Imaginons qu’un individu, non agriculteur, sans aucune expertise de biochimie, de pharmacopée ou d’élevage, fasse un livre incompréhensible vantant les mérites des lutins des forêts, comme les Carcaris du Trièves ou du Valbonnais qui outre voler le linge des braves gens la nuit, apportent de bonnes récoltes en répandant une poudre d’escampette1. Il y a fort à parier que les paysan·nes regarderaient la théorie du monsieur d’un œil circonspect, et se diraient quelque chose comme : « avant de miser sur les lutins, vérifions qu’ils existent », et « s’il n’y a aucun moyen de montrer qu’ils existent, alors quelle différence y a‑t-il entre un lutin et… pas de lutin ? »2
Et si, se contraignant à lire le livre, les paysan·nes les plus « de gauche » constatent que l’auteur défend une pseudo-théorie raciale et très conservatrice, il est presque certain que le bouquin finira au compost.
Dans l’Aura paysanne de mai 2018, qui fait un travail remarquable par ailleurs, une page entière a été consacrée aux préparations biodynamiques. Nous, paysan·nes du réseau ça nous questionne.
D’abord, certain·es d’entre nous ont patiemment lu Le cours aux agriculteurs, de Rudolf Steiner3, ainsi que d’autres de ses ouvrages. L’ensemble est une sorte de grande poésie astrologico-cosmique, assez incompréhensible, émaillée de nombreux passages sur la race (blanche) comme moteur de la civilisation et sur la domination de la Culture allemande. Les conseils qu’il donne en agriculture ne sont pas basés sur des expériences, mais sur ce qu’il appelle ses « intuitions ». Celles-ci naissent dans un cadre spirituel bien précis, appelé l’Anthroposophie, qui postule entre autres choses un monde divin, des esprits supérieurs qui guident, un karma, des mondes perdus comme l’Atlantide, des archanges et des maladies qui sont des messages venus d’un autre monde… Si vous en doutez, ce qui est légitime, n’hésitez pas à vous pencher sur son œuvre.
Rares sont les scientifiques qui ont le temps d’aller vérifier des choses qui sont avancées par d’autres sans éléments, en vertu de la loi de Brandolini : « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire ».
Pourquoi alors les usagèr·es de la biodynamie, qui sont des gens scrupuleux, soucieux de la nature, et qui ne sont pas plus bêtes que les autres, valident-il·elles leur pratique comme efficace ? Pour des raisons qui n’épargnent aucun·e d’entre nous ! En voici deux : notre cerveau aime bien justifier ses choix, quitte à enlever les faits qui vont à l’encontre de ce que l’on pense ; et sans culture de contrôle pour pouvoir comparer, on ne peut rien conclure de clair. Quand on fait gaffe à ces biais, et qu’on regarde les résultats d’une « revue de littérature » sur la question (comme par exemple dans Linda Chalker-Scott, The Science Behind Biodynamic Preparations : A Literature Review, HortTechnology 23(6):814–819 · December 2013, ici), la biodynamie, c’est de l’agriculture paysanne bio, enrobée de sorcellerie et de magie aussi inutiles qu’inefficaces.
Considérant le soin que les biodynamistes apportent à leurs culture, il est possible, même prévisible que leurs cultures soient en moyenne mieux tenues que celles des autres, et c’est tout à leur honneur ; mais est-ce la bouse de corne qui en est la cause ? Ou une intolérance plus radicale aux intrants industriels ? Pour l’instant, si bénéfices il y a, il est probable que ce soit à l’attention accrue au sol et le soin apporté aux cultures, qui eux ont des effets démontrés, qu’on les doive. Alors misons pour l’instant sur l’attention accrue à la qualité du sol, sans s’embêter avec la bouse, sauf bien entendu si ça nous fait plaisir. Mais ce plaisir a un prix : en faisant passer pour des techniques valables les cycles lunaires et les préparations mystiques de corne, combien de paysan·nes y passeront une énergie déjà bien entamée ? Combien d’installations se mettront lentement en péril à attendre « un jour racine en période de lune », soi-disant optimal selon la formatrice interviewée ? Comment savoir (et non pas croire) que c’est vraiment un jour optimal ? Comment sait-on que la préparation de silice de corne, comme écrit dans l’article, « renforce la lumière solaire » (?) et « permet une meilleure (?) relation avec la périphérie cosmique (?), avec le cosmos tout entier (?) ». Devons-nous aussi mettre (sans plus ni moins de preuve) une toge, faire le tour du jardin à cloche-pied, prier vers la Mecque, et couper nos légumes avec une serpette d’or, si telle était la recommandation d’une formatrice en serpette d’or dans le journal ? Serait-on au catéchisme, obligé·es d’absorber une religion ? Nous pensons que non. Nous sommes en droit d’attendre des faits et des preuves pour chaque technique que l’on nous propose, et en devoir d’en produire, quand ça nous est possible.
Nous ne sommes pas les premier·es à soulever ce problème. Nous rejoignons par exemple l’avis donné par Christophe Guénon, dans un article rédigé par Coralie Pasquier de Campagnes solidaires d’avril 2018 à propos des techniques qui paraissent miraculeuses comme la permaculture : celles-ci peuvent mettre en péril des installations, épuisant le nouveau paysan, la nouvelle paysanne qui s’y essaie.
Comme disent les critiques spécialisé·es, la biodynamie, n’est que de la biopaysannerie (qui fonctionne) enrubannée de folklore dont l’efficacité reste à prouver, et qui en attendant, risque de faire perdre temps et énergie, denrées déjà bien dépensées dans la paysannerie militante.
Le plus sournois là-dedans, c’est que lorsque nos préparations ne fonctionnent pas, ce n’est jamais la faute de la « théorie » de Steiner, mais immanquablement la notre : nous avons probablement mal fait notre mélange / choisi notre date / mal fait tourner notre vortex. Pendant ce temps-là, perdus dans nos sortilèges et nos méthodes sorties des temps pré-médiévaux, nous passons pour des gens naïfs, ce que les syndicats industriels majoritaires, type FNSEA ne manquent pas de nous servir.
L’un·e d’entre nous a dit un jour : moi, si j’étais anti-paysannerie, je sais ce que je ferais : je financerai les mouvements de ce type, Steiner, et autres. Les énergies seront mises dans des trucs inutiles et fragiliseront les petites fermes, rétives aux grands conglomérats. Le temps leur sera tellement compté que la lutte syndicale ou collective pour défendre une agriculture paysanne qui fait vivre décemment les exploitant.es, et contre les exploiteurs d’exploitants (Danone, Lactalis, Yoplait, Bel…) ne pourra plus se faire. L’idée même de preuve ayant été mise à la poubelle, on pourra balayer les contestataires et lanceur·euses d’alerte avec des non Madame, non Monsieur, les néonicotinoïdes n’ont pas les effets que vous dites. Après les fake news et les fake meds, on ouvrira la porte aux fake agritechs. Et pendant ce temps-là, Laurent Wauquiez continuera à tresser la corde des trop nombreu·ses pendu·es du monde agricole4
Addendum de ma part : dans l’abondant courrier reçu, on me faisait remarquer que le bio est basé sur le sophisme « appel à la nature » : en gros ce qui est « synthétique » est banni et ce qui est “naturel » est fortement encouragé, sans réel contrôle. Ce n’est pas faux, d’ailleurs la notion de « naturel » est tout sauf claire (voir par exemple cet article).
Si la certification bio, dans son cahier des charges, pose beaucoup de problèmes (en particulier sur les aspects thérapeutiques vétérinaires), le « bio » dans sa version politique revendique plutôt la capacité des gens à faire pousser leur subsistance sans s’inféoder aux industries privées, aux semences, aux intrants, aux banques, etc. et exerce une attention accrue à une lecture « systémique » des choses : ne pas défoncer son sol, ne pas défoncer les lombrics, ne pas flinguer tous les insectes, penser des synergies plantes / herbes / ions, garder des haies et futaies…) Mais bio est un terme mal adapté : il vaudrait mieux parler d’écolo-autonomie paysanne.. Mais c’est moins vendeur.
Notes
- « Petits et bourrus, les Carcaris habitent la montagne, dans les bois. Ils se nourrissent de racines et de fruits sauvages, mais il leur arrive de voler des pommes de terre dans nos champs et jardins. Tout comme pour se vêtir, puisqu’ils ne tissent pas, ils sont contraints de venir « emprunter » des vêtements humains mis à sécher sur les fils. Par contre, les chaussures ne les intéressent pas puisqu’on les voit toujours pieds nus. Les bergers ont l’habitude d’atténuer leur soif en buvant dans les assiettes de Carcari, creux qu’on trouve dans les pierres de la région ». On peut lire ça dans , Terre de Brume, 2013.
- Deux arguments connus sont les noms de « Dent d’or de Fontenelle » et de « Dragon dans le garage ».
- Très exactement « Agriculture, fondements spirituels de la méthode bio-dynamique », 8 conférences du 7 au 16 juin 1924 à Koberwitz (Silésie) et conférence du 20 juin 1924 à Dornach, 6e édition, Éditions Anthroposophiques Romandes, 2002.
- L. Wauquiez, président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2016, aura été responsable d’une superbe destruction de subventions vers l’agriculture paysanne, favorisant de maintes manières l’agriculture intensive sévère telle que promue par le syndicat majoritaire, la FNSEA. Rappel : la subvention, ce n’est pas un cadeau ! C’est une compensation, en vertu d’un système inégalitaire.
Un article génial et lu avec le plus grand intérêt 😉
D’abord merci pour cet article et bravo à celleux qui y ont contribué. C’est rassurant de voir des agriculteur·rices bio critiquer sans complaisance la biodynamie, et des zététicien·es défendant l’agriculture bio paysanne et dénonçant les abus de l’agro-industrie, car c’est loin d’être toujours le cas !
L’article cerne bien le problème de la biodynamie qui décrédibilise l’agriculture bio, et crée un engrenage dangereux en tolérant une pratique non basée sur des preuves. Sur le long terme continuer à lutter contre les abus de l’agro-industrie et promouvoir un modèle plus vertueux est sans doute le meilleur moyen d’éviter la prolifération de discours « alternatifs » douteux. Cependant je ne peux m’empêcher d’avoir des réserves sur le modèle d’agriculture biologique tel qu’il se pratique actuellement.
Je précise pour le contexte que j’ai grandi dans un environnement écolo/gauche/altermondialiste, je consomme bio (et local autant que possible) depuis toujours, et je suis végétarienne depuis mes 15 ans. Mais plus je creuse et plus je suis (à mon grand désespoir) forcée de remettre en question la vision sans doute très édulcorée que j’avais du bio, et de l’écologie plus largement.
Aux origines de l’écologie et du mouvement bio
La tendance réactionnaire des débuts de l’écologie en Europe est trop souvent méconnue ou occultée, notamment l’influence des mouvements völkisch et lebensreform (j’ai moi même cru pendant longtemps que l’écologie était intrinsèquement de gauche et progressiste). Les idées de Steiner et de la biodynamie sont en réalité présentes dès les origines du mouvement bio, elles ont même joué un rôle fondateur. L’opposition synthétique/naturel (et donc le rejet des intrants « chimiques » et des OGM) vient en grande partie de là.
Du coup est-il vraiment possible de dissocier agriculture bio et biodynamie ? Idem pour le mouvement écologique qui est tellement imprégné (souvent sans en avoir conscience) par les idées anthroposophiques et par un tropisme réactionnaire, qu’il paraît difficile de faire émerger une écologie rationnelle et progressiste.
Ces dernières décennies on a assisté à une vague de néo-ruraux quittant leur job ennuyeux pour se reconvertir dans l’agriculture, et on a vu fleurir de nombreuses fermes, écovillages et autres tiers-lieux (souvent en lien avec l’anthroposophie) vantant certaines pratiques d’agro-écologie/permaculture comme une solution miracle. Avec pourtant des résultats très discutables pour qui prend la peine de creuser un peu. Aujourd’hui beaucoup de gens quand il pensent agriculture bio et paysanne ont comme référence en tête Pierre Rabhi et la permaculture, mais n’ont jamais entendu parler de René Dumont qui a pourtant été un pionnier de l’agroécologie et avait une véritable expertise en agronomie – contrairement à Rabhi qui s’est contenté de rudiments de biodynamie enrobés d’un discours séduisant.
Les limites de la permaculture sont évoquées dans l’article mais ça aurait peut-être mérité d’être davantage élargi ? Une auto-critique du mouvement bio dans son ensemble me paraît inévitable pour progresser.
Sortir de la dichotomie bio/conventionnel ?
En se définissant par antagonisme au modèle conventionnel, le mouvement bio ne risque-t-il pas d’exclure à tort des techniques performantes et pas forcément incompatibles avec le respect de l’environnement et de la biodiversité ?
Comme dans de nombreux domaines la révolution numérique est venue apporter son lot d’innovations, le secteur de l’AgriTech est en plein essor. Sans tomber dans le piège du techno-solutionnisme, certains de ces outils peuvent jouer un rôle utile, par exemple en optimisant l’apport en eau et en intrants grâce à des capteurs connectés et à une analyse de haute précision.
Je pense également au sujet hautement sensible des OGM. D’après ce que j’ai pu lire, il y a quand même un consensus scientifique sur l’inocuité des OGM (mais n’ayant pas le temps ni les compétences pour vérifier je préfère suspendre mon jugement). En revanche ce dont je suis certaine, c’est que la vision que j’avais auparavant des OGM était en grande partie basée sur des idées fausses, largement véhiculées par des ONG et activistes défendant l’écologie.
Ces idées ont aussi été diffusées par des films très orientés comme « Le Monde selon Monsanto » de Marie-Monique Robin ou « Solutions locales pour un désordre global » de Coline Serreau. On y retrouve des grandes figures anti-OGM comme Pierre Rabhi, Vandana Shiva, Dominique Guillet de Kokopelli (qui est un complotiste bien gratiné, sans parler de ses méthodes de management douteuses), ou Christian Vélot (qui n’a pas brillé par sa rigueur scientifique durant la pandémie).
Il me paraît important de différencier la technologie de son usage. Le problème avec les OGM n’est pas la dangerosité, mais plutôt la situation de monopole de Bayer-Monsanto, la question des brevets, et le choix de développer des semences résistantes aux herbicides. D’autres modèles sont possibles, le riz doré est souvent cité comme exemple positif. Et avec la technologie CRISPR les applications possibles sont nombreuses (avec évidemment un débat à avoir sur la régulation/interdiction de certaines pratiques dangereuses comme la manipulation des virus par exemple). A minima on devrait rouvrir le débat sur cette question et encourager la recherche dans ce domaine (et arrêter de faucher les champs d’expérimentation).
Etant donné la vitesse alarmante du dérèglement climatique (intempéries, sécheresses, débourrement précoce/gel tardif deviennent la nouvelle norme) et la population qui va continuer à augmenter jusqu’à un pic vers 2060, j’ai du mal à imaginer comment on va pouvoir s’en sortir sans ces technologies.
Il y a aussi le débat land sharing/land sparing, certains préconisent une agriculture plus intensive afin de préserver la biodiversité en limitant les surfaces agricoles, alors que l’agriculture bio va plutôt dans la direction inverse. Pour ma part je pense qu’on devrait pour cela en priorité réduire notre consommation de protéines animales (30% des céréales produites en France hors exportation servent à nourrir le bétail, avec le pâturage cela représente environ 2/3 de la surface agricole totale).
Militantisme et modes d’actions
Je tiens quand même à souligner que malgré ses défauts, le mouvement bio/écologie a joué un rôle nécessaire dans l’équilibre des forces face aux dérives croissantes de l’agro-industrie. Mais si on arrive pas à trouver des convergences on risque de finir dans une impasse où les positions vont se polariser au point qu’un débat constuctif ne sera plus possible. Les postures idéologiques et anti-science ont déjà pris une place bien trop importante au sein du mouvement écologiste et d’une grande partie de la gauche. Et les actions violentes de certains mouvements activistes me semble contre-productives (même si je comprends leurs motivations).
Je place beaucoup d’espoir dans des dispositifs comme la Convention Citoyenne pour le Climat. J’avais suivi plusieurs des sessions et j’ai été impressionnée par les citoyens tirés au sort, ils se sont tous impliqués avec beaucoup de respect et de sérieux (gros contraste avec les députés en séance qui sont souvent à somnoler, à regarder leur smartphone, ou à s’invectiver). J’en ai vu se prendre une claque en écoutant Valérie Masson-Delmotte, ils sont nombreux à avoir changé d’avis sur le climat après cette expérience ce qui est plutôt encourageant. Le résultat final a été décevant puisque le rôle de la Convention était seulement consultatif, et que la plupart des propositions ont été vidées de leur substance quand elles sont passées par l’Assemblée. Mais l’exercice citoyen en lui-même était plutôt une réussite, je regrette qu’il ait été aussi peu médiatisé et que peu de gens s’y soient vraiment intéressés.
Le collectif Démocratie Ouverte a aussi planché sur un modèle hybride entre RIC et assemblée citoyenne qu’ils ont baptisé RIC délibératif et que je trouve vraiment bien !
Après toute la difficulté est de savoir comment on apporte l’information aux citoyens pour qu’il puissent faire un choix éclairé. La question de comment on sélectionne les experts qui vont être auditionnés est cruciale. Par exemple faut-il auditionner des représentants d’entreprises et de syndicats ? Doit-on considérer les ONG comme des lobbies ?
Voilà où en sont mes réflexions pour le moment… Il y a encore du travail !
Merci de ce retour et des références qui l’émaillent !
Merci pour ce billet.
Je pense que vous avez eu raison d’interpeller la conf” au sujet de cet article technique au sujet de la biodynamie. Je pense aussi qu’il est nécessaire de s’assurer que ceux qui optent pour des pratiques biodynamiques se rendent bien compte que celles ci sont adossées à un corpus de croyances ésotériques. En revanche, je ne suis pas d’accord avec vous, lorsque vous suggérez que pratiquer la biodynamie serait un gachi. Si je vous comprend bien, vous écrivez que ces pratiques représentent une dépense d’énergie qui ne se traduit pas par un gain de production donc représentent un gachi.
Lorsque vous écrivez cela, je suppose que vous imaginez que chacun serait pourvu d’un réservoir d’énergie fixé et que nous puisons de l’énergie dans ce réservoir pour accomplir nos tâches quotidiennes. Il s’agirait alors d’optimiser la façon d’utiliser ce budget d’énergie. Je pense autre chose. Pour filer la métaphore, je dirais que le réservoir est rempli par nos croyances et vidé par nos activités. L’énergie employée dans nos activités est donc rendue disponible par nos croyances. Nous avons l’énergie de faire parce que nous y croyons. Absolument rien ne garanti que toutes les personnes qui s’engagent dans la voie de l’agriculture biodynamique auraient eu de toutes façons l’énergie de faire de l’agriculture si elle n’avait pas été biodynamique. Il en va de même pour les néo-ruraux qui s’engagent dans l’agriculture permacole façon Bec Hellouin. Je pense que pour une bonne partie d’entre eux, être agriculteur n’est pensable que dans un cadre permacole.
En somme, la biodynamie ne peut pas être un gachi d’énergie pour les agriculteurs qui la pratiquent parce que c’est la biodynamie qui leur donne en fait l’énergie d’être agriculteurs.
Cet avis est une tentative de pas de côté, une autre perspective sur l’acceptabilité de ce qui n’est pas rationnel. Il n’est pas définitif et ne peut pas couvrir la réalité de tous les pratiquants de la biodynamie.
Votre remarque est captivante. Bon, vous me faites dire ce que je ne dis pas : je ne pense pas que ce soit un « gâchis », mais une vraie perte de temps. De fait oui vous avez raison, si c’est cet imaginaire qui fait tenir ces gens, pourquoi pas. Mais si cet imaginaire on le lorgne de près, et c’est celui de Rudolf Steiner, occultiste proto-nazi raciste, alors je ne suis pas sûr qu’on y trouve une amélioration globale du bien-être. Il y a des imaginaires plus souhaitables que d’autres, je pense que vous serez d’accord avec ça. C’est un peu comme les gens qui remercient Brigitte Bardot pour les animaux, ou Cousteau : si les imaginaires dedans sont ultra-conservateurs, à la fin, ces imaginaires rattrapent et ont un impact sur les pratiques. Dans l’absolu je me demande toujours pourquoi l’horizon rationnel, sceptique, large, couplé à de la tendresse et de la bienveillance, n’est pas plus séduisant que ces imaginaires que je trouve très sclérosés.
J’adore votre phrase « le réservoir est rempli par nos croyances et vidé par nos activités ». Je ne sais pas si elle est vraie, mais elle est bien troussée
Amicalement
Merci de votre réponse, et désolé d’avoir déformé vos propos.
Les quelques pratiquants de la biodynamie que je connais ne me semblent pas avoir creusé la genèse de l’anthroposophie. Ils s’approprient la partie qui leur plait, celle qui concerne les esprits de la Nature, en ignorant les aspects nauséabonds. D’un côté je souhaiterais que chacun se renseigne en détail sur une idéologie avant d’y souscrire, de l’autre j’accepte qu’on puisse s’approprier les bons morceaux et laisser de côté les mauvais. Si on observe l’anthroposophie dans son ensemble, il y a les témoignages scandaleux autour de la naturopathie et de l’endoctrinement des enfants et puis il y a Biocoop, Terres de Liens et, d’après Libération, même les AMAP qui me semblent être 3 belles initiatives ! Je pense que nous avons le droit de faire le tri et de ne pas accepter ou rejeter tout en bloc. La même observation vaut pour les autres religions, je pense au catholicisme avec Emmaus par exemple.
Concernant votre interrogation sur l’appétence de certains pour l’occultisme, j’imagine que ça a à voir avec la « complétude » des sciences occultes face à la complexité du monde agricole. Elles apportent toujours une explication à des phénomènes que la vraie science n’est pas tout à fait capable d’expliquer (ou alors en faisant appel à des concepts très avancés). Par exemple : la grêle tombe. Partout, sauf sur cette parcelle où il n’y a aucun dégât. Pourquoi ? Bonne chance pour trouver une explication rationnelle, alors qu’avec les esprits de la Nature… tout s’explique ! C’est le cas pour la météo et encore plus lorsqu’on observe le vivant. Celui ci est si complexe, si surprenant, et la science tellement lacunaire parfois…
Je suis embêté avec cet argument. Un peu comme si parce que la pitié ou l’amour du prochain vient du christianisme (ce qui pourrait se discuter) alors il faut garder le christianisme. Non, gardons l’amour du prochain ! Ce à quoi on doit bioccop, c’est aux courants coopératifs, mutualistes, etc, et non à l’Anthroposophie. Si Terre de liens est soutenue par les courants Anthroposophes (ou même si c’était par la Scientologie, ou les Raëliens) je ne vois pas en quoi il faudrait garder Sciento et Raël. J’entends souvent cet argument pour qu’on respecte la psychanalyse parce qu’on lui doit l’écoute de la parole du patient. D’une c’est inexact, c’était déjà fait avant. De 2, tout le reste étant passablement foireux, voire pire, gardons la parole, pas la psychanalyse. Et si vous vantez l’usage des imaginaires comme dans votre message précédent (moi aussi) il me semble que ça mérite de regarder de près ledit imaginaire. De toute façon, chaque fois qu’il y a un rapport révérent à une entité supérieure, un ordre moral transcendant etc, le piège se refermera tôt ou tard (le plus tragique exemple, José Bové, qui a finit par déclarer des trucs bien conservateurs sur la PMA, ou pire Pierre Rabhi, délicatement homophobe – et leurs arguments sont en lien avec l’écolo-mysticisme) Voyez ce que je veux dire ?
Oui je vois 🙂 j’ai du mal m’exprimer car je ne suggérai pas d’accueillir à bras ouverts l’anthroposophie en entier mais plutôt de séparer le bon grain de l’ivraie dans ce qu’elle a contribué. Comme ce que vous dites, je crois.
les seuls trucs valables dans ces courants est hélas contrebalancé par l’apolitisme : là où je rêverais de paysan·nes révolté·es rejoignant la conf et les ADDEAR, on ne voit que des gens qui s’installent en permaculture, dans un trip souvent égotique, perso et mystique, sans valeurs politique fondamentale. Voyez ce que je veux dire ? J’ai vécu ça de l’intérieur durant une décennie, ça avait qqchose de tragique