En tra­vaillant sur le bou­quin que je pré­pare avec Nico­las Pin­sault sur le pla­ce­bo, j’ai regar­dé l’hé­ri­tage des méde­cins ara­bo-musul­mans. C’est comme cela que j’ai regar­dé le livre « Canon de la méde­cine » (Kitab Al Qanûn fi Al-Tibb) d’A­vi­cenne, et écou­té il y a quelques semaines « Avi­cenne, le prince des savants (980 – 1037) » dans Toute une vie, sur France Culture.

Un point m’a­vait fait tiquer, nar­ré je crois par la confé­ren­cière Béné­dicte Penn, concer­nant l’hôpital qui porte son nom, à Bobi­gny. Alors j’ai été regar­der un peu.

L’his­toire de cet hôpi­tal, élé­ment du groupe Hôpi­taux uni­ver­si­taires Paris Seine-Saint-Denis de l’As­sis­tance publique – Hôpi­taux de Paris, mérite le détour, et com­mence en 1926, quand un méde­cin d’Al­ger, Amé­dée Laf­font, lance l’i­dée d’un hôpi­tal réser­vé aux musul­mans, rési­dents ou de pas­sage, de la région pari­sienne. Il créé un « Comi­té Laf­font » avec des poli­tiques, construit son pro­jet et le file à André-Pierre Godin, conseiller muni­ci­pal de Paris, ancien admi­nis­tra­teur colo­nial en Algé­rie, et sur­tout fon­da­teur du Ser­vice de sur­veillance et de pro­tec­tion des indi­gènes nord-afri­cains, qui sert à sur­veiller une popu­la­tion crois­sante embau­chée dans les usines de la région pari­sienne et com­po­sée alors majo­ri­tai­re­ment de kabyles. L’i­dée de Godin ? Contrô­ler la pro­tec­tion sani­taire d’une popu­la­tion en état de san­té pré­caire, et sur­tout : la sur­veiller.

L’hô­pi­tal fran­co-musul­man de Paris, ain­si nom­mé, est inau­gu­ré à Bobi­gny en 1935 (contre l’a­vis de la Mai­rie d’ailleurs). Il est réser­vé uni­que­ment aux patients musul­mans de Paris et du dépar­te­ment de la Seine. L’hô­pi­tal est pla­cé sous l’au­to­ri­té de la pré­fec­ture de police de Paris et rat­ta­ché au Ser­vice de sur­veillance et de pro­tec­tion des indi­gènes nord-afri­cains, le fameux SSPINA, deve­nu Ser­vice des affaires indi­gènes nord-afri­caines, jusqu’en 1945 – ser­vice for­te­ment dénon­cé pour ses agis­se­ments entre autres par Pierre Laroque en 1938.

Sous cou­vert de soins gra­tuits, l’hô­pi­tal devient donc le fer de lance d’un dis­po­si­tif de contrôle poli­cier visant à l’identification éven­tuelle de magh­ré­bins natio­na­listes. Dans les rangs des tra­vailleurs immi­grés émergent à cette époque les pre­miers mou­ve­ments indé­pen­dan­tistes comme « L’étoile nord-afri­caine » emme­née en autres par Mes­sa­li Hadj. Tous les musul­mans pré­sents dans les autres hôpi­taux pari­siens com­men­ce­ront à y être emme­nés de force en cars de police !

 

L’hôpital fonc­tion­ne­ra ain­si jusqu’à la réqui­si­tion de 1940, puis les Nazis le res­ti­tue­ront au régime de Vichy, qui ouvri­ra pro­gres­si­ve­ment les soins à la popu­la­tion non-musul­mane (pour des rai­sons éco­no­miques), mais en ren­for­çant aus­si le contrôle poli­cier, en créant une sec­tion anti­com­mu­niste dans la sur­veillance des « indi­gènes » venus d’A­frique du Nord.

Je ne vou­lais pas gar­der cette ter­rible his­toire pour moi. Mes sources sont diverses, et la page Wiki­pé­dia est bien docu­men­tée.

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