Thomas Henry Huxley, photogravure d'après Elliott & Fry

Tho­mas Hen­ry Hux­ley, pho­to­gra­vure d’a­près Elliott & Fry

« À mon avis, le seul bien qui pour­rait sor­tir de la démons­tra­tion de la véri­té du spi­ri­tisme, ce serait de four­nir un nou­vel argu­ment contre le sui­cide. Plu­tôt balayer les rues sa vie durant que de racon­ter, une fois mort, des âne­ries par la bouche d’un médium qui se loue à une gui­née1la séance ! »

Pun­chline tirée d’une lettre du bio­lo­giste Tho­mas Hen­ry Hux­ley, bien connu sous le sobri­quet de « bou­le­dogue de Dar­win », sobri­quet qu’il avait inven­té lui-même car fier et opi­niâtre défen­seur de l’é­vo­lu­tion de Dar­win. Tho­mas est le grand-père d’Al­dous Hux­ley (1894–1963), qui écri­ra entre autres le célèbre Le meilleur des mondes, ain­si que le recueil  Les portes de la per­cep­tion (The Doors of Per­cep­tion), qui m’a beau­coup impres­sion­né quand j’ai lu ça ado car le type ava­lait de la mes­ca­line pour expé­ri­men­ta­le­ment voir ce que ça fai­sait. Cela a aus­si impres­sion­né le chan­teur Jim Mor­ri­son, au point de lui ins­pi­rer le nom de son légen­daire groupe, The Doors2. Aldous et sa femme Lau­ra m’ont aus­si par­ti­cu­liè­re­ment frap­pé par cet épi­sode : ali­té, inca­pable de par­ler dû à un can­cer du larynx, Aldous écri­vit à sa femme un petit papier : « LSD, 100 µg, intra­mus­cu­lar », ce qu’elle fit, rajou­tant quelques heures plus tard 100mg cette fois, met­tant sans souf­france fin à la vie de l’é­cri­vain, en novembre 1963 – le même jour que l’as­sas­si­nat de J. F. Ken­ne­dy, autant dire qu’il est mort dis­cré­tos. Mais je m’é­gare.

Hux­ley (le grand-père, donc) écri­vait le 29 jan­vier 1869 une réponse far­cie de vannes à la Dia­lec­ti­cal Socie­ty de Londres, qui l’a­vait invi­té à par­ti­ci­per au tra­vail du comi­té pour l’é­tude des phé­no­mènes spi­rites ; lettre qui fut impri­mée dans le Dai­ly News du 17 novembre 1871 sous le nom de Report on Spi­ri­tua­lism of the Com­mit­tee of the Lon­don Dia­lec­ti­cal Socie­ty, et que je vous mets plus bas.

Et si vous vou­lez tout savoir, je suis tom­bé sur cette lettre en lisant des bouts de La science de la nature dans le monde des esprits, extrait de Dia­lec­tique de la nature, le livre inache­vé et post­hume de Frie­drich Engels, qui a été un des livres de réfé­rence dans la jeu­nesse de Hen­ri Broch, mon ancien direc­teur de thèse alors je vou­lais y jeter un œil.

La lettre com­plète, en anglais.

I regret that I am unable to accept the invi­ta­tion of the Com­mit­tee of the Dia­lec­ti­cal Socie­ty to co-ope­rate with a com­mit­tee for the inves­ti­ga­tion of « Spir­tua­lism » ; and for two rea­sons. In the first place, I have not time for such an inqui­ry, which would involve much trouble and (unless it were unlike all inqui­ries of that kind I have known) much annoyance. In the second place, I take no inter­est in the sub­ject. The only case of « Spi­ri­tua­lism » I have had the oppor­tu­ni­ty of exa­mi­ning into for myself, was as gross an impos­ture as ever came under my notice. But sup­po­sing the phe­no­me­na to be genuine–they do not inter­est me. If any­bo­dy would endow me with the facul­ty of lis­te­ning to the chat­ter of old women and curates in the nea­rest cathe­dral town, I should decline the pri­vi­lege, having bet­ter things to do. And if the folk in the spi­ri­tual world do not talk more wise­ly and sen­si­bly than their friends report them to do, I put them in the same cate­go­ry. The only good that I can see in the demons­tra­tion of the truth of « Spi­ri­tua­lism » is to fur­nish an addi­tio­nal argu­ment against sui­cide. Bet­ter live a cros­sing-swee­per than die and be made to talk twaddle by a « medium » hired at a gui­nea a séance.

Notes

  1. C’est une ancienne mon­naie d’or bri­tan­nique, extraite depuis la Côte de Gui­née, d’où sont nom, et dont la valeur se sta­bi­li­sa à 21 shil­lings.
  2. D’ailleurs Hux­ley petit-fils avait piqué le titre de son livre à un poème de William Blake, vrai poète ter­ri­fiant : on vient de me rap­pe­ler qu’on peut décou­vrir Blake par des che­mins de tra­verse en lisant la BD Watch­men, d’Al­lan Moore ; et si vous vou­lez tri­per sur Blake, je connais au moins deux autres façons (légales) : lire la ter­ri­fiante BD From Hell (du même Moore et Camp­bell), ou regar­der l’un de mes films pré­fé­rés, Dead Man, de Jim Jar­mush (1995).

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