Moi aussi je défends les arbres, j’ai été un gland comme eux, je lis Giono, je m’adosse à des troncs, j’aime grimper dans les branches. Mais est-ce pour autant que la cause nécessite de convoquer tout l’attirail mystique ?
Quand j’écoute Ernst Zürcher (chez Zoé Varier, fin mai 2022, qui au lieu de faire du journalisme, déroule un tapis rouge de bons sentiments) mélanger agroforesterie et permaculture, convoquer l’héritage ultrafoireux de Rudolf Steiner et de son anthroposophie/biodynamie (minute 22 de l’émission), raconter que les arbres pulsent, que tout pulse, et que c’est pour cela que les bains de forêt ça « marche » (?), que les arbres sifflent, qu’il y a des liens qui peuvent unir le nombre d’or et la forme des cônes des conifères, et autres… Je me dis que le public est content de recevoir du miel dans ses oreilles : mais c’est du miel chinois coupé de sirop de glucose. Pas encore trop célèbre, – peut être parce qu’il n’a pas la barbe des Hubert Reeves, Yves Coppens et consorts –, Ersnt Zürcher est trop intelligent pour ne pas savoir qu’il fait de la démagogie, et trop formé pour ne pas se rendre compte qu’il instille de la pseudoscience. La fin justifie-t’elle les moyens ? Peut-être, mais je me demande souvent si la phrase « La fin justifie les moyens ? » justifie les moyens.
J’en profite : il dit avoir montré un lien entre croissance des arbres et cycle lunaire. J’avais déjà entendu parler de ça, pourquoi pas, mais vu les couleuvres qu’il nous glisse, je demande à vérifier. Est-ce ce papier-là : LUNAR RHYTHMS IN FORESTRY TRADITIONS –LUNAR-CORRELATED PHENOMENA IN TREE BIOLOGY AND WOOD PROPERTIES ? 2001, dans Earth, Moon & Planets ? Y a‑t-il des botanistes, dendrochronologistes, etc qui ont regardé ça de près ? Si c’est vrai, ça m’intéresse. Si ce n’est pas vrai, ça m’intéresse tout autant.
Allez, je m’en vais enlacer un platane et me fouetter avec des orties.
Salut,
Je suis tombé sur cet article par hasard, et je comprends un peu les reproches, j’en avais de semblables à un moment, avant de mieux comprendre son regard et les travaux qu’il cite. Je ne le connais pas personnellement, mais pour moi, Ernst est quelqu’un qui garde un œil attentif aux savoirs paysans et traditionnels, et qui voit des liens ou des confirmations de certains de ces savoirs dans beaucoup de recherches récentes. Sans pour autant y adhérer aveuglément. Il me paraît plus ouvert que d’autres, tout en restant un scientifique, mais peut-être que cela ne se ressent pas toujours dans ce qu’il dit à l’oral.
Il conserve en tout cas une part d’émerveillement et de mysticisme pour les arbres, et une conscience qu’on est loin de tout comprendre. Parfois ça doit un peu plus être ses tripes qui parlent.
(Pour ce qui est de Steiner, par contre, je ne sais pas ce qu’il dit à son sujet, je n’ai pas écouté l’émission, peut-être voit-il chez lui une sensibilité similaire ? Pour info j’ai entendu M‑A Sélosse parler de la biodynamie récemment, il ne croit pas à la théorie ‑et a lu Steiner, la source… ce qui n’est pas si courant- mais constate par contre que dans la pratique un certain nombre de choses « marchent », et apprécie les adeptes de cette théorie qui sont souvent des gens qui observent et s’adaptent).
J’ai déjà entendu Francis Hallé dire beaucoup de bien de Zürcher et une partie de ses travaux, pour ce qui est de l’avis d’autres scientifiques de renommée.
Pour avoir une meilleure idée de la profondeur d’étude de certains des sujets qu’il aborde, je conseille en fait de jeter un œil au livre d’Ernst : Les Arbres, entre Visible et Invisible…
Ce livre est nettement plus technique que son côté “livre de grande surface de chais-plus-quelle-édition” ne le suggère. Toutes les recherches scientifiques sur les sujets abordés dans le livre sont sourcés, avec une bibliographie (si je me souviens bien, à la fin de chaque chapitre). C’était plutôt carré, et ‑je trouvais- probant, dans l’ensemble.
Les portions parlant de l’influence des différents cycles lunaires sont assez complexes (je ne me souviens pas de tout), mais les conclusions me paraissaient assez parlantes : une influence du cycle lunaire sur le développement des plantes. Nettement moindre que d’autres facteurs environnementaux (soleil, vent, …), et souvent pas impactante au point d’être un paramètre critique à prendre en compte mais là tout de même. L’impact du moment de prélèvement de bois pour certains usages par rapport au cycle lunaire est, lui, par contre, un peu plus important (et semblerait-il, connu empiriquement de longue date par les ébénistes, les luthiers et d’autres).
D’ailleurs, en tapant “influence cycle circadien, le premier article sur lequel je suis tombé ‑plus récent que l’ouvrage de M. Zürcher- était le suivant : https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2020/lumiere-lune-effet-sur-plantes-cafeiers#:~:text=Une%20%C3%A9tude%20du%20Cirad%20d%C3%A9montre,et%20perturbe%20son%20horloge%20circadienne.
Personnellement, c’est un sujet qui ne m’intéresse pas tant que ça (à part ces histoires de bois/lune), ni les histoires de nombre d’or (également détaillées dans son bouquin, je ne me souviens plus des détails) et ce sont d’autres chapitres du livre d’Ernst qui m’ont bien plus intrigué (sur l’eau, sur la structure du bois, sur sa, euh, pulsation électrique ?, et sur l’agroforesterie). Ca fait 3 ans que je l’ai lu, mes souvenirs sont en partie flous ‑en partie parce que c’était technique et que tout absorber m’aurait demandé plus de temps, et pour d’autres raisons- mais je le relirais bien, d’autres connaissances acquises depuis me permettraient peut-être d’en mieux retenir certains éléments.
Ah oui, pour ce qui est des bains de forêts, il me semble que l’ouvrage mentionnait un certain nombre d’études témoignant de l’effet apaisant de phéromones relâchées par certains arbres (ou champignons forestiers) sur l’être humain, entre autres effets positifs relativement faciles à comprendre du fait d’aller se balader en forêt. Je m’en souviens très mal, vaut mieux aller lire son bouquin, ne me citez pas sur ce point, encore moins que le reste. Il parle également au début de son ouvrage du regard de la science et de son rapport aux savoir traditionnels, là encore sûrement des points susceptibles de vous intéresser.
Voila voila, j’espère que ce commentaire vous aura servi. A mon sens, si certaines affirmations de Zürcher m’interrogent, son livre m’avait paru probant et mesuré, et je pense que son regard et sa sensibilité ont peut-être à apporter aussi ; je garde (d’autres expériences de ma vie m’encourageant à aller un peu dans ce sens) un œil ouvert sur certaines de ses affirmations moins corroborées.
Dans tous les cas, c’est quelqu’un qui encourage à ce qu’on plante des arbres, et vu leur importance primordiale dans la bonne gestion du/des cycle(s) de l’eau et de la santé du sol (raccourci de langage), et les conséquences que la mauvaise gestion de l’eau et l’absence de couverture forestière entraîne sur le climat local (global ?), on a besoin de gens qui encouragent à planter des arbres et repenser la gestion des forêts et de la production alimentaire… Je pense que quand bien même vous pourriez le trouver problématique si son discours vous rebute, il y a beaucoup d’autres personnes infiniment plus néfastes auxquelles on accorde beaucoup plus de temps de parole et de poids.
Bonne lecture, si vous jetez un œil au livre, n’hésitez pas à me donner vos retours, qu’ils changent votre perception du personnage et de ce qu’il avance sur certains points ou non.
Merci de votre com. Ma critique porte sur l’émission, alors il est toujours plus facile de discuter quand vous l’aurez écoutée 🙂
Atttention, F Hallé, j’ai l’impression qu’il ne rechigne pas à aller surfer sur le mysticisme, ce que ne fait pas du tout Sélosse à ma connaissance. Quant à savoir si parce qu’il y a des gens bien plus néfastes, il faudrait s’abstenir de faire la critique des propos de Zürcher, c’est un argument difficile à manier. Car il y a toujours des gens bien plus néfastes. Planter des arbres oui, mais au prix de n’iomporte quel argument ? (car planter tel ou tel arbre ce n’est pas DU TOUT le même résultat). Amicalement
effectivement tout comme Zürcher F. Hallé (et les Bourguignon, feu Rabhi, Kokopelli…) adhèrent aux thèses de Steiner.
Thèses qui ne reposent absolument pas sur des savoirs ancestraux, des pratiques traditionnelles… mais sur les inspirations cosmiques du fondateur de l’anthroposophie.
Et la caractéristique de celle-ci est d’avancer cachée derrière de beaux discours. Ici avec Zürcher, celle de la relation aux arbres. Dont l’étude sur l’influence de la lune contient de tels biais qu’elle n’est pas reconnue par ses pairs. Jusqu’à aujourd’hui au contraire la science ne peut prouver l’influence de la lune sur les plantes. Elle ne dit pas que ses effets n’existent pas, juste que bien d’autres facteurs priment dessus.
Désolé pour le pavé, j’avais organisé ça mieux car je pensais que les paragraphes dans les commentaires conserveraient leur structure. Ce n’est visiblement pas le cas…
Pas de pb Walter !