Laurent Ver­cueil aurait-il pac­ti­sé avec le diable ?

Laurent Ver­cueil m’a­vait pour­tant pré­ve­nu, mais quelles gifles !

Avec sa col­lègue Hélène Kho­li, Laurent, qui est spé­cia­liste de l’é­pi­lep­sie, a étu­dié les « états de mal épi­lep­tiques non expli­qués » qui s’a­vèrent sou­vent être des CNEP, ou crises non épi­lep­tiques psy­cho­gènes (voir ici et là : Hélène Kho­li, Alexandre Bel­lier, Laurent Ver­cueil. PNESSE 1 : Psy­cho­ge­nic sta­tus and sta­tus epi­lep­ticus : Could they be dis­tin­gui­shed retros­pec­ti­ve­ly ? A sur­vey among neu­ro­lo­gists. Epi­lep­sy & Beha­vior, 2020, 102, pp.106665 ). Et voi­ci l’un des papiers les plus stu­pé­fiants que j’ai pu lire, écrit en 2021 par Johannes Jun­gil­li­gens et ses col­lègues du dépar­te­ment de neu­ro­lo­gie de l’hô­pi­tal Ruhr-Uni­ver­sität Bochum (Jun­gil­li­gens J, Michae­lis R, Pop­ki­rov S. Mis­diag­no­sis of pro­lon­ged psy­cho­ge­nic non-epi­lep­tic sei­zures as sta­tus epi­lep­ti­cus : epi­de­mio­lo­gy and asso­cia­ted risks. J Neu­rol Neu­ro­surg Psy­chia­try. 2021 Dec;92(12):1341–1345. doi : 10.1136/jnnp-2021–326443. 2021 Aug 6. Je vous ai mis le papier ici).

Entre autres j’y apprends que le taux glo­bal de crises non épi­lep­tiques psy­cho­gènes pro­lon­gées, c’est-à-dire des crises qui res­semblent à de l’épilepsie mais qui se révèlent être seule­ment « psy­cho­gènes », donc induites psy­cho­lo­gi­que­ment, est en moyenne de 8%, et.… Jus­qu’à 20,1 % chez les ados et les jeunes adultes ! Et encore, il ne s’a­git que des pseu­do-crises détec­tées ! Je n’en reviens pas de ce chiffre, qui laisse pré­sa­ger que nous sommes pro­ba­ble­ment tou·tes plus ou moins des « psy­cho­gènes » en puis­sance ! (Note : il y a pré­pon­dé­rance fémi­nine dans ce groupe pré­cis ados-jeunes adultes, mais pas dans les autres tranches d’âge).

Mieux encore.

En par­lant des fameux syn­dromes psy­cho­gènes, qui couvrent le très large spectre des épi­dé­mies de danse en 1518 à Stras­bourg jus­qu’au syn­drome de La Havane en 2017, en pas­sant par les aboyeuses de Jos­se­lin et autres pos­sé­dées de Mor­zine (dont j’ai déjà par­lé), Laurent me dit : « Mais tu sais, moi aus­si j’ai été vic­time d’un syn­drome psy­cho­gène. Le FASICS. Il y a deux ans ». Devant mon visage ahu­ri, il me raconte alors que dans une période très sti­mu­lante mais de fort stress au tra­vail, il a déve­lop­pé des fas­ci­cu­la­tions du mol­let. Des fas­ci­cu­la­tions tel­le­ment fortes que, au regard de son expé­rience de neu­ro­logue, il n’y avait pas beau­coup d’autres issues pos­sibles : sa mort pro­chaine. Alors ? Il a démis­sion­né de toutes les ins­tances, a démar­ché les assu­rances-vie, et s’ap­prê­tait à dire adieu à ses proches, quand un de ses col­lègues lui a dit : « tu sais, com­mence par dor­mir ». C’est ce qu’il a fait. Et les symp­tômes dis­pa­rurent comme par enchan­te­ment. Laurent lui-même était tom­bé dans ce qu’on appelle le fas­ci­cu­la­tion anxie­ty syn­drome in cli­ni­cians, le syn­drome de fas­ci­cu­la­tion anxieuse chez les méde­cins. Le tableau cli­nique ? Grosse consom­ma­tion de café, anxié­té, méde­cin spé­cia­liste (dont la moi­tié de neu­ro­logues), moyenne d’âge 47 ans. Exac­te­ment lui. Il a racon­té ça dans une publi pro­pre­ment stu­pé­fiante.

Il m’a alors posé cette colle : « Tu connais le rôle impor­tant des assos de patient·es / malades. Quelle est la seule mala­die qui n’a pas d’as­so­cia­tion ? Oui, les syn­dromes psy­cho­gènes, ou troubles fonc­tion­nels. Parce que les gens ont honte. C’est pour ça que j’en parle ».
En y réflé­chis­sant, je me suis dit : même en ne rai­son­nant que sur ma seule vraie patho­lo­gie (main­te­nant domp­tée), l’UCS, urti­caire chro­nique spon­ta­née, qui m’a pour­ri la vie pen­dant plus de 20 ans, puis-je être cer­tain que la crainte, pro­gres­si­ve­ment plus grande au fur et à mesure des crises,  que ces crises adviennent à nou­veau (et m’en­voient aux urgences, où j’ai fait quelques séjours, dont une fois pen­dant un cours, clin d’œil aux étudiant·es de phar­ma de l’é­poque, grand moment de soli­tude) n’a pas créé un effet noce­bo ren­for­çant encore la pro­ba­bi­li­té de faire une crise ? J’ai envie, très envie de dire que non, mais la réponse est très, très pro­ba­ble­ment oui. Donc je suis moi-même un psy­cho­gène en puis­sance. Ain­si Laurent Ver­cueil pour­rait être un très bon pré­sident de l’as­so­cia­tion des psy­cho­gènes ano­nymes, et moi un hono­rable cor­res­pon­dant.

SCOOP du 13 juin : je découvre avec Laurent l’as­so CAP TNF, qui existe au moins depuis un an : « Com­prendre, Appri­voi­ser & Par­ler des TNF » : c’est là : http://francetroublesneurologiquesfonctionnels.fr
Petit coup de pouce à leur compte @collectifcaptnf sur twit­ter, ici je ne les ai pas trouvé·es !

 

Spé­ciale dédi­cace à ma cou­sine au 10ème degré à la mode de Bre­tagne, la psy­cho­logue Sophie Chol­let-Bli­cher, que je viens de retrou­ver.

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