La plu­part des étudiant·es que je connais adore regar­der des séries. C’est une accroche for­mi­dable pour intro­duire des pans de science, quand c’est bien fait sur le plan scien­ti­fique. Je me suis ser­vi durant les vingt der­nières années d’un nombre d’ex­traits de série hal­lu­ci­nant, (une par­tie doit être encore en ligne sur www.cortecs.org). Je ferai une com­pi­la­tion en ligne un jour, pro­mis. Des extraits superbes dans des séries un peu moi­sies (Kyle XY par exemple ), d’autres tirés de séries remar­quables (Dr House, Mas­ters of sex, sai­son 1… South Park, si si j’in­siste), et par­fois c’est toute la série dans son ensemble qui fait œuvre péda­go­gique, The Wire res­tant pro­ba­ble­ment le sum­mum du genre, avec des choses comme Ame­ri­can crime sto­ry : The People vs. O.J. Simp­son.

Par­fois, c’est dif­fi­cile d’ex­traire quelque chose, tant tout est bien, mais un peu dif­fus. J’ai eu ce pro­blème avec la magni­fique After Life, de (et avec) l’hu­mo­riste scep­tique Ricky Ger­vais, mais éga­le­ment avec l’his­toire de l’é­la­bo­ra­tion scien­ti­fique du pro­fi­ling scien­ti­fique dans la série Mind­hun­ter sai­son 1, dans laquelle est nar­rée l’ac­cep­ta­tion pro­gres­sive de la psy­cho­lo­gie cri­mi­na­lis­tique du fait de l’opiniâtreté des agents Dou­glas et Res­s­ler, aidés de la cher­cheuse (infir­mière au départ !) Ann Bur­gess. De ce que j’en sais, c’est plu­tôt fidèle à  la réa­li­té his­to­rique.

Dans le même thème, je recom­mande avec un poil de sub­jec­ti­vi­té peut être, Man­hunt – Una­bom­ber, de Andrew Sodros­ki, Jim Cle­mente et Tony Git­tel­son.

La part sub­jec­tive réside dans le fait que l’af­faire Una­bom­ber, la plus longue et plus coû­teuse traque au tueur « en série » des US (ça a duré 17 ans) m’a­vait pro­fon­dé­ment bou­le­ver­sé alors que j’é­tais jeune étu­diant. C’é­taient les débuts d’in­ter­net, il n’y avait pas les mêmes moyens que main­te­nant, et j’a­vais enten­du par­ler d’Una­bom­ber, quel­qu’un qui balan­çait des bombes plan­quées dans des lettres et des paquets, par la Poste, mais je n’a­vais pas su qu’il avait été arrê­té. Aus­si bizarre que cela paraisse, je l’ap­pren­drai en regar­dant Will Hun­ting, le film de Gus van Sant avec Matt Damon, paru un an après (dans un échange entre les acteurs Robin Williams et Stel­lan Skarsgård, si vous vou­lez tout savoir, dans le pre­mier tiers du film). J’a­vais noté à l’ar­rache le nom polo­nais du cou­pable sur un cale­pin, et j’eus un mal de chien à retrou­ver les infos.  Bou­le­ver­sé parce que le type, ancien cher­cheur brillant en mathé­ma­tiques, était un reclus dans la mon­tagne pour des rai­sons de contes­ta­tion de la tech­no­lo­gie (cou­rant qu’on appelle le cou­rant lud­dite),  et balan­çait des colis pié­gés  un peu par­tout dans ce qu’il esti­ma être les rouages de cette tech­no­lo­gie. En gros, c’é­tait un peu la ver­sion hard de notre mathé­ma­ti­cien Alexandre Gro­then­dieck, qui lui s’est conten­té de vivre reclus en Ariège et de plan­ter des salades. Il y a beau­coup de proxi­mi­té de pen­sée avec les acteurs et actrices de cer­taines ZAD, avec des moyens dif­fé­rents, ou avec les groupes qui ont com­mis quelques incen­dies, dont celui de la Case­mate, à Gre­noble en 2017.

La part objec­tive, c’est que même si la série  a quelques lon­gueurs tech­niques, on y assiste à la dif­fi­cile émer­gence d’une dis­ci­pline, la  foren­sic lin­guis­tics, terme inven­té quelques temps plus tôt par le lin­guiste Svart­vik. On y voit éga­le­ment un long pas­sage (de mémoire, c’est l’é­pi­sode 7) sur le pro­jet MK-Ultra* de la CIA, menée entre autres par Timo­thy Lea­ry le « pape » du LSD et Mur­ray le psy­cho­logue (inven­teur du TAT, The­ma­tic Apper­cep­tion Test, pour les connaisseurs/ses, test pro­jec­tif un peu foi­reux sou­vent uti­li­sé avec le Ror­schach, vous savez les tâches d’encre comme sur l’af­fiche de Mind­hun­ter, en haut de l’ar­ticle). Hen­ry Mur­ray,  qu’on voit dans l’é­pi­sode, avait pour objec­tif de trou­ver des moyens de laver le cer­veau des espions sovié­tiques. Lui et d’autres ont mal­trai­té, dro­gué, vio­len­té men­ta­le­ment des étu­diants pen­dant des années, entre les années 1950 et les 70’s. Ted Kac­zyns­ki a fait par­tie de ce « bétail » de labo­ra­toire. Enfin, la logique néo-lud­dite de Kac­zyns­ki n’est pas bra­dée dans la série, et elle inter­pelle à maints points de vue. Je m’é­tais pro­cu­ré au siècle der­nier le mani­feste, publié aux édi­tions du Rocher avant même l’ar­res­ta­tion du cou­pable. En voi­ci la cou­ver­ture. SI vous pas­sez dans mon bureau, je peux vous le prê­ter.

 

* Pour les enseignant·es qui font de la pen­sée cri­tique, vous avez cer­tai­ne­ment vu sur­gir MK-Ultra dans beau­coup de pro­pos com­plo­tistes anti-Amé­rique – et il y a fré­quem­ment des gens du show­biz pour relan­cer le tam­bou­rin – pen­sons à Roseanne Barr, vous vous rap­pe­lez, l’ac­trice de la série Roseanne, qui pas­sait de mémoire sur M6 vers 1990.… ok je suis vieux.

Il faut dire qu’il y a eu des affaires sor­dides, comme la mort de Franck Olson, qui ne sont tou­jours pas réel­le­ment réglées (on m’a dit qu’une série appe­lée Worm­wood traite de cela). SI le sujet vous branche, j’ai quelques livres poin­tus, mais aus­si une excel­lente intro­duc­tion avec l’épi­sode du 13 novembre 1997 de la légen­daire émis­sion Ren­dez-vous avec X de Patrick Pes­not). Chose amu­sante, tous les groupes que j’ai fait tra­vailler sur le dos­sier du « pain mau­dit » de Pont-Saint-Esprit on pris au sérieux la piste de MK-Ultra, avec des avions éta­su­nien sau­pou­drant la ville fran­çaise de LSD.

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