Il y a une quinzaine, j’ai mis en ligne le témoignage édifiant de Thomas. depuis, j’ai reçu de nombreux courriers du milieu Black Metal, dont plusieurs témoignages qui n’ont pas velléité d’être diffusés. Hormis un, qui vaut son pesant de cacahuète : un garçon souhaitant garder l’anonymat, m’a envoyé son histoire, qui est une véritable plongée en eaux troubles. Je n’ai pratiquement retouché que des coquilles, le texte est brut, magnifique. Je n’ai pas pour volonté de devenir un expert de ce milieu, et j’avoue que je reste toujours capable de confondre du sludge metal et du metalcore (aïe, patapé, patapé !). Mais j’ai compris deux choses : que metal is a new jazz, et que la richesse du milieu est épatante ; et que de même que le maloya, le blues, ou le sirtaki, le metal est une courroie politique non négligeable. C’est dans un growling raté qui ressemble à un miaou de chat malade que je ferme cette introduction. N’étant pas expert, je laisse la responsabilité des propos à mon témoignant, et je ferai des addendums ou correctifs au besoin. N’hésitez pas à commenter, courtoisement, ci-dessous.
Ayant lu récemment sur le blog de Richard Monvoisin le témoignage de Thomas, un ancien adepte de NSBM (National-Socialist Black metal, le Black metal nazi) tombé durant l’adolescence dans l’extrême-droite puis dans la pensée néo-nazie, je me suis motivé moi aussi pour partager mon vécu, car en parcourant ledit témoignage, j’ai retrouvé énormément d’éléments en commun avec mon propre parcours, de la droite libérale-conservatrice au confusionnisme rouge-brun, et de ce confusionnisme à la fétichisation d’artistes comme le trop fameux Famine de KPN (Kommando Peste Noire, connu aussi sous le simple Peste noire).
J’ai simplement pensé qu’il serait intéressant de faire profiter les gens du vécu d’une personne comme moi, qui ne se considère pas comme étant « tombée » dans l’extrême-droite, mais qui considère plutôt en être sortie après y avoir été élevée.
Allons‑y déjà pour un brin de contexte. Ça va être long.
Table des matières
1. La famille
Je suis né dans un milieu de classe moyenne, voire de petite bourgeoisie aisée, marqué politiquement sur deux pôles.
La famille de mon père est de bourgeoisie traditionaliste, marquée par la droite libérale, gaulliste, républicaine, quelques éléments de catholicisme diffus. Si je devais définir mon père et son camp politique, je pense pouvoir le qualifier de bonapartiste, pas dans le sens où il veut un Bonaparte au pouvoir, mais dans la gestion de l’État et la vision de comment doit s’exercer le pouvoir.
La famille de ma mère est ouvrière, mon grand père étant un ouvrier ayant réussi dans les 30 glorieuses à monter sa petite entreprise de maçon, ayant commencé à travailler sur les chantiers à 14 ans. Ancien communiste, mon grand père maternel était aussi fortement réactionnaire (attachement à la petite propriété, hostilité aux étrangers, et très attaché aux valeurs du travail et du mérite) et continuait à voter socialiste par habitude, et par souvenir salvateur de son enfance sous Vichy, tout en reconnaissant que Le Pen par exemple avait raison sur pas mal de choses. Ma mère a largement repris ses convictions.
J’ai donc eu une famille scindée en deux pôles sur les parcours individuels mais finalement très conforme à une vision droitisée et petite bourgeoise de la société. Une vision du monde ordinaire et typique d’une famille de classe moyenne aisée de province, entre discours de droite libérale classique et discours assez « rouge-brun », rouge-brun désignant une mouvance politique mêlant des valeurs hybrides entre l’extrême-droite nationaliste (le brun) et l’extrême-gauche communiste (le rouge). Ces discours viennent notamment de mon grand-père et de son passé communiste, puis de petit patron, et finalement de personne âgée assez aigrie sur « l’époque actuelle » et ses « dérives ».
J’ai également été pétri de valeurs républicaines et patriotes. J’ai grandi avec l’idée dite et répétée que « La France est le phare du monde », que j’étais le prolongement d’une histoire, d’un peuple et d’une nation glorieux, qui avaient inspiré et fait plier le monde entier ; qu’on se devait en tant que français d’être digne de ce modèle et que l’abandon de cette conviction était le signe de la décadence du pays.
J’ai également grandi avec énormément de racisme et antisémitisme autour de moi sous couvert d’humour. Mon enfance et adolescence ont été marquées par l’omniprésence de blagues sur l’avarice des Juifs, sur la fourberie des « Arabes », etc. Tout ça avec les justifications habituelles : « c’est de l’humour, et puis on a un arrière grand père juif dans la famille ». J’ai très tôt appris à accepter cet humour et les façons de penser qui vont avec comme normes, et effectivement autour de moi, cet « humour » était, de fait, la norme. Je vivais et je vis toujours à la campagne, dans un village assez isolé, dans un département connu pour voter beaucoup à droite et extrême-droite. Mon contexte d’éducation était donc très orienté. Par souci d’honnêteté, je dois aussi dire que j’ai grandi avec l’idée que le patriotisme et le nationalisme sont deux valeurs différentes, et donc que l’extrême-droite et son nationalisme étaient à rejeter. Mon père croyait ferme à cette différence comme beaucoup de gens de droite classique. L’expérience m’a appris que cette distinction était peu fondée en pratique.
2. Éducation et « premiers contacts »
Plus tard, en fin collège et tout le lycée, j’ai été en internat catholique privé, dans un lycée agricole, en pleine campagne. Pas particulièrement friqué (les fils/filles du monde paysan qui constituent la base du profil des élèves ne roulent pas sur l’or non plus) mais à l’atmosphère imprégnée de cette mentalité petite bourgeoise que j’ai décrite un peu plus haut en parlant de ma famille : attachement au travail, à la petite propriété, à la patrie et la tradition. C’est là que j’ai été réellement mis au contact de l’extrême-droite la plus radicale, sous la forme de discours d’adolescent·es comme moi. Bien sûr leurs discours n’étaient pas structurés ou même vus comme idéologiques ou politiques, dans un premier temps. Mais habitué au racisme ordinaire pratiqué dans ma famille, qui se targuait tout de même de « ne pas être raciste, contrairement aux paysans du coin », j’ai été mis en contact avec un racisme clair, agressif, assumé et affiché, qui se manifeste quand suffisamment de racistes ordinaires se retrouvent suffisamment en force pour se manifester au grand jour sans conséquences.
J’ai donc été au contact de manifestations très exacerbées de xénophobie durant ces années : des références continuelles aux « arabes » comme étant les Gris/ Bougnoules/ Boukaks/ Bachés etc, et qu’il fallait les « démonter à coups de masse ». Quand on se baladait en ville et qu’on croisait une femme avec un voile on était sûr d’entendre un concert de « tiens regarde ça encore une bâchée. Ça, c’est tout juste bon à ensiler, à passer dans le bol et à donner aux vaches ». Quelques références aux « youpins », affublés du qualificatif de « sangsues », des attaques continuelles sur les Gens du voyage dont il faudrait « cramer les caravanes »… etc. vous avez compris le ton.
Des surnoms humiliants étaient assignés à celleux qui ressemblaient de près ou de loin ou adoptaient des codes culturels perçus comme « étrangers (la « racaille blanche ») ou qui pouvaient de loin être assimilés à des étrangers. Je me souviens d’un mec de mon internat, qui petit, brun et très bronzé, a gagné le surnom de « petit gris » (gris étant un surnom péjoratif pour dire arabe ou maghrébin) qu’il a gardé trois ans. Il n’était bien sûr absolument pas maghrébin et pouvait se montrer aussi raciste, voire plus, que les autres.
Dans les dortoirs de l’internat, l’écoute d’artistes violemment nationalistes voire néo-nazis était courante, volume à fond, sans que ça fasse réagir les pions, de même dans quelques chambres que les affiches de promotion pour le Front National qui n’occasionnaient pas plus de réaction. J’ai quotidiennement entendu et vu chanter du punk-rock skinhead (Légion 88 et son inénarrable refrain qui me reste encore en tête puisqu’il était gueulé dans les piaules : « Sale arabe, on va te gazer. Vive la France ! Mort aux immigrés… ») ou du Black metal nationaliste (KPN, Baise ma hache, Autarcie,etc.). On aura compris j’étais donc un adolescent ayant baigné dans une mentalité parfaitement facho-compatible, qui a opéré par étapes du racisme petit bourgeois et sage de ma famille à l’univers adolescent et provocateur de fils de paysan·nes ouvertement nationalistes et racistes, baignant dans de la culture skin néo-nazie. Je l’ai vu, j’y ai aussi participé.
- Légion 88.
Je suis aussi le produit d’une époque faite d’insécurité sociale et économique, et donc naturellement inquiet vis-à-vis de ces problèmes. J’ai été au contact de fils/filles d’agriculteurs·ices ayant de gros problème d’argent, et j’ai connu des voisin·es et connaissances victimes du suicide après un dépôt de bilan. J’ai vu l’alcoolisme d’agriculteurs retraités buvant la liquidation de leur ferme au bar du coin faute de reprise, dans un monde rural déserté, qui ne sert largement plus que de dortoir aux gens travaillant en ville, ou ont été concentrés services et emplois. Un aspect du monde rural par ailleurs très mis en valeur par le groupe Peste Noire entres autres, et qui ne pouvait que me parler.
J’ai aussi vu la crise de 2008 comme tout un chacun et ressenti la profonde insécurité
et le pessimisme sur l’avenir qui se dessinaient pour la jeunesse dont je faisais partie, une jeunesse rurale aux perspectives d’avenir déjà incertains comme dit plus haut. Ces facteurs ont fait que, de par mon contexte d’éducation et les insécurités que je ressentais, j’ai vite essayé de faire une synthèse des discours politiques que j’entendais autour de moi. Ça donnait à peu près ça : d’un coté je rejetais le discours politique de droite classique de mon père et de mes proches immédiats autant par quête d’identité juvénile que pour des raisons plus logiques. Mon père était issu d’une famille aisée et n’avait pas connu le travail manuel ou les grosses difficultés matérielles. Son discours était celui d’un homme bien installé des Trente glorieuses et il me semblait assez peu à la page sur les difficultés de notre temps. Je préférais le discours politiquement plus radical et socialement engagé de mon grand-père qui lui avait connu les chantiers et avait monté son entreprise à partir de rien (mais c’était toujours les mêmes valeurs petites bourgeoises : mérite, travail, petite propriété). De l’autre je rejetais le discours ambiant que j’entendais au lycée, fait de nationalisme et de patriotisme virulent. J’avais été trop imprégné de droite libérale aux valeurs « universalistes » pour céder facilement à un discours aussi simpliste, même si je pouvais baisser la tête et accompagner le groupe. Plus trivialement, scolairement, j’ai toujours été mis à l’écart et j’ai même connu du harcèlement violent, ce qui m’a mené à ne pas avoir de volonté de reproduire un discours raciste par volonté d’intégration à un cercle, même si j’étais sous influence.
En gros je n’aimais pas le discours extrême du lycée mais je reconnaissais que celui de ma famille, plus « sage » et moins affiché, était d’une part hypocrite (leur racisme était moins affiché que certains avant tout par souci d’image et de démarcation sociale, même un ado un peu con-con comme moi pouvait le voir), mais c’était également le discours de personnes moins paupérisées que les agriculteurs·ices, qui avaient le « luxe » de ne pas être plus radicales car elles ne ressentaient pas l’urgence.
Il y a aussi la question des liens sociaux. Dans un univers composé de pas mal de personnes de droite nationalistes, tes relations et affections se font avec des gens de cet univers et il devient difficile de les critiquer, surtout quand tu compares ton histoire perso à la leur. Un de mes amis de l’époque était par exemple un raciste virulent. C’était un fils d’agriculteurs, petits propriétaires, plutôt précaires en termes de situation financière. Il a commencé à bosser à 16 ans en apprentissage, il a été père à 20 et dans sa famille on en a chié, et pas qu’un peu : il a perdu un frère à l’âge de 13 ans lors d’un accident du travail et s’il a dû partir bosser, c’est parce que sa famille avait peu de revenu et devait s’occuper d’un autre frère lourdement handicapé et incapable de travailler. Qui étais-je, moi qui avais plus de chance que lui a bien des égards, pour lui reprocher de voter FN et de jouer les piliers de bars contre tous les « étrangers » qu’il croisait en soirée ? En soi sur le terrain pur des idées ça ne change rien mais cette notion sentimentale rentre en ligne de compte, d’autant plus quand tu es jeune et peu formé au raisonnement politique pur.
3. Premiers engagements
Me voila donc à 17 ans avec tout ce contexte derrière moi, à essayer de trouver ma voie entre un discours de droite libérale que je juge inadapté, dépassé, et pas à la hauteur des enjeux du temps, et un discours très violemment nationaliste et raciste que je jugeais simplement bête et méchant bien que je concédais qu’il prenait sa source dans des problématiques et souffrances réels que je constatais autour de moi. Le tout sur un fort sentiment de décadence sociale et de catastrophe imminente à venir qui menaçait mon pays, mon peuple, tout ce qu’on m’avait appris à aimer et défendre jusqu’à la garde, au nom de mon sang, de l’histoire et de la tradition.
J’étais mûr pour trouver un militant politique qui saurait répondre à mon sentiment d’urgence et de radicalité avec un discours social et révolutionnaire, tout en y alliant les valeurs de droite libérale-conservatrice que j’avais intériorisées. La devise d’Égalité et Réconciliation de Soral : « Gauche du travail, Droite des valeurs » était taillée pour moi, de même que l’univers nationaliste dégénéré de KPN qui m’a beaucoup marqué par la suite et sur lequel je reviendrai car l’univers musical de Famine a été fondamental pour moi (jusqu’à la fin du lycée on peut dire que la culture nationaliste faisait partie d’un substrat culturel avec lequel j’avais des contacts mais pas une relation émotionnelle forte. C’est un peu plus tard que j’ai réellement mobilisé ce « substrat » et qu’il a commencé à faire réellement partie de mon identité).
Le glissement s’est fait par étapes : un cousin a commencé par me faire découvrir Dieudonné vers 16–17 ans. J’ai été très vite conquis par cet humour noir qui correspondait à la fois à mon sentiment de malaise sur mon époque, mes dépressions et aussi à mon acceptation des discours racistes ambiants sous couvert d’humour. Les quelques propos sociaux de Dieudonné sur la société française, le tiers-mondisme… avaient cette apparence de radicalité et de volonté de changement que je recherchais. Plus que tout, j’appréciais une des maximes de l’humoriste et qui je crois à une profonde importance : « Faut rigoler, c’est tout ce qui nous reste ».
De Dieudonné, je suis vite passé aux personnalités qui lui étaient liées. D’abord Soral bien sûr, mais aussi Marion Sigaud (l’« historienne »), l’ex-député belge Laurent Louis mais j’ai aussi été amené par le soutien de Dieudonné et Soral à regarder quelques conférences de Robert Faurisson, et si je n’ai jamais totalement cédé sur ses pseudo-théories négationnistes, j’ai été pris de doutes. D’ailleurs, et puisqu’on aborde le complotisme, j’ai très vite via Dieudonné adhéré aux théories du complot classiques. Je croyais fermement que le 11 septembre était un faux attentat orchestré par les USA et Israël et que l’Humain n’avait pas été sur la Lune. J’ai aussi via Soral été sensibilisé aux pseudo-théories du complot juif : la création de l’état d’Israël et ses « racines profondes », la révolution française et ses manipulations par les Francs-maçons (les Juifs). Il m’est arrivé de dire et penser comme l’affirmait Soral que « Quand un peuple se fait virer partout où il arrive au bout de quelques décennies, c’est que c’est ce peuple le problème il faut arrêter la victimisation ». Bien sûr, via ces mêmes cercles je pouvais reproduire les arguments anti-féministes, du genre à reprendre certaines phrases de Soral « Il faut des sous-hommes pour qu’il y ait des sur-femmes ». J’allais toujours plus loin dans les couches de l’oignon.
On constatera l’ironie crasse de la situation : je voulais trouver ma voie entre mes deux contextes d’éducation évoqués plus tôt. Ma famille de droite libérale et un brin rouge-brun et les discours nationalistes assumés entendus à mon lycée et dans mon cercle amical. Et j’ai cherché un discours qui sans tomber (d’apparence) dans la rhétorique raciste crasse et simpliste, répondrait à mon sentiment d’urgence et l’engagement nécessaire vis-à-vis de l’époque actuelle : et le discours que j’ai trouvé, entre rejet et synthèse de ces valeurs, n’a fait que m’y faire retomber à pieds joints par des moyens détournés. Le tout était même plus dangereux puisque en rejetant le racisme crasse, j’étais sans m’en rendre compte en train de RATIONALISER le racisme et de le renforcer. Ce pseudo intellectualisme me donnait un sentiment de maîtrise et de modération qui me donnait la sensation d’avoir mieux compris les choses que mon camarade de lycée qui hurlait « gnnn les bougnoules » tout en me distinguant de la droite « molle » de ma famille.
Je n’arrive pas encore à savoir si la manipulation était grossière ou génialement orchestrée. À l’époque on m’aurait dit que j’étais d’extrême-droite, antisémite, misogyne et raciste, j’aurais tout bonnement nié en bloc.
4. La crise, la radicalisation
Il faut aussi savoir que durant mes années de collège-lycée puis au-delà, j’ai pour diverses raisons traversé divers épisodes de dépression nerveuse qui m’ont forcé à interrompre mes études et à exercer durant un assez long moment divers métiers peu valorisants et difficiles. J’ai été ouvrier agricole, dormant dans une tente par temps de gel à la fin mars, j’ai été embauché dans une usine de tri de déchets, j’ai bossé dans une usine de fabrication de palettes, ouvrier d’atelier de peinture dans une usine de fabrication de porte et fenêtres, ouvrier en chantier de démolition ou encore employé à la mise de viande sous vide à l’abattoir. À terme le recul de ces expériences m’a permis de développer une réflexion de classe, mais sur le moment je ne l’entendais pas de cette oreille : J’étais passé de ma jeunesse privilégiée dans un village isolé où je ne manquais ni d’air, ni d’espace, ni de calme et de nature à la réalité d’un quotidien en grande ville, un univers artificiel, bétonné et bruyant qui ne m’inspirait qu’angoisse et dégoût, le tout sur fond de précarité économique. Pour le fils issu de la classe moyenne que j’étais, vivre dans cette situation, avec la conviction d’être coincé, indigne, sans avenir et condamné à la disparition a généré un vif sentiment d’abandon et de décadence sociale et morale que j’avais également honte de ressentir car je le voyais comme la marque de mon éducation bourgeoise qui m’avait rendu fragile (« féminisé » aurais-je dit à une période) et incapable de survivre dans le « monde réel ». D’où de profondes angoisses qui ne trouvaient un apaisement que dans la consommation de musiques et expédients extrêmes. J’ai cité KPN, Autarcie, Baise ma hache… mais on peut aussi citer Black Magick SS (le groupe joue esthétiquement sur l’imagerie nazie mais j’ai des doutes sur l’idéologie ‒ je le mets finalement car il gravite dans cet univers),
Sühnopfer, Maléfice, Vermine, Régiment, Constantinople, Drudkh, Akitsa, etc. J’ai aussi été marqué à cette période par l’univers décadentiste fin de siècle des romans de Joris-Karl Huymans, les poèmes d’Antonin Artaud, de Georges Trakl, Émile Verhaeren, Charles Leconte de Lisle, Roger Gilbert Lecomte, j’étais marqué par l’univers ésotérique de René Rémond, et même de Julius Evola et Savitri Devi, ou par le livre « Le déclin de l’Occident » d’Oswald Spengler, les romans d’Ernst Jünger, de Yukio Mishima (grand romancier et essayiste nationaliste japonais d’après-guerre), de Pierre Drieu la Rochelle et le pessimisme radical teinté d’humour de Louis-Ferdinand Céline… je lisais « Le matin des magiciens », de Louis Pauwels et Jacques Bergier, je me régalais de lectures lovecraftiennes, j’ai même parcouru le trop connu « Le camp des saints » de Jean Raspail et certains textes de Dominique Venner.
Non pas que tous les artistes et écrivains que je lisais avaient tous des affinités avec l’extrême-droite, mais j’errais constamment dans les frontières de cet univers mental, n’hésitant pas à sauter à pieds joints dedans à l’occasion.
Cette façon de voyager en eaux troubles, je l’ai aussi reproduite en m’intéressant à des thèmes a priori plus consensuels comme l’écologie. Dans un contexte de crise environnementale sur fond de sentiment d’effondrement avec la conviction d’une catastrophe imminente à venir, j’en suis venu à m’intéresser à tout ce qui touche à l’anthropocène. Mais en parallèle de la collection Anthropocène des éditions Seuil, des livres des éditions Monde sauvage et de lectures de romans « Nature writing » assez innocents je suis vite passé à l’écologie profonde, la « théorie » de l’effondrement, le survivalisme, sur fond de néo-paganisme aux relents new age douteux. Savitri Devi, que j’ai déjà citée, entre dans ces catégories de lectures, mais aussi le manifeste du terroriste anarcho-primitiviste et réactionnaire Theodor Kaczyncki (La société industrielle et son avenir), des manuels de survie divers, dont le livre du très connu de Piero San Giorgo, qu’on trouve partout, et diverses chaines YouTube parlant d’autarcie, lesquelles ont explosé en popularité ces derniers temps pour des raisons très identifiables ; mais aussi des ouvrages d’histoire des religions comme ceux de l’historien au passé trouble Mircea Eliade. Sans compter les albums de metal et black metal, où la nature fantasmée en religion cosmique et le chamanisme font partie intégrante de l’identité du genre.
Quelques exemples :
- Yoga – Megafauna
- OM – Negura Bunget
- Great Old Ones – Tekeli-li
Cette vision de la nature n’est certes pas apolitique loin s’en faut mais elle traverse le monde du (black) metal dans son entièreté des groupes les plus consensuels aux plus inquiétants, des sur-populaires Eluveitie aux néo-nazis de Graveland.
Il serait fastidieux de démonter le discours écologique d’extrême-droite et d’autres ont relevé mieux que moi ses contradictions, mais dans l’ensemble je reste fasciné par ce croisement entre nature et religion, où l’écologie se fait théologie, où la nature devient une entité à part entière, vivante foisonnante et hostile. Une forêt de film d’épouvante où l’Humain n’est plus rien mais où il va néanmoins se perdre avec délice car cette forêt a le merveilleux qui manque à notre monde moderne, morose et désenchanté.
Cette vision cosmique, organique, du monde, où se mêlent grands anciens, rites douteux, assemblées occultes, mythes fantasmés, ésotérisme, voire « théorie » du complot et exopolitique, pétrie d’une narration à la Howard Philip Lovecraft (qui par ailleurs était admiratif du nazisme, c’est qui toujours bon à savoir), et qui se retrouve dans le livre Le matin des magiciens, garde comme toute narration complotiste quelque chose d’indiciblement fascinant car elle semble nous traiter en élu (« l’élite » qui a compris, qui a été chercher l’explication du grand mystère) tout en gardant ce voile pudique de mystère qui permet à la narration de garder son potentiel mystique et par ce biais la fascination que cette narration exerce, et cela même quand on est au courant du procédé. Regardez les romans de Lovecraft : on sait que ce n’est que mythe, mais on voudrait y croire. Je me plongeais beaucoup dans cet univers culturel, qui répondait à mes angoisses tout en me permettant un genre d’évasion dans les limbes de l’imaginaire. L’extrême-droite, qui s’imagine un monde d’ennemis soudés par un complot intangible contre « la civilisation » (l’islamo gauchisme, le judéo-bolchevisme maçonnique, etc.) a bien compris cela et c’est pourquoi elle se fait le véhicule de beaucoup de « théories » du complot… quand elle ne les lance pas elle-même.
Voici donc où j’en étais rendu après quelques années. J’étais passé de jeune lycéen à étudiant, puis travailleur précaire. On était vers 2014–2015 et un peu au-delà. J’avais connu Dieudonné et commencé ma « vraie » descente en 2011. C’était à cette époque l’âge d’or de Dieudonné et du mouvement de contestation qu’il avait lancé suite à ses interdictions de spectacle par Manuel Valls. À cette époque j’étais donc ce jeune qui écoutait sans participer (je le précise ici : je n’ai jamais été actif sur les comptes d’Égalité & Réconciliation (ER) ou les pages de Dieudonné ou ailleurs, et je n’ai jamais lancé de harcèlement ou autre. Mon rôle s’est borné à écouter, intérioriser, et parfois à reproduire un argumentaire mais rien de plus. Si je vous dis ça, c’est parce qu’il faut comprendre que le harceleur qui rage derrière son clavier est l’arbre pourri qui cache la forêt des gens qui ne disent rien mais qui dans l’ombre sont peu à peu convaincus par les discours et donc laissent faire les plus violents d’entre eux, la violence du bras armé étant perçue par ces bons attentistes comme « regrettable, mais nécessaire »).
Cependant j’étais de plus en plus gêné par pas mal de choses dans le cercle d’Alain Soral et compagnie et bien que le processus se soit fait sur un temps long, j’ai commencé à voir ma confiance s’effriter. Cette confiance s’est ébranlée suite aux diverses affaires qu’il serait fastidieux de résumer mais en gros j’ai réalisé que Dieudonné était un prédateur financier de la pire espèce qui prenait les gens pour des cons, que Soral ne supportait pas la contradiction et était un pervers narcissique frustré en puissance, que Laurent Louis était un pur opportuniste et manipulateur compulsif et globalement que tous les pseudos intellectuels d’ER avaient ces tendances. Je commençais en parallèle de ma perte de confiance à m’intéresser aux discours de gauche, sur les luttes sociales, le constructivisme, etc. et à comprendre les failles de raisonnement… Suite à mes études et j’ai commencé à réfléchir, dans le contexte de l’après-attentat de Charlie hebdo, au fait que les Islamistes avaient une idéologie dans le fond très similaire aux nationalistes révolutionnaires « occidentaux » (ça m’a frappé quand j’ai remarqué que quelques nationalistes crasses pouvaient montrer des marques de respect aux islamistes, comme Zemmour qui a dit des terroristes islamistes « Je respecte des gens prêts à mourir pour ce en quoi ils croient, ce dont nous ne sommes plus capables… »), lesquels eux aussi montaient en puissance et en activisme, en même temps que leurs discours devenaient de plus plus présents dans l’espace médiatique ou sur YouTube. Tout cela commençait à bouillonner sérieusement dans ma cervelle et j’ai commencé à me demander « Mais à quoi j’ai pris part au juste ? ». Précisons d’ailleurs que mon premier réflexe suite à cette perte de confiance, parallèle à ce que j’ai dit plus haut, a été dans un premier temps la recherche de substituts plus radicaux, et non une « sortie » nette du milieu. Le fait d’avoir des doutes n’a dans un premier temps fait que renforcer mes angoisses et radicaliser mes manières de les extérioriser.
Le coup de grâce est sans doute venu lors de la période charnière de 2015–2016. À cette époque, c’est non seulement le traumatisme de Charlie Hebdo et l’effervescence sociale, la panique même, qui en découle, mais c’est aussi la période la grande mue de l’extrême-droite en France. Après s’être perpétré dans l’ombre du duo Soral-Dieudonné, qui s’étaient faits un nom mais restaient dans l’ensemble assez « souterrains », et suite à la déliquescence de leur mouvement, une extrême-droite plus affirmée, confortée par le duo et s’étant nourrie de leurs discours avant de les évincer, a commencé à sérieusement s’activer. C’était la période de naissance et expansion du Raptor dissident, de Valek et de globalement tous les ersatz de Soral plus rincés les uns que les autres qui après s’être suffisamment nourris de sa rhétorique, ont décidé de prendre eux-mêmes une caméra et un micro pour aller sur YouTube.
C’est aussi la période de la grande bagarre entre Soral et Conversano qui a défrayé la chronique à l’époque.
Et là où Soral était un nazifiant qui usait d’éléments de langages, de clins d’œil plus ou moins cryptiques à la pensée fasciste et nazie, Conversano s’assumait clairement comme tel (et il faut savoir qu’à une période antérieure, vers 2011, j’avais regardé certaines vidéos de lui, comme celle sur l’art contemporain, que j’approuvais).
Bref, c’est la période du grand coming out de l’ultra droite sur YouTube, qui avec ses multiples réseaux et lieux de rencontres et grandes personnalités comme De Lesquen, Hassen Occident, Conversano, Pagan TV, etc. ont créé sur YouTube un véritable écosystème. Des personnalités qui se déchirent sans arrêt et sont dans un concours permanent pour savoir qui incarne la vraie droite et dont les disputes constituent autant un milieu anxiogène et épuisant qu’une radicalisation, car quand telle ou telle personnalité se discrédite ou que le milieu en lui-même est victime d’un drama ou d’un pourrissement, la conséquence en est une radicalisation générale du discours ambiant dans un cycle sans fin. On constatera une constante dans le milieu d’extrême-droite : le monde et l’étranger étant un ennemi, et l’important étant l’ordre et la hiérarchie pour faire face au chaos, ils ont tendance à projeter sur le monde leur propre pratique de gestion de leur univers politique. Tout chez eux est concours d’influence, coups de Trafalgar et trahisons qui nourrissent allègrement clashes et batailles d’ego dont sont friands la fanbase, laquelle s’auto-convainc d’ailleurs par l’attitude de leurs propres gourous que le monde entier fonctionne comme un gigantesque aquarium à piranhas ou seules les lois « manger ou être mangé » et « les nôtres avant les autres », comptent.
La « chute » de Soral et la perte d’influence d’Égalité & Réconciliation obéit à ce mécanisme : ça n’a pas affaibli la base militante de l’extrême-droite, ça l’a renforcée, tout en radicalisant d’autant plus les militants, bien plus vénères et frontaux aujourd’hui qu’ils l’étaient sous Soral, la fenêtre d’Overton et leur acceptation dans l’espace de discussion s’étant considérablement étendue ‒ la fenêtre d’Overton, ou fenêtre de discours, est une allégorie de l’ensemble des idées et des opinions considérées comme acceptables dans l’opinion publique d’une société, si tant est qu’ « opinion publique » ait un sens clair. Ce processus n’a d’ailleurs pas de réelle fin car si Soral s’est fait doubler par sa droite par tous les youtubeurs dissidents, ces derniers comme le Raptor sont aussi en passe de se faire doubler sur leur droite ces derniers temps, devenant de plus en plus ringards et dépassés, la base militante la plus active devenant toujours plus violente et organisée, se tournant vers les groupes d’extrême-droite comme Génération identitaire ou des vidéastes nationalistes incitant à la violence armée comme Code rno (ou Code Reinho) et tout l’univers des chaînes survivalistes. Bref, ces périodes où l’extrême-droite et ses réseaux se reconfigurent suite à un drama quelconque constituent pour la fanbase des périodes de choix. Les militants les plus radicaux avalent la redpill (référence au film The Matrix : « Choisis la pilule rouge : tu restes au Pays des Merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre ») et s’enfoncent plus loin dans les couches de l’alt rigth Les désillusionnés peuvent choisir de sortir du cercle en profitant de cette période de doute pour faire une auto-critique radicale. Ce que j’ai fait.
5. La sortie
À cette période donc, je suis à la fois dégoûté de Soral, de Dieudonné, et de tout leur milieu. Je contemple les exactions du Raptor et de sa communauté sur les réseaux. Les harcèlements de masse, les raids. Je vois leur idées et discours se généraliser. Tout cela me dégoûte car je le répète, je n’ai jamais aimé et jamais participé à des raids. Je réalise que si les têtes changent, l’idéologie souterraine ne change pas, donc que les problèmes resteront inchangés et que tout cela participe à un même cycle de radicalisation dont l’issue m’effraie. Car là où je pouvais encore m’aveugler sur Soral et Dieudonné ‒ je n’avais pas outils d’analyse et que je ne prenais pas le temps d’analyser leur discours, celui de la « nouvelle droite » était totalement assumé et sans fard. Et c’est en comparant ce discours très brut et premier degré que j’ai réalisé que j’avais écouté pendant des années le même discours, mais plus subtilement instillé. En parallèle je suivais des études d’histoire et j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire du fascisme, du nazisme, de ce qui l’avait fait naître, et sur quels éléments de langage l’extrême-droite de l’époque s’appuyait. J’ai vu les similitudes. Puis j’ai commencé à réfléchir sur mon parcours, comment les discours ambiants dans ma famille, au lycée, m’avaient amenés à penser ceci ou cela… Ça a été un vrai choc. À partir de là, j’ai commencé à me reconfigurer à gauche, notamment grâce à des lectures diverses en histoire, en sociologie et grâce à des chaînes YouTube engagées à gauche ou parlant tout simplement de sciences sociales, ce qui m’a permis de trouver petit à petit des réponses. Quelques chaînes de zététique m’ont aussi aidé à comprendre la rhétorique complotiste.
Bien sûr, tout cela ne s’est pas fait en un mois et en « remontant » les couches, je suis passé par des gens très discutables comme Greg Tabibian. Heureusement pour moi, je venais de l’univers vers lequel il oriente son public et j’ai vite compris qu’il jouait ce même rôle de passerelle entre la gauche rouge brun et l’extrême-droite, d’autant que plus ça allait, moins il camouflait sa ligne. J’ai donc assez vite laissé tomber et continué à remonter. Quelques rencontres et discussions avec des militants de gauche radicale parmi mes relations m’ont aussi permis d’affiner ma pensée. Bref. Pour conclure, je vais balancer une idée qui m’a permis de fondamentalement remettre en cause le discours d’extrême-droite en réalisant qu’il était totalement anxiogène. Ma compréhension et remise en cause de l’essentialisme (les gens ont une nature innée et inchangeable de naissance), là où la gauche est constructiviste (tout est construction sociale et influences).
La droite carbure à l’essentialisme, ce qui a diverses conséquences très nocives. La première est un mépris pour la pensée et l’intellectualisme. Puisque tout est basé sur la nature innée, réfléchir c’est ne pas être en accord avec la nature, la biologie, l’instantanéité. La réflexion est une « castration » et tout doit être basé sur l’acceptation des instincts.
La deuxième conséquence est plus marquante encore car elle conditionne à la violence par sa promotion d’une vision tragique du monde. Si tout est inné, alors il ne sert en définitive à rien de discuter avec un adversaire car ce dernier est au fond programmé pour être votre adversaire. Le convaincre ne sert à rien et c’est aller contre sa nature profonde.
Dans l’esprit d’une personne d’extrême-droite, chercher à convaincre est déjà chercher à subvertir la nature innée d’une personne, discuter est comme tout aspect de la vie une lutte pour l’existence, le dialogue n’est pas un échange mais un combat, avec à terme pour le/a vaincu·e une soumission et un formatage, et est donc suspect par nature. La discussion est dans l’esprit de l’extrême-droite l’arme de la morale d’esclave pour asservir le « maître » à son insu sans avoir à passer par l’épreuve de la sélection naturelle qu’est l’affrontement pur et simple. Elle est de facto suspecte d’être du totalitarisme déguisé. En ces conditions il ne reste que l’épreuve de force, la violence, l’élimination pure et simple de la contestation, pour décider qui l’ordre naturel a jugé bon de mettre au sommet. Le perdant n’a qu’a s’en prendre à lui-même et toute pensée constructiviste n’est vue que comme un truchement de l’ordre naturel, de la « morale d’esclave ». Et si tu es perdant, c’est parce que ta volonté n’était pas suffisante et toute autre explication, notamment sociologique, est une fuite devant son infériorité. Dans cette optique, il ne reste plus que l’ultra violence, le blasphème et le suicide comme seules issues au sentiment de défaite. La pensée d’extrême-droite conditionne à la violence contre les autres et contre soi.
En remettant en cause cette idée fondatrice, tout simplement parce qu’elle abouti à une vision du monde où l’angoisse de ne pas être à la hauteur, où la compétition pour la survie physique et intellectuelle est une lutte permanente et vraiment épuisante, on ôte ce qui fait la force d’attraction de la droite mais aussi son potentiel anxiogène. L’essentialisme est aussi une vision tragique du monde car elle porte fondamentalement en germe l’idée qu’il faut retourner en arrière, à un mythe des origines, pour retrouver du sens à l’existence, quelque-chose de « vrai ». L’histoire étant faite de multiples couches de constructions sociales, pour la droite, le monde et l’histoire ne peuvent aller que dans le sens d’une perversion lente et contre-nature jusqu’à l’apocalypse qui restaurera l’ordre originel en brûlant toutes les couches de construction contre-nature qui se sont accumulées au fil des décennies, des siècles, voire des millénaires. Les divers degrés de la droite se faisant un devoir de discuter où au juste se situe ce point d’origine « à partir duquel ça a foiré » et vers lequel il faut revenir. C’est en cela qu’on peut parler d’une vision suicidaire et tragique de la société.
Dans cet univers crépusculaire, le dandysme, le culte de la mort et de l’effondrement est la seule alternative que donne la droite face au défi d’un monde à réinventer. S’asseoir et réfléchir « à ce qu’un vieux romain ferait à notre place et agir en conséquence » comme dirait Julien Rochedy. Préférer le néant que ne rien vouloir. Attendre l’effondrement sourire carnassier aux lèvres en stockant du riz et des munitions dans son garage, en regardant des tutos de Piero San Giorgo et en consultant le site www.guerredefrance.fr.
F comme Fist F comme France F comme Famine Un coq loufoque qui t’fuck et poc J’vais trouer toute ta famille A coup d’pine, d’barre à mine, d’carabine Et sous amphétamine En même temps qu’j’volerai vos villes ####### vos filles J’ferai bobo À tous les bobos À tous les ####### Les ptits Zoros d’ghetto… Ton Samsung dernier cri On va te l’fout” dans l’cul Tu pousseras un dernier cri Et tu reviendras plus…[…] Retour à l’âge de pierre Y’a des catastrophes qui s’préparent On n’aura plus de bière Ni de venaison dans les Spar Mais dans ç’capharnaüm Un bel horizon s’offre à nous : On va bouffer des hommes Et fout’ leurs grosses putes à genoux Un – me fais pas la morale Deux – quand j’bronzerai dans mon val Tu – prendras une double anale Par – le Maroc le Sénégal Trois – salue le Zaïrois Quatre – qui coupera ton goitre Cinq – fallait pas l’appeler « zinc » Six – et chier sur la police Kommando Peste Noire, extrait de « Niquez vos villes » |
L’extrême-droite vous vend une vision très noire de la vie où tout est question de nature, d’inné et de volonté individuelle, répond à vos angoisses sur l’existence et la perte de sens dans un monde à la narration toujours plus floue en vous vendant finalement plus d’angoisse, vous coupant des autres et de vous-même jusqu’à ce que votre seul sentiment d’appartenance soit celui lié à votre petite chaire politique et à des idéaux de race et de nation, lesquelles entités sont entourées d’ennemis bouc émissaires invisibles qu’il convient d’identifier et éliminer pour remédier à vos maux. Personnellement, comprendre cela m’a permis de réaliser pourquoi le discours d’extrême-droite était autant fasciné par la dépression, la décadence, la perversion et où tout cela menait. Et à quel point il faisait en sorte de générer cette vision très noire des choses. Ça fait partie du processus de radicalisation et les personnes isolées, solitaires, fragilisées et aux tendances dépressives y sont d’autant plus sensibles, comme je l’étais. Par ailleurs dans mes goûts artistiques je reste fortement influencé et même sur certains points admiratif de certains artistes d’extrême-droite qui savent très bien mobiliser cette vision apocalyptique et décadentiste de la la vie (Comme Peste noire qui reste parmi mes références musicales).
De par mon expérience, la vision biologisante de l’extrême-droite d’une société malade, dévoyée et gangrenée qu’il faut purger de sa « maladie » tire aussi sa source pour une bonne part dans une projection de l’état d’esprit du militant à la société dans son ensemble. Je me sentais périr, ma dépression me rongeait, et la gangrène qui me foutait en l’air le cerveau et le corps, et dont je voulais me purger, la vision paranoïaque d’être cerné de toutes part par des ennemis invisibles : mes dépressions, la maladie, la peur, l’angoisse, la souffrance et la mort, je l’ai projetée autour de moi en cherchant frénétiquement « l’ennemi » invisible qui me privait d’air et me vidait de mon sang. L’extrême-droite a une vision paranoïaque, biologisante et dépressive du monde parce qu’une bonne part de ses idéologues et militants les plus marquants sont eux-mêmes profondément atteints de ces maux, ce qui crée d’ailleurs un genre de solidarité entre eux et leur permet via leur création artistique d’attirer de nouveaux adeptes. Je me sens toujours un lien émotionnel avec Famine de KPN par exemple parce que sa personnalité et ses paroles décrivent la dépression, l’angoisse, le déclassement et la crasse d’une façon qui fait énormément écho à ma propre histoire et mes propres ressentis.
Comment aurais-je pu ne pas me sentir concerné, et même solidaire, de Famine quand dans ses chansons il balance des choses comme :
Jours couleur merde, saveur crépuscule De mon crâne Ils ont fait une cellule Où crimes, idées noires Où idées noires, crimes Comme des crapauds sautent Sautent Hop sautent Pullulent sautent ! De coups, de crottes Est taguée ma mémoire Mon présent dévoré Par la dépression, le cafard. Vers et verrues les obsessions M’ont verrouillé et laissent croire Que le futur est rance Que tout n’est qu’erreur et errance. Enseveli vivant parmi les vivants (Kommando Peste Noire, extrait de « Noire Peste », album « Split ») |
Comment n’aurais-je pas pu me sentir compris quand il balance dans « J’avais rêvé du nord » :
Jaune aux bleus tout calciné,
Planté dans le mauvais décor,
Quêtant ma juste destinée,
J’avais d’un coup rêvé du Nord.
[…]
J’eus voulu crevasser Phoebus,
Y redarder toutes ses flèches,
Pour qu’il s’écrase comme un airbus
Entre Marseille et Marrakech !
Et tu m’es apparu miroir, frangin de haine,
[…]
Toi Métal Noir ! Forgé dans la nuit des garages
Comme un obus artisanal
Fait moitié-rêve moitié-rage,
Toi Métal Noir ! Sortant des tripes de la terre
Comme une énorme sonde anale
Exploser des villes entières !
(Kommando Peste Noire, extrait de « J’avais rêvé du Nord », album « L’ordure à l’état pur »)
Ou encore quand il chante dans la « condi hu » :
Syphilis, tétanos, hépatites, fusariose,
Fièvre jaune, chancre mou, infarctus, brucelloses,
Pneumonies, gonorrhées, aplasies, choléra,
Genre humain, malaria, di-arhhées, mokola,
SRAS, SIDA, CAC, sclérose en plaques,
Gale, herpès, pu, t’es d’la barbaque,
Ulcères, typhus, pub, chikungunya,
Rouille, mégalopole, chtouille, tu ploies rouya
Guerres, excavata, rectocolite hémorragique
Gangrène gazeuse, poux, République,
Peur, peste, nucléaire, sodoku,
L’Homme, se terre, hurle, sue du cul,
Borrelia recurrentis, molluscum contagiosum,
MST, MTV, Loft Story, en gros zoom,
Ma scoliose, supérieure, à 35, degrés d’angle,
Me fait voir, dans le ciel, un gros trou, qui m’étrangle.
(Kommando Peste Noire, extrait de « La condi hu », Album « L’ordure à l’état pur »)
Comment n’aurais-je pas pu me sentir des affinités avec la musique et la personnalité de Famine, ses albums d’une musique coincée entre crasse et sublime, entre passé révolu et modernité insoutenable, où les hurlements de bête malade côtoient les vers de Verlaine, de François Villon et de Christine de Pisan, où les riffs endiablés d’un metal très brut côtoient des samples à l’esprit très « trap », où le nationalisme et la religion, cadavres pourris et profanés, s’engagent dans une dernière danse sur chaise électrique, où la masculinité la plus malade se suicide en grande pompe avec tout ce qu’il y a autour, où la campagne hallucinée et la ville tentaculaire se mêlent en un bal cradingue où mon ego était ravi d’aller se noyer. La musique de Famine, son univers, ses paroles, me parlaient, et continuent d’ailleurs à me parler. La musique de KPN faisait plus qu’écho à mon vécu : elle parlait à ma chair. J’aurais beau faire tous les efforts à le nier ou changer cet état de fait, « J’avais rêvé du nord » trouvera toujours une résonance en moi.
Des groupes comme KPN et les gens comme Famine (et moi) ne sont en définitive que le produit logique d’une société hégémonique « occidentale » blanche, masculine et hétéro-normée qui, au sommet de sa domination et au bord du précipice, produit en dernière défense une redoutable caricature d’elle-même.
Élevez des enfants dès le plus jeune âge à être des bêtes de concours, à coups de tableaux, de classements, de prix et de mérite, apprenez-leur à lutter les uns contre les autres, dites-leur qu’ils peuvent et doivent s’accomplir seuls et que au final, si la solidarité c’est bien beau et très moral, au moindre pépin, on est juste tout seul face à ses problèmes et que ce qui distingue le winner de la loque c’est la volonté… Sélectionnez les plus aptes aux études supérieures comme étant les plus aptes à la compétition permanente, rendez normal le fait d’éliminer l’autre et de le voir avant tout comme un concurrent, assommez-les de normes à respecter, de quotas à remplir, brimez-les avec l’angoisse de ne pas être la hauteur de ce qu’on attend d’ell·eux, dites-leur que la vie est une lutte permanente pour la survie du plus apte, que leur bien-être passe par l’élimination des concurrents lors d’une grande course vers le sommet de la pyramide… Bref faites-en dès l’enfance des tueurs symboliques, avec tout l’appui du système scolaire et du monde du travail, lequel n’est qu’une projection de ce que nous apprend l’école.
Élevez des petits Blancs comme des flocons précieux avec la conviction qu’ils sont au sommet du monde civilisé et de ses valeurs, produits chouchoutés d’une culture pluriséculaire et d’une histoire glorieuse dont ils doivent être gardiens et héritiers, mettez-leur dans la tête que la vie est une compétition pour la survie et que seule la victoire importe, matraquez-les de promesses d’accomplissement et de développement personnel avec une vision méritocratique de la réalité où celui qui fait des efforts et attend son heure de gloire sera récompensé, traitez les comme des élus en devenir, promis à la gloire et à qui on doit admiration et vénération, puis faites-leur subir la désillusion que leur mode de vie est intenable matériellement parlant, que la civilisation qui leur a donné naissance n’a rien de belle ou glorieuse, qu’ils ne doivent pas leur situation au « mérite » mais aux hasards de l’histoire, que personne ne les admire, que ce qu’on leur a vendu est une mythologie toxique, qu’on leur a menti, qu’ils ne sont personne dans un ordre capitaliste qui n’attend plus d’eux qu’obéissance et performance, et qu’ils ont le choix entre lutter vainement ou se laisser disparaître eux et leur civilisation, dans un océan d’indifférence… Dîtes-leur après une éducation de privilégié·e que tout est hasard et mythe informe, lequel est en train de disparaître, dans l’indifférence générale…
Élevez des hommes avec l’idée dite et répétée que la virilité est ce qui distingue le « vrai homme » de la « flaque », dites-leur que pleurer est un acte de faiblesse, dites-leur à longueur de cours d’histoire, de films, de série et de musiques et de pub que ce sont les vrais hommes qui font l’histoire et que le modèle à suivre est le seul valable, dites-leur que la virilité leur donne accès à la réussite, à l’admiration d’un troupeau de femmes qui ne demanderont qu’à porter leurs enfants. Faites-leur subir la désillusion que le monde ne fonctionne pas comme ça et dites-leur que quoi qu’ils fassent le statut d’élu sera réservé à un petit nombre et que la plupart d’entre eux seront condamnés à rester devant les portes du palais à crever la dalle dans la solitude et le froid… Dites-leur que s’ils ont échoué c’est parce que la vraie morale d’antan a été dévoyée par un bouc émissaire quelconque, que l’âge d’or est mort depuis longtemps et que la seule issue digne pour sauver sa virilité dans l’échec, c’est l’accélérationnisme, l’action suicidaire, le crime de masse et le suicide…
Faites tout cela, et à la fin, et en toute logique, vous obtiendrez « Domine », de Peste Noire.
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6. Conclusion
À l’aune de tout cela, il me revient un extrait de la conclusion dans « Les damnés de la terre », de Franz Fanon.
« L’Europe a pris la direction du monde avec ardeur, cynisme et violence. Et voyez combien l’ombre de ses monuments s’étend et se multiplie. Chaque mouvement de l’Europe a fait craquer les limites de l’espace et celles de la pensée. l’Europe s’est refusée à toute humilité, à toute modestie, mais aussi à toute sollicitude, à toute tendresse. […] Allons, camarades, le jeu européen est définitivement terminé, il faut trouver autre chose. Nous pouvons tout faire aujourd’hui à condition de ne pas singer l’Europe, à condition de ne pas être obsédés par le désir de rattraper l’Europe. L’Europe a acquis une telle vitesse, folle et désordonnée, qu’elle échappe aujourd’hui à tout conducteur, à toute raison et qu’elle va dans un vertige effroyable vers des abîmes dont il vaut mieux le plus rapidement s’éloigner. »
Peut-être est-ce dans ces quelques mots qu’on trouve la réponse de pourquoi ce qu’il convient d’appeler des jeunes Blancs isolés préfèrent aller vers l’extrême-droite que vers la gauche. Le modèle socio-économique d’un monde tournant autour de l’Occident et des « valeurs » occidentales étant remis en cause sur tous les fronts, il faut en tant qu’Occidentaux (si tant est que ce terme est un sens*) admettre l’idée que toutes nos valeurs sont à reprendre, que nous sommes le dernier prolongement d’une histoire et de valeurs désormais intenables, bref, qu’en tant que Blancs « occidentaux, », nous sommes au cœur de ce qui s’effondre, là où les minorités oppressées ont l’espoir rassurant de se situer à la périphérie de ce qui s’élève. Le choix doit se faire entre d’un coté le culte vain de valeurs nécrosées sur un modèle à la dérive, et le pari d’un avenir meilleur où nous ne savons pas quelle sera notre place et notre modèle, d’autant plus quand l’éducation qui a été la nôtre nous a enseignée que notre place était partout de base et que le seul modèle de virilité blanche qu’on valorise consiste en survalorisation de l’égo sur fond d’affirmation agressive de son identité.
Pour un développement de cette problématique sous un autre angle, je vous renvoie à l’excellente vidéo de Contrapoints sur « Les hommes », notamment sa conclusion.
À l’heure actuelle, je ne parviens pas à savoir exactement par quel procédé je me suis sorti de cet univers mental qui pourtant constitue encore une large part de mon identité. Je pourrais vous dire que j’ai rencontré les bonnes personnes, lu les bons livres, eu les bonnes pistes de réflexion… La réponse est sans doute plus terre à terre : je me suis fatigué. J’en ai eu assez de me taper les mêmes cycles, à être éternellement insatisfait et a tourner en rond avec mes dépressions sans espoir de sortie et j’ai eu le bon sens de réaliser qu’il fallait que je modifie mes habitudes de vie pour retrouver un mental plus sain, et que fétichiser sans arrêt ce qu’il y avait de plus sombre en l’être humain par besoin de « catharsis »/libération émotionnelle n’était pas le meilleur moyen de se stabiliser mentalement.
Mon malheur et ma chance c’est sans doute que dans mon parcours j’ai assez peu bénéficié de soutiens, dans le sens où je n’ai pas fait partie d’un groupe d’extrême-droite ou même d’un cercle clairement politisé. Je suis le type même de ces nouveaux extrémistes fantômes, d’autant plus difficiles à détecter qu’ils se forment en solitaire sur les réseaux. Mais ce faisant, je n’ai pas eu à subir de menaces ou de pressions pour quitter le navire.
Aujourd’hui donc, je me détoxifie du mieux que j’ai pu des idéologies d’extrême-droite mais je reste globalement très influencé par mon expérience de ces cercles. Mon goût pour l’humour très noir, mes tendances artistiques décadentistes et extrêmes en sont autant de témoignages. Je continue à faire mon chemin dans l’extrême-gauche, en faisant un peu de veille, en informant de mon vécu et surtout, en ne cachant pas ce vécu car c’est finalement d’informer des militants de ce passé qui m’a permis d’avoir des critiques. Leur vigilance vis-à-vis de moi ‒ je comprends qu’on ne me fasse pas vraiment confiance et je ne le demande pas ‒ me sert de guide et de garde fou.
J’espère que ce très long pavé ne vous aura pas trop mobilisé et qu’il aura aidés certains à reconnaître comment l’extrême-droite procède pour recruter ses adeptes. Si vous êtes un·e militant ·e d’extrême-droite et que vous êtes arrivé jusqu’ici j’ai ce message : il n’est jamais trop tard pour s’en sortir, mais plus on tarde, plus le processus sera difficile. Il va falloir en premier lieu nous rendre compte que nous avons évolué dans un milieu qui ne donne que des réponses floues à nos souffrances et questionnements afin de devenir le seul intermédiaire entre ces souffrances qu’il prétend calmer par diverses redpills, tout en les amplifiant par la construction d’une vision du monde anxiogène qui augmente toujours plus notre besoin de redpills. Sortez vous de cette logique avant de vous isoler totalement et de vous détruire.
Sur ce,
« J’ai refermé sur moi la porte étroite et lourde J’avais sur mon cœur marqué d’un fer rigide La trace éphémère de nos derniers soupirs, J’ai regardé le ciel. Les divinités sourdes Ont fermé leur épouvantable et lent cortège Pour s’asseoir et pour dire « Cessez un instant de pleurer ! Battez-vous La guerre c’est ce métal qui coule et redore Sur les fonts baptismaux d’une auréole nouvelle Les trop fidèles espoirs De vos muscles de pierres — Nous tresserons pour vous des guirlandes de fleurs Mais vous irez mourir au-delà des colonnes Dans des retraits profonds Et des vallées rougies. Où dorment des serpents Dont les anneaux meurtris au sépulcre des Vôtres — Vous marquerez l’infini D’un doigt toujours malsain Dressé vers l’infortune ». Mais je me suis tourné vers eux Pour leur cracher au visage Sans craindre leur bave. Adieu, les dieux. » Roger Gilbert-Lecomte (Extrait de « La vie, l’amour, la mort le vide et le vent ») |
*Note de Richard : dans mes enseignements, je fais une critique de ce terme, car Occident est une conceptualisation duale, archaïque et fausse du monde. Car d’une part les limites de l’Occident n’ont rien de clair. D’autre part, il est difficile de trouver quelque chose de proprement occidental. Enfin, parce que la contraposée, l’Orient, est souvent le fruit d’une lecture très coloniale. En général, on emploie Occident pour dire « capitalisto-judéochrétien »… Alors autant l’assumer.
Post scriptum
Je ne pouvais fermer ce texte un peu déprimant sans donner quelques pistes de réflexion et essayer de de relever un peu le Black metal aux yeux de certaines personnes. Malgré mon vécu avec cette musique, je n’oublie pas que quand j’étais au fond, c’est encore la part de moi qui hurle, se tord et hait qui est venue à mon secours quand je pensais n’avoir rien d’autre. C’est dans cette part que j’ai puisé la force de survivre. Le Black metal mérite certainement mieux que certains artistes qui lui servent de porte-étendard, mais il reste et restera ma musique de cœur parce que c’est elle qui a su le mieux exprimer ce que je ressentais dans les pires moments. Aussi je tiens à rappeler l’existence de groupes et artistes engagés dans cette mouvance. Au premier chef :
- le groupe Biesy qui traite des sujets LGBT+ , notamment dans leur excellentissime album au titre bien nommé Transssatanism sorti en 2020.
- Le groupe Worhs, groupe francais aux thématiques également lié à l’engagement pour la cause LGBT+. Une entrevue intéressante du groupe se trouve ici.
- Neckbeard deathcamp, groupe très ouvertement antifasciste.
- L’album « Spiritual rebel propaganda », composé par un des très nombreux émules du groupe Bathuska, dont l’esthétique de la pochette et les titres de tracks sont évocateurs.
- Le groupe Sankara et leur très bon Total abolition of all hierarchy.
- Le groupe plus connu Sordide et leur album Hier déjà mort.
- Les féministes radicales du groupe Feminazgul et leur album au titre délicieusement ironique tiré du Seigneur des anneaux (de J. R.R. Tolkien) The age of men is over.
- Les non moins radicales Matriarkathum et leur album Curse you all men !.
- Le groupe Sarparast et leur album The red concil.
- Le groupe Iron column et leur album Power from below, qui ressuscite pour nous les anarchistes de la guerre d’Espagne.
… et ils sont encore nombreux.
Dans l’ensemble, et bien que décider de la direction politique d’une forme d’art soit indiscutablement prétentieux, le dévoiement du Black metal par l’extrême-droite est un non-sens si on regarde l’histoire du genre, ses racines et son esthétique :
Le black metal puise son origine d’une part dans le punk et la profonde désillusion qui a suivi la fin du « flower power » hippie lors de la transition des années 70 aux années 80, qui ont vu le modèle capitaliste américain néolibéral balayer les derniers débris du bloc de l’Est, et avec, de ce qu’il restait des espoirs dans une alternative socialiste à l’exploitation capitaliste planétaire désormais libre de s’étendre sans frein.
D’autre part le black metal est issu de la culture rock et a toujours été queer au sens très littéral du terme (queer = bizarre) : Le black metal a toujours été un genre extrême dans tous les sens qu’on peut donner à ce mot et il s’est toujours fait un devoir de brouiller toutes les limites, que ce soit morales, entre les notions de « bien » et de « mal », mais aussi esthétiquement en brouillant les limites entre les genres. En soi il n’y a rien de plus queer que des hommes à cheveux (souvent) longs décidant de se vêtir de cuir moulant pour se tordre sur scène pour étaler leurs dépressions tout en se peignant le visage en adoptant des voix si désincarnées qu’elles n’en ont plus rien de « masculin » ou de « féminin ». Et par ailleurs, malgré la misogynie générale du milieu, le virilisme exacerbé et agressif ne trompe pas grand monde : d’une part cet entre-soi masculin a toujours été un peu « suspect » d’homosexualité (d’où d’ailleurs ces tendances au virilisme exacerbé je pense), et ensuite et par-dessus tout il est bien question dans le black metal de communier avec des personnes qui hurlent, pleurent et étalent toute leur faiblesse, leur chagrin et leur frustration à la face du monde dans une orgie dont la violence cache mal le besoin trop refoulé d’exprimer ses sentiments. Si pleurer est mal vu pour un homme, enrober ce chagrin d’une violence plus ou moins théâtrale reste encore le meilleur moyen de rendre socialement, virilement, acceptable le temps d’un morceau le fait de se plaindre, hurler et gémir. Le black metal est profondément né des travers de l’éducation ultra genrée et masculine qui empêche les hommes d’exprimer leurs émotions de manière saine. Et en ce sens, il s’agit peut être du genre musical le plus potentiellement révolutionnaire qui soit.
D’où l’importance d’une réappropriation du genre par l’extrême-gauche, ce qui ces derniers temps me semble être un peu plus qu’un espoir au vu des productions engagées et les initiatives de groupes qui émergent ici et là.
Ce ne sont bien sûr pas les seuls à lancer des initiatives. Le punk français et francophone est plus que dynamique et fournit de très belles perles, et ce depuis toujours.
- Jeunesse apatride, avec Larmes aux poings (2008)
- 22 Longs Riffs – Balle populaire (2017)
- Brigada Flores Magon – Brigada Flores Magon (2000)
- Pekatralatak – Pour un Djihad de Classe (2008)
Et j’en oublie : Le fameux groupe The oppressed outre atlantique, les groupes comme Hors contrôle, Radical kitten, Ekkaia, Gasmask terror et tout le mouvement du punk discharge… Mentionnons aussi les indispensables russes de Moscow death brigade, La Vida Cuesta Libertades, DSA commando, etc.
Pour aller plus loin, quelques chaînes/vidéos sur divers thèmes liées à la pensée progressiste d’extrême-gauche et à la critique de la pensée de droite
- La chaîne de Contrapoints.
- La chaîne d’Innuendo Studios et leur exellente vidéo (sous-titrée en français) « How radicalize a normie ? »
- L’épisode 9 « Éducations viriles » du podcast « Les couilles sur la table » de Victoire Tuaillon
- La chaîne de Guillaume Deloison.
- La chaîne de Patchwork.
- La chaîne de Kaleidospop.
Pour les anglophones :
- La chaîne Three arrows
- La chaîne d’Anark.
- La chaîne de Re-ducation.
- Une (importante) vidéo bonus.
L’idéologie des différents groupes de metal cités comme illustration de ma plongée dans l’imaginaire d’extrême droite païen et néo-nazi.
- Black magick SS : à ce que je sache, ce n’est pas un groupe NSBM . Il joue sur une esthétique nazie ésotérique mêlée de psychédélisme très 70’s et globalement toute la culture occulte nazie découlant du livre fondateur Le matin des magiciens, de Pauwels et Bergier.
- Maléfice : Idem, mais bien que la musique en elle-même soit assez purgée au premier abord d’un manifeste politique, les interwiews des membres qui définissent entre autres leur musique comme de « L’Ahnenerbe black metal », ne laissent guère place au doute (l’Ahnenerbe Forschungs und Lehrgemeinschaft, c’est-à-dire « Société pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral », était un institut de recherches pluridisciplinaire nazi, créé par le Reichsführer-SS Heinrich Himmler).
- Kommando Peste Noire : nationaliste, identitaire, anarchisant de droite.
- Suhnopfer : le membre central du groupe est passé par le groupe Peste noire et apparaît notamment dans le documentaire « la chaise dyable »
- Vermine : NSBM déclaré
- Régiment : pétainiste
- Constantinople : royaliste, anti républicain virulent
- Drudkh : très lié au groupe NSBM Hate forest
- Akitsa : nationaliste.
Suggestion de lecture : Tueries. Forcenés et suicidaires à l’ère du capitalisme absolu, de Franco « Bifo » Berardi, Lux Editeur, 2016.
Incroyable, merci beaucoup pour ce témoignage.
Il y a énormément de points que je n’ai pas cité dans mon témoignage que tu évoques (Dieudonné, Soral, Arthaud, etc…)
Si tu souhaites échanger avec moi mes mails et DM sont ouverts, et je respecterai ton anonymat quoi qu’il en coute camarade !
BRAVO
Eric-André Favre, sur Facebook, m’indique qu’il y a également un groupe de metal de gauche, Zeal and ardor, qui allie blues et metal. Qu’il en soit remercié
On trouve même des éléments de Gospel inspirés du « Negro Spiritual » dans Z&A.
Allez Richard, je suis sur qu’il y a moyen qu’on te forge une culture (et une armure) Metal digne des plus grands cercles de l’enfer !
Il y a beaucoup de choses à dire sur Zeal & Ardor. À commencer par le fondateur, Manuel Gagneux, dont la mère est afro-américaine (dans un genre musical qui ne brille pas par sa diversité), et de son histoire, qui est une réaction à un commentaire nauséabond sur 4chan (Gagneux allait chercher l’inspiration là-bas, en demandant des idées genres musicaux à fusionner. À un « black metal », quelqu’un a pensé bon de répondre « negro music » ; le reste fait désormais partie de l’histoire). Le projet imagine ce qui ce serait passé si les esclaves noir⋅es américain⋅es s’étaient tourné⋅es vers Satan… tout un programme (et pour le coup, le programme n’est pas ambiguë).
Le dernier (mini-)album (Wake of a Nation) vaut particulièrement le coup d’oreilles. Autant le sous-texte du projet a toujours été très clair, autant les questions de discrimination raciale sont mises très frontalement en avant sur ce format court, qui tranche aussi avec une évolution vers des sons plus actuels (limite R’n’B par rapport au gospel des deux premiers albums) et des field recordings (de manif” BLM), et avec un titre en pied de nez aux suprémacistes blanc⋅hes (difficile de ne pas le voir comme une référence au Birth of a Nation cher aux fanas du KKK).
Sur les Réseaux sociaux, quelqu’un a demandé ce qu’il était advenu de ses ami·es de l’époque. Voici sa réponse.
« Ma compréhension et remise en cause de l’essentialisme (les gens ont une nature innée et inchangeable de naissance), là où la gauche est constructiviste (tout est construction sociale et influences). »
Sauf que les deux raisonnements sont faux :
-> Personne n’est d’essence immuable et inchangeable. Tout bouge.
-> Personne ne se construit à partir de rien. Il y a toujours un « déjà-là », une base.
Bref, il y a encore du boulot ! 😉
Je taquine, mais plus sérieusement, La tronche en biais en a régulièrement parlé, de cette fausse dichotomie innée/acquis.
Toujours est-il que c’est très bien de t’être sorti de cette merde. Il y a beaucoup de conneries là où tu as navigué, et ça ne peut que faire du bien de s’en éloigner. Néanmoins, surtout au vue de ton parcours, rejeter en bloc toute idée de droite me semble aussi absurde que d’accepter sans condition toute idée de droite. Pareil pour la gauche. Techniquement parlant, la vérité n’a pas de camp ! Sinon ça se saurait. Qu’on ai une certaine sensibilité, c’est très bien, tant mieux, mais pour aborder frontalement un problème donné, il me semble plus honnête de confronter tous les points de vue, pour s’en faire une idée la plus complète possible. C’est pourquoi je trouve étrange cette démarche (homme de paille ?) de résumer l’extrême droite à ses tares (« L’extrême-droite a une vision paranoïaque, biologisante et dépressive du monde ») alors que premièrement, rien que la dépression et la paranoïa sont loin d’être spécifiques à l’ED ! Et deuxièmement, ce serait tout simplement jeter le bébé avec l’eau du bain. Dans tes lectures citées plus haut par exemple, ce serait une erreur de ne pas s’intéresser à Céline, Spengler ou Jünger parce qu’ils sont très présents à droite. Ils ont en effet mille choses à nous apprendre et ont d’ailleurs une postérité plus que conséquente !
Bref, tout ça pour dire que je comprend ton « dématrixage » et le rejet qui en découle, mais je trouve regrettable de ne finalement s’intéresser ensuite qu’à son exacte contraire, par symétrie, comme par exemple ne citer que des groupes de BM « LGBT » friendly ou antifa, qui sont pourtant, il faut être honnête 30 secondes, loin d’être intéressants musicalement parlant ! De la même manière que tous les groupes NSBM sont loin d’être intéressants juste parce qu’ils seraient « engagés » ou « respectueux des traditions », briser tous les codes et rompre avec le passé ne donne pas nécessairement des choses intéressantes à écouter. C’est d’ailleurs plutôt un argument de facilité.
Sur ce, au plaisir d’avoir peut-être un retour de ta part !
A bientôt,
Hello, ce n’est pas ma discussion, mais comme elle se passe chez moi je me permets d’intervenir juste sur un point. Quand tu écris « Techniquement parlant, la vérité n’a pas de camp ! Sinon ça se saurait. ». Je bute sur cette pĥrase pour 2 raisons. La 1ère, c’est que l’auteur ne cherche pas la vérité (qui n’a pas de sens sur le plan scientifique, d’ailleurs, mais bon j’en ai tellement parlé qu’on va dire que je radote), mais une certaine justesse morale. Confondre les deux, on est pas loin de ce que Hume appelait le is-ought fallacy, ou guillotine de Hume : en termes non jargonnant tirer de ce qui est ce qui doit être. la 2nde, c’est le « ça se saurait ». Je travaille depuis trop longtemps sur des sujets comme ça pour savoir qu’il y a des choses fausses qui se savent trop, et des choses solides qui ne se savent pas. Voilà, pardon de m’être mêlé à la causette, je repars mon kir à la main vers une autre table :))
Bonne remarque ! J’ai peut-être écrit un peu vite, je vais donc préciser ma pensée :
Ok pour le terme « vérité », remplaçons-le par « justesse morale » si vous le souhaitez, le sens de ce que je veux dire est franchement le même. A savoir : tout le monde à l’impression d’être dans le bon camp ! Les gens de droite ne sont pas moins juste moralement que les gens de gauche, et vice versa. Que ce soit chez les personnes modérées ou bien portées vers les extrêmes. Niveau justesse morale : chacun voit midi à sa porte ! Sinon, le XX ème siècle n’aurait pas connu NI le totalitarisme fasciste, NI le totalitarisme communiste.
Quand je dis « ça se saurait », je veux dire par là que si c’était le cas, s’il y avait entre droite et gauche une manière d’être – de toute évidence – plus morale que l’autre, plus juste, alors il n’y aurait pas une telle répartition gauche/droite dans la population, quasiment 50/50 à peu de choses près. Si l’évidence morale d’un « camp » transparaissait plus que l’autre, alors tous le monde s’en revendiquerait, et donc… il n’y aurait plus « deux camp », mais bien un seul (et des poussières). Bref, la dichotomie se ferait ailleurs. Or, on parle toujours de droite/gauche et cette dichotomie est toujours valable. Donc encore une fois « ça se saurait » veut dire : « gauche et droite existent toujours » ! Est-ce plus clair ainsi ?
Oui c’est plus clair, mais je pense que justement, la dichotomie droite / gauche n’est plus opératoire en sciences politiques.
Par ailleurs je soumets à votre reflexion ce point : de mes lectures des philosophes moraux, transparait quand même qu’il y a des vies meilleures que d’autres, au sens de plus sympas à vivre (style : mieux vaut être quelqu’un d’aimé qui aide les gens, qui est heureux en famille et avec beaucoup d’ami sans maladie, qu’une enfant noire malade sous-nutrie unijambiste que tout le monde déteste parce qu’albinos. Or (à condition de prendre la même prémisse conséquentialiste que moi qui est qu’il vaut mieux réduire la souffrance chez 2 personnes plutôt que chez une) ce sont toujours des changements progressistes (donc « de gauche » dans la vieille grille de lecture) qui ont amené à moins de souffrance, en ouvrant toujours plus de droit. Je ne connais pas bcp de cas de changements conservateurs qui ait apporté un bien-être coillectif à long terme (à court terme oui, Solidarnosc, Ceausescu 1ère décennie, etc, mais à long terme c’est le retour en arrière). Si le lexique que j’emploie n’est pas clair, regardez mon dernier cours en ligne de la série Zététique & autodéf. intellectuelle (youtube, ou mieux peertube, n°12 je crois, philo morale). A +
Disons que cette dichotomie a subie des vas-et-vient, certaines idées sont passées de gauche à droite (le nationalisme par exemple), d’autres de droite à gauche, elle est en effet souvent discutée et sa pertinence est régulièrement remise en question, mais dans l’ensemble, admettons-le, elle reste largement utilisée par tous, on parle toujours d’EG, d’ED, d’ultra-gauche, d’ultra-droite, etc sans que personne ne soit perdu (on voit de quoi on parle « en gros »), et certes, les sciences politiques sont plus nuancées, mais ne l’ont pas évacuée pour autant il me semble.
Et de toute façon, peu importe ces nuances, puisque votre article se fiche précisément de celle-ci ! Elle parle bien de « droite » et de « gauche » sans que cela ne pose de problème à aucun lecteur héhé.
Quant à votre réflexion, précisément, vous recentrez la dichotomie sur progressiste/conservateur, qui n’est en réalité pas tout à fait la même séparation que gauche/droite ! Pour reprendre une formule bien connue, la gauche n’a pas le monopole du progrès, et la droite n’a pas non plus le monopole de la conservation ! Donc on ne se place finalement plus du tout sur les mêmes problèmes. Exemple simple : l’écologie se doit d’être conservatrice car elle veut préserver « ce qui est » dans la nature, or, l’exploitation de la la nature, c’est ce qui a fait que l’homme a la meilleure espérance de vie jamais égalée dans l’Histoire, que le PIB de l’humanité n’a jamais été aussi élevé, etc. (vous connaissez le tableau je pense). Bref, le bonheur de l’homme actuel, il passe aussi par la souffrance de l’homme de demain ! C’est déjà plus délicat à gérer comme problème, n’est ce pas ? On n’est pas dans le simple « Dilemme du Tramway » trop réducteur. Le progrès n’est pas sans conséquence. N’oublions pas également que dans l’Histoire, le mouvement futurisme, son amour du progrès, de la vitesse, etc. a été profondément liée au fascisme ! Donc tout ça est beaucoup plus complexe qu’il n’en a l’air, encore une fois.
Sur votre exemple pour illustrer qu’il y aurait des critères objectifs de « bonne morale », certes ! Encore une fois, sur des critères simples, c’est facile de trancher : mieux vaut être en bonne santé que malade, mieux vaut être riche que pauvre, mieux vaut être bienveillant qu’égoïste, etc. Sauf que tous les mondes est d’accord avec ça ! Ca n’en fait donc pas une philosophie morale. Vous me proposez un exemple volontairement caricatural, je vais donc vous répondre avec un contre-exemple aussi caricatural : si le but d’une « bonne » philosophie morale est de rendre heureux le plus grand nombre de personnes possible, alors est doit autoriser les viols collectifs ! En effet, lors d’un viol collectif, 9 personnes sur 10 (ou 19/20, etc.) sont a priori heureuses ! C’est donc un très bon score ! Si vous me pardonnerez cet exemple, vous voyez bien que c’est plus compliqué que juste « réduire la souffrance chez 2 personnes plutôt que chez une » !
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Bonjour,
De ce que j’ai compris de mes lectures, le bonheur n’est pas à considérer comme un état binaire (j’obtiens du plaisir = je suis heureux ; j’ai du déplaisir = je suis malheureux). Il y aurait plein de choses à redire sur la définition du bonheur de manière générale, mais pour pas faire un post trop long, je vais partir du principe que vous seriez prêt à accepter qu’il ne suffit pas d’avoir du plaisir pour être heureux, ou du déplaisir pour être malheureux.
Par ailleurs, que l’on attribue le bonheur au plaisir ou non, dans tous les cas, je suis sûr que vous seriez tout aussi prêt à admettre qu’il y a des niveaux de plaisir ou de bonheur variés, que ce n’est pas binaire : il y a des choses qui rendent plus ou moins heureuses et plus ou moins malheureuses. Si mon enfant décède, on peut très vite imaginer que pour la plupart des gens ce sera perçu comme quelque chose qui contribue beaucoup plus à mon malheur que si ma voiture tombe en panne. C’est je crois en ce sens que le relativisme moral pose problème : il est quasiment universel (en principe du moins, en action les choses sont différentes) qu’il vaut mieux sacrifier sa voiture pour sauver son enfant que l’inverse. Les événements sont pondérés par un niveau de contribution au bonheur ou au malheur.
Je pars du principe que vous partagez le même constat : à partir de là on voit que votre exemple du viol collectif ne répond pas à ces critères. Même en regardant la tragédie sous un angle utilitariste, on peut je crois facilement considérer pourquoi ça reste profondément immoral, au moins pour ces trois raisons :
1) Déjà évoqué, il y a le flou entre plaisir et bonheur. On peut profondément douter qu’un plaisir sexuel violent puisse être une brique qui contribue au bonheur, au contraire il paraît compliqué de douter qu’avoir subi une telle violence ne contribue pas au malheur de la personne qui a du subir cet événement tragique.
2) Quand bien même on considérerait que ça contribue au bonheur des criminels, ce dont je doute très sincèrement, à quel point ? Si l’on pondère les événements, j’ai l’impression qu’on peut raisonnablement penser que même si cela contribuerait au bonheur de 20 personnes, la contribution est extrêmement marginale comparée à la destruction de la vie et de l’état mental d’une personne. Du coup même d’un point de vue utilitariste cela ne se justifie pas.
3) On pourrait je pense aller plus loin que ce que le point 1 développe : non seulement il est selon moi très raisonnable de penser que cela ne contribue pas au bonheur des agresseurs mais même que cela contribue au malheur de ceux-ci, au moins sur le long-terme. J’ai peine à croire, ou alors peut-être à quelques exceptions cliniques très rares, que même chez la pire des ordures il n’y a pas un gramme d’humanité caché au fond d’une géante pile de caca. J’ai la conviction qu’un sincère bonheur ne peut réellement subvenir si ces parties humaines qui sont en nous sont complètement niées. Est-ce une intuition ou un héritage de l’évolution, je ne sais pas, ou alors le fait de vivre dans une Société avec tout de même quelques bases morales universalisées, en tout cas je crois que tout le monde peut sentir en lui pourquoi le viol c’est moralement mauvais. C’est pas très rationaliste ce que je vais dire, mais je crois que ça se passe de raisonnement en fait. Ou alors faut être dans un déni de ouf, puisque ça revient soit à considérer que le viol n’est pas source de malheur, soit que la victime du viol n’a pas le droit au bonheur ou à l’absence de malheur. Mais je doute qu’on puisse être heureux dans le déni, ou alors que ce déni soit éternel : la chute sera d’autant plus terrible, lorsque les agresseurs sortiront de leur déni (je crois d’ailleurs que c’est un des angles sur lesquels on essaie de travailler en justice restaurative, où des agresseurs vont rencontrer des familles de victimes qui ont subi le même type de tragédies qu’ont infligé ces agresseurs, et les aider à entrer en empathie et prendre la mesure de la souffrance qu’ils ont généré, en somme sortir de ce déni). Ou alors il faut que l’agresseur ait perdu totalement tout sens moral, soit entré dans un profond nihilisme, ou alors un état clinique qui conduit à l’impossibilité de ressentir des choses, mais dans ce cas aussi on peut sérieusement douter que ce soient les conditions idéales pour accéder au bonheur.
Là j’ai surtout décrit le conséquentialisme de l’acte mais si on est plus convaincu par le conséquentialisme de la règle, cela permet tout de même d’arriver à des conclusions similaires : si l’on considère que violer apporte plus de bonheur collectivement aux agresseurs que la quantité de malheur infligée individuellement aux victimes (ce qui est une conclusion irrationnelle, mais soit), on ne voudrait quand même pas que cette règle soit généralisée : si l’on considère que l’on peut violer, alors on peut être aussi soi-même victime de viol, et donc ce supposé bonheur collectif est contrecarré par le malheur individuel quand je me retrouve moi-même victime de cette morale.
Au même titre, si je considère que je peux infliger des malheurs à des personnes au regard de leurs différences avec moi, alors je peux moi aussi me voir infliger des malheurs au regard de mes différences avec eux : il n’y a rien qui justifie rationnellement que je sois du côté des « privilégiés » selon cette morale. La seule chose qui permet de justifier cela, c’est si l’on considère que je ne peux pas être victime de cette morale, parce que je considère que les différences des autres justifient un écart entre leurs droits et les miens, ce que vient défendre l’essentialisme (je développe plus loin).
On peut aussi en déduire aussi des principes en éthique déontologique, ce avec quoi Kant serait peut-être d’accord : si je considère que je peux violer alors je considère que je peux être violé (à partir du moment où j’admet une égalité de droits et un principe de non-contradiction, évidemment), or si je suis d’accord pour être violé, ce n’est plus un viol, or si ce n’est pas un viol je ne peux pas être d’accord ou pas d’accord avec : il y a contradiction évidente. Et selon les règles de la morale déontologique, je ne peux pas adopter une règle morale qui se contredit.
Bref, il y a différentes visions de voir la question sous des angles moraux différents avec une démarche rationnelle, à condition de développer un raisonnement logique évidemment.
Ce qu’il se passe dans la réalité, selon ma vision, c’est que la plupart essaient de rationaliser ce qu’ils croient déjà, ce qui peut en effet donner l’impression que tout le monde possède « une morale », puisque celle-ci trouve ses arguments pour la justifier. Par exemple, pour pouvoir justifier l’esclavage de manière morale, il suffit de considérer que les personnes dominées ne sont pas des personnes/des humains. Du coup, même sous un angle utilitariste, peut facilement venir l’idée que puisque telle communauté a plus de valeur qu’une autre, alors même une contribution minimale (supposée) au bonheur de telle communauté sera considérée comme mieux qu’une contribution maximale au bonheur d’autrui, puisque l’on pondère le bonheur de l’un tel qu’il soit supérieur au bonheur/malheur de l’autre.
C’est dans ce sens là que l’essentialisme vient jouer son rôle : il suffit de considérer que telle population possède telles caractéristiques, puis de considérer que ces caractéristiques sont mauvaises (en terme moral, ou autre : « immorales » ou « amorales », « perverses », « contre-nature », « dangereuses », etc), et ensuite de hiérarchiser tout ça dans une perspective axiologique (basée sur les valeurs), et on obtient le cocktail parfait pour manufacturer une morale discriminatoire.
Et en fait cette morale est cohérente en elle-même, c’est ce qui fait qu’on peut effectivement l’envisager (à tort) comme une « morale cohérente » dans l’absolu, et donc « une morale parmi d’autres », d’où une certaine forme de relativisme morale.
Mais quelque soit la morale à laquelle on aspire (déontologique, ou utilitariste par exemple), si on accepte une méthode rationaliste (et peut-être que c’est là que réside le problème finalement : dans le refus d’être rationnel), alors il est possible de démontrer l’incohérence de cette morale essentialiste en démontrant l’irrationalité des axiomes, c’est-à-dire le présupposé faux sur lequel se base l’essentialisme (je ne vais pas le faire ici, on peut trouver de nombreux travaux en sciences sociales sur le sujet).
A partir du moment où l’on sait que l’essentialisme n’est pas un bon modèle pour décrire le genre humain, alors les positions morales rationnelles doivent nous conduire vers des idéologies qui ne confortent pas cette idée essentialiste mais au contraire la démontent, donc des idéologies qui visent à plus d’égalité plutôt qu’à créer des dissensions, apartheid, camps de concentration et autres outils de ségrégation et de destruction d’entités ou groupes sociaux essentialisés, réduits à des porteurs en eux-mêmes d’une caractéristique qu’il faut combattre. A partir du moment où l’on accepte que la problématique ne se situe pas dans ce que sont les gens (ou ce qu’on croit qu’ils sont), et que cette définition ontologique n’est pas immuable, alors on peut accepter de ne plus juger les individus sur ce que l’on pense qu’ils sont et au contraire se concentrer sur la Société que l’on souhaite obtenir, en poussant dans cette direction tout le monde, quels qu’ils soient, non pas en rejetant la différence mais en s’en enrichissant, dans une perspective d’un bonheur généralisé, de ce qu’apporte autrui mais surtout en considérant que chacun et chacune possède les mêmes droits d’accès à ce bonheur. C’est essentiellement en agrandissant le « pool » d’individus que l’on considère comme possesseurs du même droit d’accès au bonheur que l’on avance vers un progressisme social qui génère plus de bonheur (même sous un angle purement arithmétique), ce qui a pu se faire historiquement (et que partiellement hélas), en incluant dans la sphère des détenteurs de droits les individus d’origine ethnique différente de la nôtre, en incluant les femmes, etc, et peut-être à l’avenir en incluant les animaux. Pour ça il faut faire le constat que le « jeu du bonheur » n’est pas un jeu à somme nulle : tout comme pour le savoir, le bonheur dans le monde n’est pas en quantité limitée, ce n’est pas un vase plein qui se déverse dans un vase vide, je n’ai pas besoin de vider quelqu’un de son bonheur pour pouvoir me remplir de bonheur : comme pour le savoir, c’est en général même plutôt l’inverse, c’est-à-dire que j’ai plus de probabilités d’être heureux si tous les autres sont heureux (et d’acquérir du savoir si les autres ont du savoir). Ca se partage, c’est contagieux. Du coup il devient rationnel effectivement d’augmenter l’ensemble des individus qui ont le droit au bonheur : plus d’opportunités de rendre des individus heureux, c’est plus d’opportunités d’augmenter le bonheur général. Et de même, je peux aussi en déduire rationnellement que s’il y a une petite probabilité que j’ai oublié d’intégrer dans ce droit au bonheur une certaine catégorie d’individus (les animaux par exemple), alors que j’aurais du, les conséquences de l’affliction d’un malheur ou d’un déni de bonheur sont tellement importantes qu’elles contrebalancent le fait même de considérer que cette probabilité soit petite.
Désolé j’ai été un peu long.
PS : il existe tout à fait des limites à l’utilitarisme moral, j’espère ne pas avoir donné l’illusion que je les niais. La nouvelle d’Ursula Le Guin, « Ceux qui partent d’Omelas », illustre assez bien ces limites avec une expérience de pensée : dans cette œuvre, le bonheur de l’ensemble de la population (vrai bonheur et pour toute la population, donc assez loin de l’exemple du viol collectif) est directement et proportionnellement lié au malheur d’un enfant unique dans une geôle. Il est assez facile je crois de ressentir en quoi c’est situation est moralement inacceptable, mais la question morale en philosophie est très compliquée et non entièrement résolue.
PPS : ma croyance profonde est que tout se base sur l’illusion d’une cohérence qui résulte d’un mauvais raisonnement. Les axiomes (postulats, prémisses, préjugés), sont mauvais, et comme tout le raisonnement qui suit déroule de ces axiomes, il est rationnellement faux mais reste valide donc cohérent. Or l’on retrouve ces défauts de raisonnement dans l’ensemble du spectre politique, y compris dans les mouvements écologistes ou de gauches radicaux, même si je crois que ces personnes ont (par chance, par intuition ou éducation) réussit à tomber sur des conclusions justes (selon moi), le raisonnement qui les sous-tend peut partir d’axiomes qui sont tout aussi faux que ceux qu’on peut trouver à l’extrême-droite par exemple. Pour donner un exemple : deux personnes peuvent être d’accord sur la conclusion scientifique et consensuelle qu’il y a un changement climatique d’origine anthropique, mais l’une peut déduire cette conclusion des résultats d’une méthode scientifique et rationnelle qui conduit à cette conclusion, et l’autre obtenir la même conclusion parce que « un ami/Dieu/un esprit lui a dit », ou parce qu’elle en a « l’intuition ». Mon intuition (pour le coup) c’est quand même que cette situation est moins grave qu’à l’extrême-droite, même si le même défaut de raisonnement est à l’origine des deux (et il faut lutter contre ce défaut de raisonnement), les conclusions du premier (protéger la planète, amour universel etc) ont quand même des conséquences plus positives que les conclusions du second (exclusion, haine, ségrégation, violence), entre autres choses parce qu’on peut considérer qu’une Société basée sur l’amour de l’autre a plus de chances de contribuer au bonheur général qu’une Société basée sur la haine de l’autre.
Voilà ma réponse remaniée pour Fred V :
Tout ce long développement pour finir sur une conclusion à la Yann Arthus Bertrand ! Le fameux “bonheur national brut” du Bhoutan peut-être ? Comme chacun sait, mieux vaut le bonheur plutôt que le malheur ! L’amour du prochain plutôt que la haine de l’autre ! La paix plutôt que la guerre ! Les bisous plutôt que les baffes !
C’est vraiment ce qu’on apprend en cours de philosophie ? Disserter sur 20 000 signes pour terminer par des évidences, pire, des platitudes digne des soirées Miss France ? C’est loin de ce que je croyais mais j’espère me tromper…
Tout ce développement pour rien d’ailleurs, comme je le disais d’emblée : à “exemple caricatural” je proposais un “contre-exemple caricatural”, il n’y avait donc là rien de philosophique a proprement parlé, juste une simple boutade ! Rien de plus. Mais visiblement, comprendre une boutade semble tout aussi difficile que répondre sur le fond du message.
Pour recentrer justement l’échange sur le sujet de base, à savoir : le NSBM, et la compréhension de l’extrême-droite par l’auteur : croire que celle-ci aurait le monopole de la haine, et que l’amour n’existe que d’un seul côté de l’échiquier politique, c’est avoir un réel problème de cécité, c’est tout ce que je relevais. Ces deux sentiments sont d’ailleurs loin de résumer ces deux pôles. De manière générale, bien avant que les notions de droite et de gauche aient d’ailleurs un sens, les civilisations humaines se sont avant tout construites sur des valeurs (ou des morales si vous le souhaitez) empruntant à des sentiments bien plus subtils et complexes que juste l’amour ou la haine, et privilégier l’un à l’autre n’a pas rendu les civilisations plus (ou moins) “durables” en quoi que ce soit. Cela n’en fait donc pas des critères pertinent pour penser (au sens sérieux du terme) une quelconque mouvance politique et donc encore moins un courant musical (le sujet de base, pour rappel !). Pour le dire simplement : il n’est pas question de morale ici.
Se poser la question de la morale sur le NSBM, c’est répondre en fait à côté de la plaque. J’espère m’être mieux fait comprendre.
Bonjour,
désolé pour le retard, ma vie était trop remplie pour prendre le temps d’une réponse ici, j’espère que tu seras notifié que j’ai répondu.
Sur la première partie de ton message : je trouve que c’est un résumé assez caricatural de l’entièreté de mon message, à la limite de l’homme de paille, mais soit, je vais quand même essayer de déceler ton argumentaire derrière.
Le fait de décrire quelque chose qui te semble être une platitude, c’est justement ce qui permet de partir de constats communs (les postulats ou axiomes dont je parle dans mon message). Si pour toi c’est une platitude, non seulement ça n’en fait pas un contre-argument (le fait d’être une platitude n’indique pas que quelque chose est faux), mais par ailleurs je dirais même au contraire puisque ça suggère plutôt que la plupart des humains seraient d’accord avec ces constats (ce qui pour le coup en ferait une platitude).
L’avantage, c’est que ça fait donc un point de départ pour tenter de décrire un projet politique de manière rationnelle (qui découle aussi d’un projet moral : le lien entre morale et politique est d’une telle évidence que je n’arrive pas à comprendre comment tu peux considérer que la question morale n’a rien à faire dans une discussion sur la politique). Si on accepte le constat que tout le monde veut être heureux (qui est une platitude), alors on peut donc s’interroger sur ce qui permet au maximum de monde d’être heureux. Il me semble qu’il s’agit d’une suite logique.
Et donc, à partir de là, peut en découler une réflexion sur le projet politique : quel projet peut, rationnellement, permettre d’aller dans la direction qui maximalise le bonheur ? Quels comportements, quelles décisions politiques permettent d’augmenter le bonheur chez plus d’individus ?
Donc platitudes ou pas, peu importe, il me semble que ce sont les bonnes questions à se poser si on veut analyser et comparer des projets politiques à la lumière de leur cohérence par rapport à un socle moral commun, ou plutôt leur cohérence logique à partir de constats communs (comme le bonheur généralisé).
Oui, je parle encore de la morale, cela dit je te rappelle que tu as abordé le sujet avant moi, puisque voici la précision sur ton premier argumentaire ici même : « Quand je dis “ça se saurait”, je veux dire par là que si c’était le cas, s’il y avait entre droite et gauche une manière d’être — de toute évidence — plus morale que l’autre, plus juste, alors il n’y aurait pas une telle répartition gauche/droite dans la population, quasiment 50/50 à peu de choses près. Si l’évidence morale d’un “camp” transparaissait plus que l’autre, alors tous le monde s’en revendiquerait, et donc… ».
C’est en réponse à cet argument que tu nous proposes (et ceux qui en découlent, où tu ne nommes pas la morale spécifiquement mais la suggère) que j’aborde donc la question morale. Mon angle n’est en revanche pas de confirmer ou infirmer si l’ensemble de l’échiquier politique dispose d’une morale et si cette morale est cohérente en elle-même (j’ai déjà défendu que oui dans mon message précédente), mais bien de défendre l’idée que l’ensemble de l’échiquier politique ne dispose pas du même niveau de cohérence avec les constats de départ desquels nous sommes censés découler, dit autrement, si l’on part des mêmes axiomes, ou platitudes (bonheur généralisé par exemple), et que par un processus logique on arrive sur un projet politique, je crois qu’on a plus de chances d’arriver à certains projets politiques plutôt que d’autres. Mon opinion personnelle considérant que de cette façon on arrive plutôt vers des projets politiques dits « de gauche » que vers des projets politiques dits « de droite ».
Sur ta « blague », alors il faut admettre que t’as pas laissé beaucoup d’indices qui laissaient penser que c’était une blague, tu m’en excuseras, mais surtout cette blague est précisément l’exemple que tu donnes pour illustrer un de tes arguments (en proposant un contre-exemple pour défendre ta position par l’absurde). Donc, si je veux m’opposer à ton argument, il était logique que je prenne ta démonstration par l’absurde, blague ou non, pour montrer que cette démonstration n’est pas conclusive et ne peut donc pas servir à illustrer ton argument, qui du coup n’en demeure pas convaincant.
Sur la deuxième partie de ton message : personne n’a parlé de « monopole de l’amour ou de la haine » il me semble, mais soit. On va dire que la question ici c’est est-ce qu’un ou l’autre sentiment (amour ou haine, ou des déclinaisons plus subtiles) contribue ou a contribué à la « durabilité » des civilisations.
Bon alors pour ça je vois deux approches : la première, c’est de décliner tout simplement cet objectif. Peut-être que justement l’objet d’un projet politique ne doit pas (ou pas seulement) être de prolonger la « durabilité », disons la résilience, du genre humain ou des civilisations humaines, mais d’augmenter le bonheur. J’en ai déjà pas mal parlé, donc je ne veux pas y revenir, mais j’imagine qu’on pourra tomber d’accord, sans démonstration, que tout humain ou presque souhaite survivre oui (ou persévérer dans son être) mais aussi être heureux. A partir de là, on peut donc se questionner si l’amour ou la haine, même s’ils ne changeaient absolument rien à l’objectif « survie » (ce qu’il reste à démontrer), en revanche changent beaucoup à l’objectif « être heureux ». M’est avis que l’amour est dans l’ensemble beaucoup plus efficace pour rendre heureux, que la haine précisément (avis qu’on pourrait décliner et nuancer à tous les sentiments subtils que tu pourras glisser entre l’amour et la haine). Le fait que ce soit une platitude, ne rend pas cette croyance fausse à mes yeux. Pour la suite, se référer à mon argumentaire précédent.
La deuxième approche, c’est s’opposer à l’idée que la haine et l’amour n’ont pas d’impact sur la résilience des civilisations humaines, voire, pour aller plus loin, sur la survie du genre humain. Moi j’ai quand même l’impression que les sciences aujourd’hui (entre autre l’approche évolutionniste mais pas seulement) nous suggèrent quand même que la survie de l’espèce humaine est très largement favorisée dans un élan coopératif. Donc même avec une approche purement biologique, il semble quand même que tout ce qui favorise la coopération de manière générale, donc tout ce qui permet d’être accepté dans un groupe humain (et qui donc permet d’augmenter ses chances de survie et de se reproduire, c’est-à-dire les bases de se qui définie la sélection naturelle), est quelque chose à l’avantage de l’humain. Dans cette perspective, on peut donc en découler que favoriser une philosophie morale et/ou un projet politique qui favorisent la coopération, qui en somme maximisent la probabilité pour un humain donné d’être accepté par une plus grande pluralité d’humains, augmentant ses chances de survive et sa probabilité de se reproduire, est une approche cohérente encore une fois avec ce que nous dit l’état actuel des connaissances scientifiques. Et là encore, mon opinion est que les projets politiques dits « de gauche » sont là aussi plus cohérents avec cette vision évolutionniste, que les projets politiques dits « de droite ». En terme de survie on peut aussi mentionner évidemment le soin accordé à l’environnement (et donc la question écologique), mais c’est un sujet de discussion bien trop long et qui s’éloigne un peu du sujet de départ (même si l’approche de la question écologique n’est pas du tout la même « à gauche » et « à droite », et témoigne donc là aussi d’une différence de rapport entre le projet politique et la cohérence avec ce que nous disent les sciences).
Pour l’approche évolutionniste je conseille les vidéos de vulgarisation de Homo Fabulus, qui ne traitent pas notre sujet directement mais qui sont éclairantes.
Du coup pour conclure et boucler avec le sujet de départ, il semble qu’il y a effectivement un « camp politique » qui possède une plus grande justesse morale qu’un autre (ce que tu ne sembles pas accepter et qui a motivé ton premier message), dans le sens ou celui-ci serait plus cohérent avec l’ensemble des connaissances scientifiques à la fois sur le plan évolutionniste et biologique (augmenter la coopération plutôt que la compétition) et à la fois sur le plan moral (augmenter le bonheur d’un maximum d’individus), à partir du moment où on part du même constat de départ moral (que chaque humain souhaite être heureux). Je ne l’ai pas abordé (mais ça rejoint l’angle évolutionniste), mais selon moi on arrive aux mêmes constats si on pense à la stabilité d’une société (une société est stable si elle n’est pas en guerre, or là encore, les projets politiques des différents « camps » n’ont pas le même rapport à la guerre, qu’elle soit externe ou interne).
Cordialement,
Fred
Tout d’abord, merci pour votre réponse ! C’est toujours agréable de voir que l’on ne parle pas dans le vide.
Je comprend votre volonté de tenter une « objectivation » de la politique par une objectivation de la morale, votre volonté de définir des « piliers moraux » pour mieux comprendre les projets politiques (la « volonté de survivre » ou « le bonheur » que vous citez par exemple). Sauf qu’à mon sens, ce sont des critères assez flous, que vous définissez assez mal, et qu’en plus, ils ne sont pas suffisant à mon sens pour déterminer une bonne politique (je vais y revenir). J’aimerai déjà que vous répondiez à cette question simple : comment définissez-vous le bonheur ? Comment le mesurez-vous ? Sur quel critère ? Sur quelle échelle de valeur ? Et comment choisissez-vous ces valeurs ? On aimerait plus de concret, car ce sont des termes vagues, et j’ai bien peur qu’on retombe dans mon paradoxe précédent, où chacun voit le bonheur où il veut.
Pour commencer, je tiens à rappeler qu’à aucun moment je nie le lien (effectivement évident) entre morale et politique, je dis, et vous semblez l’avoir très bien compris, que ce n’est pas un critère pertinent pour parler politique. Pourquoi je le pense ? Pour la raison déjà évoquée au tout début de mon intervention, excusez-moi de me citer : « Niveau justesse morale : chacun voit midi à sa porte ! ». Tout simplement. Vous me dites que je suis le premier à avoir parlé de morale ? Mais justement pour dire que ce n’est pas pertinent ! Pourquoi insister ? Je me dois encore une fois de détailler mon argumentaire. En effet, quand les uns se battent pour « la justice sociale », les autres pour « l’émancipation humaine » et encore pour « la grandeur de tel pays ou de tel peuple », à quel moment peut-on raisonnablement trancher sans être d’accord avec tout le monde ? Qui aurait la légitimité pour trancher d’ailleurs ? Tout le monde se bat pour le bien, le juste, le beau, le vrai ! Du communisme au nazisme, du régime le plus autoritaire au régime le plus libertaire, chacun pense agir au nom du bien ! C’est simple, trouvez-moi UN contre-exemple pour me donner tort ! Ce que vous ne semblez pas comprendre, c’est que tout le monde à la morale de son côté ! Et personne, jusqu’à preuve du contraire, n’est omniscient au point de pouvoir avoir le recul nécessaire pour juger de la réelle justesse ou de la réelle fausseté d’une morale donnée. Même si c’est votre souhait, visiblement. Prenons quelques exemples concrets : quand les algériens se battent pour leur indépendance en 1954, est-ce moralement juste ? Et quand les catalans se battent pour les mêmes raisons encore aujourd’hui, est-ce toujours moralement juste ? Et les britanniques avec le Brexit ? On voit bien que pour une même « pulsion morale », une même volonté émancipatrice, les points de vues seront radicalement différents selon les personnes ! Car le contexte l’est également. Preuve que la « morale » ne permet pas toujours de trancher. Il n’y a pas toujours de lien de causalité entre une bonne morale et une bonne politique.
J’ajouterai que se battre pour une « bonne » morale est une chose, mais cela se complique lorsqu’on parle (comme ici), non pas de politique directement, c’est-à-dire d’un projet politique donné dans une société donnée, mais d’un mouvement musical, à savoir ici le NSBM, donc de groupes de Black Metal se revendiquant du nazisme ! Pourquoi est-ce différent ? Car de la même manière qu’un groupe de Reggae a certainement une morale, mais pas de réel projet politique à proposer derrière, juste des sentiments à faire passer, de la même manière que sa morale affichée est plus de l’ordre du « pictural » et de l’émotionnel, un groupe de NSBM n’a pas plus de projet politique sérieux à proposer, juste des sentiments à faire passer. Et typiquement, un « sentiment de révolte » par exemple, n’a pas de couleur politique, il peut aussi bien être de droite que de gauche, progressiste que réactionnaire, ou que sais-je encore comme antagonisme. Bref, un groupe de musique, encore une fois, ne pose pas de morale, mais des sentiments. Je me répète, mais partir de la morale pour juger une musique, ou plus largement un courant musical, c’est une erreur, et cela le sera toujours. Est-ce j’arrive à me faire comprendre là-dessus ?
Du reste, j’ai bien compris que vous étiez « de gauche », mais de fait, vous admettez un biais idéologique flagrant : toute pensée étiquetée de gauche aura plutôt votre faveur que votre défaveur ! Ce qui est assez cocasse, car vous vous revendiquez d’une méthode « objective », que vous dites cohérente avec la science (je vous cite : « cohérente encore une fois avec ce que nous dit l’état actuel des connaissances scientifiques. »), et qui permettrait de conclure « ô miracle » à une supériorité des projets politiques de gauche ! C’est aussi ridicule et grossier que si un chinois mettait au point une méthode « objective » pour affirmer que le peuple chinois est supérieur à tous les peuples ! Personne ne le prendrais au sérieux. Excusez-moi d’en faire de même ici.
En outre, j’attire votre attention sur le fait que cette dichotomie droite/gauche est extrêmement récente à l’échelle de l’Histoire. De fait, comment décrire un « projet politique » comme l’Empire Romain par exemple ? Droite ou gauche ? Moral ou immoral ? Est-ce même pertinent ? Pas sûr…
C’est tout le problème de votre approche, elle se donne des airs d’objectivité, alors qu’elle ne l’est pas du tout. Quand vous dites : « Mon angle [est] bien de défendre l’idée que l’ensemble de l’échiquier politique ne dispose pas du même niveau de cohérence avec les constats de départ desquels nous sommes censés découler », ma question est en toute logique : par quels outils jugez-vous le niveau de cohérence d’un discours ? Par quelle méthode ? D’où vient-elle ? Car jusqu’à preuve du contraire, il n’existe pas de « consensus scientifique » mondial en politique ! Ce n’est pas une science exacte. Il existe un consensus sur les lois physiques (la gravité, l’électromagnétisme, etc.), mais il n’existe pas de consensus sur le « bonheur d’un peuple » par exemple, ni sur son caractère « émancipé » ou je ne sais quel autre critère. Donc quand vous ajoutez : « si l’on part des mêmes axiomes, ou platitudes (bonheur généralisé par exemple), et que par un processus logique on arrive sur un projet politique, je crois qu’on a plus de chances d’arriver à certains projets politiques plutôt que d’autres. », vous dites une contre-vérité, car ce que vous appelez « processus logique » n’existe tout simplement pas en science politique ! C’est une chimère. Il n’y pas de « loi du bonheur » en politique. En réalité, vos axiomes ne sont pas stables. Car encore une fois, je l’ai dit : chacun voit midi à sa porte ! Chacun se bat pour « le bonheur » de son peuple en théorie, et on voit bien qu’en pratique, les résultats ne sont jamais les mêmes !
Prenons un exemple simple pour se faire comprendre, un exemple que vous apprécierez : le socialisme ! Les axiomes sont clairs, le but louable (le primat du lien sur l’individu), pourtant, historiquement, il a donné aussi bien le Socialisme Libertaire, les Anarchistes et la Commune de Paris que le Socialisme scientifique, le fascisme (Mussolini vient du socialisme), le marxiste-léniniste, le Stalinisme et les Goulags ! Dans un cas, on a effectivement observé une émancipation humaine et des sursauts révolutionnaires, dans l’autre, un état totalitaire, des camps de travail et des millions de morts ! Preuve que même si les axiomes sont bons et la morale bonne, le résultat pourra être très différents selon le contexte, car l’histoire est bien plus complexe que ça. La morale n’est donc ici, encore une fois, d’aucune utilité pour juger de justesse d’un projet politique. Juger le socialisme sur son caractère « moral » n’est d’aucune utilité pour déterminer si un projet politique sera bon ou non. Vous comprenez mon point de vue ? Je ne dis rien d’autre, en réalité. Mes axiomes, ce sont les faits historiques, par les idées morales abstraites.
Au final, j’ai l’impression que vous essayez de calquer le raisonnement des sciences dures à la politique, alors que ça ne marche pas du tout comme ça. C’est plutôt naïf de croire qu’il suffirait de partir d’une « bonne » morale (qui fait la liste d’ailleurs ?) pour ensuite arriver à une « bonne » politique. Les liens de causalité n’existent pas aussi clairement que vous pouvez le croire. J’ai cité quelques exemples plus haut pour le comprendre.
Quant à votre approche « évolutionniste », excusez-moi, mais elle est un brin naïve elle aussi, et parcellaire, car l’évolution n’est pas QUE dans la coopération, lire par exemple le best-seller de Richard Dawkins : « Le Gène égoïste », qui montre très bien cela, à savoir que les gênes qui nous constituent visent uniquement leur intérêt propre, pas ceux des autres gênes. Ca ne veut pas dire que la coopération n’y a pas sa place à plus grande échelle (on voit très bien cela dans des tas d’espèces), mais l’évolution ne se résume évidemment pas à la coopération, en réalité, c’est une combinaison de plusieurs comportements antagonistes. Bref, c’est une vision parcellaire du réel que vous avez, donc non scientifique (la base d’un travail scientifique, c’est l’état de l’art !). Exemple basique : notre digestion. Elle se fait grâce à des milliers de bactéries non-humaines, « égoïstes », dont nous tirons nous, un bénéfice coopératif, mais qui n’est finalement pas altruiste à la base ! On pourrait multiplier les exemples, mais en réalité, c’est bien plus complexe que de résumer les bienfaits de l’évolution à la coopération.
Quant à dire que les projets politiques seraient « plus cohérents avec cette vision évolutionniste », on est à deux doigts de faire revivre un Darwinisme Social, qui n’a pas donné que dans l’altruisme si vous voyez ce que je veux dire, mais aussi dans le colonialisme, l’eugénisme et le nazisme ! Au hasard. C’est ballot…
Votre rapport à la guerre est aussi profondément naïf. Il faut (re?)lire Carl Schmitt, spécialiste de cette question : la guerre, c’est avant tout l’art de désigner l’ennemi ! Or, comme le disait Julien Freund, prolongeant les réflexions de son ainé : « vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi, comme tous les pacifistes. Du moment que nous ne voulons pas d’ennemis, nous n’en aurons pas, raisonnez-vous. Or c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitiés. Du moment qu’il veut que vous soyez son ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin. »
Tout est là ! C’est infiniment plus subtile et philosophique (votre domaine je crois) que de dire que la coopération est plus louable que la compétition, ou que le bonheur est le but le plus louable en politique ! Sauf erreur, les croisés comme les djihadistes se sont battus et se battent encore pour le bonheur ! Sont-ils moraux pour autant ? Pas sûr…
En espérant avoir éclairci mon approche. Au plaisir de vous lire.
Stan.
Bonjour,
Avant de rentrer à nouveau dans ce qui semble (pour moi) être le cœur du sujet (relativisme moral, lien entre politique et sciences, etc). Je vais répondre dans le désordre pour tenter d’écarter les remarques que vous avez faites qui pourraient nous éloigner de l’enjeu du sujet.
Sur le lien entre groupe de musique et politique : alors même si un groupe de musique n’est pas une structure qui porte un projet politique en tant que tel, il s’agit bien évidemment d’un medium pour communiquer tel projet politique, de chambre d’écho médiatique si vous voulez. Ici, le genre est bien NSBM, c’est-à-dire que le projet politique (national-socialisme) est même inclus (et donc revendiqué) dans le nom du genre. Dans les paroles, c’est très clair aussi. Je trouve ça un peu facile de refuser d’admettre qu’un groupe social ne serait pas politique sous prétexte qu’il s’agit d’un groupe de musique : la musique est tout autant un vecteur de communication qu’un autre. Alors certes parfois ça peut être complètement dépolitisé (j’ai pas l’impression qu’Alizée revendique un projet politique dans ses chansons), mais parfois c’est complètement politique, au même tire qu’un livre, qui est un autre vecteur de communication, peut parfois être dépolitisé (comme un roman pour enfants par exemple, encore que), ou parfois être complètement politique. Dans le NSBM il y a une volonté très clair de revendiquer les idées du national-socialisme, à la fois théoriques et projets (d’action) politiques, et les témoignages comme celui de Thomas semblent nous suggérer aussi qu’elles jouent un rôle dans la formation politique (orientée du coup) des auditeurs.
Sur le fait que je sois « de gauche » : en fait, c’est surtout par honnêteté intellectuelle que je vous le dis. Alors effectivement, il y a un risque de conflit d’intérêt (c’est pour ça que je suis honnête), maintenant je trouve que c’est conclure bien vite que du fait que j’ai une orientation politique, alors tout ce que je dirais sera forcément biaisé. J’ai conscience de mon conflit d’intérêt, et même si je ne peux garantir 100% d’objectivité, j’essaye tout de même de faire le maximum, en particulier, j’essaye de proposer un argumentaire rationnel, avec des arguments qui peuvent s’évaluer en dépit de toute couleur politique.
Dit autrement, si vous jugez mes propos à la seule lumière de l’étiquette que vous décidez de m’attribuer, vous commettez ce qu’on appelle un ad hominem, qui est un nom savant pour simplement dire que vous ne jugez plus mes propos pour ce qu’ils sont, mais pour la personne qui les dit. Noter mon conflit d’intérêt est quelque chose qu’il est sain de faire, ce que devrait vous pousser à analyser mes arguments avec d’autant plus de prudence, mais ça ne dit rien sur la valeur propre de mes arguments, ni leur caractère objectif. Ce que vous devriez faire, c’est analyser mes arguments pour ce qu’ils sont. Imaginez-vous que je sois nazi et que je dise exactement les mêmes choses, si ça vous aide. En plus vous commettez un autre sophisme au passage je trouve (quelque chose dans le goût d’un Cum hoc ergo propter hoc), parce que la discussion c’est essentiellement « est-ce que un projet politique de gauche peut être plus proche d’une justesse morale qu’un projet de droite », à partir du moment où je défends la position du « oui », c’est clair que ma position politique sera plutôt orientée à gauche. Sauf que vous semblez en déduire que c’est parce que je suis de gauche que je prends cette position, or c’est peut-être précisément l’inverse : c’est peut-être parce que je considère qu’un projet politique de gauche est plus proche d’une justesse morale qu’un projet moral que je me définis politiquement à gauche (parce que précisément j’ai envie de défendre le projet politique qui me semble le plus près d’une justesse morale).
Plutôt que dénoncer mon affiliation idéologique, je vous propose de plutôt dénoncer la justesse de mes arguments, quitte à pointer du doigt quand vous pensez que c’est ma subjectivité qui rend un argument spécifique invalide. Si mes arguments sont structurellement valides et se basent sur des prémisses valides elles aussi, alors vous devriez accepter la conclusion qui suit, peu importe mes affiliations politiques.
Sur la dichotomie droite/gauche : alors en premier lieu, le fait que ce soit une définition moderne ne change rien à la discussion je pense. D’abord parce qu’il me semble que nous discutons dans une perspective actuelle donc autant nous rapporter à des notions qui nous concernent directement, plutôt que de prendre pour référence des concepts qui ne s’appliquent plus aujourd’hui, car vieux de 2000 ans. Ensuite, parce qu’il s’agit d’un point de référence justement, engagé par Thomas dans son témoignage et qui a conduit la discussion jusqu’à maintenant. En tant que point de référence, il est censé nous faire gagner du temps en faisant référence à différents concepts qui me semblent assez partagés en France, je veux dire par là que même si c’est grossier et récent, la séparation « droite/gauche » permet tout de même de manière assez clair sur plusieurs sujets de souligner les différences en terme de projets politiques. Alors si cela ne vous convient pas, on peut utiliser d’autres termes (tant qu’on ne s’éloigne pas du sujet de départ), maintenant ça risque d’être plus long et confus que ça l’est déjà. « Progressiste » et « conservateur » peut-être, c’est-à-dire d’un côté les projets politiques plutôt prompts à changer ce qui selon eux doit être changé dans la Société, opposé aux projets politiques plutôt prompts à conserver ce qui selon eux doit être conservé dans la Société. Mais là encore, c’est passer à côté du réel (à gauche on est plutôt conservateurs en ce qui concerne la Sécurité Sociale, par exemple). Bref, il me semble que la dichotomie droit/gauche, que je n’ai pas introduite dans la discussion pour rappel, est un résumé grossier mais quand même suffisant pour savoir à peu près de quoi on parle.
En second lieu, je ne sais pas si l’idéologie national-socialiste aurait été pertinente à l’Empire Romain, peut-être qu’un groupe NSBM aurait été populaire à l’époque, je ne sais pas, mais je ne suis pas sûr que ce soit pertinent d’essayer de rapporter la politique de l’époque à notre monde contemporain. En tout cas, personnellement ça m’intéresse sur un plan historique mais ça ne m’intéresse pas vraiment pour discuter de projets politiques modernes. En particulier, je pense que ce serait un anachronisme de juger les romains sur le plan moral sur la question de l’esclavage, mais aujourd’hui je suppose que vous seriez d’accord pour dire qu’à notre époque c’est plutôt majoritairement admis que l’esclavage est un acte immoral.
Sur le darwinisme social : vous faites un sophisme de la pente glissante. Le fait de réfléchir sur l’influence de l’évolution dans le comportement humain n’implique pas forcément (et loin de là) d’y voir la promotion d’un projet politique qui justifierait moralement la domination d’individus disposant de certains critères physiques sur d’autres individus. Et du coup ce sophisme de la pente glissante vous sert également à créer un déshonneur par association.
En outre, c’est quand même vous qui avez parlé d’augmenter la « durabilité des civilisations », soit en d’autres termes l’adaptabilité des sociétés humaines, je trouve ça gonflé de m’attribuer une thèse qui n’est pas la mienne, alors même que c’est vous qui abordez le sujet, et ce en usant de plusieurs sophismes. Je vous cite, vous faites l’affirmation suivante : « les civilisations humaines se sont avant tout construites sur des valeurs[…] empruntant à des sentiments bien plus subtils et complexes que juste l’amour ou la haine, et privilégier l’un à l’autre n’a pas rendu les civilisations plus (ou moins) “durables” en quoi que ce soit ». Mon aparté sur la dimension évolutive propose de réfuter cette affirmation, c’est tout.
Je ne vais pas insister plus là-dessus, mais je vous demande de faire attention aux méthodes que vous employez dans cette discussion, sinon il n’y a pas d’intérêt pour moi à passer des heures à vous faire des réponses construites si en retour je me reçois des vieilles astuces de Schopenhauer pour réponse.
Sur l’évolutionnisme : là encore, vous faites un sophisme de l’homme de paille. J’ai bien précisé, à plusieurs reprises, que je parlais de l’évolution de l’espèce humaine, donc pas « l’ensemble du monde vivant ». Du coup, parler du caractère non-coopératif de la bactérie est en dehors de mon propos. Ce que les sciences nous disent aujourd’hui c’est que dans un cadre collectif (donc pas à l’échelle individuelle), chez l’espèce humaine (donc peut-être pas chez le lion, la bactérie, le parasite ou le champignon), les groupes les plus coopératifs améliorent leur fitness (leur probabilité de survivre et de transmettre leurs gènes). C’est tout. Alors vous pouvez réfuter ce constat ci, je ne vais pas éplucher l’entièreté de la littérature scientifique et asphyxier mon message de liens multiples vers des articles, je vous propose de trouver les publications qui parlent de ça ou de me faire confiance sur ce point. En tout cas, il ne semble pas que cette découverte rentre en contradiction avec la thèse de Dawkins.
Sur la guerre : je vois pas en quoi mon propos est naïf ? Je n’ai fait que deux affirmations (je donne la contraposée pour la première, qui me semble plus juste) : (1) une société en guerre n’est pas stable (2) la gauche et la droite n’ont pas le même rapport à la guerre. Je ne vous ai vu réfuter ni l’argument 1 ni l’argument 2. Vous pensez qu’une société en guerre peut être stable ? Vous pensez que la gauche et la droite ont le même rapport à la guerre ? C’est l’utilisation du terme « rapport » qui vous dérange ? Alors je peux préciser (d’ailleurs, vous avez le droit de me demander de préciser une notion qui ne vous semble pas clair, plutôt que de suggérer que ma position serait « naïve ». Faites preuve de charité intellectuelle) : quand je dis qu’ils n’ont pas le même rapport à la guerre, je veux dire qu’ils ne vont pas forcément adopter les mêmes stratégies C entre autre pour arriver à un objectif B (en admettant qu’il soit identique) d’une société pacifiée. Entre autre, ils ne vont pas forcément proposer les mêmes budgets au Ministère de la Défense, ni prendre les mêmes décisions concernant le droit d’ingérence, etc. En particulier, la tolérance sur la guerre comme moyen n’est pas je crois au même niveau. Si vous voulez un exemple, on pourra noter que l’opposition à la guerre du Vietnam par exemple était largement située à gauche dans l’échiquier politique. C’est donc un fort indice que oui, la gauche et la droite, n’ont pas le même rapport à la guerre. Je crois que la majorité des conflits militaires contemporains ont reçu une réponse dans un équilibre à peu près similaire.
Ceci clarifié, je vous propose de retourner dans le cœur du débat.
Sur le lien entre sciences et politique : alors en premier lieu, les sciences politiques nous apportent tout de même des réponses. Je ne sais pas si on est ici dans le débat (dans lequel je ne veux pas rentrer) qui consiste à dire que les sciences humaines et sociales ne sont pas vraiment des sciences, mais je crois qu’aujourd’hui c’est quand même admis en épistémologie que l’on peut tirer des connaissances scientifiques de domaines en dehors de ce qu’on appelle les « sciences exactes » (ou sciences dures). En particulier, l’approche historique que vous semblez apprécier nous donnent des indices sur les conséquences que peuvent avoir tel projet politique, quand mis à exécution. Bien sûr, il s’agit d’être rigoureux : il ne s’agit pas de dire « X se revendique de telle idéologie politique / morale », « X a mis à exécution tel projet politique qui a pour conséquence Y » donc « l’idéologie politique ou morale de X a pour conséquence Y », qui serait une analyse grossière, mais on peut effectivement analyser quels actions dans tel projet politique entre en cohérence avec l’idéologie revendiquée au départ (est-ce que ça permet effectivement d’avancer vers l’objectif désiré), et on peut analyser si les conséquences sont souhaitables ou non. Les sciences politiques entrent au croisement de plusieurs autres sciences sociales. Quand vous dites par exemple qu’il n’y a pas de définition objective (ou qui tend à être) de ce qu’est être « émancipé » par exemple, je ne suis pas d’accord. Il me semble qu’aujourd’hui c’est quand même parfaitement admis que l’éducation joue un rôle positif dans l’émancipation des individus. Alors effectivement (parce que la question n’est jamais simple), cela ne nous dit pas directement quelle éducation est la meilleure pour émanciper (c’est d’ailleurs pour cela entre autre qu’il existe les sciences de l’éducation il me semble. Si notre ami Richard Monvoisin passe par là et souhaite nous éclairer là-dessus, il me semble que c’est son domaine d’expertise), mais on peut objectivement admettre qu’il y a des éducations qui émancipent plus que d’autres. Le fait d’enseigner le créationnisme par exemple, comme c’est encore d’actualité aux États-Unis, c’est-à-dire d’enseigner une « vérité » sortie d’un livre religieux, plutôt que d’enseigner l’état des sciences actuelles (et les méthodes qui vont avec) sur des domaines comme l’évolution, la géologie, etc, c’est clairement moins émancipateur, non pas spécialement par le contenu (le fait d’adhérer à la théorie de l’évolution plutôt qu’à Adam et Eve n’est pas émancipateur en tant que tel) mais par le fait qu’on enseigne à accepter une vérité proclamée par une autorité religieuse plutôt que d’utiliser des méthodes scientifiques, de l’esprit critique et des processus au maximum objectifs pour accéder à une connaissance, ce que la sociologie ou la psychologie pourront nous confirmer comme plus émancipateur pour l’individu que l’inverse.
Petite aparté, merci pour cette question, cela m’a poussé à télécharger des articles sur l’épistémologie en sciences politiques, ce qui me donnera sûrement des billes supplémentaires pour répondre à ce type d’argument.
Ce que mon exemple sur le créationnisme nous suggère, c’est le deuxième point que je voulais aborder, à savoir que les projets politiques se construisent (selon moi) sur deux piliers que sont la dimension prescriptive et la dimension descriptive. Si je devais résumer un projet politique, je dirais qu’il se construire comme suit : l’on part d’un point A (situation actuelle), et l’on souhaite aller vers un point B (l’objectif politique, la Société que l’on veut construire, etc), en utilisant des stratégies C (pour aller de A à B).
L’objectif B, cela correspondrait à la dimension prescriptive du projet politique, c’est-à-dire que ça correspond effectivement à ce que les individus veulent. Ici, il y a effectivement une forte dimension subjective, parce que les individus ne veulent pas forcément la même chose, que c’est notamment fortement influencé par la dimension axiologique (sur les valeurs).
En revanche, le projet politique se définit aussi à partir de la dimension descriptive : en particulier, le point de départ (A) doit être cohérent avec la réalité. Si mon projet politique se base sur le prémisse a priori faux que, par exemple, tous les êtres humains sont des simulations informatiques, alors forcément mon objectif (B) risque d’être en incohérence (malgré sa dimension subjective) avec la réalité, puisqu’il part d’un constat qui n’est lui-même pas cohérent avec la réalité. Remplacez l’exemple de la simulation informatique avec tout prémisse qui vous semble évidemment et objectivement faux. Pour un exemple plus concret, aujourd’hui, selon moi, tout projet qui nie le réchauffement climatique d’origine anthropique, qui est considéré comme un consensus scientifique, sera forcément incohérent avec la réalité. Même dans le cas où l’on admet qu’il n’y a pas de « consensus politique », il y a bien des consensus scientifiques sur lesquels ou à partir desquels se basent les projets politiques. Un projet politique qui voudrait aller dans une Société où l’on peut se déplacer plus vite que la lumière ne le pourrait pas, et l’on peut consensuellement admettre que ce projet politique est mauvais, ou tout du moins n’est pas cohérent (sur le plan scientifique ou logique) avec le monde réel, car le monde réel semble nous dire qu’il n’est pas possible de se déplacer plus vite que la lumière. Et si vous voulez me répondre que vouloir se déplace plus vite que la lumière n’est pas un projet politique, alors je vous propose d’être créatif en imaginant un projet politique qui implique d’aller plus vite que la lumière (par exemple conquérir des exoplanètes situées à des milliers d’années lumières).
Enfin, les stratégies C sont elles aussi descriptives. Alors il y a une dimension prospective également, dans le sens où on prédit que telle stratégie va effectivement mener vers tel objectif (et on est pas toujours censé le savoir, nos prédictions ne sont pas toujours exactes). Néanmoins, là aussi les sciences (sociales ou dites « exactes ») peuvent également nous renseigner sur l’efficacité d’une stratégie C pour aller du point A au point B. Soit parce qu’on veut employer des stratégies que l’on connaît déjà et dont on peut analyser la cohérence au vue de l’expérience (en gros, on sait ce qui marche ou ce qui ne marche pas, ou plutôt on peut anticiper qu’à partir de A avec la stratégie C, on ne pourra pas avoir B), soit parce que divers modèles ou autres argumentaires (logiques, oui) arrivent à prédire avec une grande probabilité que la stratégie C ne permet pas d’aller de A à B, même si elle n’a jamais été testée. Par exemple, on sait que les chlorofluorocarbones (CFC) réduisent les gaz à effet de serre (en action immédiate) mais contribuent de manière très importante à la destruction de la couche d’ozone. Du coup, un projet politique qui voudrait lutter contre le réchauffement climatique en suggérant comme stratégie C de déployer des CFC, ne serait pas un projet politique cohérent avec la réalité. Là j’ai pris pour exemple quelque chose d’à peu près crédible, évidemment on peut penser à des stratégies encore plus absurdes, comme quelqu’un qui voudrait, pour le même objectif politique, brûler tous les arbres du monde : il est évident que cette stratégie C ne permet pas d’arriver à l’objectif B. C’est d’une évidence absurde, mais ça nous démontre qu’effectivement un projet politique, aussi subjectif et « non-consensuel » qu’il soit, doit quand même se baser sur (A) des constats sur le monde qui sont cohérents avec la réalité et employer (B) des stratégies qui elles-mêmes sont cohérentes avec la réalité, soit en elles-mêmes (doivent pouvoir être employées), soit dans leur finalité, c’est-à-dire permettre de passer de A à B.
En conséquence, affirmer que la politique est « non-consensuelle », en sous-entendant qu’elle est donc 100% subjective et ne peut se baser sur des notions objectives, je trouve que c’est passer à côté de comment se construit un projet politique. Le projet politique s’inscrit bien dans notre monde, et donc il doit partir de ce qu’est effectivement et réellement notre monde, ce qui implique d’avoir une lecture cohérente de ce qu’il est, et cette lecture se doit d’être objective au maximum du possible, et tout projet politique implique des actions politiques qui là aussi doivent être cohérentes avec le monde.
Sur le bonheur et le relativisme moral : est-ce qu’il y a une définition stricte et objective de la notion de « bonheur » ? Non je ne pense pas. Si j’en avais une, qui en plus était rigoureuse, j’imagine que je serais éligible pour un prix Nobel de la Paix ou équivalent. Maintenant oui je crois qu’on peut quand même définir des critères à peu près universels, peut-être pas de bonheur mais en tout cas de « vie bonne », « vie paisible », etc, ou en tout cas s’y approcher. C’est ce qu’essaient d’approcher (je dis bien approcher) des indicateurs comme l’IDH par exemple, ou certains des ODD. Si vous trouvez que la notion de « bonheur » est trop floue, alors on peut la remplacer par différents « sous-thèmes » que nous serions d’accord d’attribuer au bonheur, ou équivalent. A priori on peut considérer que chaque individu aimerait être libre de penser par soi-même ? La fameuse « liberté de penser » de Pagny ? A partir de là, on peut considérer que toute action politique (donc tout projet politique), qui permet à l’individu de penser par lui-même, permet de répondre au besoin de chaque individu de penser par lui-même, ce qui peut ultimement conduire à l’augmentation de son bonheur (ou autre, peu importe, mon raisonnement n’est pas attaché aux notions particulières). Et là on peut compléter avec l’argumentaire précédent sur l’émancipation, et dire que tout projet politique qui propose d’enseigner le créationnisme ne favorise pas la liberté de penser par soi-même et donc ne contribue pas à l’émancipation ou au bonheur de l’individu. Après on peut considérer que ça apporte d’autres choses hein (on peut croire qu’accepter le créationnisme permet de ne pas trop se poser de questions sur le passé, et donc mieux vivre le moment présent et être plus heureux, pourquoi pas). Néanmoins il ne me semble pas si impossible que ça de tirer des fils entre un projet politique et en quoi ils contribuent ou non à une valeur, ni qu’il me semble impossible de trouver des valeurs qui peuvent être plus ou moins universelles. Autre exemple, on peut admettre que vivre heureux implique entre autre de jouir d’une certaine sécurité, c’est-à-dire de ne pas risquer au quotidien de mourir brutalement, d’être agressé ou violé et d’avoir pour conséquence une diminution de la santé physique ou psychique. Tout projet politique à peu près raisonnable je pense peut admettre un objectif (B) d’augmenter la sécurité d’un maximum d’individus. Alors oui, effectivement, cela ne nous dit rien sur ce que le dit projet politique fait comme constats initiaux (A) ni sur les stratégies qu’ils souhaitent aborder ©. Mais à partir du moment où l’objectif (B) est déterminé, alors il est possible de manière objective et rationnelle oui, je crois, de faire un constat (A) cohérent avec le monde réel (et donc les consensus scientifiques) et à partir de là déterminer les stratégies © cohérentes avec le réel et qui permettent effectivement d’aller de A à B. Dans notre exemple sur la sécurité des individus, il s’agit donc de déterminer des actions politiques qui permettent effectivement d’augmenter la sécurité des individus, soit parce qu’on les a déjà testées et on sait que ça augmente de fait la sécurité des individus (comme une Loi qui oblige le port de la ceinture en voiture, par exemple) ou parce que des modèles ou expérimentations prédisent qu’effectivement il y a une grande probabilité que ça augmente la sécurité des individus.
En fin de compte, je ne crois pas que la difficulté en politique soit réellement de trouver des critères objectifs ou universels pour penser le politique. Comme j’ai essayé de le démontrer, il y a beaucoup d’endroits où de la rigueur scientifique peut nous éclairer sur ce qui est un bon ou un mauvais projet politique. Je crois que la véritable difficulté soit dans l’opposition entre certaines valeurs (ou ce qui semble s’opposer), et l’importance que l’on accorde à telle valeur plutôt qu’une autre, par exemple la fameuse dichotomie liberté/sécurité : est-ce qu’au nom de la sécurité je dois mettre ma ceinture en voiture, ou ai-je le droit de ne pas le faire au nom de la liberté ? Vous noterez que ces questions sont furieusement d’actualité, avec les masques, les vaccins, etc.
L’autre difficulté, évidemment, c’est que les individus ne font pas forcément les mêmes constats (A). Mais là il s’agit avant tout de rigueur scientifique, ou plutôt du crédit que chacun accorde à telle méthode pour acquérir des connaissances. Ce sont évidemment des questions essentielles, qui sont peut-être plus importantes que l’autre point encore (oppositions de valeurs). Effectivement si on n’arrive pas à se mettre d’accord sur le monde tel qu’il est, ou sur la cohérence des stratégies avec le monde tel qu’il est, alors le projet politique peut être différent même avec un objectif commun. Mais comme ici j’ai l’impression que notre discussion porte plutôt sur la dimension « rationalisation politique », je préfères partir du principe qu’on est d’accord qu’il y a au moins une description du monde qui nous semble plus réaliste qu’une autre, en terme de probabilité, à la lumière de l’état des connaissances actuelles héritées de la méthode scientifique. En outre, il y a des problèmes de constats et de méthodes à droite comme à gauche (j’en avais déjà parlé dans un message précédent), or ce qui m’intéresse ici c’est bien d’essayer de définir quel projet politique est meilleur considérant son objectif (B) et les stratégies qu’il propose d’adopter ©, ensuite c’est à moi de déterminer s’il me semble cohérent au vu du constat (A) que je fais sur le monde.
Votre mention du djihadisme est parfaitement juste en ce sens. Si on est sur une définition relativiste de la morale, alors de fait oui on pourrait considérer qu’ils sont moraux, dans le sens où ils s’inscrivent probablement dans une cohérence par rapport à leur morale et leur conception du monde. Mais précisément, c’est parce que leur vision coranique du monde ne semble pas correspondre au monde réel (A), et du coup les stratégies qu’ils adoptent © ne semblent pas permettre d’atteindre l’objectif B (de bonheur) parce qu’elles partent d’un point A qui n’est pas cohérent. Si l’on admettait que leur vision du monde est correcte, alors effectivement il y a quelque chose de moral dans cette action : si tu crois vraiment qu’une vie de ce que tu définis comme étant des péchés va te conduire à souffrir éternellement en enfer, alors nettoyer le monde de ces « péchés » qui conduisent l’humanité à une éternité de souffrance devient un acte moral, et se faire atrocement assassiner, aussi immoral que ça puisse nous paraître, devient presque dérisoire face à une éternité de souffrance. Mais ici aussi, on voit bien que même s’il n’y a pas de consensus moral ou politique qui permet de juger objectivement le djihadisme, on constate quand même que celui-ci part de constats qui eux sont dans le domaine descriptif et donc peuvent êtres soumis à une analyse rationnelle et scientifique.
Cordialement,
Fred
@Fred : je vais commencer par vous répondre sur certains points en particulier avant de reprendre le fil du « projet politique » en tant que tel (bien développé, merci !). Quand vous dites :
« Je trouve ça un peu facile de refuser d’admettre qu’un groupe social ne serait pas politique sous prétexte qu’il s’agit d’un groupe de musique »
Je tiens à dire que n’ai jamais prétendu cela ! J’ajoute le mot « sérieux » derrière les mots « projet politique », ce n’est pas pour faire joli. Qu’il y ai un discours politique, ça ne fait aucun doute, mais je ne vais pas refaire ma démonstration avec le groupe de Reggae : un discours ne vaut pas projet ! En musique, les émotions priment sur le reste. Connaître l’engagement politique d’un groupe n’a finalement que peu d’intérêt dans l’appréciation de sa musique. Ça peut en avoir, je ne dis pas le contraire, mais en règle général ça n’a que peu d’intérêt, quand on y réfléchie un peu. Se pose-t-on la question pour un acteur ? Un chef cuisinier ? Un boulanger ? Non, car l’essentiel est dans le résultat final, pas dans le processus (ici l’engagement politique) qui peut motiver un artiste à faire un type de musique. Pour bien me faire comprendre je vais prendre un exemple caricatural : un communiste engagé peut certainement trouver du plaisir à écouter un groupe de NSBM ! (à son insu vous me direz…), et ça ne devrait d’ailleurs pas changer ses idées ! Car encore une fois, en musique, l’émotion prime sur le fond. D’ailleurs, on voit bien dans le témoignage de Thomas ci-dessus qu’il était orienté politiquement AVANT d’écouter cette musique (je le cite : « J’ai également été pétri de valeurs républicaines et patriotes », « J’ai également grandi avec énormément de racisme et antisémitisme autour de moi sous couvert d’humour. »). CQFD. Le NSBM ne le choquait pas au départ car c’était normal pour lui. De fait, l’influence existe, mais pour renforcer les a priori de Thomas, non l’inverse ! Après, je crois comprendre où se situe notre dissensus. C’est peut-être notre habitude (française) de la chanson qui nous fait croire qu’écouter Renaud par exemple, c’est forcément adhérer au message car au centre de sa musique, et donc être de gauche, et vice-versa. Sauf que dans les Metal, et a fortiori le Black Metal, il faut garder à l’esprit que les textes sont souvent secondaires et incompréhensibles ! A moins de les avoir sous les yeux ou de lire des interviews sur chaque groupe, c’est difficile de connaître leurs idées. Certains, avec des paroles très violentes, ne choquent personne car il est presque impossible de comprendre quoi que ce soit ! C’est étrange d’ailleurs, personne ne voit de problème chez les groupes de Thrash Metal lorsqu’ils parlent de guerre nucléaire ou de meurtres, ni chez les groupes de Death Metal à parler de la mort, de viols ou de nécrophilie, les groupes satanistes ne choquent plus personne, par contre, dès qu’on touche au « national-socialisme », là, bizarrement, les groupes deviennent suspect ! Pourquoi ? Pourquoi le doute n’est plus permis ? Pourquoi la carte « c’est pour choquer, rien d’autre » n’est plus permise ? A la réflexion, je trouve ça très étrange comme manière de penser.
Ensuite, sur la gauche. Quand vous dites :
« si vous jugez mes propos à la seule lumière de l’étiquette que vous décidez de m’attribuer »
Pas du tout ! Je n’ai aucun problème avec cela, au contraire, j’apprécie votre honnêteté ! J’en profitait juste pour soulever un paradoxe évidement dans votre raisonnement (on est tous biaisé d’une manière ou d’une autre), pas pour vous le rapprocher en soi. Par contre, excusez-moi mais pour le coup, vous vous étiquetez vous-même (je ne vous ai rien demandé en ce sens) donc ne me reprochez pas le faire svp ! J’ai d’ailleurs fait ce que vous me demandez : analysé vos arguments pour ce qu’ils sont. Et je continue de le faire. Sur la dichotomie droite/gauche, j’ai pris un exemple ancien uniquement pour rappeler son caractère historiquement situé, et donc nécessairement relatif à une période donnée. La nôtre, en effet ! Ça tombe bien. Vous avez raison de le dire. Mais je tenais à rappeler son caractère relatif. Pourquoi ? Car lorsque vous parlez de morale, vous semblez ne partir d’aucun encrage en particulier (pour faire court : le « bonheur » n’a pas d’histoire ! Alors que la gauche, si.), ce qui, à mon sens, n’est pas compatible avec les conclusions que vous en tirez. Si certaines valeur à gauche sont universelles, la gauche, elle, n’est pas universelle ! C’est d’ailleurs là son principal paradoxe. Soulevé par Marx lui-même, si je ne m’abuse, mais dit autrement je crois. Après, je me trompe peut-être de personne, j’ai un trou de mémoire et je n’arrive plus à retrouver qui, à gauche, avait le premier soulevé ce paradoxe (universalité des concepts VS non-universalité des idées).
Pour le darwinisme social, vous sur-interprétez mes propos ! Je ne cherchais pas à vous « déshonorer » mais à rappeler les limites (et impasses) historiques d’un tel raisonnement. A savoir : en politique, tout ramener au biologique est une erreur ! Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire du tout, mais on voit que votre réflexe (vous le répétez plusieurs fois) c’est de partir de la sacro-sainte « Science » et de son « approche évolutionniste » pour justifier le besoin de coopérer entre individus ! Je vais vous donner un scoop : on peut justifier la coopération entre individus sans invoquer la science ni la théorie de l’évolution ! Darwin peut rester où il est ! Puisque vous aimez nommer les sophismes, vous en faites un beau ici : l’appel à la Nature ! Ou l’argument d’autorité, au choix (la science ayant souvent valeur d’autorité). Visiblement, connaître Schopenhauer ne vous aide pas plus que moi à faire de meilleurs « réponses construites » huhu ! Je taquine, mais comme ça revient souvent dans votre message, vous serez gentils de ne pas jouer au jeu de celui-qui-fait-le-plus-de-sophismes, car vous voyez bien qu’au final, nous en faisons tous, vous également, sans que je n’en tienne rigueur outre mesure (le fond, pas la forme). Je me répète donc, la politique se FOUT de la théorie évolutionniste, pas parce qu’elle n’aurait rien à nous dire sur l’homme (c’est bien le cas) mais parce que la politique est infiniment plus complexe pour se résumer à ses seuls facteurs biologiques. Pour faire une image : on n’apprend pas à piloter un avion de ligne juste en apprenant les lois de la gravité ou celles de la thermodynamique ! C’est certainement nécessaire, mais non suffisant. Dont acte. Ne campez pas sur les théories évolutionnistes pour assoir votre souhait d’une plus grande collaboration entre les hommes. C’est ni nécessaire, ni suffisant ! Et cela vous évitera de dire des énormités comme celle-ci :
« il ne semble pas que cette découverte rentre en contradiction avec la thèse de Dawkins. »
En fait, si, c’est ce que vous ne comprenez pas. C’est d’ailleurs le principe de la science : la contradiction. Si je puis me permettre, ça se voit que vous n’avez pas l’esprit scientifique huhu ! (c’est juste une boutade, encore une fois). Je n’ai aucune raison de vous faire confiance sur ce point puisque vous n’êtes ni spécialiste de cette question, ni scientifique de métier (alors que je le suis ! Mais pas en biologie, en physique. Voilà, moi aussi je raconte un peu ma vie histoire d’être transparent). J’aurai pu parler du dilemme du prisonnier, surabondant dans la littérature scientifique à ce sujet pour illustrer cet antagonisme entre coopération et compétition. C’est bien beau d’invoquer « la science » pour appuyer un discours et prouver que vous avez raison, mais quand les scientifiques trouvent des choses contradictoires, ou ne sont toujours pas d’accord entre eux sur des points précis (ici, de savoir si le caractère coopératif serait plus profitable à l’espèce que le caractère compétitif), comment fait-on ? D’ailleurs, c’est amusant, suite à votre message, n’étant pas moi-même un professionnel de ces questions (bien qu’ayant beaucoup lu sur ces sujets, Dawkins, Laborit, Monod, Jacquard, etc.) j’ai justement fait une recherche sur Google Scholar histoire d’éclairer mes lanternes en tapant les mots clés « cooperation competition fitness » pour vérifier si ce que vous dites est vrai. L’un des premiers articles à ressortir, un des plus cités aussi, dit très exactement : « Cooperation between humans will therefore be most likely when repeated interactions take place on a local scale between small numbers of people, and competition for resources takes place on a more global scale among large numbers of people. » Un comble ! Ce n’est pas du tout ce que vous dites. Visiblement, dans les grands « cadres collectifs » pour reprendre vos termes, c’est plutôt l’inverse qui se passe. Donc excusez-moi, mais c’est très facile de trouver des arguments contradictoires avec les vôtres, chez les spécialistes de ces questions. Ne croyez pas que la science donne nécessairement raison à votre vision morale du monde. Pour reprendre une formule que j’aime beaucoup de Martin Heidegger : « Ls science ne pense pas » ! Vous devez certainement connaître le contexte de cette phrase (c’est votre domaine, je vous fait pleinement confiance pour le coup), donc je ne vous ferez pas l’affront de l’expliquer ou de la contextualiser. Mais je la trouve très à propos dans notre discussion. Dit autrement, la science est descriptive, pas prescriptive ! Ce n’est pas parce que coopération il y a dans la « nature », que coopération il doit y avoir. C’est encore une fois un sophisme, mais bon, j’ai dit qu’on arrêtait de relever, alors oublions. En tout cas, j’espère que vous comprenez ce que je cherche à dire. Après tout, vous pouvez utiliser la science, je n’ai pas de problème avec ça, mais faites-le JUSQU’AU BOUT, pas de manière parcellaire, car ce sera forcément suspect, et décrédibiliser votre propos.
Cela me permet de vous répondre sur un autre point que vous souleviez : je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les sciences politiques font partie des « non-sciences », au contraire, c’est tout à fait respectable d’appliquer des méthodes « qui marchent » dans des champs de la vie compliqués à analyser sans cela. Mais je reste méfiant par principe, car je ne connais que trop bien les sciences dures pour me rendre compte que, même en leur sain, tout n’est pas clair, les « croyances » existent aussi d’une certaine manière ! Donc je valide la méthode, et c’est cette dernière qui m’impose d’être méfiant sur beaucoup de choses.
D’ailleurs, aparté, mais la philosophie, bien que rigoureuse à sa manière, me semble échapper (à juste titre) à l’enfermement de la méthode scientifique (on revient à ce que je disais plus haut sur « la science ne pense pas », contrairement à la philosophie qui est justement « l’art de penser » il me semble, je serai intéressé d’échanger là-dessus avec vous, vous avez certainement un avis différent). J’ai tendance à penser que la science a plus besoin de la philosophie que l’inverse. Donc éclairer un point de vue philosophique par la science me semblera toujours peu pertinent. C’est plutôt l’inverse qui me semble pertinent, mais je peux me tromper…
Sur la guerre, on nage encore une fois dans le flou complet avec vous. 1) Une société stable n’existe pas (« stable » ne veut rien dire, stable par rapport à quoi ? Définition svp ?). 2) « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » (Clausewitz). Ça résume mieux le problème. Exemple simple : Les Etats-Unis sont en guerre permanente dans le monde entier depuis des années, sont-ils plus instables que d’habitude ? Non, au contraire, cela semble participer à maintenir le pays en place ! Autre exemple, plus proche : la France est en guerre au Mali depuis 2012 (sous Hollande ! La gauche !), vous avez l’impression de vivre dans l’instabilité depuis ? Je veux dire, plus qu’avant ? Le pays est-il dans une instabilité critique ? Pas à cause de la guerre au Mali en tout cas ! Ce que vous dites a donc beaucoup de mal à trouver un ancrage dans le réel. La preuve, vous êtes incapable de me citer le moindre exemple après cette affirmation ! Quand vous dites « une société est stable si elle n’est pas en guerre », pouvez-vous me donner un exemple de société stable svp ? Ça m’intéresse ! Merci.
Après, je devine en partie ce que vous allez me dire « oui, mais c’est pas pareil, ces guerres ne sont pas sur le territoire ! Et puis c’est pas la même échelle ! », en quoi cela change-t-il quelque chose, fondamentalement ? Il n’y a pas que le 1ère GM et la 2e GM comme échelle de guerre ! Ni comme forme. Les guerres sont permanentes et multiformes, qu’on le veuille ou non, si ce n’est pas sur le territoire à un instant t, ça peut le devenir à un temps t+1. Exemple simple : les terroristes islamistes actifs sur le sol français ne viennent pas de nulle part ! Ils sont là car la France, comme la plupart des autres pays dans le monde (les grandes puissances disons), sont actifs militairement parlant, face à un ennemi toujours déclaré (Daesh récemment). La « paix réelle » (si ce terme à un sens, disons l’absence total de conflit pour faire simple) n’existe jamais. Il y a toujours quelqu’un pour avoir des choses à reprocher à un autre. Il y a toujours un exploitant et un exploité, un fort et un faible. Le status quo n’existe que dans les livres ! Pas dans le monde réel. Le mouvement des Gilets Jaunes, récemment, était une forme de conflit entre deux camps. Pour utiliser un vocabulaire de gauche qui devrait vous parler, la « lutte des classes » est une forme de guerre également, d’instabilité si vous préférez. Quoique, le mot guerre n’est pas exagéré : les communistes ont longtemps été armés ! A raison. Autre exemple de gauche ? Che Guevara, a priori plus de votre bord politique que Charles Mauras (!), il avait très bien compris la nécessité de s’armer et de « désigner l’ennemi ». Bref, tout ça pour dire que je ne comprend pas bien où vous voulez en venir en disant « la gauche et la droite, n’ont pas le même rapport à la guerre. » Certes, peut-être, mais pour dire quoi au final ? Que la gauche est plus pacifiste que la droite ? C’est factuellement faux. Qu’il vaut mieux être pacifiste que guerrier ? Je serais prêt à l’admettre, mais sur quelle base ? Depuis quand le pacifisme fonctionne ? Tout ceci n’est pas clair du tout. Gandhi, figure de référence quand on parle de non-violence, n’a pas gagné l’indépendance de l’Inde juste avec des boycotts, mais avec des armes ! Face à l’injustice, et devant une force illégitime et supérieure, mieux vaut rester pacifique et désarmé ? Pas sûr…
Enfin, sur votre explication de la construction d’un projet politique, pour le coup, elle est on ne peut plus claire et j’y souscrit totalement ! Je vous remercie d’avoir pris le temps de détailler à ce point. C’est intéressant que vous preniez l’exemple de la sécurité comme critère possible du bonheur, car, si dans votre exemple de la ceinture de sécurité c’est évident, ça l’est beaucoup moins pour pleins d’autres cas. Mettons tout de suite les pieds dans le plat avec le sujet de l’insécurité en France par exemple ! Si on est a priori tous d’accord sur B, l’objectif (plus de sécurité), il y a un véritable désaccord sur le constat (A), à savoir l’état actuel de l’insécurité en France. Les gens de droite vont plutôt dire qu’elle monte, voire que ça explose, chiffre de la police à l’appui, etc. (est-ce scientifique ? Est-ce fiable ? Vaste question, ne rentrons pas là-dedans), les gens de gauche vont plutôt dire l’inverse, que cela reste des faits divers et que le passé était bien plus violent que le présent, là aussi, chiffres à l’appui (lire par exemple le livre de Steven Pinker sur le sujet, La Part d’Ange en nous, 2017). Au final, le monde n’a jamais vécu de manière aussi apaisée qu’aujourd’hui. Bref, qui croire du coup ? Quels constats (A) ? ceux chiffrés de la police, ou les constats d’un professeur à Harvard ? Déjà, c’est plus fastidieux comme approche. Pire ! Même parmi les gens qui font le même constat (A), celui de l’explosion de la délinquance par exemple, les solutions proposées © sont toutes différentes ! Les uns vont dire que la justice est trop laxiste, les autres vont dire qu’il faut simplement plus de moyen sur le terrain, et d’autres encore vont dire que la police est justement trop répressive, et qu’ils faudrait la désarmer pour calmer le jeu ! Bref, même en étant d’accord sur A et sur B, C posera encore des problèmes, car certaines stratégies avancées se révèlent antagonistes. Donc vous voyez bien qu’en pratique, tout ne coule pas de source ! Vous avez pris un exemple simple avec la ceinture de sécurité, alors forcément ça marche, mais dans un monde complexe, les problème sont complexes et ne peuvent se décomposer aussi simplement qu’une chaine de causalité linéaire. Il y a nécessairement des boucles de rétroactions positives, négatives, des variables cachées, des causalités inconnues, etc. Bref, A, B et C, ça marche en théorie, mais pas en pratique ! C’est bien le reproche central que j’aimerai vous faire ici. Trop de théorie, pas assez de pratique. Mais on pourrait développer des heures là-dessus…
Sur ce. Au plaisir de vous lire.
Stan
Bonjour, témoignage très intéressant et bien écrit. Moi-même issu d’un milieu rural, il me rappelle nombre de connaissances qui ont glissé vers l’extrême droite, voire plus loin. Après cette lecture je me dis que l’auteur pourrait l’étoffer pour éventuellement le faire publier. Ce genre de témoignage a sa place, à mon sens, en librairie.
bonjour, je suis d’accord, mais je ne sais pas qui éditerait cela. Ca pourrait être un recueil de déconversions
Ce n’est effectivement pas évident ! Peut-être un editeur qui traite déjà de ce sujet, en effet, je suis sûr qu’il en existe, mais faut-il le trouver et arriver à éveiller son intérêt ! Les éditions la ville brûle, orientées en sciences humaines et socio, me semblent assez ouvertes sur le sujet, mais ce n’est qu’un avis personnel.