Conver­ser avec Laë­ti­tia Guillaume a du bon. D’une part c’est agréable, d’autre part c’est poin­tu.

Cette psy­cho­logue cli­ni­cienne, qui enseigne à Gre­noble et consulte à Lyon, a non seule­ment réus­si à s’ex­traire de immar­ces­cible dogme freu­dien et évi­ter les divers pièges de la psy­cho­pop (la « psy­cho popu­laire ») et du déve­lop­pe­ment per­son­nel ; mais en outre elle tra­vaille dur, entre autres aux côtés de Jean-Louis Mones­tès, sur la troi­sième vague des thé­ra­pies com­por­te­men­tales, ACT, ou thé­ra­pie d’ac­cep­ta­tion et d’en­ga­ge­ment (en anglais, accep­tance and com­mit­ment the­ra­py).

Comme il y a plein de choses qui m’é­chappent sur ACT, je lui ai deman­dé quelles lec­tures elle recom­man­dait.

Elle m’a répon­du que ça dépen­dait du public.

Si c’est pour un public non spé­cia­liste (comme moi), alors : 

Le piège du bon­heur, de Russ Har­ris, édi­tions de l’Homme (2007/2014)
Pen­ser moins pour être heu­reux, de Ste­ven Hayes, Eyrolles (2019)
Libé­ré de soi ! Se réin­ven­ter au fil des jours, de Jean-Louis Mones­tès, Armand Colin (2013)
Si c’est pour des professionnel·les, alors :

Pas­sez à l’ACT, Pra­tique de la thé­ra­pie d’ac­cep­ta­tion et d’en­ga­ge­ment, de Russ Har­ris, De Boeck Sup. 3e édi­tion (2022)
La thé­ra­pie d’acceptation et d’engagement ACT, de Jean-Louis Mones­tès & Mat­thieu Vil­latte, Else­vier Mas­son (2011)
 
Je pré­cise que je n’ai rien lu de tout ça (encore).
Et ci-des­sous en goo­die un petit dos­sier réa­li­sé par ses soins durant son M2 sur… la syl­vo­thé­ra­pie ! Alias forest bathing ou Shin­rin-Yoku (j’en ai déjà cau­sé un peu, l’an­née der­nière, dans« Et un argu­ment du vieux pot pour la 12 ! »), enca­dré par les iné­nar­rables Céline Baeyens et Jean-Louis Mones­tès en 2020.
La Syl­vo­thé­ra­pie (ver­sion pdf)

ueuaphoto/iStock

 

 

1.1. Modèle thé­ra­peu­tique, pré­sup­po­sés théo­riques

La syl­vo­thé­ra­pie (i.e. forest bathing ; Shin­rin-Yoku) pro­meut l’amélioration de la san­té, le bien-être et la ges­tion du stress par le contact avec les arbres. Cette pra­tique est née au Japon

dans les années 80. Elle consiste en une ini­tia­tion à la « res­pi­ra­tion syl­vique » ou « syn­to­ni­sa­tion », pour « accor­der ses fré­quences » avec un arbre haut et en pleine san­té, faire
dis­pa­raître « des dou­leurs, du stress, des cha­grins, des colères ». Après une balade en forêt en « éveillant les sens en pleine conscience », on ter­mine par un câlin aux arbres, geste devant
per­mettre d’en « absor­ber l’énergie posi­tive ».
Sur le plan théo­rique, la pra­tique se dit fon­dée sur des effets bio­lo­giques de l’air en forêt, « démon­trés scien­ti­fi­que­ment ». Le Dr Qing Li, pré­sen­té comme le spé­cia­liste inter­na­tio­nal de la dis­ci­pline, en dit ceci : « pour faire un bain de forêt, il faut se rendre en forêt dans un objec­tif de détente et de loi­sir tout en res­pi­rant des sub­stances vola­tiles orga­niques nom­mées phy­ton­cides comme l’α‑pinène et le limo­nène pro­ve­nant des arbres. C’est une nou­velle science inter­dis­ci­pli­naire qui rentre dans les caté­go­ries des méde­cines alter­na­tives, envi­ron­ne­men­tales et pré­ven­tives et qui recouvre les effets des milieux fores­tiers sur la san­té humaine. Pris dans leur glo­ba­li­té, les milieux fores­tiers et les bains de forêt pro­duisent divers effets béné­fiques pour la san­té humaine par le biais du réseau psy­cho-neu­ro-immu­no-endo­cri­nien, ceci mon­trant que les forêts ont un pou­voir cura­tif (voir annexe). Les bains de forêt pour­raient avoir des effets pré­ven­tifs sur les mala­dies liées au mode de vie et sur le can­cer » (Li, 2019).
Li (2018), avance que les per­sonnes vivant dans des endroits avares en arbres pré­sentent des niveaux de stress sen­si­ble­ment plus éle­vés et que leur taux de mor­ta­li­té est plus impor­tant que les habi­tants des zones très boi­sées. Il ajoute qu’« aucun médi­ca­ment n’a autant d’influence directe sur votre san­té qu’une marche dans une belle forêt ».


1.2. Auteurs, for­ma­tions

Le Dr Qing Li est méde­cin immu­no­lo­giste au Dépar­te­ment d’hygiène et de san­té publique à l’Université de Méde­cine de Tokyo. Il a publié trois livres sur le sujet tra­duits en plu­sieurs langues. En France, Jean-Marie Defos­sez, Coach res­pi­ra­tion et Maître cali­no­thé­ra­peuthe, doc­teur en bio­lo­gie ani­male, auteur de nom­breux livres (romans en tout genre et déve­lop­pe­ment per­son­nel), est for­ma­teur fran­çais à l’é­cole buis­son­nière desyl­vo­thé­ra­pie (EBS). Il pro­pose des stages de for­ma­tion sur http://www.sylvotherapie.net/ visant à deve­nir guide en syl­vo­thé­ra­pie, selon l’ap­proche coach-res­pi­ra­tion®. Defos­sez pré­cise : « ce label est en quelque sorte un diplôme, je n’u­ti­lise cepen­dant pas ce mot car il implique nor­ma­le­ment une recon­nais­sance par l’é­tat, ce qui n’est actuel­le­ment le cas d’au­cune for­ma­tion exis­tante en syl­vo­thé­ra­pie ».


1.3. Sup­ports empi­riques, effi­ca­ci­té

Pour le terme « syl­vo­thé­ra­pie », on trouve 2 résul­tats en fran­çais sur Google Scho­lar, 473 résul­tats en anglais pour « forest bathing ». Les études sont essen­tiel­le­ment réa­li­sées au Japon.

Une revue de la lit­té­ra­ture en fran­çais, publiée en 2019 (IF revue : 0,09), jamais citée, a été réa­li­sée par Li. La plu­part des études men­tion­nées sont les siennes. Elles pré­sentent les
résul­tats d’un « séjour scien­ti­fique » réa­li­sé avec 12 volon­taires pour éva­luer l’effet des bains de forêt sur leur sys­tème immu­ni­taire. Des prises de sang avant et après la balade auraient
per­mis de mettre en évi­dence une aug­men­ta­tion du nombre de cel­lules NK (i.e. Natu­ral Killer). Selon Li (2019), l’activité de ces cel­lules est un bon indi­ca­teur de l’état du sys­tème immu­ni­taire.
« Les per­sonnes dont les cel­lules NK sont très actives contractent moins de mala­dies telles que le can­cer ».
Une autre revue de la lit­té­ra­ture en anglais sur le forest bathing et nature the­ra­py a été réa­li­sée (Han­sen & Toc­chi­ni, 2017 ; IF revue : 1,46). Cette revue réper­to­rie 127 papiers entre
2007 et 2017, dont seule­ment 64 res­pec­tant les cri­tères défi­nis par les auteurs comme res­pec­tant les pra­tiques basées sur les preuves, avec don­nées qua­li­ta­tives ou quan­ti­ta­tives robustes et
cadres théo­riques basés sur des ques­tions de recherches actuelles. La plu­part des études concernent de simples expo­si­tions plus ou moins pro­lon­gées à un envi­ron­ne­ment natu­rel. Cette
expo­si­tion per­met­trait de réduire le rythme car­diaque et la pres­sion san­guine et d’augmenter la relaxa­tion (Ibid.). Cepen­dant, l’utilisation de vidéos de forêt ou d’océan pro­vo­que­rait les mêmes
effets phy­sio­lo­giques (Sel­hub & Logan, cités dans Han­sen & Toc­chi­ni, 2017).

 


1.4. Éva­lua­tion de la thé­ra­pie

Sur les plans théo­riques et thé­ra­peu­tiques, la syl­vo­thé­ra­pie peut être pré­sen­tée comme une pseu­dos­cience et être clas­sée en caté­go­rie VII du tableau de David et Mont­go­me­ry (2011).

Mal­gré l’emploi d’un champ lexi­cal en réfé­rence à la pen­sée magique, cette pra­tique est pré­sen­tée comme étant fon­dée sur des pro­ces­sus bio­lo­giques étayés scien­ti­fi­que­ment, alors que les don­nées sont plus qu’équivoques. Les faibles effec­tifs des études ne per­met­tant pas de réa­li­ser des sta­tis­tiques valables. De plus, rien ne prouve que les chan­ge­ments consta­tés en
termes d’activité car­diaque, san­guine, cel­lu­laire, soient dus aux pro­ces­sus invo­qués, à savoir les effets des sub­stances vola­tiles orga­niques phy­ton­cides. L’activité des cel­lules NK ne per­met
en aucun cas de conclure à un effet pré­ven­tif contre les mala­dies can­cé­reuses. Les cor­ré­la­tions illu­soires entre le niveau de mor­ta­li­té et la concen­tra­tion en arbres d’une zone géo­gra­phique
témoignent du peu de rigueur des don­nées. Aucune étude ne démontre donc l’effet de ces pro­ces­sus.
Concer­nant son effi­ca­ci­té thé­ra­peu­tique, si cer­taines études concluent à un effet suite à une expo­si­tion à la nature, le nombre d’études et leurs limites métho­do­lo­giques ne per­mettent
pas de conclure à une réelle effi­ca­ci­té. Outre son manque de preuves, cette pra­tique peut aus­si s’avérer dan­ge­reuse, au regard des nom­breuses sub­stances aller­gènes pou­vant pro­vo­quer des
réac­tions chez l’homme au contact des arbres « câli­nés » (Cré­py, 2014). Elle sug­gère éga­le­ment de ces­ser tout trai­te­ment conven­tion­nel pour lui sub­sti­tuer sa seule tech­nique, ce qui en fait une dérive sec­taire (Mivi­ludes, 2010).

 

 

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