Le 25 mars 1995, Édouard Bal­la­dur, en plein mara­thon élec­to­ral, est venu en héli­co­ptère pour inau­gu­rer un musée dans les Bouches-du-Rhône. Mais un épais brouillard le contraint à se poser en pleine cam­pagne, à 10 km du but. Alors n’é­cou­tant que son cou­rage, il entre­prend de faire pour la pre­mière fois de sa vie du stop sur la route, comme le vul­gum pecus. Et miracle ! Une dame fort aimable, en Mer­cedes qui plus est et qui « pas­sait par là » prend aima­ble­ment le pre­mier ministre, lequel offre ain­si une bonne tranche de fran­chouillar­dise à son per­son­nage d’a­ris­to­crate guin­dé et supé­rieur. Mais on découvre ensuite que l’au­to­mo­bi­liste en ques­tion s’ap­pelle Claire Lacaille, et… C’est la cou­sine ger­maine du père de Georges Tronc, son direc­teur de cam­pagne (et qui fit une brève car­rière de réflexo­logue tri­po­teur, mais c’est une autre ques­tion). Le docu­ment est ici : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cac95024369/balladur-et-l-auto-stopeuse

 

Pra­tique d’un autre temps ? Voire.

Il y a eu Jean-Fran­çois Copé et son faux flip­per, Luc Cha­tel et ses fausses clientes encar­tées à l’UMP, Nico­las Sar­ko­zy et ses faux employés de l’u­sine Fau­re­cia choi­sis pour être plus petits que le futur pré­sident… La pra­tique du faux a une longue his­toire en poli­tique. Der­nier cas (connu) en date ? Eric Zem­mour, à Cas­tel­sar­ra­sin, le 12 mars 2022, il y a six jours. Il vient com­men­ter la hausse du prix du car­bu­rant à la pompe au milieu des clients de la sta­tion. Or des jour­na­listes s’a­per­çoivent que les pseu­dos-clients étaient en réa­li­té… des sym­pa­thi­sants zem­mou­riens. L’un d’eux appa­rais­sait en pho­to le jour même avec Marion Maré­chal, sou­tien de Mon­sieur Zem­mour, et avait aus­si assis­té au mee­ting du can­di­dat. France 3 Occi­ta­nie explique que la mise en scène est tra­cée au cor­deau : dix minutes avant l’arrivée du can­di­dat sur place, les voi­tures des mili­tants se sont par­quées à côté des pompes, et la sta­tion-essence fer­mée avec des plots pour évi­ter que de vrais clients ne viennent trou­bler l”  »évé­ne­ment ». C’est pra­tique.

https://www.20min.ch/fr/video/une-mise-en-scene-digne-dhollywood-pour-eric-zemmour-406063342441

Cela rap­pelle l’au­tomne der­nier, quand à Dran­cy, E. Zem­mour dis­cute avec une femme voi­lée, et la défie de quit­ter son voile s’il enlève sa cra­vate – ce qui soit dit en pas­sant est une méthode pour le moins dis­cu­table. Encore plus dis­cu­table quand on se rend compte que la dame avait été « cas­tée », c’est-à-dire pré­vue, plu­sieurs jours à l’a­vance.

Vous me direz : des fixeurs qui vous « trouvent » le bon inter­lo­cu­teur, il y en a tou­jours eu, comme le raconte l’his­to­rienne Zrin­ka Sta­hul­jak, ancienne fixeuse durant la guerre en ex-You­go­sla­vie au micro de Syl­vain Bour­meau, le 9 octobre 2021 [1]. Et puis c’est vrai que lorsque, comme Eric Zem­mour, “on mal­traite l’his­toire en géné­ral [2], réécrire la sienne est un détail.

[1] Zem­mour contre l’his­toire, Col­lec­tion Tracts (n° 34), Gal­li­mard. 2022. On regar­de­ra éga­le­ment « Les his­to­riens debunkent Zem­mour », sur la chaîne de Manon Bril « C’est une autre his­toire ».

[2] Fixeurs/Passeurs : du Moyen Âge à l’Af­gha­nis­tan contem­po­rain, La suite dans les idées, France Culture.

1 réponse

  1. Crise en Thème dit :

    Autant les scé­na­ri­sa­tions zem­mou­rienne sont pour le moins navrantes…
    Autant celles de Bal­la­dur et Sar­ko­zy sont des plus savou­reuses. Je vais les gar­der sous le coude pour conti­nuer d’en rire.

    Petite sur­en­chère pour « Zem­mour contre l’his­toire » édi­té chez Gal­li­mard. Ce « tract » est en un mot : (très) acces­sible, et ce dans tous les sens du terme. Rien à voir avec « Le goût du vrai » de Étienne Klein dans la même col­lec­tion, qui m’a bien fait trans­pi­rer tant je l’ai trou­vé velu à lire. Pour les per­sonnes qui n’ont pas beau­coup de temps pour la lec­ture, la chaîne Nota Bene a invi­té 2 des membres de ce col­lec­tif d’his­to­riens qui a écrit « Zem­mour contre l’his­toire » où pen­dant près de 2 heures ils abordent cha­pitre par cha­pitre le conte­nu de leur écris. Dis­po­nible éga­le­ment sur le pod­cast de la chaîne, donc idéal pour patien­ter dans les bou­chons ise­ro-savoyards et par­tout ailleurs.

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