Il y a quelques jours j’écoutais Albert Dupontel sur la chaine Thinkerview.
J’apprécie beaucoup le taff de ce monsieur, sensible, caustique et politique. Dans cet entretien Il cite plein de choses qui flattent mes goûts, le coquin alors j’ai essayé de me forcer à me méfier encore plus. On peut lui reprocher de répondre à toutes les questions, même sans expertise (que vaut l’avis d’Albert sur Trump ? A peu près autant que le mien (autant écouter sur le sujet le brillantissime John Antonakis, professeur de comportement organisationnel à Lausanne sur Podcast science ce 20 octobre 2020). Moi ce qui me branche quand j’écoute ça, c’est les références qu’il donne. Je les note comme un frénétique, on dirait Bernie.
Qu’il cite Henri Laborit, ça m’a scotché. L’éloge de la fuite, et La nouvelle grille, j’ai lu ça adolescent ça m’avait mis une claque. Il y a des choses qui m’ont toujours embêté chez lui, du style sa défense de la revue Planète, contre l’Union rationaliste. Mais à part ça, quel talent ! Ça m’a rappelé vers 18 ans, je m’étais plongé dans des auteurs qui n’ont pas beaucoup de lien entre eux, mais qui sont de la même génération, et dans ma tête je les avais mis ensemble, Laborit, Jacques Monod, Théodore Monod.…
Dans tout ce qu’il a raconté, je n’ai levé qu’une boulette. Il parle d’un film basé sur L’oiseau bariolé, de Jerzy Kosinski, livre magnifique que m’avait offert ma pote Louise-Michèle dans les années 2000…
- mais présenté souvent comme autobiographique, ce qu’il n’est pas, et…
- fraudé ! il a été accusé de plagiat d’un autre auteur, Tadeusz Dołęga-Mostowicz. J’avais lu ça chez un auteur pour le moins… « complexe », Norman G. Finkelstein, dans un livre sulfureux, « L’industrie de l’Holocauste ».
Et comme il parlait de Peter Sellers à propos de ce film, Sellers que je kiffe (Dr Folamour, etc.), j’ai été lire sa vie et.… Holy shit ! Au lieu de se faire opérer du coeur, il faisait des séances de chirurgie « psychique » à mains nues (voir ma reproduction ici) sacré business mené entre autres par Tony Agpaoa, de l’Union spirite chrétienne des Philippines (1).
Ça m’a rappelé la mort de l’acteur Andy Kaufman, pour les mêmes raisons, mais aussi de Bob Marley, de Steve McQueen, et autres qui ont opté pour des soins tout aussi fantaisistes.
Voilà, c’est tout. ça me rend tristoune.
(1) The Pointless death of Peter Sellers, par Dave
Bonjour Richard,
« L’industrie de l’holocauste », livre sulfureux, on ne saurait mieux dire ! Tout récemment, alors que l’actualité fait ressurgir l’insoluble débat sur la liberté d’expression, l’auteur de cet ouvrage paru en 2000 propose l’idée suivante : « Norman Finkelstein argues that Holocaust denial should be taught in university and preferably by a Holocaust denier » (http://normanfinkelstein.com/wp-content/uploads/2020/10/Finkelstein-HDeny.pdf / Finkelstein y défend sa position de manière extrêmement solide). Qu’en pensez-vous au-delà du fait que ce ne serait pas possible en France (eu égard à l’existence de la loi Gayssot) ? En parlant de la loi Gayssot, cela me fait penser à l’épisode sur le procès dit du singe dont vous aviez parlé dans l’un de vos cours d’esprit critique mis en ligne. John thomas scopes avait été condamné en justice sur la base du Butler act. D’une certaine manière, ce « fameux » butler act n’est-il pas « l’ancêtre » de la loi Gayssot ? Ou fais je une analogie douteuse ?
Bonjour Benoît,
je ne connais pas toute l’œuvre, ni toutes les déclarations de Norman G. Finkelstein. Mais il a été tellement « fracassant » qu’il a été débarqué de son université en 2007, à tort ou à raison, je ne sais pas. Le sujet, vous le savez, est pavé de bonnes intentions, miné de mauvaises, aussi je prends des gants, d’autant que ce n’est pas une question qui m’obsède plus que ça. Si vous me demandez à quoi sert la Loi Gayssot, probablement à rien, comme toutes les lois dites mémorielles, sinon à forger une science historique « officielle » sur certains sujets. En ce sens, c’est dramatique. Au départ l’intention était louable, freiner les discours négationnistes, mais bon, ça ne marche pas (on a un recul de 30 ans maintenant). Cette intention est certainement ce qui fait la première différence d’avec le Butler act du Tennessee de 1925 dont vous parlez, qui condamnait l’enseignement de l’évolution de la lignée humaine. La 2ème différence que je vois, c’est qu’on empêchait de 1915 à 1967 les enseignants d’aller à l’encontre d’une croyance (le texte biblique). Dans le cas de la loi Gayssot, il s’agissait d’interdire la contestation des crimes contre l’Humanité tels qu’énoncés au Tribunal de Nuremberg. Or ces crimes, eux sont consensuels chez les historien·nes. Qu’on critique vertement l” »industrie » et l’utilisation politique de l’Holocauste est une chose, mais penser qu’elle n’a pas existé est pour ce que j’en sais un scénario complotiste négationniste récurrent de certains milieux. Enfin, le Butler act concernait (seulement) l’éducation, la Loi Gayssot a un spectre bien plus large.
Donc l’analogie entre Loi Gayssot et Butler act me parait tentante mais très limitée. Je vais néanmoins soumettre cette question à des collègues historien·nes, au cas où.
Quel bonheur d’entendre et de réentendre parler de Laborit. Il a complètement changé ma vison sur le monde et donc sur moi-même. Une claque effectivement. Monumentale. Il a ouvert un champ des possibles qui ne s’est depuis jamais refermé.
Je me suis toujours demandé pourquoi il n’était pas plus connu du grand public. J’ai plutôt tendance à oublier « l’éloge de la fuite » un peu partout où je passe ; le rachète et l’oublie encore en espérant qu’il fera à celui ou celle qui le trouve autant de bien qu’il m’en a fait.
Il est à l’origine de mes relations intimes avec la philosophie politique qu’est l’anarchie.
Bon voilà, j’avais juste envie de le partager, j’ai peu l’occasion de « rencontrer » des personnes qui connaissent et qui apprécient et/ou qui ont été touché par ce monsieur.
Est-ce que tu pourrais, si l’envie et le temps t’en dit, me détailler d’autres choses qui t’auraient dérangé dans sa lecture du monde ou dans son travail ?
Il y a un canadien, Bruce Dubuc, qui tient (tenait) un blog au sujet de Laborit. « Éloge de la suite ».
http://www.elogedelasuite.net/
Merci pour ce blog, c’est (presque) que du bonheur.
Oui, ce fut une gifle quand j’avais 15/16 ans, il avait décortiqué l’amour et ça m’avait laissé pantois. Je l’ai relu 10 ans plus tard. Puis avec le temps, j’ai trouvé quelques trucs vieillis, j’ai eu du mal à comprendre certains écarts psychanalytiques, et en fouillant quelques autres livres de lui, je pense qu’il y a des concepts un peu périmés, du fait des nouvelles découvertes en neuro et dans le monde animal, mais peu importe ! Le type a posé une vraie brique dans la vie intellectuelle. Je vais aller regarder le site que vous indiquez, je ne le connaissais pas. Merci !