Il y a trois ans, une doctorante de mon université s’est donné la mort. En tant que mandaté syndical au CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), j’étais dans le petit groupe qui a étudié le dossier, afin de voir si l’université avait une responsabilité dans le drame. La réponse était complexe, mais les conditions d’encadrement et la pression de compétition ont eu un rôle non négligeable, et cette enquête fut bouleversante.
J’ai été moi-même doctorant durant quatre ans, sans financement, sans outil de travail, fut un temps sans bureau. Au moins avais-je des directeurs, distants, mais gentils et bienfaisants. Maintenant, j’encadre, je siège dans quelques comités de suivi de thèse, et j’en vois un certain nombre en stage doctoral. J’essaie d’être vigilant mais le constat est accablant : responsables de 50% de la production scientifique, ils et elles sont une population très peu syndiquée, très corvéable, très facile à harceler, à mobiliser même la nuit pour telle ou telle manip, tel ou tel papier ; tout cela soi-disant au nom d’un idéal fantasmatique de la recherche, à l’autel de laquelle on doit se consumer. Alors qu’en réalité, ce sont les effets de bord d’une gigantesque course de hamsters où les thésard·es, après moult publications, post-doc, un ATER et deux avé, auront pour but de choper avant les autres la queue du Mickey : le sacro-saint poste. Et poste de plus en plus rare, du fait du lent désossement de la recherche publique.
J’ai le vague à l’âme, ce samedi soir. Peut être parce que je viens d’écouter La Méthode scientifique, du 3 mars 2022 « Thèse : le début de la fin », et puis le podcast Thésard·es, que j’écoute régulièrement. Et j’ai jeté un œil au livre d” Adèle B. Combes, “Comment l’université broie les jeunes chercheurs” aux éditions Autrement. Autant de raisons de dire à mes jeunes collègues doctorant·es : aucune thèse ne justifie qu’on se fasse harceler sexuellement, harceler professionnellement hors des heures de boulot, recevoir des mails le week-end, se faire humilier, lisser ses données, devoir ajouter des noms artificiellement à ses publis, se faire voler son travail et être obligé·e de se taire… Et ce n’est pas à vous de faire les frais d’un problème systémique. Si on vous demande ça, alors sollicitez votre CSI (comité de suivi de thèse) et si ça ne suffit pas, je ne sais pas, moi… #balancetondirlodethèse.
Au moment où j’écris, j’en connais trois ou quatre qui sont en souffrance, en burn-out. C’est à nous, titulaires de vous protéger de cela. Ce n’est pas de VOTRE faute. C’est à vous que j’envoie mes « ondes », si vous me lisez.
Commentaires récents