Il y a comme ça des moments sus­pen­dus dans la vie d’un ensei­gnant : lors­qu’un dos­sier étu­diant ren­du non seule­ment rem­plit plei­ne­ment les cri­tères, mais en outre œuvre à une cer­taine jus­tice sociale.

J’a­vais déjà étu­dié les dif­fé­rentes modèles de don d’or­ganes en France et à l’é­tran­ger, pour le livre Les vau­tours, la Sécu et moi avec Nico­las. J’a­vais pu lire et voir plein de choses étranges sur le plan moral, même durant un pro­ces­sus de don de gamètes (j’en avais cau­sé dans Mi-fougue mi-rai­son, ici ou ). Le sujet m’in­té­res­sait parce que quand j’é­tais petit, je me rap­pelle de la peur de mes parents à l’i­dée que mon frère ait pu être per­fu­sé durant des opé­ra­tions lourdes par du sang conta­mi­né. Et puis parce qu’un ancien étu­diant, Jéré­my Fer­nandes Mol­lien (avec qui j’ai fait des trucs chouettes, par exemple ça, dont je suis très fier), m’a­vait mon­tré que le refus des can­di­dats homo­sexuels hommes au don du sang était injuste et dis­cri­mi­na­toire, ce que j’a­vais ensuite étu­dié avec un groupe d’étudiant·es en 2016.
Cela me mon­trait si j’en dou­tais encore que la sub­jec­ti­vi­té publique pou­vait être suf­fi­sam­ment forte pour empê­cher qu’une per­sonne vienne.… don­ner gra­tui­te­ment un bout d’elle-même pour des incon­nus. Un comble, quand on y pense.

Alors quand une étu­diante trans a cher­ché un dos­sier à faire, on a réflé­chi à la sor­tie d’un cours à ce qui pou­vait faire conver­ger la rigueur que je demande et une jus­tice sociale sur les dis­cri­mi­na­tions qu’elle vit : le refus qu’on venait de lui faire de don­ner son sang fin 2021 à l’Établissement fran­çais du sang de Gre­noble tom­bait sous le sens.

Alors un groupe opi­niâtre com­po­sé de Lou S. Girard, Maé­lys M. Delerce, Léo M. Lamaze, Maxi­mi­lien Rob­son & Camille Noûs, s’est agré­gé sur la ques­tion sui­vante : le refus des per­sonnes trans­genres en France au don du sang médi­cal est-il jus­ti­fié scien­ti­fi­que­ment ?

La réponse, sauf erreur, est non.

La ques­tion corol­laire qui s’en est sui­vie est : le refus des per­sonnes trans­genres au don du sang conti­nue-t’il à se faire ?

La réponse est oui, preuve et enquête de ter­rain à l’ap­pui.

J’en pro­fite pour dire :

  • qu’il n’est pas néces­saire de har­ce­ler les étudiant·es qui ont fait ce dos­sier – je le rap­pelle, la plu­part sont en 1ère année de licence ;
  • que je fil­tre­rai le cour­rier avant de leur trans­mettre : j’ai pu voir qu’il y a une cer­taine frange de la com­mu­nau­té en ligne qui est dans une telle « panique morale » sur la ques­tion trans qu’elle en devient vio­lente – j’en ai fait l’ex­pé­rience sur Face­book, où 3 lignes sur une BD m’a valu plus de 1300 com­men­taires, cer­tains sai­gnants ;
  • que s’il y a des cor­rec­tifs à faire nous les ferons ;
  • que s’il y a des erreurs, elles sont de mon seul fait
  • que je ne suis pas juriste ni endo­cri­no­logue.

Une fois ceci posé, comme les ser­viettes, faites tour­ner ! Nous espé­rons que soit ce sera cri­ti­qué en bonne et due forme, soit ça inflé­chi­ra la poli­tique de don du sang.

Voi­ci la ver­sion pdf -> .

 

 

4 réponses

  1. Maïwenn dit :

    Quelle étude pour des étu­diants de début de cycle ! Cha­peau ! Et vive­ment que les men­ta­li­tés changent, ça urge !

  2. Sieben dit :

    Mer­ci beau­coup pour cette étude !
    En tant qu’­homme trans, il me sem­blait bien que la régle­men­ta­tion avait chan­gé du jour au len­de­main, mais jamais trop eu la foi d’al­ler véri­fier de moi-même… Et on s’é­tait sou­vent posé la ques­tion avec mon entou­rage de savoir pour­quoi la tes­to­sté­rone de syn­thèse serait plus néfaste sur des femmes trans­fu­sées que celle d’hommes cis, ça fait plai­sir d’a­voir quelque chose de sérieux sur lequel s’ap­puyer pour pou­voir en par­ler.
    Plus qu’à comp­ter les années pour que ça change je sup­pose~

    (Sinon pour la petit blague, la der­nière fois que mon copain a vou­lu aller don­ner son sang, il s’est vu refu­ser parce que l’in­fir­mière a grillé que « l’a­mi trans » pour lequel il posait des ques­tions était en fait son copain… Le mieux dans l’his­toire, c’est que la jus­ti­fi­ca­tion de son refus était que si j’ai un sexe:M sur ma CNI, alors ça ren­trait suf­fi­sam­ment dans la case gay pour qu’il ne puisse pas don­ner son sang sans le délai d’abs­ti­nence. Je trouve ça quand même fabu­leux pour mon­trer à quel point c’est arbi­traire.)

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