Hor­reur ! Mon­voi­sin a don­né 3 euros à Das­sault Médias ! Salaud ! Ven­du ! Cryp­to-gaul­liste !

Avec quelques col­lègues, nous avons rédi­gé une tri­bune en mars. Nous visions Le Monde, en réponse à un article du 13 mars, mais Le Monde n’a pas don­né suite. C’est le Figa­ro qui a publié le texte. Je ne suis d’ac­cord avec rien dans la ligne édi­to­riale de cet organe de presse inféo­dé depuis tou­jours aux mar­chands d’armes et d’a­via­tion, mais certain·es jour­na­listes y font du bon job, comme Cécile Thi­bert ou Laure Dasi­nières. Inutile de me dire ceci ou cela sur tel ou telle signa­taire, je ne connais pas tout le monde et je ne pense pas qu’il faille connaître toutes les signa­tures appo­sées pour cau­tion­ner un texte. Ma par­ti­ci­pa­tion au texte n’est que mineure : je n’ai que pro­po­sé des modi­fi­ca­tions de forme et de voca­bu­laire pour adou­cir le ton.

« Ne laissons pas un lobby de pseudo-médecines devenir une agence gouvernementale ! »

TRIBUNE COLLECTIVE – Des pro­fes­sion­nels de san­té s’inquiètent des démarches de l’association Agence des méde­cines com­plé­men­taires et alter­na­tives.

Le 13 mars 2021, l’association Agence des méde­cines com­plé­men­taires et alter­na­tives (A‑MCA) publiait une tri­bune dans Le Monde annon­çant son inten­tion de dépo­ser une réso­lu­tion à l’Assemblée natio­nale des­ti­née à lui confé­rer un sta­tut d’agence gou­ver­ne­men­tale. Or cette asso­cia­tion est, dans les faits, un lob­by pro­fi­tant de l’engouement pour les pra­tiques alter­na­tives en san­té qui pro­meut diverses figures liées à des mou­ve­ments dénon­cés pour leurs dérives sec­taires.

Les méde­cines dites alter­na­tives repré­sentent aujourd’hui un mar­ché en pleine expan­sion. Si elles n’entraînent pas le plus sou­vent de dérive sec­taire, elles sont mal­gré tout à l’origine de la majeure par­tie des signa­le­ments effec­tués auprès de la Mis­sion inter­mi­nis­té­rielle de vigi­lance et de lutte contre les dérives sec­taires (Mivi­ludes). C’est ain­si que des cen­taines de mil­liers de per­sonnes atteintes de mala­dies graves (can­cers, dou­leurs chro­niques…) sont vic­times d’emprise men­tale, embri­ga­dées dans des groupes qui les isolent de la socié­té et détour­nées d’une prise en charge adé­quate et déci­sive.

Bien que peu connus du grand public, les fon­da­teurs de l’A‑MCA (Véro­nique Suis­sa, Phi­lippe Denor­man­die et Serge Gué­rin) pour­suivent depuis trois ans une démarche de lob­bying en faveur des « méde­cines com­plé­men­taires et alter­na­tives », avec pour objec­tif de favo­ri­ser leur essor, leur inté­gra­tion dans la for­ma­tion des pra­ti­ciens de méde­cine et leur recon­nais­sance par l’État. Dans une thèse de psy­cho­lo­gie de 2017 sur l’«évaluation de l’impact des méde­cines com­plé­men­taires et alter­na­tives chez les patients atteints de can­cer », Mme Suis­sa sou­tient quelques pra­tiques non conven­tion­nelles qu’elle pré­sente comme peu dan­ge­reuses, oubliant les 400 pseu­do-méde­cines poin­tées du doigt par l’Organisation mon­diale de la san­té et la Mivi­ludes ain­si que le rap­port d’enquête séna­to­rial de 2013 « Dérives thé­ra­peu­tiques et dérives sec­taires : la san­té en dan­ger ». Asso­ciée à M. Denor­man­die (méde­cin et membre de son jury de thèse) et à M. Gué­rin (socio­logue), Mme Suis­sa codi­rige en 2019 un ouvrage col­lec­tif pré­ten­dant pré­sen­ter un pano­ra­ma équi­li­bré d’une cin­quan­taine de contri­bu­teurs favo­rables ou non aux pra­tiques alter­na­tives. Pour­tant, seul un dixième de la rédac­tion a été confié à des acteurs recon­nus de la lutte contre les dérives sec­taires. La grande majo­ri­té des 420 pages est une ode aux méde­cines dites alter­na­tives.

C’est sur ce ter­reau d’ambiguïtés que la future A‑MCA béné­fi­cie d’importants appuis poli­tiques et uni­ver­si­taires. Par exemple, un mois après la paru­tion du livre, le Pr Jérôme Salo­mon, direc­teur géné­ral de la San­té, l’accueille au minis­tère pour un pre­mier col­loque. Le groupe par­le­men­taire Liber­tés et ter­ri­toires la fait ensuite entrer dans les murs de l’Assemblée natio­nale pour les Pre­mières ren­contres par­le­men­taires des méde­cines com­plé­men­taires et alter­na­tives.

L’A‑MCA est offi­ciel­le­ment fon­dée en sep­tembre der­nier. En février, elle orga­nise le col­loque « Lut­ter contre les dérives en san­té », par­rai­né par deux dépu­tées signa­taires de la tri­bune du Monde : Lau­rence Van­ceu­ne­brock et Agnès Fir­min Le Bodo. Ces der­nières sont pré­sen­tées sur le site de l’A‑MCA comme « experts poli­tiques » de l’association aux côtés des anciens ministres Myriam El Khom­ri et Jean Gatel, ou de dépu­tés tels que Jea­nine Dubié et Fran­çois-Michel Lam­bert, tous signa­taires de la tri­bune.

Pour­tant, lors de ces ini­tia­tives de lob­bying, la néces­si­té d’évaluer et de démon­trer scien­ti­fi­que­ment l’efficacité des « méde­cines alter­na­tives », sur la san­té ou le bien-être des patients, est lar­ge­ment élu­dée. Leur vali­di­té est prin­ci­pa­le­ment jus­ti­fiée par leur popu­la­ri­té et l’absence sup­po­sée de dérives si elles sont pra­ti­quées par des per­sonnes for­mées et bien inten­tion­nées.

Le plai­doyer de l’A‑MCA en faveur de la for­ma­tion des pro­fes­sion­nels de san­té à ces pra­tiques n’est pas sur­pre­nant : M. Denor­man­die est direc­teur des rela­tions san­té de la mutuelle MNH, et M. Gué­rin dirige le mas­ter direc­teur des éta­blis­se­ments de san­té à l’Inseec. Le der­nier col­loque de l’association était d’ailleurs héber­gé par cette entre­prise d’enseignement supé­rieur qui déclare vou­loir se déve­lop­per dans le champ de la san­té.

On peut en revanche s’étonner de leur volon­té affi­chée de « lut­ter contre les dérives en san­té », lorsque plu­sieurs « experts » mis en avant sur le site web de l’A‑MCA ou lors d’événements publics sont eux-mêmes liés à des pra­tiques poin­tées du doigt pour leurs dérives sec­taires. Ain­si, l’un d’eux se reven­dique de la très contro­ver­sée méde­cine anthro­po­so­phique, qui appar­tient à un cou­rant occul­tiste né en 1913, tan­dis qu’un autre fait la pro­mo­tion du « déco­dage cel­lu­laire », tech­nique issue de la « nou­velle méde­cine ger­ma­nique » pos­tu­lant que les mala­dies peuvent se gué­rir grâce à la pen­sée et tenue res­pon­sable de nom­breux décès.

En février der­nier, la Ligue des droits de l’homme expri­mait sa vive inquié­tude face aux manœuvres d’officialisation des acti­vi­tés de l’A‑MCA. Une pre­mière étape vient pour­tant d’être fran­chie avec l’enregistrement le 18 mars d’une réso­lu­tion à l’Assemblée natio­nale. Au-delà de la démarche sin­gu­lière de l’A‑MCA pour deve­nir une agence gou­ver­ne­men­tale, nous crai­gnons que ses actions ne favo­risent l’entrisme, au plus haut niveau de l’État, d’intérêts com­mer­ciaux et de mou­ve­ments sec­taires liés aux pseu­do-méde­cines. Compte tenu des enjeux et des risques inhé­rents aux ques­tions de san­té, cette situa­tion est des plus pré­oc­cu­pantes, puisqu’elle est sus­cep­tible d’interférer avec l’intérêt des patients. Nous, pro­fes­sion­nels de san­té, uni­ver­si­taires et citoyens enga­gés contre les dérives de san­té et l’emprise men­tale, deman­dons au gou­ver­ne­ment et aux dépu­tés de s’opposer à la trans­for­ma­tion de l’A‑MCA en agence gou­ver­ne­men­tale, et plus géné­ra­le­ment aux pou­voirs publics de faire ces­ser la pro­mo­tion de cette asso­cia­tion.

Signa­taires : Asso­cia­tion Skep­tikón ; Char­line Del­porte, Asso­cia­tion CAFFES (Centre natio­nal d’accompagnement fami­lial et de for­ma­tion face à l’emprise sec­taire) ; Éli­sa­beth Fey­tit, docu­men­ta­riste et créa­trice du pod­cast Méta de Choc ; Karine Lacombe, Chef de ser­vice des mala­dies infec­tieuses, Hôpi­tal Saint Antoine, Paris ; Richard Mon­voi­sin, didac­ti­cien des sciences et   Ensei­gnant-Cher­cheur*, Uni­ver­si­té Gre­noble Alpes ; Simon Schraub, Pro­fes­seur de méde­cine, Uni­ver­si­té de Stras­bourg ; Col­lec­tif L’Extracteur ; Joa­chim Thi­bault, Asso­cia­tion ASSCO ; Tran­xen, vidéaste vul­ga­ri­sa­teur en Sciences sociales et poli­tiques ; Tzit­zi­mitl, vidéaste vul­ga­ri­sa­teur en phi­lo­so­phie poli­tiques ; Un Monde Riant, vidéaste vul­ga­ri­sa­teur en fact-che­cking scien­ti­fique ; ACult, vidéaste ; Rodolphe Bos­se­lut, Avo­cat spé­cia­liste des dérives sec­taires, Paris ; Lucienne de Bou­vier de Cachard, Asso­cia­tion Sec­ti­cide ; Cercle laïque pour la pré­ven­tion du sec­ta­risme ; Col­lec­tif Fake­med ; Xavier Duran­do, Pro­fes­seur de méde­cine, Centre de lutte contre le can­cer Jean Per­rin, Cler­mont Fer­rand ; Jean-Jacques Fras­lin, Méde­cin géné­ra­liste, Nantes ; Renaud Marhic, essayiste ; Didier Pachoud, Asso­cia­tion GEMPPI ; Gré­goire Per­ra, pro­fes­seur de phi­lo­so­phie ; Nico­las Pin­sault, Kiné­si­thé­ra­peute et Ensei­gnant-Cher­cheur, Uni­ver­si­té Gre­noble Alpes ; Simone Risch, Infos-sectes Midi-Pyré­nées ; Guy Rou­quet, Asso­cia­tion Psy­cho­thé­ra­pie Vigi­lance ; Benoît Roux, consul­tant déve­lop­pe­ment des ter­ri­toires ; Mathieu Van Des­sel, Méde­cin géné­ra­liste, maître de stage, Uni­ver­si­té de Paris.

Aucun conflit d’intérêts n’est décla­ré par les pré­sents signa­taires à l’exception de Gré­goire Per­ra qui a été atta­qué en jus­tice par des per­sonnes et ins­ti­tu­tions en lien avec l’anthroposophie (un pro­cès gagné et trois en cours) et Jean-Jacques Fras­lin qui a été pour­sui­vi en dif­fa­ma­tion par un méde­cin homéo­pathe et litho­thé­ra­peute (pro­cès gagné).

 

 * Je ne suis pas res­pon­sable de ce « didac­ti­cien des sciences et  Ensei­gnant-Cher­cheur », un peu redon­dant. Didac­ti­cien des sciences, c’est ma dis­ci­pline de réfé­rence. Ensei­gnant-cher­cheur, le terme est ambi­gu : on a cou­tume de dire qu’en­sei­gnant-cher­cheur, c’est uni­que­ment maître·sse de confé­rence. Moi mon poste c’est ingé­nieur de recherche (donc cher­cheur) mais avec une charge d’en­sei­gne­ment d’un maître de conf. -> pour en savoir plus, ici.

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