
Je te propose un (deuxième) défi moralo-rationaliste ! Ce défi n’est pas directement le mien, il m’est proposé par mon vieux comparse Albin Guillaud. Il aimerait (et moi aussi) connaître tes cheminements conceptuels, où qu’ils aboutissent, sur un sujet précis. Ce qui est magique, c’est que c’est un jeu dont tou·tes les participant·es sortent gagnant·es.
Étape A
(a) Se rendre à l’adresse https://www.givingwhatwecan.org/
(b) Scroller jusqu’à la rubrique « How rich are you ? »
© Entrer tes données
(d) Cliquer sur le bouton « Calculate »
(e) Lire l’ensemble des informations obtenues.
Étape B
(a) Lire le chapitre d’un des ouvrages de Michael Huemer en pièce jointe (version anglaise ici ou version française là)
[c’est à la connaissance d’Albin la ressource la plus claire, la plus synthétique et la plus percutante sur le sujet.]
Étape C
(a) Me dire si ça a fait bouger ta position préalable (si tu en avais une) sur le don aux organisations caritatives, et pourquoi ?
(b) Me dire (si tu es en mesure de faire un don à une organisation caritative efficace), si ça t’a convaincu de donner ou non, et pourquoi.

Je n’ai pas bougé ma position préalable, qui est de donner un peu mais finalement vraiment pas beaucoup au regard de ce que je pourrais donner selon givinghatwecan, et à des causes qui ne sont pas en tête de liste des priorités morales.
Essentiellement pour trois raisons (sans ordre spécifique d’importance) que je vous livre de manière très brute :
1. L’argent que j’ai gagné provient essentiellement de mon salaire, sur lequel ont déjà été prélevées de nombreuses charges, et avec lequel je vais encore payer des impôts. J’estime donc que la part de ce que ce qu’on paie à la solidarité nationale pour mon travail et que je ne touche pas, de l’ordre de 40%, est déjà très substantielle. Peut-être que si j’avais hérité je raisonnerais autrement, mais là non.
2. Je gagne aujourd’hui, ok, mais demain ? En gros, la principale part de mon revenu que je ne dépense pas, je préfère l’épargner pour mon avenir et celui de mes enfants.
3. J’ai besoin de donner pour des causes dont l’objet est important à mes yeux, pour avoir (au moins l’illusion d”)un certain contrôle de ma vie. En effet, si on pousse le raisonnement soutenu dans le texte, on ne donnerait qu’à ce qui devrait constituer la priorité numéro un tant que cette priorité existe sur terre. Par exemple, tant qu’il existe des enfants qui meurent de faim, on ne devrait donner qu’à cette cause, puis aux maladies infantiles dans le tiers monde etc. Or, ce n’est pas ce qu’il se passe, et surtout ce n’est pas réaliste.
Je donne donc pour des causes que MOI j’estime importantes. En l’occurrence la recherche contre le cancer, le don du sang, mais aussi, ce qui est plus spécifique, l’AFIS ou le voyage annuel des enfants de ma ville. D’autres vont donner à leur église ou pour la campagne du candidat qu’ils soutiennent aux présidentielle. Il leur reste cette liberté.
En revanche, je me suis déjà posé la question de l’efficacité de mes dons. Mes parents ont donné pendant des années à l’ARC et nous avions tous été assez dégoutés de voir que ça finançait essentiellement les revenus de son président Crozemarie. Je ne savais pas qu’il existait des organismes d’évaluation et j’en suis ravi et intéressé.
Merci en tout cas pour ce moment de réflexion.
Merci Olivier ! Oui, l’ARC, triste histoire 🙁
Et un grand merci à vous d’avoir partager le fruit de votre réflexion !
J’appartiens au 16% les plus riches au monde, mais je le savais déjà. Même en France je fais partie des plus favorisés, alors que le revenu dans mon foyer est de 7500€ / an / personnes (c’est bien,mais pas exceptionnel). Je connaissais déjà l’exemple de Singer grâce à Thibault Giraud (M. Phi su YT). Je donne déjà en permanence à au moins une ONG caritative française et à une encyclopédie gratuite en ligne. J’estime que ça compte tout autant. Je donne plus ponctuellement à d’autres causes où associations. Et je donne de mon temps. L’approche utilitariste a eu peu d’impact. J’adhère plutôt à une approche déontologique qui m’avait conduit à faire ces choix. Je ne suis pas certain que je donne assez, mais comme je crains souvent de mettre en péril la famille sinon, je me suis fixé une limite relativement basse pour l’instant. J’arbitre déjà en faveur de mes dons lorsque je dois trancher entre un achat ou un don permanent.
Merci Raphaël !
Oui merci d’alimenter la discussion !
Sans jeter l’ensemble de la pensée de l’altruisme efficace, il y a beaucoup de choses dedans qui me choquent.
L’illusion des indicateurs chiffrés : je suis dans les 10% des personnes qui gagnent le plus d’argent sur Terre, ok, mais qu’est-ce que ça veut dire de mon niveau de vie ? de ma richesse réelle ? de ma santé ?
Je pourrais financer par an X médicaments et sauver Y vies humaines. Ok, mais pourquoi avoir choisi ces traitements ? Pourquoi parler en vies humaines ? De quelles vies parle-t-on ?
Pendant qu’on calcule combien de pansements on pourrait acheter depuis notre place de privilégié, on n’interroge pas les causes des plaies à panser.
Si faire le bien c’est maximiser le nombre de traitements financés, alors mon objectif peut devenir d’en financer le maximum, quelle que soit la manière dont je vais gagner de l’argent.
Que faire des actions altruistes non quantifiables ou objectivables ?
Je ne vais pas remettre en cause le fait de donner au caritatif ni le fait d’investiguer sur la destination des dons (s’en mettre plein les fouilles sur le dos des bons samaritains c’est mal m’voyez). C’est la démarche rationaliste extrême qui peut advenir par l’altruisme efficace dont je me méfie.
Cet exercice m’a fait réfléchir sur les causes auxquelles je pourrais donner et combien je pourrais me permettre de donner. C’est déjà ça.
Je sais que je suis privilégié (9ème décile aux pays bas, donc clairement dans le 1% global), et je donne déjà à divers causes, mais comme facilement anticipable, je ne donne « pas assez », (probablement dans les 5%, j’ai pas fais le compte récemment), ça n’a pas trop fait bouger ma position, par ce que j’étais déjà assez au courant de cet état de fait et du déséquilibre.
Je suis un peu embêté avec l’altruisme efficace et ses dérives, même si je pense que l’idée touche a quelque chose de fondamentalement important.
Merci Gabriel. N’hésitez pas à me transmettre le détail de vos critiques sur les « dérives », c’est tout le sel de ce défi que de pointer là où ça va et où ça cloche.
Le « longtermism » est probablement la dérive la plus visible de l’altruisme efficace, la vision comptable utilitariste basé sur des hypothèses probabilistes invérifiable, mène par exemple a plus valoriser la possibilité infime de quintillions d’êtres humains malheureux dans un futur distant, que la survie ou le bonheur a court terme d’une part significative de l’humanité, par ce que des centaines de millions de personnes, en particulier ayant une faible probabilité d’influer le développement technologique de l’humanité (trop pauvre), font pâle figure en comparaison. Ces savants calculs semblent arriver a considérer que la possibilité théorique d’une intelligence artificielle capable de détruire l’humanité (en la surpassant en puissance intellectuelle, et ne cherchant pas à la servir), est donc plus importante que le réchauffement climatique.
Après, si on écarte cette dérive en particulier, et qu’on reste dans un altruisme efficace plus traditionnel, la conséquence qui consiste a mettre tous les moyens disponibles ou presque, sur la chose dont on a calculé l’utilité maximale (souvent, la lutte contre le paludisme), même si on sait que ces moyens ne résoudront pas ce problème, mais le soulageront simplement, me semble être une vision trop limitante, qui prive d’autres causes tout aussi légitimes de moyens utiles, et qui sépare les causes des gens qui essayent de les résoudre, en les privant d’une implication intellectuelle, émotionnelle, ou pratique, alors certes, on peut envoyer de l’argent, et dire que ça sauve statistiquement X vies, mais ce n’est pas très motivant ou satisfaisant, et donc pas certain que ce soit la meilleur façon d’obtenir plus d’altruisme (ce qui est un objectif secondaire désirable).
Après, je ne suis pas un expert en philosophie morale, ni un critique passionné de ce mouvement, mais je sais qu’il ne me semble pas satisfaisant.
Merci Gabriel de votre retour
Bonjour, cet article m’a beaucoup intéressée et je vais le relire en prenant plus de temps . Les deux premières réflexions qui me sont venues :
– pour le moment je me sentais en « accord avec moi même » du fait que je m’acquitte de mes impôts très volontiers, sans râler et sans chercher à en détourner par le biais de l’évasion fiscale .
– l’idéal, lorsque l’on se décide à donner, serait de le faire SANS utiliser son droit à déduction d’impôt, car alors , c’est une forme d’évasion fiscale , à bon escient me direz vous mais tout de même… (à tort ou à raison , je suis un peu une idéaliste du service public).
En tout cas , merci et félicitations pour votre travail !
Merci Nathalie – effectivement, les dons défiscalisés soulève un problème de fond (on en débattait avec mon co-auteur Nicolas dans le libre « La sécu, les vautours et moi », je ne sais plus quelle page, et nous n’avions pas le même point de vue).