Enfin si, une fois : des étudiants m’ont convié à une visite de l’usine Boiron, de ma région, qui à l’époque faisait des partenariats financiers avec des BDE, des bureaux d’étudiants, et des visites agréables, avec apéritifs et petits fours. Comme je n’avais pas encore mon séduisant air buriné par le sirocco du désert, je me suis furtivement glissé dans la petite cohorte, avec pour promesse de me taire. De fait j’ai (presque) tenu promesse. Ça en valait la peine, puisque j’ai pu voir de mes propres yeux la diluthèque, qui me fit l’impression d’une carriole de colporteur du Far West grimée en salle blanche ultramoderne. La diluthèque ! Le lieu mythique, qui hébergeait le légendaire Medhorrinum, lysat de sécrétions urétrales purulentes blennorragiques et autres reliques des âges farouches. Le soir même, je racontais ma visite sur un « yahoogroupe » de zététique, ancêtre quasi-paléolithique de nos réseaux sociaux actuel, « outant » sans le vouloir le partenariat financier avec le BDE qui, je ne le savais pas, n’était pas légal. Le soir-même, Boiron France tombait sur le directeur de l’usine, qui se fit secouer, et dès le lendemain, je fus doublement convoqué. D’abord par le BDE, qui me reprochait de leur avoir fait perdre 1000 euros. J’y ai entendu cette phrase de légende : « mais comment on va payer la chartreuse lors de la prochaine fête ? » (sic!). J’avais répondu un truc du type « mais enfin, c’est le prix de votre âme, non ? », mais iels n’avaient pas lu Faust. Puis par le doyen de pharmacie, qui me sermonna vertement, mais sans réel motif. Je n’ai jamais compris ce qu’il me reprochait, car je n’avais rien dit de faux, ni dans mes cours, ni sur les réseaux. Je me rappelle d’un bout d’échange que ma mémoire a probablement déformé :
- - Doyen (sûr de lui, bien sapé) : « En allant chez Boiron, ce sont vos idées politiques que vous exprimez ! »
- - Moi, essayant de bredouiller (un peu penaud, jean rapiécé, cheveux longs, 2e année de thèse sans bourse, précaire de l’univ) : « je ne vois pas en quoi c’est problématique de dire que l’homéopathie est une pseudoscience ».
Bref, ce fut une goutte de plus dans le vase de la déconvenue, car même si les travaux rendus par les étudiant·es étaient sympa, je voyais en direct que la préoccupation de cette nouvelle génération était au mieux industrielle, au pire purement comptable. En quatre ans j’ai dû entendre 50 fois le fameux : « mais si les gens le demandent, même si ça ne sert à rien, on leur vend, et puis c’est tout ». Si je garde une grande affection et un respect pour certain·es pharmacien·nes, avec « Le Pharmachien » Olivier Bernard en tête, et les contributeurices de Prescrire ou du Formindep, j’ai plus croisé des épiciers que des apothicaires scrupuleux. Alors j’ai préféré mettre mes forces dans d’autres cours au sein d’autres filières. Me serai-je à la longue fait pousser dehors ? Je ne sais pas. Je suis parti avant.
Il n’en est semble-t’il pas de même à l’Université de Lorraine.
Peu importe que j’ai des désaccords réguliers, de forme, ou de fond, avec lui. Thomas C. Durand, en créant des cours critique à l’Université, a souscrit au vœu de Noam Chomsky (« doter les universités de cours d’autodéfense intellectuelle »), et en cela, c’est mon collègue direct, alors dans mes bras ! Je crois me rappeler que ses premières interventions purement critiques, ils les a faites avec le CORTECS, il y a 6 ou 7 ans, dans mon amphi puis dans des classes doctorales de Denis Caroti. Aller charbonner des contenus critiques dans un amphi ou une classe, ce n’est pas rien. Ce n’est pas facile du tout.
Alors je lui dirais bien d’aller se fournir le même genre d’armure que moi, mais en aura-t-il seulement le temps ? D’un coup, lors de cette rentrée, il apprend que ses stages doctoraux sont rayés d’un trait de plume, et cela sans justification. Moi, et d’autres,
Alors quoi ?
Je trouve l’événement suffisamment important sur le plan épistémologique pour guetter la réponse du Pr. Raphaël Duval, doyen de pharmacie de cette
belle Université de Nancy, haut-lieu du scepticisme méthodologique car il y a 119 ans, Robert Williams Wood y avait dessillé les yeux de René Blondlot sur les Rayons N. Gustave Le Bon, naïf bon comme du bon pain, déclara à cette occasion : « Le public à l’avenir saurait […] à quel point un grand corps savant peut être victime de ses plus lamentables erreurs ». Bis repetita ? On verra.
En attendant, Thomas, si tu veux faire cours dehors devant l’UFR de pharmacie, je te prête une écharpe et un mégaphone.
Pour en savoir plus, Université de Lorraine — Homéopathie 1 / Esprit-critique 0, sur le site La menace théoriste.
Bonjour,
J’ai adoré votre article, mais par pitié, n’utilisez pas l’écriture inclusive, elle ne sert à rien, elle est imprononçable et « pique » les yeux ! Notre belle langue se suffit à elle-même. L’Académie Française, elle aussi, n’en veut pas… Cordialement.
Merci Manuel. Ceci dit, depuis que j’ai lu Hoedt et Piron, je me contrefiche de l’Académie Française, et le coût (relatif) que ça représente de féminiser est moindre que l’enjeu de visibiliser les femmes, dont l’histoire est une permanente invisibilisation. Dans l’attente que ça s’arrange, je vais poursuivre (et c’est moins dur que plein de points d’orthographe / grammaire stupides de notre langue). Amicalement
Je ne suis pas pour l’écriture inclusive mais dans le cas présent ce « iels, » n’est pas idiot enfin si il avait des hommes et des femmes dans cette assemblée.., on s’en foutrait pas un peu ? Les hommes et les femmes peuvent être aussi capable d’erreurs et de grande choses, on ne le savais pas déjà ?
De grâce, ne donnez pas plus d’importance à l’Académie Française qu’elle n’en a.
Hoedt et Piron, Linguisticae, ou Maria Candéa (pour les plus médiatisés) en ont bien parlé.
https://www.editionstextuel.com/livre/la-faute-de-lorthographe
https://www.youtube.com/watch?v=hfUsGmcr1PI
https://www.editionsladecouverte.fr/le_francais_est_a_nous_-9782348041877
Ça pique tellement les yeux que je n’avais même pas remarqué qu’il l’avait utilisée.
Concernant son inutilité supposée, vous devez ignorer les conséquences de l’invisibilisation du féminin par la langue. C’est au contraire un outil utile et pratique, et, si en tant que femme on arrive à supporter les conséquences du manque de représentativité de la langue française, vous supporterez bien un petit iel ou point médian de temps en temps.
Enfin concernant l’avis des vieux croulants sur le sujet, si on se fie à leurs autres décisions allant à l’encontre de la logique et l’usage, je pense que l’on pourra s’en passer.
Raide, mais je suis assez d’accord 🙂
Mince.
Je vous dois une bouteille de Chartreuse.
(Vous êtes sûr ? (Parcequ’au départ c’était un médicament peu efficace mais qui a pu trouver une seconde vie comme gnole sociale, ludique et gastronomique.…)
J’espère qu’on trouvera un usage rationnel et pertinent des produits homéopathiqie de Boiron dans un proche avenir :
Genre pour décorer des cupcakes.…
Cordialement,
Merci pour ce que vous faites,
Confraternellement,
Gildas Ribot MKDE.
merci Gildas (non, vous ne me devez rien ! Service public !)
Haha !
Je t’ai envoyé un message sur Facebook sur une demande que l’on peut faire à Boiron et qui risque de l’émetteur dans l’embarras.
Mais ça a du être tenté.
Leur logique est absurde, autant l’utiliszr nous aussi car au final, ce n’est pas à nous de prouver que ça ne marche pas, mais à eux.
Ça pourrait faire un bon premier avril assez malaisant pour Boiron.
Bonne journée à toi
J’ai été soigné à l’homéopathie pendant enfance et adolescence, et je m’en félicite.
Certes (moi aussi !). Mais là n’est pas le problème. Les raisons qui font que ça donne l’impression de marcher sont nombreuses. J’aimerais bien votre avis sur cette partie de mon cours, si vous avez le temps -> ici https://www.youtube.com/watch?v=MVEAATNaS0g
ou pour une discussion plus « politique », ici https://skeptikon.fr/w/doS7e1YDYuUioc5NrCsgF2
vous me direz, si vous avez le temps
Amicalement
J’ai été soignée à l’homéopathie un jour à l’école après un choc physique, je me souviens être rentrée en colère après ma mère parce qu’elle ne m’avait jamais rien donné alors qu’apparemment les bleus et les bosses ça pouvait se soigner avec des granules… Pauvre maman… Mais s’ils le disent à l’école c’est vrai !
Merci richard et bon courage pour la suite !