Alphonse Gal­laud de la Pérouse, dit Zo d’Axa, né à Paris en 1864 et mort à Mar­seille en 1930. Anar­chiste comme pas deux. Soli­daire avec ses copains. Après l’ar­res­ta­tion de la bande de Rava­chol, en 1892, Zo d’Axa lance une sous­crip­tion pour les enfants des déte­nus : « pour ne pas lais­ser mou­rir de faim les mioches dont la Socié­té frappe impla­ca­ble­ment les pères parce qu’ils sont des révol­tés ». Il dis­tri­bue l’argent aux familles, ce qui amène son arres­ta­tion pour « par­ti­ci­pa­tion à une asso­cia­tion de mal­fai­teurs ». Empri­son­né, refu­sant de répondre aux inter­ro­ga­toires ou de signer quoi que ce soit, il est mis au secret, sans visite de ses proches ou de son avo­cat, pen­dant un mois.

Un style capil­laire mal­heu­reu­se­ment désuet.

J’en parle parce que la période pré-élec­to­rale se pro­file, et Zo a eu une contri­bu­tion non négli­geable. En 1898, lors des élec­tions légis­la­tives, il annonce dans son jour­nal La Feuille qu’il a choi­si comme can­di­dat offi­ciel… un âne. Dans La Feuille du , il fait par­ler son can­di­dat : « (…) Je m’ap­pelle Nul, comme sont mes concur­rents les can­di­dats. Je suis blanc, comme le sont nombre de bul­le­tins qu’on s’obs­ti­nait à ne pas comp­ter et qui, main­te­nant, me revien­dront. »)

Le jour du scru­tin, Zo d’Axa par­court la ville sur un char tiré par l’âne blanc, sui­vi d’une foule hilare. Vient la police, qui veut mettre fin à la mani­fes­ta­tion et conduire l’âne à la four­rière ; s’en­suit une bagarre et Zo d’Axa relâche l’âne en disant : « Cela n’a plus d’im­por­tance, c’est main­te­nant un can­di­dat offi­ciel ! »

Deux ans plus tard, il aura ces mots :

« Paris ! Le Paris qui vote, la cohue, le peuple sou­ve­rain tous les quatre ans… Le peuple suf­fi­sam­ment nigaud pour croire que la sou­ve­rai­ne­té consiste à se nom­mer des maîtres. Comme par­qués devant les mai­ries, c’était des trou­peaux d’électeurs, des hébé­tés, des féti­chistes qui tenaient le petit bul­le­tin par lequel ils disent : J’abdique. […] Addi­tion­nez les bul­le­tins blancs et comp­tez les bul­le­tins nuls, ajoutez‑y les abs­ten­tions, voix et silences qui nor­ma­le­ment se réunissent pour signi­fier ou le dégoût ou le mépris. Un peu de sta­tis­tique s’il vous plaît, et vous consta­te­rez faci­le­ment que, dans toutes les cir­cons­crip­tions, le mon­sieur pro­cla­mé frau­du­leu­se­ment dépu­té n’a pas le quart des suf­frages. De là, pour les besoins de la cause, cette locu­tion imbé­cile : Majo­ri­té rela­tive — autant vau­drait dire que, la nuit, il fait jour rela­ti­ve­ment. Aus­si bien l’incohérent, le bru­tal Suf­frage Uni­ver­sel qui ne repose que sur le nombre — et n’a pas même pour lui le nombre — péri­ra dans le ridi­cule. » (Les Feuilles, Il est élu, 1900).

Douze ans plus tôt, Octave Mir­beau publiait le court et déca­pant « La grève des élec­teurs », que je vous mets ici, pris sur Gal­li­ca, le site de la Biblio­thèque natio­nale de France. Télé­char­ger.

Pour aller plus loin, me reviennent deux émis­sions tour­nant autour de la ques­tion :

  • Michel Winock, par­lant dans Concor­dance des temps, sur France Culture dans l’é­mis­sion du 27 mars 2021 inti­tu­lée « Élec­tions : la pro­por­tion­nelle entre heurs et mal­heurs » (ici) ;
  • le socio­logue Jéré­mie Moua­lek, qui a fait sa thèse sur le sujet des votes blancs et nuls, cause ici : « La voix des nuls », de Kris­ten Falc’­hon, sur Arte Radio le 23 avril 2018. Où l’on apprend entre autres que l’ap­pré­cia­tion du blanc et du nul dépend par­fois du bureau de vote ; que mar­quer blanc sur un bul­le­tin fera cer­tai­ne­ment un nul ; et que les blancs ont été par­fois comp­tés, jus­qu’en 1913.

 

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