Les ambassades de la Françafrique, l’héritage colonial de la diplomatie française, de Michaël Pauron, Dossiers Noirs, Lux, 2022
Quand mon ami Didier Piau m’a dit de lire ce livre, j’ai hésité : biberonné à la fin des années 90 aux écrits de F‑Xavier Verschave, Colette Braeckman, ayant milité pour l’asso Survie à mon retour de ma terrible expérience dans « l’humanitaire » en Guinée-Conakry, je me suis dit dans ma Ford (Mustang) intérieure : à quoi bon lire ça ? Et de toute façon, la Françafrique, c’est quasi fini.
Erreur ! J’en connaissais de belles, des histoires néo-néo-coloniales qui ajouteraient un ou deux couplets à la chanson Le temps béni des colonies, de Sardou. Mais là, c’est l’actualité, et sous l’angle spécifique des ambassades et consulats, dont traite Michaël Pauron. Et franchement, on nage dans le sordide. Outre l’ingérence dans les affaires des pays en question, je vous pêche comme ça trois anecdotes.
La première : comment les fêtes alcoolisées de militaires quinqua dans le quartier d’ambassade 17 villas à Bangui, Centrafrique, tournent mal, avec jeunes femmes locales, dont l’une, Vanessa Flavie Mavoula Ngoundji, est retrouvée noyée dans la piscine en 2018. L’affaire sera tranquillement étouffée (p. 127).
La deuxième : je ne savais pas que les services de visa, qui étaient déjà bien connus pour une corruption latente, avaient été quasi systématiquement… privatisés, déléguées à des entreprises comme VFS Global par le fait de consuls et d’ambassadeurs qui ensuite pour certains iront prendre des parts dans ces businesses pour arrondir leurs fins de mois déjà bien replètes (chapitre 12). Et il n’y a pas de contrôle des intermédiaires qui voient passer des pacsons de données personnelles sensibles, dans un contexte migratoire que l’on connaît.
La troisième : dans la série des barbouzards en tout genre, on en a vu des affreux. Ici, palme au conseiller militaire de Faure Gnassingbé Eyadéma, président-putschiste-fils de papa (adoubé par Macron en 2021 pour sa troisième réélection violente à la présidence du Togo). Ce conseiller, ancien général 5 étoiles, a été condamné en France en 2010 à 10 mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir de 2004 à 2008 téléchargé 3000 photos et vidéos pédopornographiques mettant en scène des enfants de 6 mois à 12 ans (!!) (p. 56).
(…) Autrefois à Colomb-Béchar,
J’avais plein de serviteurs noirs Et quatre filles dans mon lit, Au temps béni des colonies. »
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