Didier RichardJe suis ému. Ému car la per­sonne qui répond à mes ques­tions n’est autre que MON thé­ra­peute. Celui qui rebou­tait mes entorses quand je fai­sais beau­coup de course à pied, celui qui m’a ini­tié aux moxas, à la chro­ma­to­thé­ra­pie, dans le début des années 1990. Liant gen­tillesse infi­nie et soins à conso­nance éso­té­rique, mes copains copines et moi, cou­rant dans les val­lons de la forêt de Fon­tai­ne­bleau, avons eu recours à ses ser­vices dans son cabi­net près de la gare. Nous col­por­tions dif­fé­rentes rumeurs sur lui, tou­jours à voix basse, avec un air mys­té­rieux et péné­tré, l’une d’elle disant en sub­stance que Didier un jour, en se piquant un point d’acupuncture dans l’oreille, avait réus­si à stop­per la pousse de sa barbe ! Un jour, des années plus tard, deve­nu « scep­tique pro­fes­sion­nel », j’ai repris contact avec lui, et nous avons échan­gé quelques liens. Et puis m’est arri­vé un des mes­sages les plus bou­le­ver­sants que j’aie pu rece­voir. Ce mes­sage laco­nique disait en sub­stance « J’ai bien pris note des tra­vaux scep­tiques, et je me rends compte que l’essentiel de ma pra­tique autour de la podo­lo­gie n’a pas de base solide ». Ima­gi­nez-vous : quelqu’un dont la répu­ta­tion n’est plus à faire, qui a pas­sé sa vie pro­fes­sion­nelle sur un domaine, et qui a le cou­rage d’une phrase pareille… Serais-je capable d’une telle réflexion cri­tique sur moi-même ? Rien n’est moins sûr.

Alors je lui ai deman­dé de me racon­ter un peu tout ça.

Entre­tien en pdf ici.

Mon­sieur Richard, vous faites par­tie des très rares per­sonnes qui ont creu­sé un domaine médi­cal dit « alter­na­tif » et qui en sont reve­nues, par réflexion. C’est tel­le­ment peu fré­quent qu’on sou­haite rendre hom­mage à votre pro­bi­té, et com­prendre votre che­mi­ne­ment.

Vous avez explo­ré des che­mins un peu éso­té­riques dans votre par­cours pro­fes­sion­nel. Vous rap­pe­lez-vous quand vous avez pour la pre­mière fois, peut être avant même votre vie d’adulte, ren­con­tré des thèses étranges, para­nor­males, sur­na­tu­relles ? Quelles étaient-elles ?

Mis à part les années de lycée et d’études, j’ai pas­sé mes vingt pre­mières années à la cam­pagne et jusqu’à mon pre­mier stage, vers la tren­taine, je ne m’interrogeais pas trop sur ces ques­tions. J’ai le sou­ve­nir très loin­tain d’avoir « consul­té », dans l’enfance, un rebou­teux pour un poi­gnet ; il a appli­qué du vinaigre – c’est un sou­ve­nir olfac­tif, le visuel et le tact res­tant flous.
Par contre à l’école, beau­coup d’élèves étaient fils et filles de culti­va­teurs. Quand leur père cher­chait une source il convo­quait l’hydrogéologue, mais il ne com­men­çait jamais à creu­ser avant d’avoir fait venir le sour­cier. Nous avons joué au sour­cier avec mes copains, eux « trou­vaient » des exca­va­tions en sous-sol… Per­son­nel­le­ment je n’ai jamais obte­nu le moindre résul­tat.
Ado­les­cent, j’ai enten­du mon père hur­ler de dou­leur, tor­tu­ré par un can­cer du pan­créas ; un jour, quelqu’un lui a indi­qué de consul­ter dans un vil­lage voi­sin un méde­cin acu­punc­teur qu’il a revu régu­liè­re­ment, peut être une fois par semaine : je ne l’ai plus enten­du crier. Au tout der­nier stade, la mor­phine en hôpi­tal a per­mis une fin de vie d’une quin­zaine de jours indo­lore.

En fait, rien ne m’étonnait vrai­ment.

Vous avez fait une for­ma­tion pro­fes­sion­nelle de podo­logue. Cer­tains regrettent que la for­ma­tion soit assez peu scien­ti­fique, et que la dis­ci­pline soit un peu flot­tante. Êtes-vous d’ac­cord avec ça ?

Un podo­logue, ou pédi­cure-podo­logue, (à dis­tin­guer du podiatre, méde­cin-chi­rur­gien spé­cia­liste du pied et de la che­ville, au Cana­da) traite les affec­tions épi­der­miques et unguéales du pied ain­si que ses troubles sta­tiques et dyna­miques. Cela lui donne une double cas­quette :

  • les soins de pédi­cu­rie, en vue de pré­ve­nir, à déce­ler et à trai­ter les patho­lo­gies congé­ni­tales ou acquises entraî­nant des affec­tions épi­der­miques et unguéales ;
  • la podo­lo­gie, soit la concep­tion et d’a­dap­ta­tion d’or­thèses sur mesure (orthèses plan­taires fonc­tion­nelles ou de confort (semelles ortho­pé­diques), orthèses d’or­teils (ortho­plas­ties), orthèses unguéales (ortho­nyxies) et pro­thèses unguéales (ony­cho­plas­ties).

Depuis la ren­trée 2012, les études pour deve­nir podo­logue se font dans des ins­ti­tuts de for­ma­tion para­mé­di­cale ayant une conven­tion avec une uni­ver­si­té. Au terme de trois ans, elles sont sanc­tion­nées par le diplôme d’État de pédi­cure-podo­logue.

Comme toutes les dis­ci­plines médi­cales et para­mé­di­cales, la podo­lo­gie ren­contre des dif­fi­cul­tés à se rap­pro­cher de l’exactitude scien­ti­fique. Iso­lé­ment, on peut défi­nir un pied sain, mais les lois élé­men­taires de la phy­sique sont là : le pied sert à quelque chose, à des per­sonnes dif­fé­rentes mor­pho­lo­gi­que­ment et se livrant à des acti­vi­tés variées. Il fau­drait un pied… sans le reste, et de plus immo­bile pour le défi­nir sain. Ima­gi­nons même dans ce cas les polé­miques esthé­tiques, eth­niques, fonc­tion­nelles même à pro­pos de son propre équi­libre… Ajou­tons à cela le conte­nant, chaus­sure et ses variantes, semelles…

Lais­sons le débat ouvert.

Vous avez gref­fé à votre pra­tique des méthodes consi­dé­rées comme « alter­na­tives ». Dans quelle ordre ? Quelle fut la pre­mière dont vous avez fait l’u­sage ?

La pre­mière fut la podo­thé­ra­pie, pro­po­sant des chaînes méca­niques et mus­cu­laires ascen­dantes.

En quoi est-ce une méthode « alter­na­tive » ?

A l’époque, pour nous ce n’était pas alter­na­tif. Nous appre­nions des pos­tures nou­velles dépen­dantes de la posi­tion du pied. offi­ciel­le­ment nous avions accès à l’anatomie des pieds au bas­sin ; là, nous mon­tions jusqu’à la tête. La for­ma­tion com­pre­nait la concep­tion de semelles qui lan­çaient un mou­ve­ment ascen­dant devant réta­blir un pro­blème arti­cu­laire ou autre.

L’accueil de telles semelles fût très tiède de la part de la pro­fes­sion en géné­ral. celle-ci repro­chait leur manque d’épaisseur.

Est-ce que l’inventeur de la podo­thé­ra­pie est Vincent Boland, dans Logiques de patho­lo­gies ortho­pé­diques en chaînes ascen­dantes et des­cen­dantes et la méthode explo­ra­toire du Del­ta Pon­dé­ral, paru aux Édi­tions Fri­son-Roche (1996) » ?

Non, il s’agissait de Denis Ben­sus­san et de Jacques Nico­las.

Au pas­sage, qu’est-ce que le Del­ta pon­de­ral (qui semble être une marque dépo­sée)?

J’ignore ce qu’est le Del­ta pon­dé­ral. Un tri­angle consti­tué de trois repères ana­to­miques ?

Je suis inter­ve­nu en podo­lo­gie du sport à Bobi­gny sur la podo­thé­ra­pie, seule­ment je ne devais pas com­mu­ni­quer sur les « chaînes ascen­dantes ».

Vous vou­lez dire que ceux qui vous invi­taient dis­tin­guaient bien la podo­lo­gie de la podo­thé­ra­pie des chaînes méca­niques et mus­cu­laires ascen­dantes ? Est-ce l’objet de recom­man­da­tion de votre Ordre ?

Oui, bien qu’enseignée aux élèves de l’école de pédi­cu­rie-podo­lo­gie de Rennes, la podo­thé­ra­pie se dis­tin­guait des semelles Lelièvre et Ledos, seules agréées par la Sécu­ri­té Sociale à l’époque. Les créa­teurs for­ma­teurs de cette méthode étaient très brillants par leur savoir sur l’anatomie, la phy­sio­lo­gie, la neu­ro­lo­gie et la méca­nique ostéo-mus­cu­laire. Nous pen­sions pos­sé­der un outil essen­tiel.

Et la deuxième ?

Les semelles dites pro­prio­cep­tives que j’ai uti­li­sées jusqu’à la fin de mon exer­cice (avec les ther­mo­for­mées appa­rues plus tard). Elles étaient conçues dans le but d’influencer le sys­tème neu­ro­vé­gé­ta­tif qui lui-même aurait influé sur la pos­ture.

Avec ces orthèses, j’ai eu de très bons résul­tats ; l’absence de tests pour les éva­luer m’oblige à ne pas me pro­non­cer quant à leur vraie valeur thé­ra­peu­tique et même sur leur effet antal­gique.

N’étant pas por­té sur le mas­sage sur­tout celui des pieds, je me suis orien­té, avec deux confrères ren­con­trés dès le pre­mier stage à Rennes vers les tra­vaux de René Bour­diol (« Le livre Pied et sta­tique », Mai­son­neuve, 1980) ; l’influence de ce der­nier s’est mani­fes­tée jusque dans les années 90 avec l’édition de livres très chers. Par les semelles dites pro­prio­cep­tives, il a ouvert aux podo­logues l’accès à une ana­to­mie et à une phy­sio­lo­gie beau­coup plus com­plètes. Il disait pou­voir agir sur le sys­tème ner­veux auto­nome par les chaînes archéo et paléo­cé­ré­bel­leuses. Nous avions, croyions-nous des pos­si­bi­li­tés d’action énormes. Un méde­cin du sport, Phi­lippe Mala­fosse, de la même équipe que René Bour­diol puisque res­pon­sable des recherches au Gem­mer, le Groupe d’enseignement en méde­cine manuelle et réflexe diri­gé par le même Bour­diol, publie « Le tré­pied de la sta­tique : les yeux, les mâchoires et les pieds » trai­tant des chaînes céré­bel­leuses et des semelles cor­res­pon­dantes dans la revue Kiné­si­thé­ra­pie scien­ti­fique (n°328, 1993).

Ambi­gu, ce Mon­sieur Mala­fosse. Il a quelques papiers dans des revues un peu sérieuses comme Kiné scien­ti­fique, mais néan­moins il a publié des livres entiers de réflexo­lo­gie, comme en 2020 chez Dunod. Et la troi­sième ?

Illus­tra­tion clas­sique des zones réflexes du pied de Bour­diol

Oui, c’est l’héritier de Bour­diol, avec toute la part pseu­dos­cien­ti­fique qui va avec. D’ailleurs la réflexo­lo­gie méta­mé­rique de René Bour­diol est ma troi­sième influence. Sa réflexo­lo­gie s’é­tend à tout le corps par les trois feuillets et le décou­page méta­mé­rique. On connaît bien l’illustration clas­sique des zones réflexes  du pied de Bour­diol (ci-contre), et nom­breux sont les auteurs qui ont contri­bué à ce champ, comme le lyon­nais Hen­ri Jar­ri­cot (1903–1989) méde­cin, ostéo­pathe et acu­punc­teur, qui par­la de der­mal­gies réflexes – mais sans jamais publier sur le sujet de tra­vaux sérieux.

On trouve aus­si une carte des pro­jec­tions des zones céré­brales à la sur­face du crâne et du visage. René Bour­diol par­lait de dou­leur liga­men­taire, amé­lio­rée à chaud et de dou­leur méca­nique amé­lio­rée au repos. Selon lui, par les plis de flexion on peut agir sur des régions de la cir­cu­la­tion san­guine.
À la plante des pieds figu­re­raient la pro­jec­tion des plexus et sur les bords interne et externe la colonne ver­té­brale. Il fal­lait trou­ver un « cris­tal réflexe » (petite indu­ra­tion de la peau plan­taire) et le dis­soudre par mas­sage. Un pilote de ligne dont le genou gauche enflait, venait sys­té­ma­ti­que­ment juste avant chaque visite médi­cale pro­fes­sion­nelle afin de le faire désen­fler par cette méthode.

J’ai pas­sé du temps à étu­dier dif­fé­rentes réflexo­lo­gies, et je ne peux que consta­ter la pau­vre­té des preuves pro­duites en termes d’efficacité. Et comme beau­coup de thé­ra­pies qui se prennent pour acquises avant d’avoir mon­tré leur bien fon­dé, elles germent dans l’esprit de thé­ra­peutes très sou­vent reli­gieux. C’est le cas de Mon­sieur Bour­diol (dont la biblio­gra­phie est faite de livres et non d’études publiées) qui a défen­du pêle-mêle aus­si bien l’iridologie que la com­mu­ni­ca­tion avec les per­sonnes défuntes (voir ici). Voi­ci ce qu’a­vec Nico­las Pin­sault nous avions écrit dans « Tout ce que vous n’avez jamais vou­lu savoir sur les thé­ra­pies manuelles », pp. 99–100.

Dif­fi­cile de déter­mi­ner avec pré­ci­sion le pre­mier ouvrage dédié à la réflexo­lo­gie. Si l’on en croit les ouvrages et sites Web consa­crés à cette dis­ci­pline et se reco­piant les uns les autres, le pre­mier livre s’intéressant spé­ci­fi­que­ment à la réflexo­lo­gie serait l’œuvre de méde­cins « ita­liens », les doc­teurs Ada­mus et A’tatis, en 1582. Une recherche minu­tieuse de ce docu­ment nous a pour­tant conduits dans une impasse : aucune trace d’un quel­conque A’tatis (ou Ata­tis) sur cette période. Le doc­teur Ada­mus, quant à lui, pour­rait être Ada­mus Loni­ce­rus, alias Adam Lonit­zer (1528–1586), bota­niste non ita­lien mais alle­mand, effec­ti­ve­ment diplô­mé de méde­cine en 1554 et auteur d’ouvrages de bota­nique. Plantes, ergot de seigle, pro­cé­dés de dis­til­la­tion, mais aucune trace cepen­dant d’écrits trai­tant de Zone the­ra­py. Le deuxième ouvrage pré­ten­du­ment paru en 1583 sur la thé­ra­pie serait l’œuvre d’un méde­cin de Leip­zig, le doc­teur Ball (ou Bell, selon les sources), dont nous ne pûmes non plus trou­ver trace. Le pre­mier livre dis­po­nible concer­nant des mas­sages visant à trai­ter un organe à dis­tance fut, selon nos recherches, publié en 1902 sous le titre de Druck­punkte, ihre Ents­te­hung, Bedeu­tung bei Neu­ral­gien, Ner­vo­sität, Neu­ras­the­nie, Hys­te­rie, Epi­lep­sie und Geis­tes­kran­khei­ten sowie ihre Behand­lung durch Ner­ven­mas­sage (Points de pres­sion, leur émer­gence, signi­fi­ca­tion pour les névral­gies, la ner­vo­si­té, la neu­ras­thé­nie, l’hystérie, l’épilepsie et la mala­die men­tale, ain­si que leur trai­te­ment par mas­sage des nerfs) par le Dr Alfons Cor­ne­lius (1902). Quelques années plus tard, en 1911, un de ses confrères alle­mands, Ber­nard Barc­zews­ki, rédi­gea un livre inti­tu­lé Hand und Lehr­buch mei­ner Reflex mas­sage für den Arzt por­tant sur les thé­ra­peu­tiques par mas­sage réflexe. L’histoire, pour­tant, consacre le méde­cin spé­cia­liste oto-rhi­no-laryn­go­lo­giste éta­su­nien William Hope Fitz­ge­rald comme fon­da­teur de la théo­rie de la Zone the­ra­py.

Le pre­mier article éma­nant de ses tra­vaux fut l’œuvre d’Edwin F. Bowers, méde­cin et jour­na­liste, qui publia en 1915 un article dans un maga­zine grand public inti­tu­lé To stop that too­thache, squeeze your toe (Pour arrê­ter cette rage de dents, pres­sez votre orteil) (Bowers, 1915). C’est en 1917 que le livre consi­dé­ré comme fon­da­teur, Zone the­ra­py, or relie­ving pain at home vit le jour (Fitz­ge­rald et al., 1917). Coécrit par Fitz­ge­rald, Bowers et George S. White, cet ouvrage évoque notam­ment l’épisode de décou­verte de la thé­ra­pie par W. Fitz­ge­rald qui en 1911 « découvri[t] acci­den­tel­le­ment qu’une pres­sion à l’aide d’une sonde recou­verte de coton sur une par­tie de la mem­brane muqueuse du nez pro­dui­sit un effet anes­thé­siant simi­laire à celui d’une injec­tion de cocaïne ». Cette décou­verte l’amena à éta­blir une carte des régions « reliées » du corps, le divi­sant en dix zones. Mais si la théo­rie de Fitz­ge­rald ne trou­va guère d’écho chez ses confrères, le couple de chi­ro­prac­teurs Eli­za­beth Ann et Joe Shel­by Riley entre­prit une sim­pli­fi­ca­tion de la théo­rie tout en enri­chis­sant les zones situées au niveau des mains et des pieds. Ils publièrent leur tra­vail dès 1918, dans un livre inti­tu­lé Zone the­ra­py sim­pli­fied : all its appli­ca­tions made plain and simple for use by any one, recon­nu comme étant le pre­mier ouvrage publiant une car­to­gra­phie de réflexo­lo­gie plan­taire et pal­maire (Riley, 1918). La « branche » plan­taire des tra­vaux de Riley sera rema­niée par Eunice D. Ingham Stop­fel (1889–1974), une kiné­si­thé­ra­peute qu’il enga­gea comme assis­tante dans son cabi­net en 1926. Selon ses propres tra­vaux, Ingham consta­ta une effi­ca­ci­té supé­rieure des séances de réflexo­lo­gie lors de la sti­mu­la­tion des zones du pied que celles du reste du corps. Elle remar­qua en outre que les sti­mu­la­tions manuelles étaient plus effi­caces que les sti­mu­la­tions à l’aide d’instruments et que le type de sti­mu­la­tions, alter­nées ou constantes, avait éga­le­ment une influence. Elle com­pi­la ses trou­vailles dans plu­sieurs livres dont le pre­mier est Sto­ries the feet can tell : ‘‘step­ping to bet­ter health’’ (Ingham Stop­fel, 1938).

Hélas, aucune étude scien­ti­fique moderne ne vient étayer la thé­ra­pie. (…)

La réflexo­lo­gie Ingham était effec­ti­ve­ment celle que je ren­con­trai le plus sou­vent, et dif­fu­sée par Monique Gély, que l’on disait titu­laire d’une chaire de réflexo­lo­gie à la Sor­bonne.

Je connais un peu cette his­toire. Monique Gély n’a bien enten­du pas de chaire à la Sor­bonne, encore moins de réflexo­lo­gie. Elle était pré­si­dente de l’INERP, l’Ins­ti­tut natio­nal pour l’é­tude de la réflexo­lo­gie du pied, ce qui est très ron­flant, mais n’engage… que celui qui avale tout cru l‘argument d’autorité. Car ins­ti­tut n’est pas un terme pro­té­gé, n’importe qui peut fon­der un ins­ti­tut dans sa salle de bain. J’ai d’ailleurs remar­qué que Madame Gély, qui a fait une par­tie de sa noto­rié­té avec des soins en Inde, bran­dit un diplôme de doc­teur dont je n’ai aucune trace.

Autre chose ?

Pêle-mêle : les pos­tures et chaînes des­cen­dantes de Gode­lieve Struyf-Denys, qui com­plé­taient natu­rel­le­ment les chaînes ascen­dantes. Elles adaptent le tronc selon l’endroit de sa ou ses lignes de force domi­nantes : anté­rieure ou pos­té­rieure médiane, anté­rieure ou pos­té­rieure laté­rale, pro­fonde… Ces lignes de force donnent une forme par­ti­cu­lière au tronc ; la néces­si­té de main­te­nir l’équilibre oblige le bas­sin de se pla­cer idéa­le­ment par rap­port aux appuis, ce qui influe sur la posi­tion du centre de pous­sée. Ces pos­tures cor­res­pondent aux chaînes céré­bel­leuses du Gem­mer et sont cohé­rentes avec les tra­vaux de Ray­mond Sohier. Struyf-Denys était la conti­nua­trice de Fran­çoise Mézières (1909–1991) Elle a écrit dans les années 90 Le manuel du mézié­riste, Paris, Fri­son-Roche, « Pré­cis pra­tiques de réédu­ca­tion », en deux volumes.

Extrait à nou­veau de « Tout ce que vous n’avez jamais vou­lu savoir sur les thé­ra­pies manuelles », pp. 102 et 103.

Mas­seur-kiné­si­thé­ra­peute diplô­mée puis ensei­gnante de l’École fran­çaise d’orthopédie et de mas­sage (EFOM), Fran­çoise Mézières publia en 1947 un ouvrage clas­sique inti­tu­lé La gym­nas­tique sta­tique. C’est éga­le­ment à cette période que la thé­ra­peute fit ce qu’elle nom­me­ra par la suite son obser­va­tion prin­ceps, celle d’une patiente pour qui la cor­rec­tion d’une cour­bure ver­té­brale entraî­nait sys­té­ma­ti­que­ment une modi­fi­ca­tion des deux autres. C’est l’observation de cette patiente qui marque le début de son inté­rêt pour l’effet des pos­tures sur les réac­tions mus­cu­laires. À comp­ter de cette date, Mézières éla­bo­ra une théo­rie repo­sant sur deux prin­cipes de base, à savoir que ce sont les muscles qui carac­té­risent la forme du corps comme les ficelles animent une marion­nette et que cer­tains muscles sont en lien au sein de chaînes mus­cu­laires sur les­quelles il est pos­sible d’agir dans le but d’améliorer l’état de san­té des patients. Le prin­cipe théo­rique non étayé ? Il y aurait un lien entre les symp­tômes res­sen­tis par le patient et sa ten­sion mus­cu­laire, que des éti­re­ments du muscle au moyen de pos­tures pour­raient résoudre. Mais il n’y a pas d’étude scien­ti­fique cor­ro­bo­rant la chose. Contrai­re­ment à la majo­ri­té des « décou­vreurs » de thé­ra­pie, Fran­çoise Mézières n’a pas déve­lop­pé de struc­ture offi­cielle de for­ma­tion. Cela condui­sit, après son décès en 1991, à l’émergence de tech­niques déri­vées de sa méthode, comme la Réédu­ca­tion pos­tu­rale glo­bale (RPG) de Phi­lippe Emma­nuel Sou­chard ou la Recons­truc­tion pos­tu­rale de Michaël Nisand, tous deux anciens élèves de Mme Mézières. À l’heure actuelle, la méthode RPG est ensei­gnée dans une socié­té ano­nyme à conseil d’administration por­tant le nom ron­flant d’Université inter­na­tio­nale per­ma­nente de thé­ra­pie manuelle de Saint-Mont, dans le Gers. La Recons­truc­tion pos­tu­rale fait quant à elle l’objet d’un (semble-t-il unique) diplôme uni­ver­si­taire à l’université Louis- Pas­teur de Stras­bourg.

Il y a encore d’autres influences.

  • La kiné­si­thé­ra­pie ana­ly­tique de Ray­mond Sohier, qui par­lait lui de deux marches iden­ti­fiées selon la posi­tion anté­rieure ou pos­té­rieure de la pro­jec­tion du centre de gra­vi­té par rap­port à la l’axe transcoxo-fémorale.L’adaptation au sol par les membres leur donne une forme cor­res­pon­dante et des appuis par­ti­cu­liers. (Ray­mond Sohier, « Du Concept Sohier à la bio­lo­gie méca­no­gène : les fon­de­ments de la kiné­si­thé­ra­pie ana­ly­tique », Kiné­si­thé­ra­pie Scien­ti­fique n°407, jan­vier 2001).Dans cet article je note la pré­sence d’Alain Lavigne bien connu des podo­logues et que j’avais oublié alors qu’en fait mon pre­mier chan­ge­ment de cap a fait suite à son ouvrage sur l’orthostatisme. Avec Daniel Noviel il a publié cette for­ma­tion sous forme de feuilles volantes. Alain Lavigne a par­ti­ci­pé à de nom­breux tests en labo­ra­toire ; il est ensei­gnant à l’I.N.P., Ins­ti­tut natio­nal de podo­lo­gie (qui n’a rien de natio­nal).
  • La for­ma­tion à la méde­cine tra­di­tion­nelle chi­noise et à ce qu’elle désigne comme les mou­ve­ments et méca­nismes éner­gé­tiques. Avec une for­ma­tion en acu­punc­ture avec étude des « méri­diens », des « éner­gies » endo­gènes, exo­gènes, de pul­so­lo­gie (!) pro­po­sé par le Centre d’acupuncture d’Asie (qui est un cabi­net médi­cal) dans les locaux de la facul­té de méde­cine de Bichat,. Étude des méri­diens atta­chés aux organes (Inn), aux vis­cères (Yang), des ten­di­no-mus­cu­laires, des vais­seaux Lo, des « mer­veilleux vais­seaux », des méri­diens dis­tincts, de chro­no et chro­mo- acu­punc­ture, des rythmes bio­lo­giques cir­ca­diens… Uti­li­sa­tion des niveaux, des sai­sons, du cycle Ko, des points héraut, des points shu, des points lo, consé­quences sur la san­té du tem­pé­ra­ment et du com­por­te­ment. La loi midi-minuit. Je n’ai jamais insé­ré une aiguille : j’utilisais la moxi­bus­tion (les cigares d’armoise incan­des­cents) et le laser (Gire­lase, voir plus loin).
  • La kiné­sio­lo­gie et le livre « Touch for health » de John Thie, qui m’a ame­né au magné­tisme (les muscles « atta­chés » aux cinq loges sai­son­nières de l’acupuncture chi­noise) ; Il était conseillé de suivre à dis­tance le tra­jet du méri­dien pour ren­for­cer la loge éner­gé­tique et ain­si agir sur les muscles liés au méri­dien (selon les auteurs).
  • La chro­ma­to­thé­ra­pie du Dr Agra­part.

Je connais cette his­toire. Chris­tian Agra­part, doc­teur en méde­cine (Lyon), neu­ro­psy­chiatre et acu­punc­teur, est pos­ses­seur de la marque dépo­sée « chro­ma­to­thé­ra­pie ». Il a fon­dé et dirige le CEREC, Centre d’Étude et de Recherche sur l’Énergétique et la Cou­leur à Melun, qui fait office d’établissement de for­ma­tion en chro­ma­to­thé­ra­pie en deux ans à sa « chro­ma­to­thé­ra­pie » réa­li­sée par ses soins et ceux de sa femme Michèle Del­mas-Agra­part. Mon cama­rade jour­na­liste Oli­vier Her­tel avait dénon­cé la chose dans Sciences & Ave­nir d’a­vril 2012 : « La cou­leur ne fait pas la san­té ».

J’ai vali­dé sur­tout la méthode d’examen et d’établissement d’un diag­nos­tic (propre à la “méde­cine chi­noise“). Bon sou­ve­nir de dis­cus­sions avec un vété­ri­naire qui uti­li­sait comme moi ce qu’il appe­lait les « grands points ».

À nou­veau, extrait de notre ouvrage, pp 104–105.

La Kiné­sio­lo­gie ou Kiné­sio­lo­gie Appli­quée (Applied Kine­sio­lo­gy ou AK) est une thé­ra­pie dite alter­na­tive créée par le chi­ro­prac­teur George J. Good­heart en 1964 et basée sur un mélange de prin­cipes emprun­tés à la chi­ro­praxie (mani­pu­la­tion manuelle le long du sys­tème osseux) et de concepts éner­gé­tiques emprun­tés à la méde­cine tra­di­tion­nelle chi­noise (par­ti­cu­liè­re­ment les méri­diens et la notion de Qi, ou Chi). Le pos­tu­lat de départ est un des grands clas­siques vita­listes : le corps est en per­ma­nence tra­ver­sé d’un flux d’énergie cura­tive, et ce sont les blo­cages lors du pas­sage de ce flux qui seraient la cause des mala­dies. Ces blo­cages pro­vien­draient essen­tiel­le­ment de trau­ma­tismes phy­siques, « psy­chiques », ou les deux, trau­ma­tismes s’« engram­mant », c’est-à-dire s’incrustant dans toutes les cel­lules de notre corps et créant en quelque sorte une mémoire. Une pal­pa­tion des diverses chaînes mus­cu­laires per­met­trait de non seule­ment mettre en évi­dence ces blo­cages, mais éga­le­ment de les résoudre. Le test prin­ci­pal, le fameux TM (Test Mus­cu­laire) consiste à ques­tion­ner un muscle, géné­ra­le­ment le del­toïde, sur une ques­tion don­née, en exer­çant une force des­sus. S’il s’agit de savoir si une sub­stance est aller­gène, nocive, ou une pen­sée néfaste, le bras s’abaisse, comme pris de fai­blesse.

La thé­ra­pie s’est ensuite divi­sée en de nom­breuses branches, de l’élève de Good­heart nom­mé John Thie (1933–2005), qui en fit une méthode de bien-être, le Touch for health, au couple Den­ni­son qui a construit une méthode péda­go­gique appe­lée Brain Gym, en pas­sant par David Haw­kins qui, ayant reçu son don en 1965 direc­te­ment d’un archange, s’est bat­tu jusqu’à sa mort (2012) pour faire de la kiné­sio­lo­gie appli­quée une méthode de détec­tion des men­songes. En France, les deux écoles prin­ci­pales sont à Gre­noble (l’Institut de for­ma­tion de kiné­sio­lo­gie appli­quée de Fred­dy Pot­sch­ka) et à Paris (l’École de kiné­sio­lo­gie et méthodes asso­ciées de Jean-Claude Guyard).

Nous ne connais­sons aucune étude scien­ti­fique publiée par le fon­da­teur [ni ses conti­nua­teurs, d’ailleurs].

Com­ment aviez-vous eu vent de cha­cune d’entre elle ? Fré­quen­tiez-vous un cercle, un cénacle, ou lisiez-vous de la presse « alter­na­tive » ?

Pour la pre­mière, la podo­thé­ra­pie, après dix années d’exercice conforme au diplôme d’État, un ennui pro­fond à faire du « calage de meuble » : quand le pied était supi­na­teur il fal­lait mettre un élé­ment sous le bord externe et inver­se­ment, ou encore mettre une talon­nette sous la jambe la plus courte, etc. Ajou­tez à cela une pers­pec­tive de durée de tra­vail de 30 ans dans ces condi­tions, j’ai appe­lé un confrère for­mé à la même école de pédi­cu­rie-podo­lo­gie et que je savais très inves­ti dans son métier. Il m’a seule­ment dit : « va voir Nico­las à Rennes ». Jacques Nico­las était alors direc­teur de l’école de pédi­cu­rie podo­lo­gie de Rennes.

Pas de cercle. Pas de cénacle.

Pas de lec­ture de la presse « alter­na­tive » mais une patiente m’apportait les confé­rences de Jacques Don­nars (de l’association « Le corps à vivre »).

Jacques Don­nars, décé­dé en 2018, qui fut le pré­sident de la socié­té fran­çaise de sophro­lo­gie ? Sur la sophro­lo­gie d’Alfonso Cay­cé­do, avec mes col­lègues G. Dema­zure et A. Guillaud, nous avons tra­vaillé il y a quelques années. Il nous a fal­lu recon­naître la vacui­té de cette méthode, pour­tant tel­le­ment plé­bis­ci­tée (voir ici :Les fon­de­ments de la sophro­lo­gie : entre conte New Age et pseu­do-science, Science et pseu­dos­cience, 2018).

Cir­cu­laient aus­si des articles comme : les cau­sa­li­tés méta­phy­siques des mala­dies ; Celles-ci m’ont fait appa­raître comme doté d’un pou­voir sur­na­tu­rel. Pour moi je don­nais une piste à la per­sonne pour résoudre son pro­blème. J’étais très déçu quand on ne me croyait pas par exemple qu’il suf­fi­sait de chan­ger de chaus­sure tout sim­ple­ment…

Pour cha­cune, com­ment vous êtes-vous for­mé ? Seul ? En stage ? Quels conte­nus, quel tarif ?

Ma for­ma­tion s’est faite avec deux confrères ren­con­trés dès le pre­mier stage. Eux étaient déjà pas­sés chez Stroef-Denys en Bel­gique et chez Bour­diol à Paris. Ensuite j’ai conti­nué en stage pour la podo­thé­ra­pie, la « méde­cine » chi­noise et la chro­ma­to­thé­ra­pie. Les autres for­ma­tions se sont faites par un tra­vail com­mun avec mes deux confrères.

Les conte­nus ? D’abord la podo­thé­ra­pie, les semelles dites pro­prio­cep­tives, les pos­tures Stroef-Denys, la réflexo­lo­gie Bour­diol et ses deux chaînes mus­cu­laires : ortho­sym­pa­thique et para­sym­pa­thique (des muscles ocu­lo­mo­teurs aux muscles plan­taires), toutes ces « dis­ci­plines » étaient très exi­geantes en ana­to­mie, phy­sio­lo­gie et neu­ro­phy­sio­lo­gie (réflexe myo­ta­tique, boucle gam­ma, sys­tème pro­prio­cep­tif, cer­ve­let…). À cela s’ajoutaient des prin­cipes d’hypertonie mus­cu­laire et des pro­po­si­tions de solu­tions comme en podo­thé­ra­pie, il fal­lait mettre une zone de pres­sion sous le corps des muscles plan­taires pour les toni­fier grâce aux fuseaux neu­ro­mus­cu­laires et sous les zones ten­di­neuses pour les inhi­ber.

Puis la « méde­cine » chi­noise, dont les prin­cipes sont : le Yin, le Yang, les cinq élé­ments, les sai­sons, les éner­gies exo­gènes, endo­gènes, les méri­diens atta­chés aux organes et aux vis­cères, les vais­seaux lo, ten­di­no-mus­cu­laires, dis­tincts, mer­veilleux, la chro­no-acu­punc­ture, la pul­so­lo­gie chi­noise, le cycle cir­ca­dien, les notions de vide plé­ni­tude, de pro­fon­deur super­fi­cie, d’harmonisation.

S’ajoute la chro­ma­to­thé­ra­pie : des notions de régu­la­tion de la tem­pé­ra­ture et de l’hydratation cor­po­relles, les signes d’excès de froid de cha­leur de séche­resse d’humidité, l’action des cou­leurs sur la zone éclai­rée, des opé­ra­tions effec­tuées au moyen de tri­grammes repré­sen­tant des par­ti­cules et des éner­gies les unes et les autres étant plus ou moins pré­sentes en sur­face, super­fi­cie ou pro­fon­deur.

Les tarifs, pour les stages étaient ceux en vigueur pour les autres stages y com­pris ceux orga­ni­sés par la Fédé­ra­tion des pédi­cures-podo­logues et ses syn­di­cats régio­naux. Je ne me sou­viens pas du mon­tant. De plus ces stages se sont éta­lés sur une dizaine d’années et se che­vau­chaient dans le temps. Ne pas oublier le tra­vail per­son­nel d’apprentissage effec­tué la nuit ; je tenais à avoir bien assi­mi­lé le conte­nu pré­cé­dant avant le pro­chain sémi­naire.

Y avait-il com­pa­ti­bi­li­té entre toutes ces théo­ries ?

Comme ma pra­tique évo­luait, la plage de la demande de soins s’est éten­due ; en effet, je ne m’occupais plus uni­que­ment des pieds. De fait je sépa­rais aisé­ment les unes des autres méthodes et adap­tais le choix de la dis­ci­pline à la patho­lo­gie en pré­sence. D’autre part mes col­lègues et moi n’ignorions pas les pro­grès offi­ciels et les ouvrages sur tout ce qui pour­rait inté­res­ser la podo­lo­gie comme la marche humaine, les avan­cées des maté­riaux, la pos­tu­ro­lo­gie du Dr Gagey pour laquelle mes deux com­pères étaient en for­ma­tion.

Pierre-Marie Gagey, le méde­cin du tra­vail dans le bâti­ment qui bos­sa avec l’ophtalmologue Jean-Ber­nard Baron, le fon­da­teur de la pos­tu­ro­lo­gie, dans les années 60 ? Je n’ai jamais étu­dié ça de près, je vais deman­der à mes col­lègues pointu·es.

Aviez-vous déjà écar­té d’autres théo­ries qui vous parais­saient sca­breuses ?

En podo­lo­gie, j’avais du mal avec les purs et durs aus­si bien en « clas­sique » qu’en « alter­na­tif » ; j’ai eu du mal, sans juge­ment, avec l’homéopathie. Des gros doutes aus­si avec la kiné­sio­lo­gie et la ciné­sio­lo­gie du Dr Bour­diol ; avec cette der­nière, si j’ai eu un résul­tat posi­tif je ne l’ai jamais su. La ciné­sio­lo­gie consiste à faire faire à une zone du pied une flexion, une exten­sion ou une rota­tion contre résis­tance et relâ­cher celle-ci après quelques secondes.
En fait, j’ai plu­tôt écar­té le côté sca­breux des dis­ci­plines comme la cir­cu­la­tion d’énergie dans des méri­diens en acu­punc­ture plu­tôt que la dis­ci­pline. D’ailleurs une vraie défi­ni­tion de l’énergie comme elle existe en phy­sique et même en méde­cine (?) m’aurait sim­pli­fié la com­pré­hen­sion.

Com­ment étiez-vous per­çu socia­le­ment ? J’ai sou­ve­nir d’un podo­logue qui soi­gnait un peu les âmes, mais aus­si qui avait des côtés « sor­ciers ».

J’avoue qu’à cette époque je ne m’en ren­dais pas compte. Après quelques années cer­tains ath­lètes me saluaient d’un « grand sor­cier blanc ou grand guru blanc », je pre­nais cela à la plai­san­te­rie.

Dans mon groupe d’adolescent·es sportif/ves, on répé­tait à qui mieux mieux que vous tes­tiez vos points de pul­so­lo­gie et votre chro­ma­to­thé­ra­pie sur vous-mêmes, avec un cer­tain nombre de « dégâts ». De mémoire, j’ai enten­du dire que vous vous étiez ren­du sourd d’une oreille, et aviez dû batailler pour que ça revienne ; et que vous étiez par­ve­nu à arrê­ter de faire pous­ser votre barbe ! Le saviez-vous ?

J’ignorais la pro­pa­ga­tion de ces récits d’expériences. Pour ce qui est de la barbe, j’étais cer­tai­ne­ment vic­time d’une illu­sion : la barbe pousse sûre­ment de façon inégale comme se fait d’ailleurs la taille : mes obser­va­tions man­quaient de rigueur. En revanche cer­tains essais de cou­leur sur des points pro­vo­quaient des névral­gies très dou­lou­reuses de l’oreille à la joue et ce régu­liè­re­ment. Avec cer­taines bases encore il m’arrive de fer­mer le conduit audi­tif au point de ne pou­voir entrer un coton tige. Ce signe dis­pa­raît avec la base indui­sant le mou­ve­ment inverse.

Quelle fut la pre­mière brèche dans l’é­di­fice ?

Les chaînes mus­cu­laires : je pen­sais que je pou­vais agir direc­te­ment d’un muscle du pied sur un muscle de la même chaîne. D’autres chaînes ont été « inven­tées » toutes par­fai­te­ment étayées et jus­ti­fiées par leur auteur… c’était trop beau ; par contre méca­ni­que­ment, après quelques tâton­ne­ments je n’ai jamais aban­don­né.

J’ai assez tôt acquis le podo­mètre relié à un PC qui pro­po­sait : « C:\ » quand on appuyait sur« on » ; c’est vous dire l’époque ! Cela m’a per­mis de faire mes propres rele­vés, sur le ter­rain, quant à la dis­po­si­tion et l’intensité des appuis selon la pos­ture. Cer­taines théo­ries sur les appuis domi­nants, l’entésophite plan­taire et cette obses­sion du val­gus cal­ca­néen datant du diplôme se sont vues remises en ques­tion. L’imagerie, enri­chie d’un sta­to­ki­né­si­mètre a com­men­cé à mettre en évi­dence cer­taines réa­li­tés. J’ai pu objec­ti­ver le non-effet (en tous cas immé­diat) d’éléments de semelles, de mobi­li­sa­tion arti­cu­laire, d’application d’aimants et de « réglage fré­quen­tiel » au Gire­lase de points que je pen­sais impor­tants pour l’équilibration.

Le Gire­lase, c’est un objet laser, fabri­qué par Seda­te­lec, dans le Rhône, dif­fu­sant les fré­quences A (orange), B (rouge), C (jaune), D (rouge tan­go), E (bleu pétrole), F (bleu fon­cé), G (magen­ta) et des­ti­né à rem­pla­cer les aiguilles en acu­punc­ture et en auri­cu­lo-méde­cine de Paul Nogier, inven­teur de l’auriculothérapie.

En acu­punc­ture, par exemple, j’avais du mal à cla­ri­fier les notions d’excès ou de carence en aci­di­té, les deux pou­vant être la cause de dérè­gle­ment des fonc­tions hépa­tique et vési­cu­laire.

Je ris très faci­le­ment de moi-même et quand en kiné­sio­lo­gie je « toni­fiais un méri­dien » je me voyais bras­ser de l’air. Même si je fai­sais un acte qui pour le patient et moi était réel.

Puis arrivent les années 1990. Petit à petit je fais le tri par­mi toutes ces méthodes sans aban­don­ner la pra­tique podo­lo­gique dite clas­sique ou offi­cielle ; je m’initie aux semelles ther­mo­for­mées et uti­lise une acu­punc­ture défi­nie par moi comme « occi­den­tale », mal­gré la moxi­bus­tion mais avec le laser. Je pra­tique éga­le­ment la chro­ma­to et la chro­ma­to-punc­ture. J’assiste tou­jours à dif­fé­rents stages ou confé­rences. Je mobi­lise le pied et essaie la ciné­sio sans beau­coup de suc­cès (après son homéo­pa­thie : deuxième décep­tion Bour­diol). En acu­punc­ture je ne m’accorde qu’un point, rare­ment deux. Je cesse tout ce qui res­semble de près ou de loin à du magné­tisme. Un pas­sage à l’institution Cara­velle où je n’ai fait que de la chro­ma­to ocu­laire m’a beau­coup inté­res­sé.

Avec une kiné ath­lète pra­ti­quant l’ostéo crâ­nienne nous devions exa­mi­ner des jeunes diag­nos­ti­qués autiste ou hyper-actif. Il y a eu de bonnes réac­tion de leur part.

Pour les per­sonnes curieuses, nous avons ren­du il y a quelques années un topo com­plet sur l’os­téo­pa­thie cra­nio-sacrée, dans un rap­port pour le Conseil de l’Ordre des mas­so-kné­si­thé­ra­peutes, ain­si qu’une publi­ca­tion dans la revue PlOs1 (ici).

Le livre de Ray­mond Sohier « Deux marches pour la machine humaine : celle « qui vient d’en haut » et celle « qui vient d’en bas » » (Michel Haye, 1989). et les tra­vaux du Dr Pierre-Marie Gagey (rap­por­tés par mes deux confrères) m’ont beau­coup orien­té vers ce que j’ai fait ensuite ne serait-ce que parce que dans les deux cas, le pied y est. Il y a dans la méthode des enre­gis­tre­ments du sys­tème pos­tu­ral fin qui per­met un com­pa­ra­tif sans, avec, après le port des orthèses.

Ce qui m’intéresse par­ti­cu­liè­re­ment c’est le tra­vail de com­pa­rai­son : appuis-pos­ture ; ciné­ma­tique du centre de pous­sée-dyna­mique de marche ; et les enre­gis­tre­ments du sys­tème pos­tu­ral fin. Je reste pour­tant cri­tique pour tout en m’opposant à la posi­tion “for­cée“ du pied dans des sports comme le ten­nis ou le foot. À part la course à pied sur piste ou sur route il est impos­sible de fixer un pied dans une posi­tion dite idéale ; je défends, à peine per­due, un pied arti­cu­lé et mus­clé qui doit donc être consi­dé­ré comme tel. Dans le bien fon­dé des soins de pédi­cu­rie sur des pieds dont la patho­lo­gie ne vient que des chaus­sures (les conseils don­nés ne sont pas consi­dé­rés comme un tra­vail et sys­té­ma­ti­que­ment contre­dits); les soit-disant pro­grès podo­lo­giques qui ne résultent que dans l’apparition de maté­riaux nou­veaux mais non d’une connais­sance plus appro­fon­die de l’implication du pied dans ce qui se passe au des­sus et inver­se­ment. De plus je reproche à la pos­tu­ro­lo­gie ce que je reproche à la chro­ma­to­thé­ra­pie entre autres : l’obligation de suivre chaque stage de 1 à x, en tous cas à l’époque, alors que les pra­ti­ciens for­més pra­tiquent fina­le­ment à leur idée. Par la suite, des stages de pos­tu­ro­lo­gie Gagey ont été pro­po­sés par la fédé­ra­tion. La pos­tu­ro­lo­gie Bri­cot (de Ber­nard Bri­cot, auteur sur la RPG) avec appli­ca­tion d’un filtre pola­ri­sant dans des semelles ne m’a pas inté­res­sé.

J’ajoute ne m’être jamais atta­qué à des mala­dies graves (hor­mis une dépres­sion, mais contre ma volon­té) : seule­ment aux effets secon­daires, comme par exemple des brû­lures après trai­te­ment.

Mon lan­gage évo­lue vers celui des sciences ouvertes en oppo­si­tion à occultes qui ont peut-être mené à quelques dérives sec­taires… Cela déroute ma clien­tèle et pro­voque une frac­ture avec mes deux confrères.

En 1999, je réponds à l’annonce d’une mai­son médi­cale recher­chant un pédi­cure-podo­logue. J’essaie ain­si, aidé de l’éloignement (380 km) de reve­nir à la pra­tique offi­cielle. Au début : Lun­di, mar­di, ven­dre­di à Avon ou je dimi­nue dou­ce­ment le nombre de mes patients ; mer­cre­di, jeu­di, où je crée une nou­velle clien­tèle.

Si je com­prends bien, vous avez exer­cé votre métier pen­dant 17 années, en y gref­fant diverses tech­niques « alter­na­tives », et c’est au bout de quelques temps que les fis­sures se firent.

Qu’a­vez-vous fait alors ? En avez-vous par­lé à vos proches

J’ai exer­cé jusqu’au bout selon dif­fé­rentes méthodes et à par­tir de 2008 avec celle que je met­tais au point ; la pre­mière faille s’est pro­duite au bout de 15 ans parce que je n’étais pas à l’aise d’exercer une acti­vi­té qui ne cor­res­pon­dait pas à l’annonce figu­rant sur ma plaque pro­fes­sion­nelle (ça me tra­vaillait cer­tai­ne­ment depuis pas mal de temps).J’en ai par­lé à mes proches car je dési­rais me délo­ca­li­ser, chan­ger de lieu à un endroit où on me deman­de­rait des soins de pure pédi­cu­rie-podo­lo­gie. Sur place, ma répu­ta­tion était trop spé­ci­fique.

En avez-vous par­lé à vos col­lègues ?

Non. Cepen­dant, j’ai ces­sé d’aller en stage avec mes deux col­lègues pour diver­gence de vues ; l’un s’attachant en plus à la numé­ro­lo­gie, l’autre à l’anthroposophie ! Je n’y voyais aucune appli­ca­tion pro­fes­sion­nelle.

À vos ensei­gnants des­dites tech­niques ?

Non.

À quel moment avez-vous ren­con­tré le scep­ti­cisme / le ratio­na­lisme / la zété­tique ?

De nature confiant et assez dépour­vu de méfiance je vou­lais répondre à la demande de mes patients. Suite à un cer­tain appel télé­pho­nique pro­po­sant une ren­contre autour d’une chope avec toi, j’ai consul­té un site du nom de zété­tique : ça s’est ins­tal­lé petit à petit. Bien sûr ça ne s’est pas fait spon­ta­né­ment ; voi­ci quelques faits qui m’ont inter­pel­lé :

- une catas­trophe huma­ni­taire suite à un séisme ou une inon­da­tion qui m’a fait dire : « on aurait l’air fin avec nos points d’acupuncture »,

- la pro­pa­ga­tion de l’EPO (éry­thro­poïé­tine) qui ren­dait mes méthodes de pré­pa­ra­tion phy­sique ridi­cules,

- il m’arrivait de me ser­vir uni­que­ment du diag­nos­tic du méde­cin,

- j’entendais les per­sonnes pra­ti­quant le même genre de méthode que moi par­ler d’énergies sans les mettre en évi­dence, sans mesures et j’étais conscient de la dif­fé­rence de niveau à ce sujet avec les dis­ci­plines scien­ti­fiques.

Quel impact cela a eu ensuite sur vous, sur votre pra­tique ?

Le réveil et le désir d’être un « podo­logue nor­mal » en tra­vaillant clas­si­que­ment dans une mai­son médi­cale. Mal m’en a pris hélas !

Pour­quoi mal vous en a pris ?

Des gros frais inat­ten­dus (entre autres de voi­ture) m’ont contraint à renon­cer et il a fal­lu des années pour remon­ter un petit peu.

Mais aus­si un grand net­toyage de l’esprit et ça tombe bien, je suis un défen­seur de l’hygiène men­tale et cor­po­relle (bien sûr sans excès ni fana­tisme, ce qui s’auto-contredirait).
En fait je suis reve­nu aux expli­ca­tions ana­to­miques, phy­sio­lo­giques, neu­ro­lo­giques telles qu’on les apprend dans les écoles ; agré­men­tées tou­te­fois d’une bonne dose de régu­la­tion comme je la vois sur l’équilibration et les réac­tions à cer­tains dys­fonc­tion­ne­ments (tout de même !).

Désor­mais, com­ment voyez-vous toute cette période ? Com­ment per­ce­vez-vous ces pra­tiques ? Com­ment com­pre­nez-vous la soif des thé­ra­peutes, et sur­tout la soif du public pour ces che­mins de tra­verse, même si pour la plu­part ils ne mènent nulle part ?

Cette période fai­sait suite à mes pre­mières années d’exercice pen­dant les­quelles je me suis très vite ennuyé. La pédi­cu­rie-podo­lo­gie de l’époque se pra­ti­quait d’un côté « en grat­tant de la corne » prin­ci­pa­le­ment et de l’autre à exé­cu­ter des ordon­nances de semelles : décou­per, râper, col­ler. Les semelles par élé­ments étaient les semelles offi­cielles ; les semelles mono­blocs des ortho­pé­distes étaient des « ther­mo­for­mées » avant l’heure et pour­tant décriées par notre pro­fes­sion.

Après mon pre­mier stage à Rennes, je ne m’ennuyais plus au tra­vail grâce à la grande ouver­ture pro­po­sée par un neu­ro­logue s’adressant à dif­fé­rents pro­fes­sion­nels de san­té et ain­si pro­po­sait un outil mul­ti­dis­ci­pli­naire fai­sant de cha­cun un maillon utile au trai­te­ment du patient. Les podo­logues ayant tra­vaillé avec ce spé­cia­liste avaient de gros cabi­net avec pro­thé­siste à domi­cile. Nor­mal, ils étaient très effi­caces et pour cer­tains, par­ta­geaient volon­tiers leurs connais­sances.

Le recy­clage facile est appa­ru ; une sur­en­chère de pro­po­si­tions nous don­nait la pos­si­bi­li­té d’acquérir des cer­ti­fi­cats, voire des diplômes plus ou moins « fac­tices « . Ajou­ter « du sport » à sa spé­cia­li­té ras­su­rait quant à la com­pé­tence du pra­ti­cien. La sta­tique, puis la pos­ture, l’ostéo et autre étio­pa­thie ouvraient la vue sur un champ tel­le­ment éten­du de magie thé­ra­peu­tique. Les gad­gets comme les aimants, les filtres, les huiles essen­tielles appli­qués direc­te­ment sur les pieds ou sur des semelles les­quelles avaient « soi­gné » telle star du sport ren­daient bien pâle une pra­tique pro­fes­sion­nelle dite clas­sique. Ces méthodes comme celle que j’ai éla­bo­rée semblent com­plètes pré­sen­tées en kit clé en main. Elles per­mettent d’apporter au pra­ti­cien un plus auquel la clien­tèle est sen­sible ; elles sont cen­sées à mini­ma être pré­ven­tives… ?.

Il fal­lait se dis­tin­guer pour exis­ter ou être l’élément d’un cercle de pro­fes­sion­nels de san­té qui se com­pre­naient. Avec la venue des chaus­sures de sport pro­na­trices ou supi­na­trices, l’auto-correction à l’image de l’auto-médication ren­dait incom­pé­tent le podo­logue qui n’en favo­ri­sait pas l’acquisition. Nous devions pour être recon­nu, pro­non­cer un des mots connus du monde du sport : supi­na­tion, pro­na­teur, val­gus cal­ca­néen, cycle pos­té­rieur. Un père m’ayant ame­né son fils « spor­tif » a nuit beau­coup à ma répu­ta­tion en me disant inca­pable de détec­ter le val­gus cal­ca­néen de celui-ci ; j‘ai eu le tort de ne pas lui dire : « oui il y a un val­gus cal­ca­néen mais il est trop peu impor­tant pour être réduit ». En fait je n’en par­lais pas car pour moi cor­ri­ger ses val­gus aurait eu ten­dance à aggra­ver sa pos­ture. Il fal­lait au pro­fes­sion­nel par­ler comme dans les maga­zines ou ce qui cir­cule sur les sites spé­cia­li­sés. Pour­tant je trouve très utiles ces sites si peu que l’on soit for­mé à l’auto-défense…

Il est vrai aus­si que j’étais très sur­pris quand je voyais diag­nos­ti­quer une ten­di­nite à un endroit où il n’y a aucun ten­don.

Le public qui cherche à en remon­trer au pro­fes­sion­nel, et celui-ci, qui est aus­si public échappent dif­fi­ci­le­ment à l’activité mar­ke­ting.

Ce qui me reste prin­ci­pa­le­ment c’est une course à la com­pé­tence, une recherche de réponses aux pro­blèmes posés par la patien­tèle ; mais aus­si en ce qui concerne « l’acupuncture » que j’écris entre guille­mets car je n’ai jamais implan­té une aiguille (je me ser­vais de moxa pour chauf­fer les points), une atten­tion plus fine en cli­nique ; en pos­ture, marche, orthèses, une connais­sance plus appro­fon­die et plus éten­due en neu­ro-phy­sio­lo­gie, sys­tèmes pro­prio­cep­tif, sen­si­tif, etc. Je dis­cu­tais beau­coup avec un vété­ri­naire acu­punc­teur et pour­tant diri­geant un labo­ra­toire d’analyse. Nous par­lions des grands points, les mêmes effi­caces chez les ani­maux comme chez les humains… ; mais jamais de cir­cu­la­tion d’énergie.

Très peu bavard de nature, j’ai par contre subi et par­ti­ci­pé à des dis­cus­sions creuses agré­men­tées de : « for­cé­ment ça fonc­tionne, les ondes, les vibra­tions, les Chi­nois » . Le len­de­main d’émissions sur les « méde­cines » alter­na­tives chaque tenant d’une méthode avait trou­vé que celle qu’il pra­ti­quait avait le mieux convain­cu. Ce sont les tenant de l’ésotérisme (science obs­cure) qui accusent les tenant de la science ouverte d’être fer­més. Dom­mage qu’il y ait aus­si les : « je crois que ce que je vois » et les « si ça mar­chait, ça se sau­rait »

Je me suis ren­du compte d’avoir vécu dans un monde idéal où tout pour­rait se résoudre faci­le­ment. La prise de conscience fut bru­tale…

Que conseille­riez-vous à des jeunes pro­fes­sion­nels de san­té qui vou­draient par­tir sur de tels sen­tiers ?

Si on se sent bien dans sa pro­fes­sion comme ça a été le cas pour un confrère main­te­nant retrai­té, pas de rai­son de cher­cher ailleurs ; Il a pra­ti­qué comme son diplôme le lui a per­mis et a sui­vi les stages pro­po­sés par la fédé­ra­tion. Seule une for­ma­tion pour les réseaux « dia­bète » l’a dis­tin­gué.

Il semble que les matières mul­ti-dis­ci­pli­naires soient aujourd’hui les plus sui­vies par les pédi­cures-podo­logues ; elles enri­chissent en connais­sances et béné­fi­cient d’une répu­ta­tion de sérieux grâce aux méde­cins qui les repré­sentent. Ce sont la pos­tu­ro­lo­gie du doc­teur Gagey (& Weber, & Vil­le­neuve) et les réseaux « dia­bète ». Elles situent et main­tiennent chaque pro­fes­sion­nel de san­té dans son cré­neau. Ajou­tons à cela l’inscription sur une liste de pra­ti­ciens ayant sui­vi l’enseignement…

Pour ceux qui se cherchent une autre voie, dès le début il faut affi­cher clai­re­ment le chan­ge­ment et ne pas se com­por­ter contre la méde­cine, les pres­crip­tions et leurs pres­crip­teurs ; ceux-ci engagent leur signa­ture.

Il faut savoir dire « non » quand on sort de son domaine de com­pé­tence.

Je me fai­sais prendre au piège quand mes patients pre­naient ren­dez-vous pour une « tech­nique » pré­cise alors qu’après exa­men cli­nique je voyais une autre solu­tion. je n’ai pas osé et en défi­ni­tive pas su répondre à un chi­rur­gien qui me consul­tait pour son épaule. Ce que je pen­sais le mieux pour lui aurait été un tra­vail de kiné­si­thé­ra­pie. J’ai tra­vaillé pra­ti­que­ment seule­ment par expé­rience et il m’avait convo­qué pour de la chro­ma­to.

Mes deux confrères (ceux avec les­quels je sui­vais les stages) et moi-même avons eu des « car­rières » com­plè­te­ment dif­fé­rentes. À cher­cher à résoudre tout et n’importe quoi, l’un a été décon­ven­tion­né, l’autre a brillé puis s’est éteint, le troi­sième a fini péni­ble­ment, dans l’oubli et la cri­tique. Pour­tant tous les trois étions férus d’anatomie, phy­sio­lo­gie, patho­lo­gie, neu­ro­lo­gie, bio­mé­ca­nique, pos­ture, dyna­mique de la marche, ciné­ma­tique, etc. L’impossibilité pour nous de faire pra­ti­quer des ana­lyses et l’urgence des soins à appor­ter nous ont pous­sé à cher­cher « ailleurs ». Les podo­mètres per­met­tant l’étude du dépla­ce­ment du centre de pous­sée pen­dant la sta­tion ou la marche, les sta­to­ki­né­si­mètres et l’imagerie pro­duite nous four­nis­saient des sujets d’étude.

Cepen­dant chaque cou­rant d’idées y trou­vait et y trouve encore de quoi confor­ter ses convic­tions…

Avez-vous un regret quel­conque ?

Mon manque de fon­da­men­taux.

Vous vou­lez dire : « pas de regret » pour ces dizaines d’années pas­sées sur des tech­niques pas ou peu solides ?

Je veux dire : pas de regret pour le temps est pas­sé à répondre à la demande d’une patien­tèle qui m’a fait uti­li­ser ce pour quoi j’ai été for­mé, mais aus­si apprendre, appré­cier les moments pro­fes­sion­nels que je pas­sais avec, VIVRE ; pas de regret pour le temps à répondre à un grand besoin d’ab­so­lu que seule une petite par­tie de la science peut per­mettre d’approcher.

L’ac­qui­si­tion tar­dive des outils néces­saires au dis­cer­ne­ment a cepen­dant pro­fi­té à la recherche menée avec un confrère contra­dic­teur, Franck Per­raux, sur un outil per­met­tant l’é­tude des effets éven­tuels d’un éche­lon­ne­ment de points d’ap­pui phy­sio­lo­giques sur 2 ou 3 niveaux. Les essais ont débu­té en 2008, mais n’ont pas abou­ti, mon col­lègue étant bru­ta­le­ment décé­dé.

J’ai essayé, il y a plus d’un an, de répondre à la fiche « éva­lua­tion – Zété­tique & auto­dé­fense intel­lec­tuelle – R. Mon­voi­sin » de votre ensei­gne­ment de licence, je me suis trou­vé devant le regret que j’é­vo­quais.

Didier, vous for­cez mon admi­ra­tion, et je vous remer­cie d’avoir racon­té tout cela. J’ai rare­ment ren­con­tré une telle pro­bi­té intel­lec­tuelle. Je suis fier de vous connaître.

Cet article, dont l’élaboration s’est éta­lée sur quelques années, a reçu le concours ami­cal d’Albin Guillaud (auteur de la thèse sur le recours aux thé­ra­pies alter­na­tives et com­plé­men­taires, 2020). Tout com­men­taire, toute ques­tion peut être pos­tée dans les com­men­taires ci-des­sous et nous tâche­rons d’y répondre au mieux.

3 réponses

  1. XXX dit :

    Bon­jour,
    Je viens de finir la lec­ture de votre article « His­toire d ‘une pro­bi­té intel­lec­tuelle – entre­vue avec mon thé­ra­peute alter­na­tif, Didier Richard » publié le 11 novembre 21. Je suis tom­bé des­sus en cher­chant « zété­tique pos­tu­ro­lo­gie » dans Google …

    Cet article m’a fait beau­coup de bien et beau­coup de peine.
    Je suis pédi­cure-podo­logue et depuis que j’ai obte­nu mon diplôme je me rends compte de jour en jour des lacunes scien­ti­fiques qui entourent l’exercice de ma pro­fes­sion. Je constate éga­le­ment l’incroyable pro­pen­sion de mes confrères à s’orienter vers des for­ma­tions conti­nues pseu­do-scien­ti­fiques, vers des thé­ra­pies non éprou­vées par la science et vers des concepts dou­teux.

    J’ai croi­sé de nom­breux pro­fes­sion­nels de san­té défen­dant des pseu­do-sciences. Par­fois avec les meilleures volon­tés du monde, mais par­fois avec un lien d’intérêt notable (exer­çants en tant que for­ma­teur au sein d’un orga­nisme dis­pen­sant ladite for­ma­tion). Il arrive que ces for­ma­tions soient prises en charge par les orga­nismes de finan­ce­ment des for­ma­tions conti­nues (ANDPC et FIFPL)…

    Cet article m’a fait beau­coup de bien car il rap­pelle que cer­tains ont la tête sur les épaules. Mais il m’a fait beau­coup de peine car le pro­blème semble exis­ter depuis long­temps et rien n’a vrai­ment chan­gé. Peut-être suis-je pes­si­miste, mais cela me semble même être de pire en pire.

    La pédi­cu­rie-podo­lo­gie manque de bases scien­ti­fiques solides, c’est un fait. Et il est rude de pra­ti­quer une pro­fes­sion en tâton­nant et en se fiant à son expé­rience (d’autant plus quand on est au fait de ses propres biais). Mais il existe des solu­tions (méthode, publi­ca­tion, véri­fi­ca­tions, … ) et cela pour­rait avan­cer si la pro­fes­sion s’y met­tait. Mais au-delà de cela, la per­méa­bi­li­té aux pseu­do-sciences jette un dis­cré­dit sur la pro­fes­sion.

    Nombre de mes confrères se font avoir par manque de temps, d’esprit cri­tique, de for­ma­tion et d’envie. Cela laisse la porte ouverte à ceux pour qui l’argent pré­vaut sur la méthode et la prise en charge des patients.

    Ce témoi­gnage n’est qu’un expo­sé préa­lable à quelques ques­tions :
    – Dans l’article vous écri­viez « Pierre-Marie Gagey, le méde­cin du tra­vail dans le bâti­ment qui bos­sa avec l‘ophtalmologue Jean-Ber­nard Baron, le fon­da­teur de la pos­tu­ro­lo­gie, dans les années 60 ? Je n’ai jamais étu­dié ça de près, je vais deman­der à mes col­lègues pointu.es » ; auriez-vous des don­nées sup­plé­men­taires ou avez-vous eu un retour de vos col­lègues sur ce sujet ?

    - Auriez-vous un article ou un pro­to­cole qui per­met de « mettre à l’épreuve du feu » métho­di­que­ment une for­ma­tion ou un concept de san­té ? Je me trouve notam­ment en dif­fi­cul­té sur cer­tains concepts qui sont étayés par des publi­ca­tions scien­ti­fiques dont je suis inca­pable de véri­fier la qua­li­té scien­ti­fique (je ne sais pas com­ment m’y prendre).

    Je vous remer­cie par avance

    XXX (la per­sonne sou­haite res­ter ano­nyme)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *