Tho­mas Son­net de Cour­val, Satyre contre les char­la­tans…, Paris, Jean Mil­lot, 1610.

Autre­fois, on trai­tait les faux thé­ra­peutes de mages, de cir­cu­la­tors, de puri­fi­ca­teurs, de ras­sem­bleurs de foules, de phar­ma­co­poles, de mar­chands de graines ou d’encens ou de prêtres men­diants. On par­le­ra ensuite d’esbroufeurs, d’ia­tro­mages, de babilleurs, de médi­castres, pipeurs, affi­neurs, thé­ria­cleurs, empy­riques, voire mon­tim­ban­co (que les anglais gardent en moun­te­banck) et sal­tim­ban­co.

Et char­la­tan ? Il pro­vien­drait de l’italien ciar­la­ta­no, croi­se­ment de ciar­lare « bavar­der, jaser », et de cer­re­ta­no, habi­tant de Cer­re­to, plus pré­ci­sé­ment Cer­reo­to di spo­le­to, vil­lage appe­lé depuis 1612 Paese dei Ciar­la­ta­ni (le pays des char­la­tans) dont les habi­tants ven­daient soi-disant des drogues sur les places publiques.  Pre­mière occur­rence à ma connais­sance dans un livre fran­çais ? 1572 (chez Amyot). Mais je dois revoir mon regard sur les char­la­tans après lec­ture des tra­vaux de l’his­to­rien David Gen­til­core, qui nous dit en sub­stance :

« À par­tir du milieu du XVIe siècle, les tri­bu­naux ita­liens du Pro­to­me­di­ca­to (Note­de­Rich : sorte de corps tech­nique enca­drant à l’époque des pro­fes­sions de san­té), les col­lèges de méde­cins ou bureaux de san­té ont récla­mé aux « char­la­tans » de sou­mettre leurs médi­ca­ments à l’ins­pec­tion et, après appro­ba­tion, de payer un droit de licence afin de mettre en place une scène sur laquelle vendre ceux-ci. (…) Pour les magis­tra­tures médi­cales, les char­la­tans avaient une iden­ti­té défi­nis­sable, consti­tuant un métier ou une occu­pa­tion spé­ci­fique [dési­gnant moins](…) un terme d’a­bus qu’une éti­quette géné­rique et bureau­cra­tique, iden­ti­fiant une caté­go­rie de gué­ris­seur. (…) C’é­tait une éti­quette que les char­la­tans uti­li­saient eux-mêmes. Le meilleur indi­ca­teur du carac­tère large du milieu social, cultu­rel et éco­no­mique dont sont issus les char­la­tans et au sein duquel ils ont conti­nué à cir­cu­ler, vient de la Guilde des méde­cins, apo­thi­caires et épi­ciers de Flo­rence. Au cours des vingt-huit années de 1592 à 1628, 114 char­la­tans se sont ins­crits dans la guilde, soit une moyenne de quatre par an. Les char­la­tans consti­tuaient le plus grand groupe des quelque 2 000 com­mer­çants qui se sont ins­crits au cours de cette période. » (…) Tout d’a­bord, grâce à l’ins­pec­tion, l’exa­men, l’oc­troi de licences et de bre­vets, et les recherches occa­sion­nelles ou régu­lières, les auto­ri­tés croyaient pou­voir garan­tir que les char­la­tans opé­raient dans des limites accep­tables. Deuxiè­me­ment, une grande par­tie de ce que les char­la­tans vou­laient vendre était en fait très proche des remèdes conte­nus dans les phar­ma­co­pées civiques, et les auto­ri­tés pro­cé­daient sim­ple­ment à une sorte de contrôle de qua­li­té »1.

J’a­vais envie de par­ta­ger. Et de vous livrer en pâture cette cita­tion de La can­ta­trice chauve », d’Eu­gène Iones­co qui m’a tou­jours lais­sé per­plexe (sur­tout si on habite les Malouines) :

Tous les doc­teurs ne sont que des char­la­tans. Et tous les malades aus­si. Seule la marine est hon­nête en Angle­terre.”

Les char­la­tans ita­liens, de Karel Dujar­din (1657, Louvres)

Notes

  1. David Gen­til­core, Uni­ver­si­ty of Lei­ces­ter, 2007 SN 5800 – Ita­lian Char­la­tans Data­base Stu­dy Docu­men­ta­tion ; David Gen­til­core, Medi­cal char­la­ta­nism in ear­ly modern Ita­ly, Oxford Uni­ver­si­ty Press, 2006.

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