gène de la tri­so­mie 21, comme le test de clar­té nucale entre la 11ème et la 13ème semaine d’aménorrhée cou­plée à une prise de sang, qui laissent ain­si le choix aux parents de prendre une déci­sion en connais­sance de cause. Jérôme Lejeune s’est donc pro­cla­mé « défen­seur de la vie », sous-enten­dant qu’en effec­tuant de tels diag­nos­tics, on fai­sait non seule­ment mou­rir volon­tai­re­ment des êtres dési­rant vivre, mais en outre on pra­ti­quait l’orthogénisme  : « je vais être obli­gé de prendre la parole publi­que­ment pour défendre nos malades. On va uti­li­ser notre décou­verte pour les sup­pri­mer. Si je ne les défends pas, je les tra­his, je renonce à ce que je suis deve­nu de fait : leur avo­cat natu­rel. »9. Il s’est par la suite inves­ti de manière très com­ba­tive dans les débats sur l’avortement et les diag­nos­tics pré­na­taux.

Par ailleurs, en pleine période des dis­cus­sions sur la loi Veil, Birthe Lejeune orga­nise une péti­tion contre la léga­li­sa­tion de l’avortement, publiée le 5 juin 1971, et récla­mant le res­pect du ser­ment d’Hippocrate qu’elle inter­prète comme pres­cri­vant de ne pas pra­ti­quer les avor­te­ments. En 1974, Jérôme Lejeune a été conseiller scien­ti­fique pour l’association anti-avor­te­ment « Lais­sez-les vivre-SOS futures mères ». Fiam­met­ta Ven­ner explique dans son livre L’opposition à l’avortement, du lob­by au com­man­do que cette asso­cia­tion est la plus vieille asso­cia­tion anti-IVG fran­çaise. Elle a été créée par la Cité catho­lique10, via l’Action fami­liale et sco­laire11 et est connue pour avoir orga­ni­sé un com­man­do en 1990 pour blo­quer l’accès à des femmes vou­lant avor­ter à l’hôpital de Tour­non. Iels12 ont aus­si orga­ni­sé deux congrès anti-IVG à Paris les 24 et 25 mars 1991.

Par ailleurs, il a reçu le titre de « ser­vi­teur de Dieu » par l’Église Catho­lique pour sa « défense de la vie ». Jérôme Lejeune a été membre de l’Opus Dei où il a reçu le titre de « doc­teur hono­ris cau­sa »13.

En 1996, deux ans après la mort de J. Lejeune, la FJL est cofon­dée entre autres par le magis­trat Jean-Marie Le Méné, par la propre fille de Jérôme Lejeune Cla­ra Gay­mard, née Lejeune, et par son mari Her­vé Gay­mard, secré­taire d’État de la San­té et de la Sécu­ri­té sociale de 1995 à 1997 dans le Gou­ver­ne­ment Jup­pé. Iels ont deman­dé à ce que la Fon­da­tion soit recon­nue d’utilité publique et elle le fut en moins d’un an. Nous savons, de sur­croît, qu’au moment de la demande, C. Gay­mard était direc­trice de cabi­net de Colette Codac­cio­ni, ministre de la Soli­da­ri­té entre géné­ra­tions. Le Pré­sident de la Répu­blique, Jacques Chi­rac, était membre du comi­té d’honneur de l’association Les amis du Pro­fes­seur Lejeune (LAPL), asso­cia­tion créée en 1994 « pour faire connaître son œuvre et ses décou­vertes, spé­cia­le­ment dans le domaine géné­tique, faire édi­ter et dif­fu­ser l’ensemble des textes, ouvrages et confé­rences qu’il a lais­sés, et pour­suivre son action pour la défense de la vie humaine de son pre­mier ins­tant à son terme »14. Cette asso­cia­tion finan­çait, par ailleurs, d’autres asso­cia­tions anti-IVG15. L’association LAPL se trans­for­me­ra ensuite en Fon­da­tion et sera réduite à un site bio­gra­phique. Il faut admettre que ces liens entre cer­tains membres du Gou­ver­ne­ment et la Fon­da­tion sou­lève le doute quant à l’impartialité dans la déci­sion de recon­naître la Fon­da­tion d’utilité publique.

2) Etat des lieux actuel des filiations avec des associations chrétiennes de la FJL

La Fon­da­tion Jérôme-Lejeune reprend les com­bats fixés par son per­son­nage épo­nyme. Il n’est pas évident, quand on ne connaît pas bien la Fon­da­tion de sai­sir d’emblée qu’elle est inti­me­ment liée et proche des valeurs chré­tiennes catho­liques et qu’elle prend une part impor­tante à la défense des inté­rêts de l’Église catho­lique romaine. Ce n’est qu’en s’intéressant au per­son­nage et à l’histoire de Jérôme Lejeune ou aux actions concrètes sur la « défense de la vie » de la Fon­da­tion qu’on voit res­sor­tir les valeurs chré­tiennes du « res­pect de la vie ». En consul­tant leur site inter­net et les manuels péda­go­giques qu’iel ont pro­duit, nous avons pu mettre en lumière cer­taines filia­tions.

Tout d’abord, sur le bul­le­tin offi­ciel16qui recense les fon­da­tions recon­nues d’utilité publique, nous pou­vons lire que les mis­sions de la FJL sont au nombre de deux : « Pour­suivre l’œuvre du Pr. J. Lejeune : recherche médi­cale sur les mala­dies de l’intelligence et géné­tiques ; accueil et soins des per­sonnes, atteintes de la tri­so­mie 21 et autres ano­ma­lies géné­tiques. ». Il n’est pas ques­tion de leur troi­sième mis­sion qui est « défendre le com­men­ce­ment de la vie », « défendre le plus petit d’entre-nous »ou encore « défendre le plus fra­gile d’entre-nous »17. Par consé­quent, la Fon­da­tion uti­lise des dons et des legs pour d’autres actions non recon­nues par l’État.

La Fon­da­tion fait par­tie du col­lec­tif En Marche Pour La Vie qui regroupe dif­fé­rentes asso­cia­tions : Choi­sir la vie, Les Sur­vi­vants, Renais­sance Catho­lique, les Éveilleurs d’Espérance, l’Avant-Garde. On peut donc se rendre compte de l’action mili­tante poli­tique de la FJL, liée à ces asso­cia­tions d’obédience chré­tienne. Jean-Marie Le Méné, le pré­sident actuel de la FJL, fait de nom­breuses appa­ri­tions et dis­cours lors des « marches pour la vie » (der­nier dis­cours recen­sé le 22 jan­vier 2017, au moment de rédi­ger ces lignes18). Celui-ci a aus­si a été audi­tion­né en 2008 et en 2009 dans le cadre de la révi­sion de la loi de bioé­thique par le Conseil d’État et l’Assemblée natio­nale, ain­si qu’en 2011 par le Sénat dans le cadre du pro­jet de loi rela­tif à la bioé­thique.

On peut trou­ver dans le Manuel Bioé­thique des jeunes pro­duit par la FJL des liens vers des sites ren­sei­gnant les femmes enceintes sur les idées pro-vie en géné­ral, sur l’IVG et la paren­ta­li­té en par­ti­cu­lier. Iels citent notam­ment ivg.net avec le numé­ro gra­tuit et sosbebe.org (p. 14). Bien sou­vent, ce sont des sites qui ne se pré­sentent pas comme pro-vie mais qui par­tagent ces idées et véhi­culent de fausses infor­ma­tions. Ces sites sont consi­dé­rés depuis la loi Val­laud-Bel­ka­cem du 4 août 201419 comme fai­sant entrave à l’information à l’IVG, et étaient au cœur de la pro­po­si­tion de loi rela­tive à l’extension du délit d’entrave à l’IVG pro­mul­guée le 20 mars 201720.

La Fon­da­tion a reçu un prix le 4 mai 2017 appe­lé le « prix evan­ge­lium vitae 2017 » remis par l’Université catho­lique Notre-Dame dans l’Indiana aux États-Unis pour leurs actions en faveur du « res­pect de la vie ».

La Fon­da­tion est aus­si assez pro­lixe sur les médias. Sur leur site, nous pou­vons lire et écou­ter les dif­fé­rentes tri­bunes et articles de Jean-Marie Le Méné dans les­quels il s’exprime régu­liè­re­ment au nom de l’association : Radio Chré­tiennes Fran­co­phones, Famille Chré­tienne, Valeurs actuelles, L’Homme Nou­veau, Radio Notre Dame, Le Figa­ro, La Croix, La Nef, l’agence de presse reli­gieuse Zénit, Libertépolitique.com. Ces radios et jour­naux ont en com­mun leur ligne édi­to­riale de droite conser­va­trice et pour la plu­part chré­tienne catho­lique.

3) Filiations aux autorités catholiques

Certain·e·s adhérent·e·s de la FJL sont en lien étroit avec les ins­ti­tu­tions catho­liques.
Jean-Marie Le Méné est depuis 2009 membre de l’Académie pon­ti­fi­cale pour la vie, aca­dé­mie créée en 1994 par le Pape Jean-Paul II. C’est une « ins­ti­tu­tion indé­pen­dante » sié­geant au Vati­can et qui a pour mis­sion « d’étudier, d’informer et de for­mer » au sujet des « prin­ci­paux pro­blèmes bio­mé­di­caux et juri­diques rela­tifs à la pro­mo­tion et à la défense de la vie, sur­tout dans le rap­port qu’ils ont avec la morale chré­tienne et les direc­tives du magis­tère de l’Église ». Elle est finan­cée en par­tie par une Fon­da­tion créée par le Vati­can, la Fon­da­tion Vitae Mys­te­rium. Nous savons, en outre, que le Pape Fran­çois a sou­te­nu le mou­ve­ment En Marche Pour La Vie21, tout comme un cer­tain nombre d’évêques fran­çais (21 signa­taires sur envi­ron 80 évêques métro­po­li­tains)22.

Inté­res­sons-nous à pré­sent aux posi­tions de l’Église catho­lique romaine sur les ques­tions de l’avortement. Le Pape Paul VI a rédi­gé la lettre ency­clique Huma­nae Vitae en 1968 et elle porte « sur le mariage et la régu­la­tion des nais­sances ». Dans cette ency­clique, Paul VI exprime les craintes de l’Église quant aux nou­velles ques­tions qui se posent à l’époque. En effet, les débats sont intenses à pro­pos de la liber­té sexuelle des femmes, de la pla­ni­fi­ca­tion fami­liale et de la contra­cep­tion, tout ceci éman­ci­pé de la tutelle patriar­cale. Face à ces reven­di­ca­tions, l’Église catho­lique vient ren­for­cer ses valeurs et injonc­tions sur l’importance du mariage et de la régu­la­tion des nais­sances. Selon leur «  doc­trine fon­dée sur la loi natu­relle, éclai­rée et enri­chie par la Révé­la­tion divine », un mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme pour toute leur vie et cette union a comme fina­li­té la « géné­ra­tion et l’éducation de nou­velles vies ». Leurs posi­tion­ne­ments sont clairs : uti­li­ser la contra­cep­tion ou avoir recours à l’IVG revient, à « contre­dire à la nature de l’homme comme à celle de la femme et de leur rap­port le plus intime, c’est donc contre­dire aus­si au plan de Dieu et à sa volon­té »23. Ils inter­disent donc le recours à l’IVG même thé­ra­peu­tique, les contra­cep­tions et les sté­ri­li­sa­tions défi­ni­tives (vasec­to­mie, liga­ture des trompes). Le seul moyen de régu­ler les nais­sances est de suivre le cycle natu­rel repro­duc­teur qui est l’œuvre de Dieu. Par ailleurs, il faut, selon cette ency­clique, édu­quer à la chas­te­té et se dres­ser contre l’excitation des sens, le dérè­gle­ment des mœurs, la por­no­gra­phie et autres spec­tacles licen­cieux.

On peut lire, en outre, dans la biblio­gra­phie du Manuel Bioé­thique des jeunes l’utilisation de la lettre ency­clique Evan­ge­lium vitae, écrite par Jean-Paul II, en 1995 et qui porte « sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine ». Cette ency­clique est pré­sen­tée comme plus moderne, plus adap­tée aux mœurs d’aujourd’hui. Celle-ci est cen­trée sur le sta­tut de la vie, et de l’embryon, ain­si que sur les atteintes à la vie humaine, à sa digni­té, à son inté­gri­té. L’avortement y est consi­dé­ré comme une menace au même titre que le géno­cide, l’euthanasie ou le sui­cide. Le Pape Jean-Paul II y déclare que « l’avortement direct, c’est-à-dire vou­lu comme fin ou comme moyen, consti­tue tou­jours un désordre moral grave, en tant que meurtre déli­bé­ré d’un être humain inno­cent »24.

II. Les arguments anti-avortement de la FJL

Les phi­lo­sophes tendent à dis­tin­guer deux grandes caté­go­ries d’arguments moraux dépen­dant de leurs fon­de­ments idéo­lo­giques. Nous dis­tin­gue­rons donc ici les argu­ments dits déon­to­lo­giques, qui se basent sur le res­pect d’un ou de plu­sieurs devoirs fon­da­men­taux, et les argu­ments consé­quen­tia­listes, qui tendent à jau­ger mora­le­ment les choix en fonc­tion de leurs consé­quences glo­bales, posi­tives ou néga­tives.

1) Arguments déontologiques qui découlent de la morale de Loi naturelle et des encycliques

Inté­res­sons-nous à pré­sent aux argu­ments déve­lop­pés par la Fon­da­tion Jérôme-Lejeune par rap­port à l’avortement et essayons d’en éva­luer la logique interne. Avant tout, pré­ci­sons que tous ces argu­ments reposent sur une triple pré­misse :

  • la vie est une notion claire et le fruit d’une volon­té trans­cen­dante. Elle est pré­sente dès la fécon­da­tion et est un don divin sur lequel l’humain·e n’a pas à agir.
  • Dieu a un plan et ses créa­tures, les humain·e·s, doivent le suivre sans y déro­ger.
  • La vie de l’embryon doit être com­prise comme de valeur égale à toute autre vie humaine et est une vie en propre, sépa­rée de celle de la mère.

Nous avons dis­tin­gué quatre argu­ments majeurs. L’avortement est consi­dé­ré

  • comme meurtre
  • comme déro­ga­tion au rôle dévo­lu à « la mère »
  • comme droit abu­sif de pro­prié­té (dérive du pré­cé­dent)
  • comme ins­tru­ment de poli­tique eugé­niste.

A) L’avortement comme meurtre

Nous com­pre­nons, à par­tir des pré­sup­po­sés reli­gieux que nous venons d’exposer, qu’à par­tir du moment où l’avortement est posé comme un acte allant à l’encontre du plan divin, il est donc par consé­quent pros­crit. Y recou­rir équi­vaut à un meurtre. En effet, avor­ter, c’est ôter la vie, c’est « un acte de mort » (p. 17). La FJL explique dans le Manuel Bioé­thique des jeunes qu’« en avor­tant son enfant, on choi­sit pour lui la mort, comme si on avait le droit de tuer. La loi qui donne ce droit semble rendre ce choix accep­table. Et pour­tant on com­met un acte de mort. Si la jus­tice fran­çaise ne le reproche plus depuis 1975, la conscience rap­pelle ce prin­cipe fon­da­teur : « tu ne tue­ras point ». Ce qui est légal n’est pas for­cé­ment moral. » (p. 17).

De la sorte, pour pros­crire l’avortement et mon­trer que c’est un acte mau­vais, la FJL fait appel au sixième com­man­de­ment25, regret­tant que ce com­man­de­ment ne fasse pas office de loi, et jugeant l’actualité juri­dique comme en retard sur la morale : ce qui est moral découle de Dieu, de la Bible – défi­ni­tion arché­ty­pale d’une morale déon­to­lo­gique chré­tienne – et ce qui est juri­dique, ce sont les lois humaines, impar­faites et par­fois, selon eux, immo­rales.

À titre acces­soire, on trou­ve­ra éga­le­ment dans leurs pro­duc­tions ce type de consta­ta­tion : « tuer son enfant ne peut pas être source de liber­té ni d’accomplissement per­son­nel » (p. 16) sous-enten­dant ici en une forme rhé­to­rique clas­sique dite « de l’épouvantail » (ou straw­man) que les femmes qui avortent le reven­diquent avec pour seul argu­ment une simple liber­té, une simple com­mo­di­té et que, de l’acte même d’avorter, les femmes en tirent un accom­plis­se­ment per­son­nel. C’est l’argument stan­dard de « l’avortement de confort », qu’avait défen­du Marine Le Pen le 8 mars 2012 sur France 2, déplo­rant que « [l]es avor­te­ments de confort sembl[ai]ent se mul­ti­plier ».

B) L’avortement comme dérogation au rôle fixé de femme-mère

L’avortement est consi­dé­ré comme « une atteinte à la nature même de la femme qui est d’être mère ». La Fon­da­tion en donne pour preuve « [l]’immense souf­france de la sté­ri­li­té [qui] montre com­bien la mater­ni­té est consti­tu­tive de l’identité fémi­nine »26. La Fon­da­tion juge que « la capa­ci­té de l’homme et de la femme à être père pour le pre­mier, et mère pour la seconde, est l’une des carac­té­ris­tiques essen­tielles de l’identité sexuelle. La gros­sesse et la mater­ni­té sont une part impor­tante de la fémi­ni­té »27. Dans cette lec­ture des choses, n’existeraient que deux sexes bien déli­mi­tés, avec deux « essences » dis­tinctes aux­quelles sont assi­gnés des rôles gen­rés pré­cis (ceux de l’homme et ceux de la femme). Ces deux caté­go­ries seraient irré­duc­tibles aus­si bien sur le plan bio­lo­gique que social. Le fémi­nin serait per se tou­jours lié à la repro­duc­tion, la mater­ni­té, le care, à l’exclusion du mas­cu­lin. Nous retrou­vons dans la seconde cita­tion le lien fait entre sexua­li­té et pro­créa­tion par l’Église catho­lique romaine. L’identité sexuelle y est exclu­si­ve­ment défi­nie en rap­port direct à la repro­duc­tion, évin­çant de fait tout autre pra­tique sexuelle ne ser­vant pas un des­sein pro­créa­tif.

C) L’avortement comme droit abusif de propriété de la mère sur l’enfant

La FJL répond ici à un argu­ment uti­li­sé par les fémi­nistes, dans le cadre juri­dique de la dépé­na­li­sa­tion de l’avortement, qui invo­quait « le droit à dis­po­ser de son corps ». Elle y répond par l’argument bio­lo­gique sui­vant : l’embryon n’est pas une par­tie de la mère, c’est un être humain à part entière, « le fait d’être abri­té et nour­ri dans le corps de sa mère, ne fait pas de l’enfant in ute­ro un élé­ment du corps de la mère. Il en dif­fère par toutes ses cel­lules »28. De ce fait, la mère ne peut pas dis­po­ser de l’embryon ou du fœtus comme elle l’entend. Dans le dos­sier « IVG/IMG » créé par le site www.genethique.org29, l’argument est plus détaillé. « Pour­tant, bio­lo­gi­que­ment, l’enfant n’est pas une par­tie du corps de sa mère : il en est l’hôte. La preuve en est : l’enfant a un patri­moine géné­tique dis­tinct de celui de sa mère ; il peut même, en cas de dys­fonc­tion­ne­ment du corps de sa mère, pro­duire des anti­corps ; il conti­nue à se déve­lop­per nor­ma­le­ment même si la mère est dans le coma, comme le montre la pre­mière médi­cale de ce type réper­cu­tée par la presse en octobre 2009 (cf. Syn­thèse de presse Gèné­thique du 12 octobre 2009) »30. Cet argu­ment per­met donc à la FJL de pros­crire l’avortement, en répon­dant à un argu­ment juri­dique par un argu­ment bio­lo­gique. Afin de cer­ner les droits des per­sonnes, il est néces­saire de défi­nir les bornes de ce qu’est une per­sonne juri­dique, c’est-à-dire ayant des droits. Par consé­quent, le Droit s’appuie sur la bio­lo­gie et les avan­cées scien­ti­fiques pour défi­nir la vie et la mort, une per­sonne et une chose, soi et son corps, etc. Pour l’instant, dans le Droit fran­çais, un·e enfant obtient la per­son­na­li­té phy­sique (qui nous donne droits et devoirs) dès la nais­sance, s’iel est vivant·e et viable. La FJL s’insurge contre cela et vou­drait pla­cer le début de la vie à la fécon­da­tion afin de garan­tir des droits à des « per­sonnes poten­tielles ».

Pour répondre à ce pro­blème, la FJL pré­sente deux solu­tions « morales », qui sont :

  • gar­der l’enfant,
  • ou le faire adop­ter.

Comme on le com­pren­dra, avor­ter ne fait pas par­tie de ces solu­tions. Dans le Manuel Bioé­thique des jeunes, la FJL explique à plu­sieurs reprises que « la meilleure façon d’aider une mère en dif­fi­cul­té n’est pas de l’aider à sup­pri­mer une vie mais à résoudre ses dif­fi­cul­tés. Si la mère ne peut pas éle­ver son enfant, l’adoption reste aus­si un recours pour lui » (p. 17). Iels ajoutent à cela qu’ « [e]n France beau­coup de parents (28 000 en 2008) sont prêts à accueillir un enfant par adop­tion » (p. 17). Qu’en est-il des gros­sesses non-dési­rées suites à un viol ? « La mère doit être bien accom­pa­gnée après un tel trau­ma­tisme mais tuer l’enfant n’annule pas le drame » (p. 16). « Pour­quoi l’enfant […] subi­rait-il la peine de mort que ne subi­ra pas le cri­mi­nel ? » (p. 16). Par­tant, même en cas de viol, les femmes doivent, soit déci­der de gar­der l’enfant, soit le·la faire adop­ter.

D) L’avortement comme instrument d’une forme d’eugénisme

Une autre inquié­tude expri­mée par la Fon­da­tion est celle de l’eugénisme. La FJL explique que 96% des cas de tri­so­mie 21 diag­nos­ti­qués abou­tissent à un avor­te­ment. Jean-Marie Le Méné, dans son livre Les pre­mières vic­times du trans­hu­ma­nisme consi­dère que ce sont les per­sonnes tri­so­miques qui sont vic­times d’une sélec­tion arti­fi­cielle nor­ma­tive, défi­ni­tion même de l’eugénisme de Fran­cis Gal­ton (1822–1911). Jérôme Lejeune par­lait de « racisme chro­mo­so­mique »31. Par ailleurs, nous pou­vons lire ceci : « Le diag­nos­tic pré­na­tal est trop sou­vent uti­li­sé pour sur­veiller la « qua­li­té » de l’enfant (voire l’éliminer s’il n’est pas conforme à l’attente des parents ou de la socié­té) »32 et « notre socié­té devient de plus en plus into­lé­rante face au han­di­cap et « le mythe de l’enfant par­fait » avance… »33. En consé­quence, la Fon­da­tion craint que les avan­cées scien­ti­fiques (DPN, DPNI, DPI, IVG…) ne fassent déri­ver notre socié­té vers une socié­té qui classe les humains en per­sonnes accep­tables et non-accep­tables (les per­sonnes han­di­ca­pées moteurs et men­taux) et finissent par faire éli­mi­ner ces per­sonnes non-accep­tables au pro­fit d’enfants « par­faits », sans « défauts ». Leur lutte se place sur la recherche scien­ti­fique afin de trou­ver une thé­ra­pie et gué­rir les per­sonnes tri­so­miques. Une fois la gué­ri­son pos­sible, le cri­tère de la mala­die tri­so­mie 21 comme mala­die incu­rable ne pour­ra plus être invo­qué et abou­tir à des avor­te­ments.

2) Nouveaux arguments de type conséquentialiste

Nous aurions pu faire l’hypothèse selon laquelle la grille de défense des thèses de la FJL était uni­la­té­ra­le­ment déon­to­lo­gique. Pour­tant, en regar­dant en détail, il semble, sans que nous puis­sions le dater avec pré­ci­sion, qu’une autre stra­té­gie morale se fasse jour, avec des argu­ments qui s’aventurent dans l’idéologie consé­quen­tia­liste.
Nous avons déli­mi­té deux d’entre eux, aus­si carac­té­ris­tiques que récur­rents dans la prose de la FJL : l’invocation de la dou­leur du fœtus, et celle des risques aux­quels s’exposent les femmes qui avortent.

A) Le fœtus ressent la douleur dès le deuxième trimestre

« Aujourd’hui on sait tous que le fœtus per­çoit la dou­leur dès le second tri­mestre de gros­sesse et sans doute avant (Assises Fond. Pre­mUp, juin 2010). »34. La Fon­da­tion nous donne expli­ci­te­ment la source de cette affir­ma­tion scien­ti­fique. Elle pro­vient d’un col­loque, les Assises de la fon­da­tion Pre­mUp35, datant de juin 2010 et inti­tu­lée « La dou­leur du fœtus et du nou­veau-né pré­ma­tu­ré ». Il y est ques­tion de la dou­leur fœtale et des pro­blé­ma­tiques qui s’y rap­portent : com­ment la mesu­rer ? Com­ment la prendre en compte ? Quel est le sta­tut du fœtus et de l’embryon ? etc.
Pré­ci­sons, néan­moins, que la cita­tion n’est pas exacte. Ayant lu les actes du col­loque en inté­gra­li­té, nous n’avons pas été en mesure de retrou­ver la phrase telle quelle.

Cet argu­ment implique donc que l’on ne doit pas avor­ter de peur de faire du mal au fœtus ou à l’embryon car il res­sent la dou­leur. C’est un argu­ment clai­re­ment consé­quen­tia­liste car ce sont les consé­quences de l’acte d’avorter qui sont prises en compte. Nous pour­rions aller plus loin encore en disant que c’est un argu­ment uti­li­ta­riste car il invoque la dou­leur. L’utilitarisme repose sur un double prin­cipe : la maxi­mi­sa­tion du bon­heur et la mini­mi­sa­tion de la peine pour l’ensemble des agents. Ici, la Fon­da­tion part du prin­cipe que la dou­leur du fœtus est plus impor­tante que celle d’une mère dans l’évaluation de la mini­mi­sa­tion de la peine pour l’ensemble des agents.

B) Il y a des risques pour les femmes qui avortent : le syndrome post-avortement (SPA)

Une autre manière de décou­ra­ger les femmes d’avorter, c’est d’invoquer les risques qu’elles courent. L’argument qui revient le plus par rap­port aux risques, c’est celui du syn­drome post-avor­te­ment. « On observe chez beau­coup de femmes qui ont avor­té un état dépres­sif et des désordres divers : culpa­bi­li­té, perte de l’estime de soi, dépres­sion, désir de sui­cide, anxié­té, insom­nies, colère, troubles sexuels, cau­che­mars sur son bébé qui la hait, qui l’appelle… Le lien avec l’avortement n’est pas tou­jours fait. Ces consé­quences, qui peuvent appa­raître tout de suite ou plus tard, sont aujourd’hui bien connues et iden­ti­fiées sous le nom de « syn­drome post-abor­tif ». Ces symp­tômes s’amplifient chaque fois que la mère ren­contre une femme enceinte, voit un bébé dans un lan­dau, passe près d’une cli­nique, pense à l’anniversaire de son enfant… Le syn­drome « post-abor­tif » ne se limite pas à la mère. Il est pos­sible qu’il s’étende aux proches : au père, aux frères et sœurs ».

Nous pen­sons que la FJL fait réfé­rence, à la fin de la cita­tion, au « syn­drome du sur­vi­vant » invo­qué par les jeunes de l’association les Sur­vi­vants. Ces jeunes par­tagent leur choc devant l’affirmation sui­vante : « nés après [19]75, nous avions 1 chance sur 5 de ne pas voir le jour puisque l’on pra­tique en France 220 000 avor­te­ments pour 800 000 nais­sances »36. Iels se battent par consé­quent contre l’IVG et témoignent du manque qu’iels res­sentent : « Nous ne connaî­trons jamais notre sœur ou notre frère arri­vé trop tôt ou trop tard ». En plus de cela, la Fon­da­tion fait des liens avec des asso­cia­tions et orga­ni­sa­tions à carac­tère reli­gieux dans les­quelles les femmes s’expriment par rap­port à leur avor­te­ment : www.sosbebe.org, www.ivg.net (et le numé­ro vert), http://www.silentnomoreawareness.org/ sur lequel on peut retrou­ver cette phrase : « Dans le monde les femmes com­mencent à témoi­gner : « si seule­ment nous avions su » ». Enfin, la Fon­da­tion donne des liens vers des mai­sons d’accueil, Tom Pouce et El Paso (p. 14), cette der­nière étant sous l’égide de la Fon­da­tion Notre-Dame.

III. Analyse critique des arguments

Autant l’analyse des argu­ments déon­to­lo­giques ne se fait qu’au prix du décen­trage des valeurs fon­da­men­tales sur les­quels ils reposent – quels devoirs, envers quelle enti­té sur-natu­relle, etc.– autant l’analyse des argu­ments consé­quen­tia­listes est en soi plus simple, car pour l’essentiel, les faits empi­riques confrontent et jaugent les allé­ga­tions de type scien­ti­fique pro­duites par la FJL.
Nous allons donc d’abord faire une brève revue de la scien­ti­fi­ci­té des pré­ten­tions, puis nous intro­dui­rons le pro­blème cen­tral de l’épistémologie de la FJL : l’essentialisme.

1) Vérification des prétentions scientifiques

Une part de l’argumentaire de la Fon­da­tion Jérôme-Lejeune repose sur des argu­ments de type scien­ti­fique, c’est-à-dire, pour faire simple, qu’iels affirment des choses sur le monde et que ces affir­ma­tions sont tes­tables. Nous avons rele­vé trois pré­ten­tions scien­ti­fiques :
a) la notion de « vie » est claire et ne fait plus débat ;
b) le fœtus res­sent la dou­leur ;
c) les femmes courent des risques psy­cho-patho­lo­giques dus à l’avortement (syn­drome post-avor­te­ment).

Au vu du mili­tan­tisme de la Fon­da­tion, il nous a paru néces­saire de véri­fier si ces pré­ten­tions cor­res­pon­daient réel­le­ment à l’état actuel des connais­sances scien­ti­fiques.

A) Il n’y a plus de débat scientifique sur le statut de la vie

Nous l’avons abor­dé plus haut (par­tie II.1.A), la FJL part du prin­cipe qu’il n’y a plus de débat en ce qui concerne le sta­tut du début de la vie de l’embryon. Ses représentant·e·s affirment qu’« accep­ter que la fécon­da­tion soit le départ d’un nou­vel être humain n’est pas une ques­tion de goût ou d’opinion, c’est une réa­li­té bio­lo­gique. Toutes les preuves scien­ti­fiques vont dans ce sens et rien ne peut prou­ver le contraire. Per­sonne n’en doute sin­cè­re­ment »37. Or, c’est un débat qui est loin d’être clos. En effet, il existe encore des pro­grammes de recherche, des col­loques, des articles scien­ti­fiques publiés sur le sujet qui montrent la com­plexi­té de poser le point de départ de la vie, et à plus forte rai­son celle de défi­nir la vie. Le pro­jet de défi­nir ne serait-ce que bio­lo­gi­que­ment la vie ren­contre d’énormes écueils, comme l’a mon­tré Claude Ber­nard (1878), de même que sur le plan phy­sique (Schrö­din­ger 1944), sans par­ler des plans axio­lo­giques ou téléo­lo­giques qui mal­gré leur inté­rêt, ne se sou­mettent pas à la cor­ro­bo­ra­tion de la même façon.
Pour ne prendre que la bio­lo­gie qui nous occupe ici, Tso­ko­lov (2009), Mul­len (2002), Stro­ther (2010) McKay (2004) et tant d’autres ont du mal à s’entendre sur la défi­ni­tion de la vie, depuis les virus et viroïdes jusqu’aux coraux. Quant à dire quand exac­te­ment com­mence un pro­ces­sus qui est mal déli­mi­té, c’est une sacrée gageure.

La FJL ne se risque d’ailleurs pas à don­ner de source d’un quel­conque consen­sus scien­ti­fique à ce pro­pos. Ils·elles font le choix arbi­traire de pla­cer le début de la vie humaine au moment de la fécon­da­tion, c’est-à-dire, au moment où les gamètes fusionnent pour don­ner une cel­lule-œuf conte­nant l’ADN. Pour­quoi faire com­men­cer la vie à la fécon­da­tion ? Ce n’est pas une hypo­thèse idiote. Il faut cepen­dant consi­dé­rer que c’est une hypo­thèse par­mi d’autres et, qu’à ce jour, la com­mu­nau­té scien­ti­fique n’a tou­jours pas tran­ché.

De cette sorte, la Fon­da­tion fait un choix théo­rique, par­mi d’autres, lié à ses convic­tions chré­tiennes où la vie humaine est un don de Dieu, une créa­tion fai­sant par­tie du plan divin. Avor­ter revient donc à déro­ger au plan divin et à pêcher. Chez les militant·e·s anti-avor­te­ment, nous assis­tons fré­quem­ment à la volon­té de prou­ver ration­nel­le­ment un prin­cipe pro­ve­nant d’une révé­la­tion divine, à l’instar de Tho­mas d’Aquin, au XIIIe s. qui a ten­té de prou­ver ration­nel­le­ment l’existence de Dieu. L’argument de la fécon­da­tion est du même aca­bit. Mais si l’on se détache de l’idée de créa­tion, de divi­ni­té, ou de son ava­tar poli­tique l’intel­li­gent desi­gn38, alors il n’y a pas lieu de choi­sir néces­sai­re­ment l’hypothèse du début de la vie au moment de la fécon­da­tion.

B) La douleur fœtale

La dou­leur fœtale est un autre argu­ment bran­di par la Fon­da­tion (par­tie II.2.A). Est invo­qué à l’appui de cette dou­leur un col­loque scien­ti­fique, les Assises Prem.Up 2010 pour démon­trer que la dou­leur appa­raît « dès le (sic) 2nd tri­mestre de gros­sesse et sans doute avant ». Or, à l’évidence, per­sonne n’a démon­tré quelque chose de ce type lors de ce col­loque. Les per­son­na­li­tés pré­sentes ne sont d’ailleurs pas tout à fait d’accord sur le moment où le phé­no­mène de la dou­leur appa­raît pour le fœtus mais il sem­ble­rait que « les voies de la noci­cep­tion (terme qui désigne les voies ner­veuses qui conduisent l’information dou­lou­reuse de l’organe cible jusqu’au cer­veau) sont for­mées dès la fin du second tri­mestre de la gros­sesse. Dès ce terme, le fœtus est capable de per­ce­voir ce type de sti­mu­la­tions. Il est impos­sible de savoir en revanche ce qu’il res­sent exac­te­ment, mais il est essen­tiel de déter­mi­ner si ces sti­mu­la­tions peuvent avoir des consé­quences immé­diates ou à long terme sur le bébé à naître. » (troi­sième inter­ve­nante, Véro­nique Houf­flin Debarge). On peut com­plé­ter ceci avec une étude mul­ti­dis­ci­pli­naire : « Les fibres tha­la­mo-cor­ti­cales com­mencent à appa­raître entre 23 et 30 semaines d’âge ges­ta­tion­nel ; d’autre part, l’électroencéphalographie chez le pré­ma­tu­ré sug­gère que les capa­ci­tés de per­cep­tion de la dou­leur ne sont pro­ba­ble­ment pas fonc­tion­nelles avant 29 ou 30 semaines »39. Rap­pe­lons que les IVG sont auto­ri­sées en France jusqu’à 12 semaines de ges­ta­tion, hor­mis pour les IMG (Inter­rup­tions Médi­cales de Gros­sesse) qui peuvent être auto­ri­sées à la toute fin de la gros­sesse – ce qui concerne un chiffre assez res­treint des avor­te­ments. La FJL semble aus­si omettre le fait qu’aujourd’hui, on pro­pose aux femmes ayant recours à l’IMG des anal­gé­siques pour fœtus, pour empê­cher qu’ils souffrent pen­dant la pro­cé­dure. « Lors des gestes fœti­cides par exemple, réa­li­sés lors des inter­rup­tions médi­cales de gros­sesse au troi­sième tri­mestre de la gros­sesse, il est néces­saire d’assurer au préa­lable une anes­thé­sie du fœtus avant d’injecter le pro­duit qui va arrê­ter sa vie. » (Houf­flin Debarge, déjà citée).

C) Le syndrome post-avortement

Plu­sieurs études40 montrent que le SPA est un mythe créé de toutes pièces, qui démarre en 1987 avec David C. Rear­don et son livre, Abor­ted Women : Silent No More. Il y détaille une étude de psy­cho­lo­gie qu’il a menée sur 252 femmes qui aurait prou­vé la réa­li­té de ce syn­drome. Inté­res­sons-nous à sa scien­ti­fi­ci­té car cette étude pré­sente des lacunes métho­do­lo­giques.

Rear­don a fait son étude sur 252 femmes fai­sant toutes par­tie du groupe « Women exploi­ted by abor­tion » (WEBA) qui est une asso­cia­tion regrou­pant des femmes regret­tant d’avoir avor­té. Son échan­tillon d’étude est non-conforme et biai­sé car il devrait impli­quer des femmes ayant avor­té venant de dif­fé­rents milieux sociaux, de dif­fé­rents avis sur l’avortement. En somme, son échan­tillon n’est pas repré­sen­ta­tif de l’ensemble des femmes et est très orien­té vers une souf­france sub­jec­tive accrue. Ensuite, il n’y a pas de groupe témoin auquel com­pa­rer le mal-être ou le bien-être du groupe test. Il aurait fal­lu pou­voir com­pa­rer ce groupe de femmes, avec un autre groupe ayant pour­sui­vi leur gros­sesse jusqu’au bout de même qu’avec un troi­sième groupe n’étant pas enceintes et nul­li­pares par exemple. Dans une autre étude, une com­pa­rai­son a été faite, à deux semaines et six mois après l’avortement (ou l’accouchement), de la san­té men­tale entre un groupe de femmes ayant avor­té et un groupe de femmes ayant pour­sui­vi leur gros­sesse41. Il n’y a pas eu de résul­tats prou­vant un lien de cau­sa­li­té entre l’avortement et la san­té men­tale dégra­dé des sujets. Au contraire, on mesure plu­tôt du stress avant l’avortement et il peut y avoir plu­sieurs autres fac­teurs : « les impacts d’une gros­sesse non dési­rée ; l’oppression reli­gieuse et patriar­cale ; les fac­teurs socio-éco­no­miques ; les vio­lences envers les femmes ; et l’influence néga­tive du mou­ve­ment pro-vie. »42. On note aus­si un sou­la­ge­ment après l’avortement.

L’auteur uti­lise par ailleurs une échelle de mesure du bien-être et du mal-être non-offi­cielle. Il sem­ble­rait qu’il en ait créé une pour son étude. On peut voir dans son « appen­dice 2 » le ques­tion­naire qu’il a don­né à ses sujets pour éva­luer le mal-être qu’elles ont vécu dans la prise de déci­sion d’avorter. Il uti­lise une échelle de 1 à 5, dans laquelle 1 équi­vaut à « not at all » et 5 à « very much ». Il y a une case en plus « N‑A (non-appli­cable) et unsure (pas sûre) ». En psy­cho­lo­gie posi­tive, c’est-à-dire la psy­cho­lo­gie qui s’intéresse à l’évaluation du bien-être, il existe une échelle, the Sub­jec­tive Hap­pi­ness Scale (SHS) ou Échelle de bon­heur sub­jec­tif. Elle va de 1 à 7 et est l’une des plus uti­li­sées.

Notons en outre que son étude n’est pas une publi­ca­tion scien­ti­fique mais un livre best-sel­ler. C’est une étude iso­lée qui n’a pas été répli­quée. Pour qu’une étude amène à un consen­sus, il faut qu’elle soit répli­quée dans dif­fé­rents labo­ra­toires afin de déter­mi­ner si le résul­tat est confir­mé ou infir­mé. Dans quel cas, elle ne peut être prise en compte. En l’occurrence, il y a eu d’autres études qui ont été revues par des pairs, c’est-à-dire que d’autres spé­cia­listes ont lu et cri­ti­qué l’étude avant qu’elle ne soit publiée, et iels ne sont pas arrivé·e·s au même résul­tat que David C. Rear­don (voir études déjà citées).

Enfin, il faut savoir que cette étude est en par­tie impos­sible à éva­luer car on ne peut pas réfu­ter le pseu­do méca­nisme du « refou­le­ment » héri­té de la psy­cha­na­lyse. Une étude scien­ti­fique incluse dans un cor­pus théo­rique irré­fu­table n’offre pas la pos­si­bi­li­té d’être infir­mée expé­ri­men­ta­le­ment dans le cas où elle serait fausse. Ici, l’affirmation selon laquelle des femmes refoulent le trau­ma­tisme et qu’elles en souffrent sans le savoir n’est pas tes­table et, de fait, sort du champ des allé­ga­tions scien­ti­fiques.

Ain­si, nous avons mis au clair cer­taines pré­ten­tions scien­ti­fiques qu’a la FJL et avons pu mon­trer qu’aucune de ces pré­ten­tions ne résis­tait à la cri­tique. La Fon­da­tion fait des recherches en géné­tique et c’est tout à son hon­neur. Cepen­dant, elle a ten­dance à tordre cer­taines connais­sances scien­ti­fiques afin de confir­mer ses posi­tions morales, posi­tions morales qui ne sont en outre pas confor­tées par la scien­ti­fi­ci­té des recherches effec­tuées. Il est notoire qu’un haut degré de scien­ti­fi­ci­té n’augure pas d’un choix moral for­cé­ment posi­tif, et le XXe siècle illustre bien cette cor­ré­la­tion illu­soire. Nous pou­vons en conclure que la rigueur scien­ti­fique prô­née par la Fon­da­tion est une façade qui leur per­met d’avoir plus d’autorité et d’audience.

2) Essentialisme

En impu­tant un rôle « natu­rel », celui d’être mère, à « la femme », la FJL parle bien d’une seule « nature » qui habite de la même manière chaque femme. « La femme » est vouée à la gros­sesse et à la mater­ni­té. Il en découle qu’avorter est contre-nature. Cette manière pri­vi­lé­giée d’être « femme » serait déter­mi­née par l’appartenance au sexe femelle. La FJL s’inscrit dans une vision dicho­to­mique essen­tia­liste cri­ti­quable des êtres humains. En quoi exac­te­ment ? Pre­miè­re­ment, la FJL se place dans un cadre de pen­sée dans lequel il y a une dis­tinc­tion entre le domaine du natu­rel et le domaine du cultu­rel. Deuxiè­me­ment, une cau­sa­li­té entre sexes et rôles sociaux, ou encore entre sexes et genres, est impli­ci­te­ment pos­tu­lée. Troi­siè­me­ment, ce cadre de pen­sée se base uni­que­ment sur ce qu’il pré­sente comme « la bio­lo­gie ». Rap­pe­lons que la FJL est très proche des ins­ti­tu­tions catho­liques chré­tiennes, sans tou­te­fois aller jusqu’à invo­quer dans ses propres com­mu­ni­qués la Créa­tion biblique. Elle passe par la science afin de par­ler de ce qui est « natu­rel », sans d’ailleurs prendre le temps de ques­tion­ner cette notion pro­téi­forme de « nature ». Or, il se trouve que les trois aspects de cette vision essen­tia­liste ont été lar­ge­ment remis en cause depuis la seconde moi­tié du XXe siècle. Nous allons tout d’abord voir en quoi pen­ser les genres comme déter­mi­nés par les sexes est une erreur. Nous met­trons ensuite en évi­dence des limites en ce qui concerne l’utilisation de la bio­lo­gie comme base théo­rique à la des­crip­tion des com­por­te­ments sociaux du genre humain.

Tout d’abord, la FJL voit une sépa­ra­tion entre un sexe dit « bio­lo­gique » et un sexe dit « social ». Chez l’humain·e, il y aurait une « par­tie natu­relle » d’où décou­le­raient, dans le « domaine cultu­rel », des rôles sociaux, des com­por­te­ments, des pré­fé­rences, des ambi­tions, des envies, etc. Par­tant, du fait qu’une per­sonne soit pour­vue d’un appa­reil géni­tal femelle (ou d’un géno­type femme), il en découle qu’elle doive se repro­duire et s’occuper de la pro­gé­ni­ture. De nombreux·ses bio­lo­gistes, psy­cho­logues d’obédience psy­cha­na­ly­tique et anthro­po­logues de la pre­mière moi­tié du XXe siècle pen­saient décrire un état de fait en cor­ro­bo­rant ce modèle, essen­tia­liste et bica­té­go­ri­sé, dans lequel un géno­type / caryo­type femme implique un « com­por­te­ment » de femme (avec les rôles sociaux fémi­nins et mater­nels cou­tu­miers asso­ciés). La lec­ture qu’offre la FJL pré­sente de mul­tiples simi­li­tudes avec cette repré­sen­ta­tion, comme on peut le lire dans le manuel Théo­rie du genre : décryp­tage à l’intention des jeunes : « Le « sexe » désigne la réa­li­té bio­lo­gique – gar­çon ou fille – de l’être humain, tan­dis que le « genre » désigne la dimen­sion sociale du sexe, c’est-à-dire le com­por­te­ment social d’un homme ou d’une femme en lien avec son sexe bio­lo­gique ». Cepen­dant, les tra­vaux de fémi­nistes de la pre­mière vague telles que Simone de Beau­voir ou Ann Oack­ley ont bri­sé cette impli­ca­tion. Des années 1950 à la fin des années 1970, elles se sont inté­res­sées aux résul­tats des recherches en bio­lo­gie et en sciences humaines et sociales pour enta­mer une pre­mière cri­tique de l’approche cau­sa­liste entre sexes et genres et de la dis­tinc­tion entre sexes et genres. De plus, leur démarche avait expli­ci­te­ment des fins de chan­ge­ments poli­tiques et sociaux (droit de vote, accès à la contra­cep­tion, doit à l’avortement, meilleures condi­tions de vie, éga­li­té en droits…). Ces auteur·e·s voient une plus grande influence du cultu­rel que du bio­lo­gique sur les com­por­te­ments humains. Pour Ann Oack­ley, au niveau défi­ni­tion­nel, « le mot « sexe » se réfère aux dif­fé­rences bio­lo­giques entre entre mâles et femelles : à la dif­fé­rence visible entre leurs organes géni­taux et à la dif­fé­rence cor­ré­la­tive entre leurs fonc­tions pro­créa­tives. Le « genre », lui, est une ques­tion de culture : il se réfère à la clas­si­fi­ca­tion sociale en « mas­cu­lin » et « fémi­nin » »43. Le « sexe » est vu comme un inva­riant tan­dis que le « genre » est contin­gent, c’est-à-dire que l’on peut faire chan­ger ces rôles sociaux par l’action poli­tique.
Tou­te­fois, pour certain·e·s fémi­nistes des années 1990, dont la socio­logue et phi­lo­sophe maté­ria­liste Chris­tine Del­phy44, la cri­tique n’est pas abou­tie. En effet, pen­ser un inva­riant (les sexes) et un variant (les genres) est insuf­fi­sant pour fon­der un modèle satis­fai­sant, car cela implique que ce qui défi­nit prin­ci­pa­le­ment les êtres humains est leur sexua­tion. Certain·e·s pour­raient en effet pen­ser que ce qui varie arbi­trai­re­ment (les genres) ne peut défi­nir de manière consis­tante un groupe d’individus, et donc qu’une caté­go­ri­sa­tion solide doit faire appel à un inva­riant, soit le sexe. C’est ce pro­blème pour pen­ser le genre qui amène Del­phy à sou­te­nir qu’il y a un impen­sé dans la plu­part des tra­vaux scien­ti­fiques et fémi­nistes qui est l’« anté­cé­dence du sexe sur le genre »45. Ce pos­tu­lat impli­cite ren­voie à la sépa­ra­tion (somme toute arti­fi­cielle en bien des points) nature / culture. Notons que cet impen­sé conduit à ne plus pou­voir pen­ser les genres que comme résul­tant des sexes. Or, nous ne pou­vons pas pen­ser en-dehors de concepts cultu­rel­le­ment et his­to­ri­que­ment construits. Les tra­vaux d’anthropologues comme Lévi-Strauss ont été remis en cause sur ce point : il n’existe pas d’état natu­rel de l’humain où son « essence » se tra­dui­rait par son sexe. D’un point de vue sim­ple­ment métho­do­lo­gique, il est dif­fi­cile d’affirmer l’existence d’ « essences ». Il fau­drait en effet iso­ler les per­sonnes de leur socié­té afin d’évaluer ces « essences » sépa­ré­ment de l’influence de l’environnement et des inter­ac­tions avec autrui. De plus, en ce qui concerne le déve­lop­pe­ment cog­ni­tif humain, « éta­blir qu’une dif­fé­rence céré­brale est pure­ment bio­lo­gique et non pas sociale est métho­do­lo­gi­que­ment impos­sible : la grande majo­ri­té des connexions neu­ro­nales se forment après la nais­sance et la dif­fé­ren­tia­tion sexuée du cer­veau est donc un pro­ces­sus conti­nu modu­lé par l’expérience et la socié­té »46. C’est pour­quoi nous jugeons à l’aide du rasoir d’Occam47, un prin­cipe métho­do­lo­gique de par­ci­mo­nie des hypo­thèses, qu’il est très coû­teux de pos­tu­ler deux essences com­plé­men­taires qui déter­minent tous nos faits et geste. Nous n’en avons en fait pas l’utilité pour expli­quer qu’il y ait des êtres dif­fé­rents les uns des autres et que, de fait, ils ont des rôles dif­fé­rents dans la socié­té. Il est néces­saire de com­prendre que les êtres humains sont des êtres sociaux com­plexes et qu’il faut de ce fait dis­tin­guer plu­sieurs niveaux de des­crip­tion irré­duc­tibles les uns aux autres, ren­dant par là dou­teux de tout réduire au déter­mi­nisme stric­te­ment bio­lo­gique. Sur­tout, lorsque ce qu’on peut consi­dé­rer comme étant « le bio­lo­gique » est l’objet d’une dis­ci­pline scien­ti­fique (la bio­lo­gie), construite et en évo­lu­tion, objet par ailleurs dif­fé­rent de ce que la FJL appelle du même nom. Les études de genre (et non pas « la théo­rie du genre », défor­ma­tion de type straw­man48 uti­li­sée par la FJL) penchent aujourd’hui davan­tage pour une expli­ca­tion qui com­bine les inter­ac­tions avec l’environnement, avec autrui et avec la socié­té sans reje­ter pour autant notre héri­tage bio­lo­gique. Par consé­quent, des auteur·e·s comme Del­phy argu­mentent en faveur de l’utilisation du concept de « genre » au sin­gu­lier. Il ren­voie alors au sys­tème de domi­na­tion qui pro­duit ces caté­go­ries de pen­sée que sont « sexes » et « genres » et qui applique la divi­sion, la hié­rar­chi­sa­tion et l’hétéro-normativité. C’est pour­quoi Del­phy sou­tient que le genre pré­cède le sexe. Cette expres­sion lapi­daire veut dire que nous sommes tou­jours impliqué·e·s dans une culture et que tous les concepts que nous uti­li­sons sont construits. La FJL emploie le terme « genre » au sin­gu­lier comme indis­so­ciable de son « genre » oppo­sé. Les « genres » sont donc tou­jours plu­riels et, pour eux, au nombre de deux : le fémi­nin et le mas­cu­lin. Ni la bica­té­go­ri­sa­tion, ni le carac­tère mimé­tique du genre par rap­port au sexe (c’est-à-dire où sexe mâle va avec mas­cu­lin et sexe femelle va avec fémi­nin et jamais autre­ment) ne sont remis·es en cause. On note­ra que ces pos­tu­lats non ques­tion­nés impliquent une natu­ra­li­sa­tion de l’hétérosexualité qui par­ti­cipe à nor­mer les com­por­te­ments à tra­vers les dis­cours.

Il en découle que nous ne pou­vons uti­li­ser la bio­lo­gie pour décrire les inter­ac­tions humaines sans la repla­cer dans un contexte socio-his­to­rique et poli­tique. Les tra­vaux du phi­lo­sophe éta­su­nien Tho­mas Laqueur49 vont dans ce sens. Les sciences s’inscrivent dans le sys­tème de genre et par­ti­cipent à la péren­ni­sa­tion voire à la pro­duc­tion de concepts, de sché­mas de pen­sée binaires et mimé­tiques. Le « sexe » est aujourd’hui sou­vent pen­sé en deux pôles dis­tincts et com­plé­men­taires et réduit aux carac­tères ana­to­miques (avoir un pénis ou un vagin) ou chro­mo­so­miques (XY ou XX). Cette défi­ni­tion ne prend pas en compte les per­sonnes qui ne sont ni mâles, ni femelles, que ce soit sur le plan phé­no­ty­pique, hor­mo­nal, géné­tique. On range un peu arti­fi­ciel­le­ment ces per­sonnes dans la caté­go­rie dite « inter­sexe », bien qu’il en existe plu­sieurs types. Ces per­sonnes repré­sentent envi­ron 1,7% de la popu­la­tion humaine selon Anne Faus­to-Ster­ling50, d’autres estiment qu’elles repré­sentent 1 à 4% de la popu­la­tion humaine51. C’est tou­te­fois un chiffre com­pli­qué à déter­mi­ner car nombre de per­sonnes inter­sexes se font opé­rer dans les pre­miers mois de leurs vies, certain·e·s ne s’en rendent même pas compte et d’autres le cachent. De plus, il existe plu­sieurs niveaux d’évaluation de la sexua­tion : ana­to­mique, géné­tique, phé­no­ty­pique, hor­mo­nal et aujourd’hui, on essaie de prendre en compte l’organisation du cer­veau. Ces chiffres sont donc des approxi­ma­tions sta­tis­tiques, et en rai­son de ces limites, la popu­la­tion inter­sexe est déli­cate à nom­brer et pour­rait de fait concer­ner encore plus d’individu·e·s. Mais peu importe : une seule per­sonne dans ce cas de figure méri­te­rait une place que la majo­ri­té des socié­tés ne lui pré­pare pas. Toutes ces per­sonnes sont mar­gi­na­li­sées, entre autres par cette vision binaire encore très répan­due et dont la FJL se fait la cour­roie : elles sont vues comme des « ano­ma­lies ». Enfin, dans le champ des études fémi­nistes des sciences, rien ne va dans le sens d’une « dicho­to­mie natu­relle entre les mâles et les femelles » en tant que « groupes humains bio­lo­gi­que­ment et clai­re­ment sépa­rés »52 car il y a trop de « che­vau­che­ments entre les sexes et trop de varia­tions des carac­té­ris­tiques et capa­ci­tés à l’intérieur de chaque sexe »53.
Ain­si, quand la FJL invoque des rôles natu­rels des femmes et invoque leur « sexe », elle tombe dans un essen­tia­lisme basé sur le pré­sup­po­sé non exa­mi­né que nous avons cri­ti­qué plus haut. Nous ne pou­vons donc rai­son­na­ble­ment pas invo­quer une quel­conque « nature » de « la femme » pour inter­dire l’avortement.

Conclusion

En allant ana­ly­ser en pro­fon­deur les pré­ten­tions scien­ti­fiques de la Fon­da­tion Jérôme-Lejeune, nous avons mon­tré que la teneur scien­ti­fique de leur dis­cours n’est qu’un paravent pour leur sub­jec­ti­vi­té morale. En grat­tant cette pre­mière couche, nous réa­li­sons que le ciment de leurs allé­ga­tions sur l’avortement est com­po­sé d’essentialisme, de réduc­tion­nisme géné­tique et de mélange entre pres­crip­tions divines et appels à la nature. Leurs argu­ments contre l’avortement sont sexistes, mal fon­dés scien­ti­fi­que­ment et impré­gnés des recom­man­da­tions de l’Église Catho­lique romaine. Ain­si, le rôle qu’était cen­sé jouer la science dans leur dis­cours était un rôle d’autorité, de scien­ti­fi­ci­té, de ver­nis qui, quand on prend le temps de le grat­ter avec un ongle un peu dur, se fen­dille faci­le­ment.

Bibliographie

  • I. Côté, « Ana­lyse fémi­niste du syn­drome pos­ta­vor­te­ment : la décons­truc­tion d’un mythe véhi­cu­lé par le mou­ve­ment pro­vie », Reflets, no 191, p. 65‑84, 2013.
  • M. Gau­tier, « Cin­quan­te­naire de la tri­so­mie 21 : Retour sur une décou­verte », Med Sci, vol. 25, no 3, p. 311‑316, 2009.
  • Ency­clo­pé­die cri­tique du genre, La Décou­verte. Paris, 2016.
  • C. Bau­douin et O. Bros­seau, Enquête sur les créa­tion­nismes, Réseaux, stra­té­gies et objec­tifs poli­tiques, Belin. 2013.
  • S. E. Preves, Inter­sex and Iden­ti­ty : The Contes­ted Self, Rut­gers Uni­ver­si­ty Press. USA, 2003.
  • L. Mou­loud, « Jean-Marie Le Méné, le croi­sé embryon­naire », L’Humanité, 04-avr-2013.
  • « La dou­leur chez le foe­tus, Revue sys­té­ma­tique mul­ti­dis­ci­pli­naire des don­nées exis­tantes », JAMA, no 9, sept. 2005.
  • T. Laqueur, La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occi­dent, Gal­li­mard. Paris, 1990.
  • S. Huet, « L’affaire Marthe Gautier/trisomie 21 rebon­dit », Libération.fr, 30-sept-2014.
  • C. Del­phy, L’ennemi prin­ci­pal 2. Pen­ser le genre, Syl­lepse., vol. 2. Paris, 1998.
  • J. Lejeune, M. Gau­tier, et R. Tur­pin, « Les chro­mo­somes humains en culture de tis­sus », Comptes ren­dus de l’Académie des sciences, p. 602‑603, janv. 1959.
  • D. Gar­dey, L’invention du natu­rel. Les sciences et la fabri­ca­tion du fémi­nin et du mas­cu­lin, Edi­tions des archives contem­po­raines. Paris, 2000.
  • F. Ven­ner, L’opposition à l’avortement, du lob­by au com­man­do. Paris : Berg Inter­na­tio­nal Edi­teurs, 1995.
  • « Séquelles psy­chiques de l’interruption de gros­sesse », Bern, 2001.
  • A. Oack­ley, Sex, Gen­der and Socie­ty, Temple Smith. Londres, 1972.
  • A. Faus­to-Ster­ling, Sexing the Body : Gen­der Poli­tics and the Constru­tion of Sexua­li­ty, Basic Books. New-York, 2000.

Pour aller plus loin, voi­ci une biblio­gra­phie com­plé­men­taire :

  • « 1974 : le débat de la loi Veil sur l’interruption volon­taire de gros­sesse », La marche de l’Histoire, France Inter, 14 mai-2014.
  • Major et Bren­da, « APA Task Force Finds Single Abor­tion Not a Threat to Women’s Men­tal Health », Ame­ri­can Psy­cho­lo­gi­cal Asso­cia­tion, 2008.
  • Col­lec­tif IVP, Avor­ter, His­toire des luttes et des condi­tions d’avortement des années 1960 à aujourd’hui, Tahin par­ty. Gre­noble, 2008.
  • L. Motet et S. Laurent, « Der­rière IVG.net, des mili­tants anti-avor­te­ment », Le Monde, Paris, p.13, 08-déc-2016.
  • V. Houf­flin Debarge, « Dou­leur et anal­gé­sie foe­tale », Spi­rale, no 59, p. 69–78, 2011.
  • L. Bere­ni, S. Chau­vin, A. Jau­nait, et A. Revil­lard, Intro­duc­tion aux études sur le genre, De boeck. Bruxelles, 2012.
  • A. Meffre, « Loi sur l’avortement de 1920 », Fabrique de l’histoire, France Culture, 28-nov-2014.

Télécharger l’article en format PDF

Le voi­ci.

Télécharger le rapport de stage

Le voi­là.

  1. Site Fon­da­tion Jérôme-Lejeune, page d’accueil.
  2. Site SOS Tout Petits, page Prière Saint Joseph.
  3. Ibid. page Prière Jean-Paul 2.
  4. Ibid. page Prière à Mère Tere­sa.
  5. Le terme mon­go­lisme fut posé par John Lang­don-Down (1828–1896), qui a, le pre­mier, décrit la mala­die. Les traits du visage des malades lui fai­saient pen­ser à ceux des Mon­gols en Mon­go­lie. Il était atta­ché à l’idée que ces carac­té­ris­tiques étaient d’ordre eth­nique et qu’elles étaient dues à une dégé­né­res­cence de la « race ». Il fai­sait une clas­si­fi­ca­tion des mala­dies de défi­cience intel­lec­tuelle avec des cri­tères raciaux : on pou­vait ain­si trou­ver une varié­té « éthio­pienne », une varié­té « malaise », une varié­té « amé­ri­caine » et un varié­té « mon­go­lienne » de débi­li­té (« Obser­va­tions sur une clas­si­fi­ca­tion eth­nique des idiots », Cli­ni­cal Lec­ture Reports, Lon­don Hos­pi­tal, 1866, vol. 3, pp. 259–262). Ce terme a été rem­pla­cé par la suite par syn­drome de Down en son hon­neur, ou encore tri­so­mie 21 (en rap­port avec le chro­mo­some sur­nu­mé­raire pour la 21ème paire).
  6. Marthe Gau­tier, « Cin­quan­te­naire de la tri­so­mie 21. Retour sur une décou­verte », Médecine/Sciences, vol. 25, no 3,‎ mars 2009.
  7. Syl­vestre Huet, « L’affaire Marthe Gautier/trisomie 21 rebon­dit », Libé­ra­tion, 30 sept. 2014, consul­té le 14 juin 2017.
  8. J. Lejeune, M. Gau­tier et R. Tur­pin. Les chro­mo­somes humains en culture de tis­sus. C. R. Acad. Sciences, 26 jan­vier 1959.
  9. Fon­da­tion Jérôme-Lejeune, Sym­pho­nie de le vie, pen­sées du Pro­fes­seur Jérôme Lejeune, p. 38.
  10. Créée en 1946, la Cité catho­lique était jusqu’en 1963 une orga­ni­sa­tion ayant pour but l’avènement d’un ordre social chré­tien, au moyen du noyau­tage des élites en dif­fu­sant du natio­nal-catho­li­cisme très pro-colo­nial
  11. L’Action Fami­liale et Sco­laire, qui existe tou­jours, est une asso­cia­tion qui vise à la for­ma­tion intel­lec­tuelle et civique des héri­tiers de la Cité catho­lique notam­ment, en défen­dant la famille et en lut­tant contre le libé­ra­lisme des mœurs au moyen de livres et de bro­chures.
  12. Ce mot est une com­bi­nai­son de « ils » et « elles » et a l’avantage de ne pas repro­duire la bica­té­go­ri­sa­tion qui existe dans notre langue fran­çaise. Ain­si, les per­sonnes ne se recon­nais­sant ni dans l’un, ni dans l’autre, peuvent se retrou­ver dans ce pro­nom. Nous avons essayé d’écrire cet article de manière non gen­rée. Sachant que la règle de gram­maire du mas­cu­lin l’emportant sur le fémi­nin a été choi­si au XVIIIe siècle de manière poli­tique et sexiste (« Le genre mas­cu­lin est répu­té plus noble que le fémi­nin à cause de la supé­rio­ri­té du mâle sur la femelle », Nico­las Beau­zée, gram­mai­rien, 1767), nous avons choi­si de ne plus faire trans­pa­raître cette loi en uti­li­sant de nou­velles règles. C’est ce qu’on appelle l’écriture inclu­sive. Cf. http://www.ecriture-inclusive.fr/
  13. Le 9 mai 1974, comme indi­qué sur le site de l’Opus Dei. http://www.opusdei.fr/fr-fr/article/pour-tout-public/ L’actuel pré­sident serait aus­si membre, à en lire Laurent Mou­loud, Jean-Marie Le Méné, le croi­sé embryon­naire dans L’Humanité, 4 avril 2013 http://www.humanite.fr/societe/jean-marie-le-mene-le-croise-embryonnaire-518876.
  14. Site de l’association LAPL, page de pré­sen­ta­tion http://www.amislejeune.org/index.php/fr/lassociation/ses-missions-ses-objectifs
  15. Ven­ner Fiam­met­ta, L’opposition à l’avortement, du lob­by au com­man­do, Berg Inter­na­tio­nal Édi­teurs, Paris, col­lec­tion « Pen­sée poli­tique et Sciences sociales », 1995, p. 118.
  16. Site du Minis­tère de l’Intérieur, page sur laquelle nous pou­vons trou­ver la liste des fon­da­tions recon­nues d’utilité publique et les rai­sons pour les­quelles elles l’ont été. https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/fondations-reconnues-d-utilite-publique/.
  17. Site de la FJL, page de la mis­sion « Défendre », https://www.fondationlejeune.org/nos-missions-et-actions/defendre/le-commencement-de-la-vie/.
  18. Site du mou­ve­ment En Marche Pour La Vie, Com­mu­ni­qué de presse, Paris, le 22 jan­vier 2017, http://www.enmarchepourlavie.fr/ivg-concernes-campagne-de-marche-vie-2017–2/.
  19. LOI n° 2014–873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (1), ver­sion conso­li­dée au 2 juillet 2017.
  20. Site du Sénat, page pré­sen­tant la pro­po­si­tion de loi rela­tive à l’extension du délit d’entrave à l’IVG http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201612/proposition_de_loi_relative_a_lextension_du_delit_dentrave_a_linterruption_volontaire_de_grossesse.html#c629491.
  21. Ibid., lettre offi­cielle de l’archevêque Lui­gi Ven­tu­ra au nom du Pape Fran­cois http://www.enmarchepourlavie.fr/pape-francois-soutient-marche-vie/.
  22. Ibid., page avec la liste des évêques, http://www.enmarchepourlavie.fr/eveques-soutiennent-marche-vie/.
  23. Huma­nae vitae, Prin­cipes doc­tri­naux, pre­mière par­tie, 13.
  24. Evan­ge­lium Vitae, Chap. 3, 72.
  25. Deu­té­ro­nome, 5, 6–21, Bible.
  26. Fon­da­tion Jérôme-Lejeune, Gèné­thique, Manuel de bioé­thique des jeunes, 2012, p. 16.
  27. FJL gèné­thique, Théo­rie du genre et SVT : décryp­tage des manuels de 1ère, 2013, p. 15.
  28. Op. cit., Fon­da­tion Jérôme-Lejeune et gèné­thique, 2012, p. 9.
  29. Site asso­cié à la FJL dans la pro­duc­tion des manuels péda­go­giques et dont le direc­teur est Jean-Marie Le Méné, créé en 2000.
  30. Site Gèné­thique, page IVG/IMG, http://www.genethique.org/fr/themes/ivg-img.
  31. FJL, Sym­pho­nie de la Vie, Pen­sées du Pro­fes­seur Jérôme Lejeune, p. 37.
  32. Op. cit., FJL et gèné­thique, 2012, p. 21.
  33. Op. cit., FJL et gèné­thique, 2012, p. 26.
  34. Op. cit., FJL et gèné­thique, 2012, p. 9.
  35. Ce col­loque a regrou­pé des per­son­na­li­tés venant de dis­ci­plines dif­fé­rentes : Scar­lett Beau­va­let Bou­toue­rie, pro­fes­seure d’histoire moderne et cher­cheuse à l’Université Jules-Verne de Picar­die ; Umber­to Simeo­ni, chef du ser­vice de méde­cine néo­na­tale à l’Assistance publique des Hôpi­taux de Mar­seille, membre du comi­té de déon­to­lo­gie Pre­mUp ; Véro­nique Houf­flin Debarge, cli­nique d’obstétrique, Hôpi­tal Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille ; Thier­ry Debillon, chef du ser­vice de méde­cine néo­na­tale, CHU de Gre­noble ; Vincent Lau­den­bach, Ser­vice de Pédia­trie néo­na­tale et Réani­ma­tion, CHU de Rouen ; Nata­cha Miche­lin, infir­mière du ser­vice de néo­na­to­lo­gie de Port Royal, membre de la fon­da­tion Pre­mUp ; Ricar­do Car­ba­jal, Ser­vice des Urgences Pédia­triques, hôpi­tal Armand-Trous­seau, Paris.
  36. Site de l’association Les Sur­vi­vants, page d’accueil http://lessurvivants.com/.
  37. Fon­da­tion Jérôme-Lejeune, Gèné­thique, Op. cit., 2012, p. 8.
  38. On lira à ce sujet C. Bau­douin, O. Bros­seau, Enquête sur les créa­tion­nismes, Réseaux, stra­té­gies et objec­tifs poli­tiques, Belin (2014).
  39. Lee S.J. & al, « Fetal Pain, A Sys­te­ma­tic Mul­ti­dis­ci­pli­na­ry Review of the Evi­dence », Jour­nal of the Ame­ri­can Medi­cal Asso­cia­tion, vol. 298, n°8, 24–31 août 2005.
  40. Isa­belle Côté, « Ana­lyse fémi­niste du syn­drome pos­ta­vor­te­ment : la décons­truc­tion d’un mythe véhi­cu­lé par le mou­ve­ment pro­vie. »Reflets 191 (2013), pp. 65–84.
  41. Sym­po­sium « Séquelles psy­chiques de l’interruption de gros­sesse », Bern, 2001, SVSS Union suisse pour décri­mi­na­li­ser l’avortement USPDA, lien pdf : http://www.svss-uspda.ch/pdf/pas-bern-2001.pdf.
  42. Isa­belle Côté, Ibid. (2013).
  43. Oack­ley A. Sex, Gen­der and Socie­ty, Londres, Temple Smith, 1972.
  44. Del­phy C., L’ennemi prin­ci­pal 2. Pen­ser le genre, Paris, Syl­lepse, 1998.
  45. Del­phy C., op. cit. 1998, p. 223.
  46. Sous la direc­tion de Juliette Rennes, Ency­clo­pé­die cri­tique du genre, édi­tion La Décou­verte, Paris, 2016, pp. 87–95.
  47. Voir https://cortecs.org/materiel/rasoir-occam10/ pour une bonne pré­sen­ta­tion de cet outil.
  48. https://cortecs.org/materiel/sophisme-epouvantail/ aus­si appe­lé « sophisme de l’épouvantail » : il est en effet plus facile pour la FJL d’affronter une sim­pli­fi­ca­tion, mon­trée comme modèle unique et dog­ma­tique, qu’un ensemble de concep­tions aux posi­tions nuan­cées et diverses.
  49. Laqueur T., La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occi­dent, Paris, Gal­li­mard, 1990.
  50. Anne Faus­to-Ster­ling, « Sexing the Body : Gen­der Poli­tics and the Construc­tion of Sexua­li­ty ». New York : Basic Books, 2000. ISBN 0–465-07713–7) pp. 52–53.
  51. Preves Sha­ron E., Inter­sex and Iden­ti­ty : The Contes­ted Self. New Bruns­wick, NJ : Rut­gers UP, 2003. Print. p. 2.
  52. Kraus C., (2000), « La bica­té­go­ri­sa­tion par sexe à l’“épreuve de la science“ », dans Löwi I. et Gar­dey D. (dir.), L’invention du natu­rel. Les sciences et la fabri­ca­tion du fémi­nin et du mas­cu­lin, Paris, Édi­tions des Archives contem­po­raines, pp. 187–213.
  53. Jor­dan Young R.-M., (2010), Brain Storm. The flaws in the Science of Sex Dif­fe­ren­cies, Cam­bridge, Har­vard Uni­ver­si­ty Press.

1 réponse

  1. Damien dit :

    Tra­vail remar­quable, effec­ti­ve­ment ! Bra­vo.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *