Je lis mes dos­siers étu­diants. Celui-ci porte sur la vali­di­té du Packing (ou The­ra­peu­tic body wraps, TBW), pra­tique pro­mue par M. Pierre Delion, psy­chiatre, ancien prof des uni­ver­si­tés-pra­ti­cien hos­pi­ta­lier émé­rite en pédo­psy­chia­trie à l’u­ni­ver­si­té Lille-II et psy­cha­na­lyste.
« Un packing consiste à enve­lop­per un enfant en sous-vête­ments dans des ser­viettes mouillées dans l’eau froide. Chaque membre du patient est entou­ré d’une ser­viette, les deux jambes sont ensuite entou­rées ensemble dans une ser­viette plus grande enve­lop­pant le corps des pieds jusqu’au nom­bril afin de gar­der les deux jambes bien ser­rées et le bas­sin ensemble. Les deux bras sont main­te­nus contre le tronc par une autre grande ser­viette. Un drap assure la cohé­sion de l’ensemble. Un plas­tique ou un caou­tchouc enve­loppe ensuite le corps du patient jusqu’au cou, puis une ou deux cou­ver­tures chaudes. Il faut faire atten­tion de bien dis­po­ser tous les dif­fé­rents tis­sus de telle sorte que des plis ne pro­voquent pas de sen­sa­tions désa­gréables au patient. L’enveloppement doit se faire rapi­de­ment, éven­tuel­le­ment à 4 soi­gnants. Habi­tuel­le­ment, 2 soi­gnants res­tent auprès du patient, dis­po­sés de chaque côté de son visage, de façon à être faci­le­ment acces­sibles par son regard ;quel­que­fois, un des soi­gnants se tient aux pieds de l’enfant. La séance de packing est de 30 à 60mn envi­ron, si pos­sible de durée tou­jours iden­tique. J’insiste sou­vent auprès des équipes que je forme sur l’importance de la qua­li­té de l’ambiance. »
(P. Delion, Le packing, son aven­ture et ses ava­tars, Ado­les­cence 2012/3 (T. 30 n°3), pp. 583 à 601)
Pour­quoi infli­ger un tel trai­te­ment ? Pour per­mettre selon l’auteur (et sans aucune preuve) aux per­sonnes autistes de régres­ser jusqu’à un stade anté­rieur (?) :
« Une fois quelque chose des pre­mières enve­loppes récu­pé­rées, l’enfant entre dans une phase sym­bio­tique et va avoir à tra­vailler le cli­vage ver­ti­cal et le cli­vage hori­zon­tal ».
Ils pour­raient alors retrou­ver leur « moi-peau » (« théo­rie » du psy­cha­na­lyste Didier Anzieu, 1985). Ou régres­ser jusqu’à  leur « moi sym­bio­tique » (?).
 
L’in­ter­dic­tion totale du packing a été récla­mée par Secré­taire d’É­tat char­gée des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap et de la lutte contre l’ex­clu­sion, pre­nant acte des recom­man­da­tions de l’O­NU par une cir­cu­laire le 3 mai… 2016 !
 
(Le dos­sier est mis en ligne ici. D’autres dos­siers ont été réa­li­sés sur le sujet durant les années pré­cé­dentes, voir ici https://www.monvoisin.xyz/precaution-testamentaire-tous-les-dossiers-etudiants/ mdp : Z)

4 réponses

  1. José dit :

    on com­pren­dra aisé­ment que le lec­teur non aver­ti s’é­tonne, vu la manière dont est pré­sen­tée le pro­blème, d’une tech­nique d’en­ve­lop­pe­ment dans des linges humides froids…mais pour­quoi ne pas pré­ci­ser qu’elle s’a­dresse, du moins en grande par­tie, à des patients souf­frant de grave crises de vio­lence et sur­tout d’au­to­mu­ti­la­tions dif­fi­ciles à conte­nir ? Je cite le même article que vous :« il faut avoir vécu l’im­puis­sance des thé­ra­peu­tiques habi­tuelles sur ces symp­tômes quel­que­fois ahu­ris­sants (s’é­nu­cléer le cris­tal­lin avec l’ongle de l’in­dex homo­la­té­ral, mordre jus­qu’à l’am­pu­ta­tion les pha­langes de plu­sieurs doigts d’une main, se frap­per le front dans sa par­tie médiane sur un angle de mur ou un radia­teur jus­qu’à l’ab­cès ou la ché­loïde…) pour trou­ver utile et inté­res­sante la consta­ta­tion cli­nique de l’a­mé­lio­ra­tion quel­que­fois rapide de ces symp­tômes avec la pra­tique du packing. » Pour­quoi ne pas dire non plus que selon le même article, la pra­tique est enca­drée par des échanges régu­liers avec le patient, les parents et entre pro­fes­sion­nels ? Pour­quoi ne pas dire que la fonc­tion « conte­nante » que les auteurs que vous citez mettent en avant, quoi­qu’on pense par ailleurs de la manière dont ils éla­borent leurs théo­ries, fait quand même un peu echo à la « machine » inven­tée par Temple Gran­din, qui fut à ma connais­sance la pre­mière per­sonne autiste à écrire sur le sujet ?
    Enfin, quand vous dites « en l’ab­sence de preuves », j’en­tends, mais peut-être que je me trompe « en l’ab­sence de don­nées type « étude contrô­lée ran­do­mi­sée ». Mais pour­quoi alors ne pas pré­ci­ser que la dite pra­tique s’ap­puie quand même a mini­ma sur des consta­ta­tions empi­riques faites par des pra­ti­ciens spé­cia­listes de l’au­tisme, et que par ailleurs le type de « preuve » scien­ti­fique que peuvent consti­tuer les ECR, en ce qui concerne les thé­ra­peu­tiques de types non indus­trielles (médi­ca­men­teuses) est au moins métho­do­lo­gi­que­ment dis­cu­table et dis­cu­té ?
    Bref, je ne suis pas a prio­ri par­ti­san du packing, car je pré­fère tou­jours me dire que dans le doute, mieux vaut écar­ter quelque chose de poten­tiel­le­ment nocif (même si ce n’est pas prou­vé non plus). Mais je ne crois pas que ceux qui le pra­tiquent soient des sadiques ni des gens tel­le­ment aveu­glés par leurs « croyances » au point de ne plus voir la réa­li­té qu’ils ont sous les yeux. Et je pense sur­tout qu’un débat com­plexe gagne­rait à être pré­sen­tée de manière éclai­rée et contra­dic­toire plu­tôt que de manière sim­pliste. Cdlt, José

    • bon­jour, je suis d’ac­cord avec cer­taines de vos remarques, et il ne s’a­git pas de faire pas­ser les pra­ti­ciens pour des sadiques ou autres. Mais l’ar­gu­ment qui ne me convainc pas, c’est l’empirisme, beau­coup trop nébu­leux. Les ECR ont leurs limites, mais aus­si leurs forces, et de fait le packing n’est sous-ten­du par rien à ma connais­sance – et que la concer­ta­tion avec les familles soit là ne change pas grand chose au pro­blème, voyez ? Mais vous avez rai­son de poin­ter que ce n’est pas par sadisme, tout ça. Cette lec­ture-là ne ren­drait pas clai­re­ment le fond du pb. On ne peut pas en vou­loir à MM Delion et autres d’a­voir essayé, mais par contre d’a­voir per­sis­té… mais ceci ne m’ap­par­tient pas, moi je ne dois regar­der que les faits. Mer­ci à vous, c’est bien d’a­voir rap­pe­lé tout ça (vous avez pos­té 2 ver­sions de votre com, j’ai gar­dé le 2 j’es­père avoir bien fait)
      Ami­ca­le­ment

  2. José dit :

    Bon­jour,
    je suis d’ac­cord avec vous sur le fait que les ECR ont leurs limites et leurs forces. Mais pour­quoi consi­dé­rer l’empirisme, si on entend par là des obser­va­tions cli­niques rigou­reuses, comme « nébu­leux » ? Qu’elles ne donnent accès qu’à des véri­tées par­tielles et situées, et non pas à un savoir sys­te­ma­tique, c’est un fait, mais qui a jamais pré­ten­du appli­quer le packing à tous les enfants autistes ou à tous les patients en crise ? Je com­prends la néces­si­té pour le légis­la­teur de s’ap­puyer sur des études de ce type, cela dit, à condi­tion qu’on soit capable de les mettre en pers­pec­tive avec les cri­tiques qu’elles sou­lèvent. Je tenais juste à faire remar­quer que la situa­tion du cli­ni­cien aux prises avec des crises d’au­to­mu­ti­la­tions est sou­vent tout autre, et qu’il s’ap­puie par néces­si­té sur ce qu’il voit. Après, vous avez rai­son de dire que la concer­ta­tion avec les familles n’est pas un argu­ment en faveur. Mais ça me parait inté­res­sant de sou­le­ver que la contro­verse du packing n’a pris sans doute une telle ampleur que parce qu’elle s’ins­crit dans un contexte plus large, lar­ge­ment domi­né par les luttes et la concur­rence idéo­lo­giques, celui de la psy­chia­trie en géné­ral et de l’au­tisme en par­ti­cu­lier. En ce sens, il me paraît que c’est cla­ri­fier le débat que de rap­pe­ler qu’il s’a­git d’une pra­tique mar­gi­nale, réser­vée la plu­part du temps à des cas gra­vis­simes, et fait sous super­vi­sion (et d’ailleurs non assi­mi­lable à une approche psy­cha­na­ly­tique de l’au­tisme), ce qu’on a ten­dance à oublier par­fois. Ami­ca­le­ment, José

    • Mer­ci de votre com­men­taire.
      (Quand j’en­tends le mot super­vi­sion, je repense aux super­vi­sions dans le tra­vail social, qua­si­ment tou­jours d’o­bé­dience psy­cha­na­ly­tique…)
      Ami­ca­le­ment
      R

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